Cour d'appel de Paris, 7 avril 2006, n° 05/05117

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 7 avr. 2006, n° 05/05117
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 05/05117
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 17 février 2005, N° 2004/91611

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

4e Chambre – Section B

ARRÊT DU 7 AVRIL 2006

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 05/05117

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2005 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2004/91611

APPELANTES

S.A.R.L. DIAN’S DIFFUSION

agissant en la personne de son Gérant.

Ayant son siège XXX

XXX

représentée par la SCP BOURDAIS-VIRENQUE – OUDINOT, avoués à la Cour,

assistée de Maître Erick LANDON, avocat au Barreau de Paris, M79.

SARL COQUINES

agissant en la personne de son Gérant.

Ayant son siège XXX

XXX

représentée par la SCP BOURDAIS-VIRENQUE – OUDINOT, avoués à la Cour,

assistée de Maître Erick LANDON, avocat au Barreau de Paris, M79

INTIMEE

SA A

en la personne de son représentant légal.

Dont le XXX

XXX

représentée par Maître Louis-Charles Y, avoué à la Cour,

assistée de Maître Stéphanie RENAUD et de Maître Litzie GOZLAN, avocates au Barreau de Paris, P310.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du nouveau Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1 mars 2006, en audience publique les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame REGNIEZ, magistrat chargé du rapport .

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame PEZARD , président,

Madame REGNIEZ , conseiller

Monsieur MARCUS, conseiller

GREFFIER, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD

ARRÊT :

— Contradictoire.

— prononcé en audience publique par Madame PEZARD , président ,

— signé par Madame PEZARD, président et par L.MALTERRE-PAYARD, greffier présent lors du prononcé.

La cour est saisie d’un appel interjeté par les sociétés DIAN’S DIFFUSION SARL et COQUINES SARL d’un jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 18 février 2005 dans un litige les opposant à la société A SA.

La société A invoque des droits d’auteur sur un blouson dénommé 'BOGOTA’ qui aurait été présenté dans sa collection automne-hiver 2003-2004 et commercialisé au mois d’octobre 2003, et a été déposé à l’INPI à titre de modèle le 11 mars 2004. Une déclinaison de ce blouson a été commercialisée sous la dénomination 'URSULA’ pour la saison printemps-été 2004.

Ayant constaté en octobre 2004 que la société DIAN’S commercialisait un blouson 'griffé COQUINES’ qui serait la copie quasi-servile des modèles BOGOTA et URSULA, la société A a obtenu du président du tribunal de grande instance de Paris et de celui de Bobigny l’autorisation de faire pratiquer saisie contrefaçon, d’une part, au siège social à Paris et d’autre part, dans locaux exploités à Saint-Denis.

Ces saisies-contrefaçon ont eu lieu le 10 novembre 2004 à Paris, au siège de la société DIAN’S puis au siège de la société COQUINES qui était présentée comme le fournisseur du blouson en cause et le 10 novembre 2004 à Saint-Denis.

C’est dans ces circonstances que la société A a assigné, par acte du 30 novembre 2004, à jour fixe, les sociétés DIAN’S DIFFUSION et COQUINES devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir outre des mesures d’interdiction et de publication, paiement de dommages et intérêts, sur le fondement de la contrefaçon de droits d’auteur et de concurrence déloyale.

Parallèlement, la société DIAN’S DIFFUSION avait assigné devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte du 18 novembre 2004, Maître X et la société A, pour obtenir le prononcé de la nullité des saisies-contrefaçon et la condamnation des personnes assignées au paiement de dommages et intérêts.

La société DIAN’S DIFFUSION, se référant à cette procédure, avait soulevé des exceptions de litispendance, subsidiairement de connexité et plus subsidiairement avait conclu au sursis à statuer, à l’irrecevabilité des demandes à défaut pour la société A de justifier de la titularité des droits invoqués, à la nullité des procès-verbaux de saisies-

contrefaçon et au mal fondé des demandes.

