Cour d'appel de Paris, 15 octobre 2009, n° 08/18336

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 15 oct. 2009, n° 08/18336
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 08/18336
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 1er septembre 2008

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRET DU 15 Octobre 2009

(n°5, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 08/18336

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Septembre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 06/16819

APPELANTS

COMITÉ D’ENTREPRISE de SAS SOCIÉTÉ HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN pris en la personne de son président et agissant conformément à une première délibération en date du 16/11/2004 et d’une deuxième délibération en date du 1er/06/2006

XXX

XXX

Monsieur Z A agissant tant à titre personnel en qualité de salarié qu’en qualité de délégué Syndical CGT et représentant au CE

XXX

XXX

Monsieur B C agissant tant en qualité de salarié qu’en qualité de membre titulaire du CE et en qualité de trésorier du CE

XXX

XXX

Monsieur D E agissant tant en qualité de salarié qu’en qualité de Secrétaire du CE et Membre titulaire du CE

XXX

XXX

Madame F G épouse X

XXX

XXX

Monsieur H I

XXX

XXX

Monsieur J K

XXX

XXX

Monsieur L M

XXX

XXX

Madame AD AE AF

XXX

XXX

Monsieur AG AH AI

XXX

XXX

Monsieur N O

XXX

XXX

représentés par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour,

assistés de Me Xavier ROBIN, avocat au barreau de PARIS, B 479

Monsieur AJ AK AL AM

XXX

XXX

Monsieur P Q

XXX

XXX

Monsieur R K

XXX

XXX

Monsieur S T

XXX

XXX

UNION LOCALE CGT DU 15EME ARRONDISSEMENT DE PARIS PRISE en la personne de son représentant légal,à savoir son Secrétaire agissant conformément à une délibération en date du 21/09/2006

XXX

XXX

représentés par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour,

assistés de Me Xavier ROBIN, avocat au barreau de PARIS, B 479

INTIMÉE

SAS SOCIÉTÉ HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN pris en la personne de ses représentants légaux

XXX

XXX

représenté par la SCP GAULTIER – KISTNER, avoués à la Cour,

assisté de Me Jean D’ALEMAN, avocat au barreau de PARIS, L305

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 Septembre 2009, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

Madame Catherine BÉZIO, Conseillère

Madame Martine CANTAT, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Mademoiselle U V, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC :

L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Monsieur W AA, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente

— signé par Madame Catherine TAILLANDIER, Présidente et par Mademoiselle U V, Greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur l’appel formé par le comité d’entreprise de la SOCIÉTÉ HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN et divers salariés à l’encontre d’un jugement rendu le 2 septembre 2008 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS qui les a déboutés de l’intégralité de leurs demandes ;

Vu les dernières conclusions en date du 5 décembre 2009 des appelants qui demandent à la Cour de :

Recevoir les concluants en leur appel, le dire fondé, y faisant droit,

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

Dire et juger que les appelants sont bien fondés à solliciter le bénéfice de l’ordonnance du 21 octobre 1986 relative à la participation obligatoire aux résultats de l’entreprise

Dire et juger que la SAS HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN est soumise à une telle obligation pour les exercices postérieurs à l’intervention de l’ordonnance du 2l octobre 1986

Constater que les dispositions de l’article L 442-9 2emc alinéa du Code du Travail sont dénuées de tout caractère interprétatif et n’ont aucune incidence sur le présent litige quant aux exercices antérieurs à l’année 2005

' Dire et juger que si un caractère interprétatif était reconnu aux dispositions de l’article L 442-9 2e alinéa du Code du Travail, ce dernier serait en tout état de cause contraire aux dispositions tant de l’article 2 du Code Civil que des articles 6 et 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales,

' Dire et juger qu’en tout état de cause, les salariés de la SAS HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN ont bien vocation à percevoir des droits à participation

' Dire et juger que les bénéficiaires sont l’ensemble des salariés inscrits aux effectifs de chaque exercice et sans condition d’ancienneté,

