Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 7, 25 mars 2010, n° 08/08326

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 7, 25 mars 2010, n° 08/08326
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 08/08326
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Lille, 14 mai 2008, N° 06/00897
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 1 janvier 2023
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Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 25 Mars 2010

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 08/08326

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2008 par le conseil de prud’hommes de VILLENEUVE ST GEORGES – section commerce – RG n° 06/00897

APPELANTE

SAS SOGEP

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Nicolas DE PRITTWITZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P.81

INTIMEE

Madame [M] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assistée de Me Khéops LARA, avocat au barreau de MELUN, toque : M07

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Février 2010, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Thierry PERROT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle BRONGNIART, Président

Monsieur Thierry PERROT, Conseiller

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Madame Michèle BRONGNIART, Président et par Mme Nadine LAVILLE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [E] était embauchée par la SAS SOGEP, en qualité d’aide-comptable, suivant contrat à durée indéterminée à effet du 1er février 1985, avec application de la Convention Collective des Transports.

La salariée, en arrêt maladie pendant près d’un an, entre 2004 et 2005, reprenait son activité, d’abord, en mi-temps thérapeutique, puis à temps plein, à compter du 6 juin 2006.

L’intéressée était de nouveau en arrêt maladie à compter du 4 juillet 2006, en raison d’un syndrome dépressif par elle imputé à ses conditions de travail.

Mme [E] était convoquée, par LRAR du 3 août 2006, -lui ayant par ailleurs notifié sa mise à pied conservatoire-, à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 11 août 2006, ensuite reporté au 18 août 2006, par LRAR du 10 août 2006, puis licenciée, par LRAR du 28 même mois, pour faute grave.

Elle saisissait le conseil de prud’hommes de VILLENEUVE-SAINT-GEORGES, ayant, par jugement du 15 mai 2008 :

— dit que la faute grave, invoquée par la SAS SOGEP dans la lettre de licenciement de Mme [M] [E], n’est pas établie ;

— dit que les condamnations salariales ci-dessous seront en montant brut ;

— condamné la SAS SOGEP à payer à Mlle [E] les sommes suivantes :

* 26 700,00 €, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 3 560,00 €, à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 356,00 €, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

* 7 654,00 €, à titre d’indemnité de licenciement ;

— ordonné la délivrance d’un bulletin de paie et d’une attestation ASSEDIC conformes à la présente décision ;

— débouté Mme [E] de sa demande d’indemnité pour préjudice moral, de délivrance d’un certificat de travail et d’application de l’article 700 du CPC ;

— ordonné qu’une copie du présent jugement soit adressée à l’ASSEDIC ;

— condamné la SAS SOGEP aux entiers dépens, y compris ceux afférents aux actes et procédures d’exécution éventuels.

Régulièrement appelante de cette décision, la SAS SOGEP demande à la Cour de :

— juger que Mme [E] s’est bien rendue coupable d’une faute grave ;

En conséquence :

— infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme [E] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— débouter cette dernière de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

— condamner Mme [E] à payer à la SAS SOGEP la somme de 2 500,00 €, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC ;

— la condamner aux entiers dépens de l’instance.

Mme [E] entend voir :

— infirmer le jugement ;

Et, statuant à nouveau :

— dire le licenciement de Mme [E] sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

— condamner la SAS SOGEP à payer à Mme [E] les sommes suivantes :

* 42 720,00 €, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 7 654,00 €, au titre de son indemnité de licenciement ;

* 5 000,00 €, au titre de son préjudice moral pour le harcèlement qu’elle a subi ;

* 3 560,00 €, au titre de ses deux mois de préavis ;

* 356,00 €, au titre des congés payés y afférents ;

— ordonner la remise à Mme [E] d’un certificat de travail, d’un bulletin de salaire du mois d’août, d’une attestation ASSEDIC, d’une attestation pour la sécurité sociale et du certificat pour la caisse des congés payés conforme à la réalité, le tout sous astreinte de 20 € par jour de retard ;

— condamner la SAS SOGEP à payer à Mme [E] la somme de 2 000,00 €, par application de l’article 700 du CPC ;

— condamner la SAS SOGEP aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux conclusions écrites, visées le 5 février 2010, et réitérées oralement à l’audience.

