Cour d'appel de Paris, 20 juin 2008, n° 05/16247

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 20 juin 2008, n° 05/16247
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 05/16247
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 5 juillet 2005, N° 05/6572

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

4e Chambre – Section B

ARRÊT DU 20 JUIN 2008

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 05/16247

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 05/6572

APPELANT

Monsieur A Y

XXX

XXX

représenté par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour,

assisté de Maître Henri ROUCH, avocat au Barreau de Paris, P335.

INTIMES

Monsieur F B X dit B X

XXX

XXX

représenté par la SCP BERNABE – CHARDIN – CHEVILLER, avoués à la Cour,

assisté de Maître Simon TAHAR, avocat au Barreau de Paris, P394.

INTERVENANT VOLONTAIRE

Monsieur C Z

XXX

XXX

représenté par la SCP BERNABE – CHARDIN – CHEVILLER, avoués à la Cour,

assisté de Maître Simon TAHAR, avocat au Barreau de Paris, P394.

La SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège XXX

XXX

représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour,

ayant pour avocat Maître Nicolas BOESPFLUG, avocat au Barreau de Paris,

INTERVENANTE FORCÉE

La SOCIÉTÉ DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE dite SACEM

en la personne de son président du Directoire et gérant,

ayant son siège XXX

XXX

représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY, avoués à la Cour,

assistée de Maître Jacques MARCHAND, avocat au Barreau de Paris, C1414.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 avril 2008, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur GIRARDET, président,

Madame REGNIEZ , conseiller,

Monsieur MARCUS, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD

ARRÊT :

— contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Monsieur GIRARDET, président et par Madame L. MALTERRE PAYARD, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur F-B X (dit B X) a écrit, en 1987, les paroles des chansons « Petite France » et « Nicolson and co » dont Monsieur A Y a composé la musique. L’enregistrement d’un « quarante cinq tours » (fabriqué à 3.375 exemplaires) n’ayant pas été un succès sur le plan commercial, 2.040 exemplaires du disque étant restés invendus, le producteur a renoncé à en poursuivre l’exploitation.

En 2004, Monsieur X a pris l’initiative de réutiliser les paroles de ces deux chansons dont il a fait réécrire la musique par Monsieur C Z, avant de les inclure, en octobre 2004, dans l’enregistrement d’un nouvel album produit par la société UNIVERSAL MUSIC.

Aux termes d’une ordonnance de référé rendue le 16 mars 2005, confirmée par arrêt du 24 juin suivant, Monsieur Y a obtenu la cessation de la fabrication et de l’édition de l’album contenant cette seconde série d’oeuvres.

Le 1er avril 2005, il a fait assigner au fond Messieurs X et Z et la société UNIVERSAL MUSIC, en contrefaçon et paiement de dommages-intérêts, devant le tribunal de grande instance de Paris.

Parallèlement, le 15 avril 2005, B X a fait assigner à jour fixe Monsieur Y et la société UNIVERSAL MUSIC devant ce même tribunal.

C’est ainsi que le 6 juillet 2005 a été rendu par la troisième chambre, troisième section, du tribunal de grande instance de Paris le jugement contradictoire entrepris.

Par un arrêt du 22 juin 2007, la cour de céans a rouvert les débats aux fins d’attraire en la cause Monsieur Z.

C’est ainsi qu’est né le présent litige.

* *

*

Le jugement contradictoire rendu le 6 juillet 2005 par la troisième chambre, troisième section, du tribunal de grande instance de Paris a :

— rejeté la demande de sursis à statuer et la fin de non-recevoir,

— dit que Monsieur X est autorisé à faire exploitation des paroles des chansons « Petite France » et « Nicolson and co », à l’exception de leur titre,

— rejeté le surplus des demandes,

— laissé à chacun la charge de leurs dépens et frais.

*

Monsieur Y, appelant, prie la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 9 août 2007, d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a autorisé Monsieur X à utiliser seul les paroles des chansons « Petite France » et « Nicolson and co » à l’exception de leur titre, dire et juger qu’une chanson constitue une oeuvre indivisible, condamner Monsieur X à lui verser la somme de 10.000 à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

*

Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 juillet 2007, Monsieur X, intimé, demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, ou de prononcer, en cas d’infirmation, la cessation des effets de l’indivision potentielle et de lui attribuer sa contribution.