Par le jugement susvisé, le tribunal a :

— dit l’exception de litispendance soulevée par les défenderesses recevable mais mal fondée, et débouté sur ce point,

— dit avoir écarté des débats, à la demande des défenderesses, le procès-verbal de saisie-

contrefaçon du 16 novembre 2004, dont elles ont demandé au tribunal de grande instance de prononcer la nullité en même temps que celle de divers actes de signification subséquents,

— débouté les sociétés défenderesses de la totalité de leurs autres demandes, dont celles concernant le sursis à statuer,

— dit que la société DIAN’S DIFFUSION et la société COQUINES ont commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale aux dépens de la société A,

— condamné ces sociétés à lui payer, in solidum, la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,

— ordonné aux sociétés défenderesses de cesser immédiatement toute importation et toute commercialisation des modèles de blouson contrefaisant les modèles 'Bogota’ et 'Ursula’ de la société A, sous astreinte de 1500 euros par infraction constatée,

— ordonné la confiscation et la destruction, sous contrôle d’huissier, de tous les modèles contrefaisants encore en stock dans tous les locaux des sociétés DIAN’S DIFFUSION et COQUINES aux frais avancés, in solidum, de ces dernières,

— ordonné la publication du dispositif du jugement dans cinq journaux ou magazines, au choix de la société A, et aux frais avancés in solidum par les sociétés défenderesses, sans que le coût de chaque publication n’excède 3500 euros HT,

— condamné les sociétés DIAN’S DIFFUSION et COQUINES à payer in solidum à la société A la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision sans constitution de garantie de toutes les condamnations à payer des sommes d’argent y compris celles dues sur le fondement des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, de l’interdiction d’importer et de commercialiser les modèles de blouson contrefaisant les modèles de la société A, de la seule confiscation sous contrôle d’huissier de la totalité des modèles contrefaisants en stock dans tous les locaux utilisés par les sociétés défenderesses, l’huissier instrumentaire se chargeant de les faire mettre sous séquestre, cette opération étant effectuée aux frais avancés, in solidum, des sociétés défenderesses,

— débouté la société A de toute demande contraire ou plus ample,

— condamné in solidum les sociétés DIAN’S DIFFUSION et COQUINES aux dépens.

Par écritures du 14 février 2006, les sociétés DIAN’S DIFFUSION et COQUINES prient la cour de :

'- en application des articles 100 et 101 du NCPC, constater que le tribunal de commerce de Paris aurait dû se dessaisir au bénéfice du tribunal de grande instance de Paris saisi antérieurement du litige par assignation du 18 novembre placée le 30 novembre (RG n° 2004/18 194) et pendante devant la 3e chambre civile 2e section,

— en application de l’article 378 du NCPC, constater que le tribunal de commerce aurait dû surseoir à statuer dans l’attente du jugement définitif ou de l’arrêt exécutoire de plein droit à intervenir dans le litige pendant devant le tribunal de grande instance de Paris,

— annuler, à tout le moins, réformer le jugement en toutes ses dispositions,

— en application des articles L. 332-1 du CPI, 112 à 121 du NCPC, prononcer la nullité des procès-verbaux de saisies-contrefaçon du 10 novembre 2004 pour des irrégularités de fond et pour la violation des articles 6-1 de la CEDH, 9 et 16 du NCPC,

— dire qu’en application des articles 6-1 de la CEDH, 9, 12, 15, 16, 132 et suivants du NCPC, la société A est irrecevable à invoquer tout élément de fait qui ne soit pas justifié par une pièce communiquée en entier au débat donc figurant au bordereau de communication à l’exclusion des pièces 15, 19, 7, 16, 14, 13 et …..,

— dire qu’en l’absence de justification, notamment par communication de toute pièce utile, les oeuvres originales dénommées 'BOGOTA’ et 'URSULA’ et d’une convention de cession des droits d’exploitation patrimoniaux d’auteur au bénéfice de la société A par le ou les auteurs personnes physiques, la personnalité morale, la société A était irrecevable à agir et en tout cas non fondée,

— dire la société A irrecevable à opposer les droits d’auteur faute de démonstration et de détermination de l’originalité permettant d’invoquer cette réglementation d’exception au principe de liberté de concurrence et de commerce en application de l’article L. 111-1 du CPI,

— dire la société A irrecevable et mal fondée en ses prétentions de concurrence déloyale et indemnitaires au titre de la contrefaçon de droits d’auteur et de la concurrence déloyale faute de démontrer et de justifier les demandes formées dans le dispositif de l’assignation,

— dire que l’action menée par la société A est abusive et engage sa responsabilité civile à l’égard des sociétés DIAN’S DIFFUSION et COQUINES et la condamner à réparer les préjudices subis par chacune d’entre elles, par l’allocation d’une indemnité de 10 000 euros à partager entre les deux défenderesses et deux publications judiciaires pour un coût chacun de 2500 euros hors taxes,

— condamner la société A à verser à chacune d’elles 4000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens de première instance et appel dont le montant sera recouvré par la SCP BOURDAIS-VIRENQUE & OUDINOT, avoué, dans les conditions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile'.