SUR CE,

— Sur le licenciement et le harcèlement moral :

Considérant que la lettre de licenciement, fixant les limites du litige, est ainsi libellée :

'Nous vous avons convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 août 2006 pour un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, qui s’est déroulé le 18 août, entretien lors duquel Mme [V] [C], Responsable Ressources Humaines, et moi-même, étions présentes, et durant lequel vous étiez assistée par Mme [N] [H], Déléguée Syndicale.

Après réflexion, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, suite aux propos calomnieux et mensongers que vous avez choisi de tenir à l’encontre de M. [O] [Z].

A partir d’arguments professionnels autant infondés que calomnieux, et après avoir déposé une main courante auprès du commissariat de [Localité 5] à l’encontre de M. [Z], occupant des fonctions de Directeur Comptable, vous avez adressé un courrier recommandé en date du 12 juillet 2006 à M. [A] [T], Directeur Financier, dans lequel vous vous plaigniez, entre autres, du comportement qualifié de dictatorial et humiliant de M. [O] [Z] à votre encontre. Dans ce courrier, vous allez jusqu’à écrire 'qu’il était à la limite de la mauvaise foi'.

Ainsi, vous avez largement dépassé les limites acceptables, en n’hésitant pas à porter des accusations gravement mensongères à son égard, et ce, sans le moindre élément objectif et concret.

Ce comportement inadmissible, qui a fait l’objet d’une inévitable publicité dans les services, n’a pas manqué par ailleurs de créer un trouble caractérisé, compte tenu du discrédit que vous avez voulu jeter à l’encontre de cette personne.

Vous n’avez tout simplement pas accepté que M. [O] [Z] puisse remettre en question la qualité de votre travail, alors même que ses observations orales et écrites étaient pleinement justifiées par des exemples bien précis démontrant votre négligence dans l’exécution des instructions et tâches confiées. Vous avez utilisé ce prétexte pour adopter une attitude désinvolte, critique, et le dénigrer ouvertement, en n’hésitant pas à utiliser des moyens de pure calomnie parfaitement disproportionnés aux enjeux.

De surcroît, votre attitude est en totale opposition avec l’éthique comportementale en vigueur au sein de la société, à savoir le respect des individus, pour laquelle nous ne saurions tolérer un dérapage aussi important de la part d’un de nos collaborateurs.

Lors de l’entretien préalable du 18 août 2006, vous avez maintenu votre position à l’égard de M. [O] [Z], sans pour autant nous apporter d’élément concret quant au bien fondé des propos que vous aviez tenus. Votre volonté de dénigrement a été plus que jamais confirmée lorsque vous avez précisé que vous vous demandiez 'ce qu’il fout dans la société’ !

Compte tenu de tous ces éléments, il nous est impossible de maintenir nos relations contractuelles, et nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Votre licenciement prendra effet à la date de première présentation de ce courrier.

Votre solde de tout compte, votre attestation ASSEDIC, ainsi que votre certificat de travail, vous seront envoyés ultérieurement dans les plus brefs délais dès leur établissement…' ;

Considérant qu’il incombe à l’employeur, invoquant de ce chef une faute grave, et se prétendant par suite exonéré de toutes obligations, en termes d’indemnités compensatrice de préavis et de licenciement, d’en apporter la preuve ;

Considérant que Mme [E] soutient en réalité que son licenciement serait dénué de toute cause réelle et sérieuse, en faisant valoir que, n’ayant pas autrement consisté qu’à lui imputer d’avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, sans que sa mauvaise foi soit établie, il serait même entaché de nullité, dès lors qu’il appartient à l’employeur, ne pouvant être admis à prononcer son licenciement au seul motif qu’elle se serait plainte d’être harcelée sans avoir pu étayer ses affirmations, de démontrer que ses accusations quant au harcèlement moral dont elle aurait été victime étaient empreintes de mauvaise foi ;