*

Suivant ses dernières conclusions du 15 mars 2007, ne comportant pas de motivation, la SAS UNIVERSAL MUSIC FRANCE demande que l’appel soit déclaré nul et subsidiairement non recevable, plus subsidiairement, que soient adoptés en l’état les motifs de la décision entreprise et que celle-ci soit confirmée ;

*

Monsieur Z, intervenant volontaire, sollicite la cour, dans ses dernières conclusions signifiées le 4 juillet 2007, de s’entendre donné acte de son intervention volontaire, confirmer le jugement dont appel ou faire droit, en cas d’infirmation, aux demandes subsidiaires de Monsieur X, enfin déclarer la société civile à capital variable SOCIÉTÉ DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (ci-après la SACEM) mal fondée.

*

Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 septembre 2007, la SACEM, intervenante forcée, demande à la cour de dire et juger que Monsieur X ne pouvait réutiliser les paroles des chansons « Petite France » et « Nicolson and co » sans l’autorisation préalable de Monsieur Y.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité de l’intervention de la SACEM

Considérant que A Y a assigné la SACEM en intervention forcée en cause d’appel au motif que la décision entreprise heurterait les statuts de cette dernière qui prévoient en l’article 49 que :' l’auteur ou le compositeur d’une oeuvre créée et déclarée en collaboration, qui croit devoir recourir à un autre collaborateur, doit obtenir d’abord la renonciation écrite du collaborateur primitif ; tant que celui-ci ne l’a pas donnée, les droits lui restent attribués comme par le passé …';

Que B X lui oppose que l’intervention de la SACEM en cause d’appel ne répond pas aux exigences combinées des articles 66,331 et 551 du Code de procédure civile dans la mesure où elle ne tend pas à lui rendre l’arrêt opposable, ni à la voir condamnée, mais répond au contraire au besoin de A Y de trouver chez un tiers un soutien à sa thèse, alors que l’article 49 n’est nullement en cause et ne concerne que les sociétaires dans leur rapports entre eux ;

Considérant toutefois que l’assignation en intervention forcée de la SACEM en date du 23 novembre 2005 tend, aux termes de son dispositif, à ce que la décision à intervenir soit opposable à l’intervenante, motif suffisant au regard des dispositions de l’article 331 du CPC qui dispose qu’un tiers peut être appelé en la cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commune la décision ;

Considérant en outre, que la SACEM a elle-même intérêt à y intervenir en raison des termes de l’article 49 de ses statuts qui, même s’ils ne sont nullement invoqués par les parties, ne peuvent contrevenir aux exigences légales de l’article L113-3 du CPI ; que la SACEM ne peut méconnaître les décisions qui, comme en l’espèce, sont susceptibles d’en préciser la portée ;

Que le moyen d’irrecevabilité est en conséquence dénué de fondement ;

Sur les fondements de l’appel formé par A Y

Considérant que A Y, auteur de la composition musicale des deux chansons intitulées <> et <> dont les paroles ont été écrites par B X fait valoir que ces chansons constituent des oeuvres indivisibles pour la réalisation desquelles les paroles et la musique relèvent d’un même genre et ne peuvent donc pas donner lieu à l’application des dispositions de l’article L 113-3 al 4 du CPI selon lesquelles : 'lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’ouvre commune >> ;

Qu’il ajoute que ni l’article 815 du Code civil sur l’indivision ni l’article L 121-4 du CPI ne sauraient autoriser l’exploitation séparée des paroles sans que son accord ait été recueilli ;

Sur l’ application de l’article L113-3 du CPI

Considérant que les premiers juges, estimant qu’une chanson était une oeuvre de collaboration pour la réalisation de laquelle les paroles et la musique relèvent de genres différents, ont dit que B X était bien fondé à revendiquer le bénéfice de l’alinéa 4 de l’article L113-3 précité, tout en ayant cependant relevé auparavant que l’article 815 du Code Civil n’était << pas applicable aux oeuvres de collaboration dès lors que le partage de celle-ci entraînerait la disparition de l’oeuvre elle -même par la reprise par chaque coauteur de son apport créatif >>;