Par écritures du 16 février 2006, la société A prie la cour de :

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur le montant des dommages et intérêts,

— le réformant sur ce point et statuant à nouveau,

— condamner in solidum les sociétés DIAN’S DIFFUSION et COQUINES à payer à la société A la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les actes de contrefaçon commis par elle,

— les condamner in solidum à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les actes de concurrence déloyale commis par elle,

— ordonner la publication du dispositif de l’arrêt dans cinq journaux ou magazines au choix de la société A et aux frais avancés in solidum par les sociétés DIAN’S DIFFUSION et COQUINES, sans que le coût de chaque publication n’excède la somme de 5000 euros HT par insertion,

Y ajoutant,

— condamner in solidum les sociétés DIAN’S DIFFUSION et COQUINES à payer à la société A la somme supplémentaire de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

— les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d’appel et autoriser Maître Y à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur les exceptions de litispendance, de connexité et le sursis à statuer

Considérant que les appelantes réitèrent les exceptions soulevées devant les premiers juges, reprenant l’argumentation selon laquelle la société DIAN’S avait assigné devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte d’huissier du 18 novembre 2004 (soit antérieurement à l’assignation devant le tribunal de commerce), Maître X, huissier de justice, et la société A pour obtenir le versement d’une indemnité de 20 000 euros en raison de la nullité des opérations de saisie-contrefaçon et des comportement illicites et déloyaux de ces personnes, tenant à l’irrégularité des opérations de saisie-contrefaçon ;

Mais considérant que le tribunal a exactement relevé que les conditions de l’article 100 du nouveau Code de procédure civile n’étaient pas remplies dans la mesure où les juridictions ne sont pas saisies du même litige (action en paiement de dommages et intérêts en raison des saisies pratiquées, action en contrefaçon de droits d’auteur) ; qu’en outre, dans la procédure dont est saisie la cour, est présente la société COQUINES qui n’est pas partie devant le tribunal de grande instance de Paris ; que le tribunal a également à bon droit dit qu’il n’existait pas de lien de connexité suffisant entre les deux instances ; qu’il n’est pas, par ailleurs, justifié de ce qu’il serait d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du tribunal de grande instance de Paris ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté ces exceptions ;

Sur la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon

Considérant que les appelantes soutiennent que les saisies-contrefaçon pratiquées sont marquées de onze causes de nullité en violation 'des règles applicables en la matière et du principe du contradictoire et du respect des droits de la défense’ ; qu’elles invoquent :

1- le défaut d’identification de la personne ayant signé l’ordonnance autorisant la saisie-

contrefaçon,

2- l’utilisation de la même ordonnance, ayant épuisé ses effets dès la première opération de saisie-contrefaçon, par Maître X, huissier de justice, à trois adresses différentes, pour trois saisies successives,

3- le défaut de signification d’ordonnance préalable à la saisie-contrefaçon à la société DIAN’S (40 rue du Caire) puisque cet acte a été signifié par une 'dénonciation des actes de la procédure avec sommation d’assister’ du 18 novembre, soit postérieurement, (8 jours plus tard),

4- l’impossibilité de connaître dans le texte du procès-verbal de saisie-contrefaçon les opérations effectuées à chacune des trois adresses (2 fois Dian’sDiffusion et une fois Coquines),

5- absence de remise à la fin des opérations de saisie-contrefaçon, le jour même d’un procès-verbal de saisie-contrefaçon après chaque saisie,

6- refus de permettre au saisi de prendre connaissance des pièces annexées au bordereau et postérieurement de répondre à la mise en demeure du 12 novembre par l’huissier instrumentaire,

7- absence de toute justification d’un 'modèle original’ BOGOTA’ visé comme première pièce de la requête,

8- absence de toute procédure de saisie-contrefaçon concernant un 'modèle original’ dénommé 'URSULA',

9- absence de sommation d’assister, à tout le moins, à la suite de deux saisies-contrefaçon, pour le dépôt des objets faisant l’objet de deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon,

10- refus de l’huissier instrumentaire de mentionner, pour la première saisie, les réserves opposées par les saisis, notamment, à la suite d’un contact téléphonique de leur conseil,