' Désigner tel Expert qu’il plaira à la Cour, une fois le droit à participation reconnu, afin d’établir le calcul des droits au titre des années 1986 jusqu’à 1999, date à laquelle le Groupe ACCOR a effectivement fait bénéficier les salariés d’une participation,

' Dire et juger que conformément aux dispositions de l’article L 442-12 du Code du Travail, le délai de déblocage de huit ans doit être compté à partir de l’expiration de l’année au titre de laquelle les droits sont nés, soit en l’espèce :

pour les droits dus au titre de l’exercice 1986, le délai débuterait le 1er avril 1987 pour arriver à échéance au 1er avril 1995

pour les droits dus au titre de l’exercice 1987, le délai débuterait le 1er avril 1988 pour arriver à échéance au 1er avril 1996

pour les droits dus au titre de l’exercice 1988, le délai débuterait le 1er avril 1989 pour arriver à échéance au 1er avril 1997

pour les droits dus au titre de l’exercice 1989, le délai débuterait le 1er avril 1990 pour arriver à échéance au 1er avril 1998

pour les droits dus au titre de l’exercice 1990, le délai débuterait le 1er avril 1991 pour arriver à échéance au 1er avril 1999

pour les droits dus au titre de l’exercice 1991, le délai débuterait le 1er avril 1992 pour arriver à échéance au 1er avril 2000

pour les droits dus au titre de l’exercice 1992, le délai débuterait le 1er avril 1993 pour arriver à échéance au 1er avril 2001

pour les droits dus au titre de l’exercice 1993, le délai débuterait le 1er avril 1994 pour arriver à échéance au 1er avril 2002

pour les droits dus au titre de l’exercice 1994, le délai débuterait le 1er avril 1995 pour arriver à échéance au 1er avril 2003

pour les droits dus au titre de l’exercice 1995, le délai débuterait le 1er avril 1996 pour arriver à échéance au 1er avril 2004

pour les droits dus au titre de l’exercice 1996, le délai débuterait le 1er avril 1997 pour arriver à échéance au 1er avril 2005

pour les droits dus au titre de l’exercice 1997, le délai débuterait le 1er avril 1998 pour arriver à échéance au 1er avril 2006

pour les droits dus au titre de l’exercice 1998, le délai débuterait le 1er avril 1999 pour arriver à échéance au 1er avril 2007

' Enjoindre à la SAS HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN de communiquer sous astreinte de 10.000 euros par jour à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, la liste des salariés bénéficiaires de la participation ainsi que leur adresse effective au titre des exercices de 1986 à ce jour en indiquant, compte tenu de leur période d’emploi, le montant des sommes leur revenant tant en principal qu’en intérêts

' Dire et juger que dans l’hypothèse où les "Salariés bénéficiaires ou leurs ayants- droits ne pourraient être matériellement retrouvés, les sommes leur revenant feraient l’objet d’une consignation dans le cadre d’un compte ouvert auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations sous contrôle tant du Comité d’Entreprise que des différentes institutions représentatives du personnel

' Dire et juger que les sommes dues au titre de la participation telles qu’elles seront actualisées par l’Expert désigné par la Cour, porteront outre intérêts de droit à compter de la demande en justice avec anatocisrne

' Condamner la SAS HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN à verser à chacun des concluants, respectivement la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

' Condamner la SAS HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN en tous les dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés pour ceux qui le concernent par Me MELUN, Avoué, dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions en date du 9 mars 2009 de la SAS HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN, intimée, qui demande à la Cour de :

Vu les articles 2 du Code civil, 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l’Homme, l’article L. 442-9 du Code du travail (devenu l’article L3321-1 et suivants du Code du travail), et l’article 12 du Code de Procédure Civile,

— constater que la société HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN avait la qualité d’entreprise publique relevant du secteur concurrentiel de 1986 à 1999

— constater que la société HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN n’entrait pas dans la liste fixée par le décret du 28 novembre 1987,

— constater que la société HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN n’était donc pas soumise aux dispositions relatives à la participation pour les exercices des années 1986 à 1999 ;