Considérant ceci rappelé, qu’une chanson ne relève pas nécessairement du régime des oeuvres de collaboration, puisque seules importent les conditions de sa création, certaines chansons pouvant en effet constituer des oeuvre dérivées ou composites tandis que d’autres constitueront des oeuvres de collaboration dans la mesure où le texte des paroles et la musique auront été conçus l’un par rapport à l’autre, dans une communauté d’inspiration qui en scelle l’indivisibilité ;

Considérant qu’en l’espèce, il est constant que les deux oeuvres ont été créées dans le courant de l’année 1987 par C Y qui est l’auteur de la composition musicale de chacune d’elle et par B X qui en a écrit les paroles ;

Que les conditions de leur création font d’autant moins débat que B X qualifie lui même les chansons en cause d’oeuvres de collaboration ;

Considérant ainsi, que cette communauté de création entre le parolier et le musicien commande de considérer que les paroles et la musique ne relèvent nullement de genres distincts mais bien du même genre, celui de la chanson, et que la contribution de chacun des coauteurs est dès lors indivisible ;

Que les premiers juges ont en conséquence décidé à tort que l’article L113-3 alinéa 4 du CPI autorisait, en l’espèce, une exploitation séparée des paroles de chacune de ces oeuvres ;

Sur les articles 815 et suivants du Code Civil

Considérant que l’article 815 du Code Civil dispose que ' nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué …' ;

Considérant que les intimés font valoir que l’article L113-3 précité ne déroge nullement aux dispositions de cet article, mais n’en constitue au contraire qu’une expression particulière ;

Considérant toutefois que le caractère indivisible, pour les motifs sus exposés, des contributions des deux coauteurs est exclusif de l’application des dispositions de l’article 815 du Code Civil ;

Sur le droit de retrait et de repentir consacré par l’article L121-4 du CPI

Considérant que les intimés soutiennent en outre que le droit de repentir peut s’exercer même en cas d’oeuvre de collaboration et que sa mise en oeuvre nécessite simplement que B X propose à A Y un juste dédommagement ;

Mais considérant qu’il suit de l’énoncé même de l’article L121-4 du CPI que le droit au repentir ou au retrait reconnu à l’auteur ne s’entend que dans les rapports de l’auteur et du cessionnaire du droit d’exploitation de l’oeuvre ; qu’il n’a nullement vocation à gouverner les relations des coauteurs entre eux ;

Sur les demandes de la SACEM

Considérant que la SACEM conclut aux mêmes fins que A Y et demande à la cour de dire que l’article 49 de ses statuts conserve pleinement sa validité, quelle que soit l’issue du débat qui oppose les parties ;

Considérant que l’appréciation de la validité de ces dispositions statutaires au regard de l’article L113-3 n’est cependant pas dans les débats de sorte que la Cour n’a pas à statuer sur leur validité ;

Qu’il incombe en revanche à la SACEM de tirer les conséquences de cette décision au regard de la régularité des dépôts ultérieurs qu’elle a reçus, relatifs à une autre exploitation de la contribution de B X ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Considérant que B X n’a commis aucune faute en sollicitant l’autorisation judiciaire d’exploiter différemment sa contribution aux oeuvres communes de sorte que la demande de dommages et intérêts est dénuée de fondement ;

Sur l’article 700 du CPC

Considérant que l’équité commande cependant de condamner B X à verser à A Y la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel .

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l’intervention forcée de la SACEM,

Infirme la décision entreprise en ce qu’elle a autorisé B X, en application de l’article L113-3 du CPI à faire une exploitation séparée des paroles des chansons 'Petite France’ et 'Nicholson and co';

Dit que ces deux chansons constituent des oeuvres indivisibles et que B X ne peut exploiter séparément sa contribution, sans l’autorisation de A Y ;

Rejette toute autre demande,

Condamne B X à verser à A Y la somme de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC et à supporter les dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SCP Patricia Hardouin, avoué, dans les formes de l’article 699 du même code .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, 20 juin 2008, n° 05/16247