11- saisie-contrefaçon effectuée par Maître Z sans aucune signification préalable d’ordonnance, aucun procès-verbal remis le jour des opérations ;

Considérant que contrairement à ce qui est soutenu par les appelantes, les magistrats ayant autorisé les saisies sont identifiables par leurs signatures apposées sur les ordonnances qui sont lisibles ; qu’en outre, aucun texte n’impose au saisissant de dénoncer au saisi le bordereau des pièces qui ont accompagnées la requête aux fins d’être autorisé à pratiquer une saisie ;

Qu’il sera ajouté que, contrairement à ce qui est prétendu, l’huissier n’a pas effectué des saisies sans y avoir été autorisé ; qu’en effet, l’ordonnance délivrée par le président du tribunal de grande instance de Paris précisait en son article 5 que 'l’huissier instrumentaire était autorisé à (…) se rendre chez tous grossistes, distributeurs, importateurs ou fabricants dans le ressort de ce tribunal, dont les opérations révéleraient la participation directe ou indirecte aux faits incriminés’ et qu’après avoir reçu les déclarations de la gérante de la société DIAN’S selon lesquelles les modèles argués de contrefaçon avaient été achetés auprès de la société COQUINES, l’huissier était en droit de procéder à une saisie-

contrefaçon dans les locaux de cette société qui se trouvent dans le ressort de compétence de Paris ; que le jugement qui n’a pas fait droit à ces demandes sera confirmé ;

Considérant que les autres irrégularités invoquées tenant essentiellement dans le défaut de communication immédiate des actes de saisie constituent des vices de forme qui n’entraînent la nullité des saisies que dans la mesure où elles causent un grief ;

Considérant qu’en l’espèce, il n’est pas démontré en quoi de telles irrégularités auraient causé grief aux sociétés appelantes qui ont eu, en fait, connaissance de l’intégralité des saisies et procédure pratiquées et ont pu faire valoir en temps utile leurs droits, comme le démontre l’action diligentée par elles devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité de l’huissier;

Considérant, en conséquence, que ces moyens de nullité seront rejetés ;

Sur la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense pour non remise de pièces

Considérant que les appelantes exposent qu’en application de l’article 6-1 de la CEDH, des articles 9, 12, 15, 16, 132 et suivants, elles ont droit à un procès équitable qui impose de leur garantir un contradictoire effectif dans l’exposé des moyens de droit et de fait, à commencer par les pièces mises au débat pour établir la recevabilité et le fondement de l’action menée contre eux;

Qu’elles font valoir qu’à la suite des saisies-contrefaçon du 10 novembre 2004, la société DIAN’S a mis en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 12 novembre 2004, Maître X de fournir les 7 pièces figurant au bordereau de la requête signifiée avec l’ordonnance, fournir les pièces qui identifient l’origine, l’originalité, le ou les auteurs, personnes physiques et la date de création, s’expliquer sur la mise en oeuvre des saisies-contrefaçon utilisant la même ordonnance qui avait épuisé ses effets dès la première saisie et sur notification d’une saisie sans notification préalable d’ordonnance, de s’expliquer sur l’absence de toute notification, pour l’ensemble des saisies-contrefaçon, d’un procès-verbal, mais qu’il n’a pas été répondu ou qu’il lui a été opposé une fin de non-

recevoir ;

Qu’elles estiment qu’en ne transmettant pas de manière spontanée et immédiate les pièces invoquées à l’appui de la procédure à jour fixe, et en omettant de les remettre en totalité, il n’a pas été possible d’assurer la défense des droits des appelantes ; qu’elles reprochent ainsi de n’avoir pas eu connaissance des documents suivants :

— des pièces visées au bordereau de communication mais communiquées de manière parcellaire (telles des dénonciations de 14 feuilles dont seulement 2 sont communiquées),

— des pièces de procédure importantes, relevant de la régularité des saisies-contrefaçon qui ne figurent pas au bordereau mais invoquées dans les écritures (par exemple la signification préalable d’une ordonnance de saisie-contrefaçon pour les opérations menées par Maître Z, huissier),

— les pièces tenant à l’existence d’oeuvres originales, à la titularité de droits patrimoniaux d’auteur, à la commercialisation, à la fabrication, à la notoriété, des deux 'modèles originaux’ BOGOTA et URSULA opposés par A et pièces (et explications) sur les demandes de concurrence et indemnitaires ;