En conséquence,

— Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 2 septembre 2008

— Débouter les demandeurs de l’intégralité de leurs demandes ;

A titre reconventionnel,

— Condamner chacun des demandeurs à verser à la SOCIÉTÉ HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les observations du Ministère Public ;

SUR CE, LA COUR

Considérant qu’il est constant que la société HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN est une société du secteur hôtelier qui emploie, depuis 1986, plus de cent salariés ; que de 1986 à 1999, la société requérante a été indirectement détenue majoritairement par la SNCF, puisqu’appartenant aux sociétés FRANTOUR, qui relevaient capitalistiquement de l’entreprise publique des chemins de fer français ;

qu’à ce titre, et conformément aux dispositions de l’article L 442-9 du Code du Travail (nouvelle codification L 3321-1 du Code du Travail) et du décret 87-948 du 26 novembre 1987, les salariés de la société n’ont pas bénéficié d’un droit à la participation sur les résultats de leur entreprise aux motifs invoqués par l’intimée que, selon ces textes, est soumise de plein droit au régime obligatoire de participation des salariés, la société, détenue directement ou indirectement, par une entreprise publique inscrite sur la liste figurant à l’article 4 du décret précité et que la SNCF, société nationale devenue entreprise publique (EPIC), n’étant pas inscrite sur la liste figurant à l’article 4, les salariés de la société défenderesse ne pouvaient pas bénéficier de ce droit à participation de 1986 à 1999 ;

qu’à compter de l’exercice 1999, la société défenderesse ayant été cédée au groupe ACCOR, elle a perdu sa qualification d’entreprise publique, et les salariés de celles-ci sont devenus bénéficiaires du droit à participation sur les dispositions de droit commun ;

que revendiquant un droit à participation en se fondant sur la qualité de personne de droit privé de la société intimée qui a pour objet une activité commerciale et qui n’est ni une entreprise publique, ni une société nationale, quelle que soit l’origine de son capital, les appelants ont saisi le Tribunal de Grande Instance qui les a déboutés de leurs demandes ;

*

Considérant que l’article L. 442-1 du Code du travail, dans sa rédaction alors applicable, disposait en son alinéa 1er «Toute entreprise employant habituellement au moins cinquante salariés, quelles que soient la nature de son activité et sa forme juridique, est soumise aux obligations de la présente section, destinées à garantir le droit de ses salariés à participer aux résultats de l’entreprise.» ;

que l’ancien article L. 442-9 alinéa 1er disposait, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2004 «Un décret en Conseil d’Etat détermine les entreprises publiques et les sociétés nationales qui sont soumises aux dispositions du présent chapitre. Il fixe les conditions dans lesquelles ces dispositions leur sont applicables» ;

que le décret n°87-948 du 26 novembre 1987 «déterminant les établissements publics et entreprises publiques soumis aux dispositions concernant la participation de l’ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à l’intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise et à l’actionnariat des salariés, ainsi que les conditions dans lesquelles les dispositions de cette ordonnance leur sont applicables» était ainsi rédigé : «article 700 du Code de procédure civile. 1er – Sont soumises aux dispositions de la Section I du Chapitre II de l’ordonnance du 21 octobre 1986 susvisée, […] :

a) Les entreprises publiques et sociétés nationales inscrites sur la liste figurant à l’article 4 du présent décret ;

b) Les entreprises publiques et sociétés nationales dont une ou plusieurs des entreprises publiques ou sociétés nationales inscrites sur la liste de l’article 4 du présent décret détiennent plus de la moitié du capital social.