Considérant, toutefois, que s’il est exact que plusieurs documents n’ont pas été transmis immédiatement par la société A, ils ont néanmoins été communiqués avant l’audience de plaidoiries à jour fixe de telle sorte que le principe du contradictoire et d’un procès équitable a été respecté, les sociétés DIAN’S et COQUINES ayant été en mesure d’en prendre connaissance et de présenter des observations ;

Sur la titularité des droits d’auteur de la société A

Considérant qu’il est essentiellement soutenu que la société A ne justifie d’aucun droit d’auteur ; qu’elle ne produit en effet nullement 'l’original’ de sa création, n’ayant versé aux débats que des reproductions de l’oeuvre invoquée et non pas des dessins prouvant qu’elle est à l’origine de la création ; qu’elle ne peut se référer à des actes de possession, la protection possessoire et le fond du droit n’étant jamais cumulés et que, dans la mesure où elle ne démontre pas que le blouson a été créé par ses services ou par un salarié qui lui en aurait cédé les droits, elle ne justifie d’aucun droit d’auteur ;

Mais considérant qu’il est constant qu’ en l’absence de revendication du ou des auteurs, la personne morale qui divulgue et exploite sous son nom une oeuvre est présumée, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, être titulaire sur cette oeuvre, quelle qu’en soit la qualification, des droits de propriété incorporels de l’auteur ;

Considérant qu’en l’état, aucune personne n’oppose à la société A des droits d’auteur sur l’oeuvre en cause qui, à tout le moins, a date certaine de création par le dépôt du blouson à l’INPI le 11 mars 2004, soit à une date antérieure aux actes litigieux incriminés ; qu’en outre, la société A démontre par les documents mis aux débats que ce modèle de blouson a été divulgué sous son nom dès octobre 2003 (par des factures portant la mention de la référence 'BOGOTA') ; qu’ainsi, elle justifie être présumée titulaire des droits d’auteur et est recevable à agir;

Sur l’originalité

Considérant que les appelantes font valoir que la société A ne qualifie pas en quoi le blouson en cause est original et soutiennent qu’il ne fait que reprendre des éléments du domaine public ;

Mais considérant que contrairement à ce qui est prétendu, la société A qualifie l’originalité du blouson 'BOGOTA’ décliné également pour une version d’une collection printemps/été 2004 sous la référence 'URSULA’ comme étant une combinaison des caractéristiques suivantes :

'- un col châle terminé par une capuche,

— quatre poches très particulières comportant :

* deux poches inférieures stylées constituées d’un zip horizontal sous lequel se détachent des sous-poches,

* une poche supérieure combinant un angle droit et un angle arrondi, refermé par un zip, * une poche s’ouvrant par un zip incliné,

— des boutons cousus en zig zag,

— des manches resserrées de l’épaule au poignet par un cordon apparent noué à l’emmanchure';

Considérant que si les appelantes versent aux débats des documents (au surplus sans date certaine quant à leur antériorité par rapport à l’oeuvre invoquée) qui montrent que la forme de blouson de type 'militaire’ est connue, il ne résulte pas de l’ensemble de ces documents que le blouson invoqué qui présente une forme cintrée ne fait qu’emprunter des caractéristiques du domaine public ; qu’en effet, la composition très particulière des poches supérieures dont l’une combine angle droit et angle arrondi et non pas des formes à angle droit, et la position des boutons de fermeture en zig zag et non pas de manière classique alignés révèlent l’empreinte de la personnalité de l’auteur et confère au blouson l’originalité requise par le Livre 1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Sur le bien fondé de l’action en contrefaçon sur le fondement des Livres I et III du CPI

Considérant que de la comparaison entre les modèles saisis mis aux débats et le modèle BOGOTA il résulte que les caractéristiques originales du blouson ont été reproduites ; qu’en effet, outre la forme d’ensemble identique légèrement cintrée et le col châle, se retrouvent les mêmes poches dans des formes similaires et une position des boutons de fermeture du blouson disposés pareillement en zig zag ; qu’il en résulte que les premiers juges ont, à bon droit, retenu que la société DIAN’S et la société COQUINES, son fournisseur, se sont rendues coupables de contrefaçon ;