Les entreprises et sociétés nationales dont une ou plusieurs entreprises publiques non inscrites sur la liste de l’article 4 du présent décret détiennent seules ou avec une entreprise publique figurant sur la même liste, de manière directe ou indirecte, plus de la moitié du capital social peuvent être autorisées à appliquer les dispositions de la section I du Chapitre II de l’ordonnance du 21 octobre 1986 susvisée dans les conditions prévues par le présent texte. […] » ;

que la loi du 30 décembre 2004 a modifié l’article L. 442-9 du Code du travail qui dispose désormais «Un décret en Conseil d’Etat détermine les établissements publics de l’Etat à caractère industriel et commercial et les sociétés, groupements ou personnes morales, quel que soit leur statut juridique, dont plus de la moitié du capital est détenue, directement ou indirectement, ensemble ou séparément, par l’Etat et ses établissements publics qui sont soumises aux dispositions du présent chapitre. Il fixe les conditions dans lesquelles ces dispositions leur sont applicables.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux sociétés, groupements ou personnes morales quel que soit leur statut juridique, dont plus de la moitié du capital est détenue, ensemble ou séparément, indirectement par l’Etat et directement ou indirectement par ses établissements publics, à l’exception de celles et ceux qui bénéficient de subventions d’exploitation, sont en situation de monopole ou soumis à des prix réglementés.

Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables aux exercices antérieurs à l’exercice suivant l’entrée en vigueur du présent alinéa pour les sociétés, groupements ou personnes morales quel que soit leur statut juridique, dont plus de la moitié du capital est détenue, ensemble ou séparément, indirectement par l’Etat et directement ou indirectement par ses établissements publics, à l’exception de celles et ceux pour lesquels ces dispositions s’appliquaient en vertu du décret n° 87-948 du 26 novembre 1987 dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur du présent alinéa…]» ;

Sur l’obligation d’instaurer un système de participation des salariés aux résultats de l’entreprise

Considérant que les appelants font valoir que l’intimée n’était pas une entreprise publique au sens des articles L 442-9 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2004 et 1er du décret du 26 novembre 1987, cette société étant une société anonyme, soumise au droit privé et dont l’activité était commerciale, peu important que son actionnaire majoritaire soit un établissement public à caractère industriel et commercial ;

qu’ils en déduisent qu’elle était, dès lors, soumise aux articles L. 442-1 et suivant du Code du travail et qu’elle aurait dû, en conséquence, instaurer un mécanisme de participation dès la mise en oeuvre de la loi du 21 octobre 1986, date à laquelle les conditions de seuil pour la mise en place de la participation étaient remplies ;

qu’ils font valoir que le législateur, en prévoyant que la loi nouvelle du 30 décembre 2004 ne s’appliquait que pour les exercices futurs, ne saurait revenir sur les droits acquis antérieurement dont le droit à la participation ; qu’ils invoquent l’article 2 du code civil qui consacre le principe de non-rétroactivité des lois et l’absence de caractère interprétatif de la loi de 2004 ainsi que l’article 6-1 et l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ;

Considérant que l’intimée soutient que jusqu’à l’exercice 1999, date à laquelle elle a été cédée au groupe ACCOR elle était une filiale de la SNCF, établissement public à caractère industriel et commercial, et était une entreprise publique au sens des dispositions de l’article L 442-9 du Code du travail, dans sa rédaction alors applicable, et du décret n°87-948 du 26 novembre 1987 «déterminant les établissements publics et entreprises publiques soumis aux dispositions concernant la participation de l’ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à l’intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise et à l’actionnariat des salariés, ainsi que les conditions dans lesquelles les dispositions de cette ordonnance leur sont applicables» ;

qu’elle en déduit que, ne remplissant pas les conditions posées par ce décret, elle n’était pas tenue à l’instauration obligatoire d’un système de participation des salariés à ses résultats ;

qu’en outre, elle affirme qu’en tout état de cause, la modification opérée par la loi du 30 décembre 2004 démontre qu’avant son intervention, les entreprises publiques n’étaient pas soumises de façon générale à l’obligation de mise en place d’un régime de participation et que les précisions apportées dans ce texte, notamment en ce qui concerne la définition des 'entreprises publiques et les sociétés nationales', en font un texte interprétatif et donc rétroactif ;

qu’elle soutient que l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme n’a pas vocation à trouver application dans ce litige puisqu’il n’y a pas, en l’espèce, ingérence du pouvoir législatif dans l’exercice du pouvoir judiciaire et qu’en tout état de cause, les dispositions de la loi du 30 décembre 2004 étaient dictées par un motif impérieux d’intérêt général ; qu’enfin elle conteste toute discrimination entre les salariés du groupe FRANTOUR ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 du code civil 'La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif’ ;

Que si ce principe a valeur constitutionnelle en matière répressive, en matière civile, il ne s’impose pas au législateur qui doit néanmoins, lorsqu’il entend donner à un texte une application rétroactive, faire apparaître son intention de façon claire et non-équivoque ;

que par ailleurs, en conformité avec l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, le législateur peut, en matière civile, lorsqu’il est justifié d’un impérieux motif d’intérêt général, adopter des dispositions rétroactives ;

qu’en l’espèce, force est de constater que le texte litigieux ne comporte aucune disposition précise indiquant la volonté du législateur de faire rétroagir les dispositions qu’il adopte ; que d’autre part, il ne saurait être valablement soutenu que le texte en cause obéissait à un motif impérieux d’intérêt général, seules certaines entreprises en nombre limité étant concernées par celui-ci ;

Considérant que de même, s’il résulte des débats parlementaires que le législateur a entendu modifier les règles applicables en matière de participation au sein de certains établissement public ou sociétés dont le capital est pour partie détenu directement ou indirectement par l’Etat, il ne résulte nullement des termes de l’article L.442-9 du code du travail que l’intention du législateur était de donner un sens interprétatif à son texte et ce, d’autant plus que le texte définitif adopté ne reprend pas les termes de l’amendement proposé par le rapporteur du texte qui, lui précisait l’aspect interprétatif de celui-ci ;

qu’il convient, dès lors, de juger que l’article L.442-9 2e alinéa, tel qu’il découle de la loi du 30 décembre 2004 n’a pas vocation à régir les situations de fait antérieures à sa promulgation et qu’il y a lieu, en conséquence, de rechercher, si sous l’empire du droit antérieur, l’intimée était soumise à l’obligation de mise en place d’un régime de participation ;

Considérant que l’article L.442-1 du Code du travail énonce un principe d’assujettissement général à la participation obligatoire aux résultats de l’entreprise ; que l’article L.442-9 du Code du travail, renvoyant au décret du 26 novembre 1987, ne posait de conditions particulières à l’assujettissement obligatoire, que pour les entreprises publiques et les sociétés nationales, et distinguaient celles qui figuraient sur la liste de l’article 4 ou dont plus de la moitié du capital était détenue par l’une de celles-ci, et celles qui ne remplissaient pas ces conditions, les premières étant assujetties de plein droit, les dernières pouvant l’être sur autorisation ministérielle ; qu’il en résultait qu’une personne de droit privé, ayant pour objet une activité purement commerciale qui n’était ni une entreprise publique ni une société nationale peu important l’origine du capital, n’entrait pas dans le champ d’application du décret et devait être soumise aux dispositions des articles L. 442-1 et suivants du Code du travail ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que la société intimée employait plus de cinquante salariés ; qu’elle est constituée sous la forme d’une SAS ; qu’elle exploite une activité concurrentielle d’hôtellerie ;

qu’en conséquence, elle n’était pas une entreprise publique au sens de l’article L.442-9 du Code du travail et du décret du 26 novembre 1987 et était ainsi soumise aux dispositions des articles L.442-1 et suivants ;

qu’il convient, dès lors, d’infirmer le jugement déféré de ce chef , de faire droit aux demandes des appelants, de nommer Monsieur Y en qualité d’expert avec la mission telle que définie ci-dessous et de dire que les parties feront leur affaires des comptes établis, sauf à ressaisir la Cour en cas de difficulté ;

Considérant que les circonstances de l’espèce conduisent à faire application de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de chacun des appelants à hauteur de la somme de 200 euros ;

Considérant que l’intimée qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens qui comprendront les frais d’expertise ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris ;

STATUANT à nouveau :

DIT que la SOCIÉTÉ HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN était tenue de mettre en oeuvre un régime de participation des salariés aux résultats de l’entreprise en application des articles L.442-1 et suivants du code du travail à compter de l’année 1986 et jusqu’à l’année 1999 ;