Sur la concurrence déloyale et les agissements parasitaires

Considérant que les appelantes soutiennent que le tribunal a, à tort, retenu des actes de concurrence déloyale et parasitaire en se référant à des éléments qui n’étaient pas dans les débats; qu’en effet, selon elles, aucun élément ne permettait de dire qu’elles exposeraient tous les ans au salon du prêt à Paris et d’affirmer qu’elles étaient situées à proximité de la société A ; qu’elles ajoutent que n’étaient pas produits par la société A des bulletins de salaires de stylistes permettant au tribunal d’affirmer qu’elles auraient cherché à bénéficier de la notoriété et des investissements que constitue l’emploi à plein temps de stylistes ;

Mais considérant qu’il ne saurait être reproché au tribunal d’avoir retenu que les sociétés DIAN’S et A étaient situées à proximité l’une de l’autre, ce fait résultant de leur siège social, la première étant domiciliée 40 rue du Caire à Paris (2e) alors que la seconde l’est 107 rue d’Aboukir à Paris (2e) ; qu’en appel, il est, en outre, versé aux débats un plan du quartier montrant la proximité des sociétés ; que, par ailleurs, il est justifié par la société A de ce qu’elle emploie des stylistes, par la production de bulletins de salaires (référencés sous les n° 28, 29, 30 et 31) et d’un contrat de travail concernant une styliste Mme C-D ;

Considérant que compte tenu de ces circonstances, et de la qualité de professionnelle du prêt à porter des sociétés DIAN’S et COQUINES, le tribunal a exactement retenu qu’en vendant à un prix trois fois inférieur à celui de son concurrent un blouson quasi identique à celui commercialisé par ce dernier, en le proposant, en outre, dans des locaux proches de la société A, les sociétés appelantes avaient également commis des actes de concurrence déloyale en profitant indûment des frais supportés par son concurrent pour la création de ce blouson et en risquant de créer une confusion entre les produits auprès de la clientèle du même secteur d’activité ; que le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que les appelantes font grief aux premiers juges de les avoir condamnées à payer la somme de 100 000 euros ; qu’au contraire, la société A soutient que cette condamnation doit être augmentée, les appelantes s’étant efforcées en ne donnant aucun élément comptable de dissimuler l’ampleur du préjudice qu’elles ont causé ;

Considérant que si la société A fait valoir avec raison que les appelantes ne se sont pas montrées coopérantes, se gardant de transmettre l’ensemble des éléments comptables qui auraient été de nature à établir l’importance du volume des blousons vendus (qui au vu d’une seule facture produit porte sur 120 blousons), que Mme B, gérante de la société DIAN’S reconnaissait commercialiser depuis septembre 2004, il subsiste que la victime de la contrefaçon doit rapporter la preuve de son préjudice ;

Considérant qu’en dehors de l’avilissement de son modèle en raison d’une commercialisation banalisée par les actes de contrefaçon et du fait que les investissements engagés pour la création de ce modèle profitent aux sociétés, auteurs des actes litigieux, il subsiste que la société A ne démontre pas avoir eu une diminution de son chiffre d’affaires sur la vente des blousons en cause qui serait significative de gains manqués ; qu’il s’ensuit que, malgré le manque de diligences des appelantes dont il doit être tenu compte pour apprécier le préjudice, le montant tel que fixé par les premiers juges apparaît excessif ; que la cour estime au vu de ces divers éléments que la somme de 40 000 euros réparera exactement l’entier préjudice subi tant au titre de la contrefaçon que de la concurrence déloyale ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Considérant que les publications ordonnées seront confirmées sauf sur leur nombre ; qu’il convient de les limiter à deux ;

Considérant que les mesures d’interdiction sous astreinte et de confiscation ordonnées seront confirmées ;

Considérant que l’équité commande d’allouer à la société A la somme complémentaire de 3000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf sur le montant des dommages et intérêts et sur l’étendue des mesures de publications ;

Réformant de ces chefs, statuant à nouveau et ajoutant ;

Condamne in solidum les sociétés DIAN’S DIFFUSION SARL et COQUINES SARL à payer à la société A SA la somme totale de 40 000 euros pour réparer le préjudice résultant de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ;

Dit que les mesures de publication ordonnées seront limitées à deux et tiendront compte du présent arrêt ;

Condamne in solidum les sociétés DIAN’S DIFFUSION SARL et COQUINES SARL à payer à la société A SA la somme de 3000 euros pour les frais d’appel non compris dans les dépens ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne in solidum les sociétés DIAN’S DIFFUSION SARL et COQUINES SARL aux entiers dépens qui seront recouvrés pour les dépens d’appel par Maître Y, avoué, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, 7 avril 2006, n° 05/05117