DÉSIGNE en qualité d’expert

Monsieur AB Y

XXX

XXX

avec mission d’établir le calcul des droits au titre des années 1986 jusqu’à 1999,

DIT que conformément aux dispositions de l’article L 442-12 du Code du Travail, le délai de déblocage de huit ans doit être compté à partir de l’expiration de l’année au titre de laquelle les droits sont nés, soit en l’espèce :

pour les droits dus au titre de l’exercice 1986, le délai débuterait le 1er avril 1987 pour arriver à échéance au 1er avril 1995

pour les droits dus au titre de l’exercice 1987, le délai débuterait le 1er avril 1988 pour arriver à échéance au 1er avril 1996

pour les droits dus au titre de l’exercice 1988, le délai débuterait le 1er avril 1989 pour arriver à échéance au 1er avril 1997

pour les droits dus au titre de l’exercice 1989, le délai débuterait le 1er avril 1990 pour arriver à échéance au 1er avril 1998

pour les droits dus au titre de l’exercice 1990, le délai débuterait le 1er avril 1991 pour arriver à échéance au 1er avril 1999

pour les droits dus au titre de l’exercice 1991, le délai débuterait le 1er avril 1992 pour arriver à échéance au 1er avril 2000

pour les droits dus au titre de l’exercice 1992, le délai débuterait le 1er avril 1993 pour arriver à échéance au 1er avril 2001

pour les droits dus au titre de l’exercice 1993, le délai débuterait le 1er avril 1994 pour arriver à échéance au 1er avril 2002

pour les droits dus au titre de l’exercice 1994, le délai débuterait le 1er avril 1995 pour arriver à échéance au 1er avril 2003

pour les droits dus au titre de l’exercice 1995, le délai débuterait le 1er avril 19% pour arriver à échéance au 1er avril 2004

pour les droits dus au titre de l’exercice 1996, le délai débuterait le 1er avril 1997 pour arriver à échéance au 1er avril 2005

pour les droits dus au titre de l’exercice 1997, le délai débuterait le 1er avril 1998 pour arriver à échéance au 1er avril 2006

pour les droits dus au titre de l’exercice 1998. le délai débuterait le 1er avril 1999 pour arrivera échéance au 1er avril 2007

FAIT injonction à la SAS HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN de communiquer sous astreinte de 10.000 euros par jour à compter d’un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, la liste des salariés bénéficiaires de la participation ainsi que leur adresse effective au titre des exercices de 1986 à ce jour en indiquant, compte tenu de leur période d’emploi, le montant des sommes leur revenant tant en principal qu’en intérêts ;

DIT que les sommes dues au titre de la participation telles qu’elles seront actualisées par l’Expert désigné par la Cour, porteront intérêts de droit à compter de la demande en justice avec anatocisme ;

DIT que la SAS HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN devra consigner au greffe de la Cour la somme de 3.000 € (trois mille euros) à titre de provision à valoir sur la rémunération de l’expert avant le 15/11/2009 ;

DIT que cette somme devra être versée au régisseur des avances et des recettes de la Cour d’Appel de Paris, 34 quai des orfèvres XXX ;

DIT que faute pour la SAS HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN de consigner ladite somme dans le délai imparti, les appelants pourront demander à la Cour d’en tirer les conséquences de droit ;

DIT que l’expert devra remettre son rapport dans le délai de six mois à compter de la notification de la consignation, et ce, en un exemplaire à chacune des parties et à la Cour ;

DÉSIGNE le Président de la formation collégiale pour contrôler les opérations d’expertise ;

DIT que les parties feront leur affaires des comptes établis, sauf à ressaisir la Cour en cas de difficulté ;

CONDAMNE la SAS HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN à verser à chacun des concluants, respectivement la somme de 200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS HÔTELIÈRE PARIS EIFFEL SUFFREN en tous les dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés pour ceux qui le concernent par Me MELUN, Avoué, dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, 15 octobre 2009, n° 08/18336