Considérant qu’il est certes constant, en droit, aux termes de l’article L 122-49, devenu L 1152-1 à 3, du code du travail, que :

'Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements définis à l’alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit’ ;

Que, par ailleurs, l’article L 122-52, devenu L 1154-1, du même code, dispose :

'En cas de litige relatif à l’application des articles L 122-46 et L 122-49, dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’ ;

Considérant que, s’il est vrai qu’un salarié n’est certes pas reprochable d’avoir dénoncé des faits de harcèlement moral dont il aurait été prétendument victime, quand bien même ils ne seraient pas, en définitive, établis, il n’en est toutefois ainsi que pour autant que la dénonciation de tels faits ne procède pas d’une intention délibérée, dès lors empreinte de mauvaise foi, de la part de ce salarié, voire d’une légèreté blâmable ;

Or considérant qu’il est en l’espèce constant que Mme [E], embauchée par la SAS SOGEP en qualité d’aide-comptable depuis le 1er février 1985, et s’étant trouvée en arrêt de travail sur une période de près d’un an, en 2004 et 2005, ne devait ensuite reprendre son activité, d’abord en mi-temps thérapeutique, puis, à temps plein, à compter du 6 juin 2006, ayant par ailleurs et en dernier lieu exercé, aux termes du certificat de travail lui ayant été délivré le 29 août 2006, les fonctions d’assistante-comptable, depuis le 17 mai 2006 et jusqu’à cette date, correspondant à la prise d’effet de son licenciement ;

Qu’il est encore avéré que M. [Z] s’était vu confier par la société PAGE PERSONNEL une mission temporaire de management de transition, pour une période effective de six mois, soit du 23 janvier au 31 août 2006, au sein de la SAS SOGEP ;

Qu’ainsi, et alors même qu’elle n’avait donc été amenée à côtoyer M. [Z] que durant quelques semaines, la salariée était de nouveau en congé maladie, suivant arrêt de travail initial du 4 au 18 juillet 2006, ensuite successivement prolongé jusqu’au 31 août 2006 ;

Qu’il s’ensuit, en outre, que l’intéressée, ayant exercé de longue date les mêmes fonctions au sein de l’entreprise, n’était pas habituée au nouveau mode de management institué par M. [Z] ;

Que, pour autant, il n’est certes nullement inconcevable que Mme [E] ait pu être effectivement victime, fût-ce sur quelques semaines seulement, de faits ayant pu caractériser une situation de harcèlement moral ;

Qu’il est à l’inverse également plausible que la salariée, habituée à un même mode d’exercice de ses fonctions depuis quelque vingt et un ans, ait été en proie à des difficultés personnelles en étant confrontée, à son retour d’un long arrêt de maladie, à un nouvel interlocuteur, en la personne de M. [Z], et aux méthodes de management distinctes mises en oeuvre par celui-ci ;

Et considérant qu’il s’évince en l’occurrence de l’attestation délivrée par M. [Z], Directeur Comptable, lui-même, mais aussi de celle émanant autrement de M. [T], Directeur Administratif et Financier, que Mme [E] ne s’était manifestement pas conformée aux nouvelles exigences en vigueur au sein de l’entreprise ;

Que M. [Z] relate en effet : 'Mme [M] [E] était, à l’époque du dépôt de main courante auprès des services de police, collaboratrice du service que je dirigeais, et qui comportait environ 8 personnes. J’e n’ai travaillé avec cette personne que quelques semaines, car j’effectuais une mission d’intérim depuis le mois de janvier de l’année 2006, mais Mme [E] était à l’époque en congé mi-temps thérapeutique, et a, pendant cette période, été souvent en arrêt maladie. Cette personne a bénéficié de moi-même et de ses collègues d’un traitement de faveur, en ce qui concerne ses activités professionnelles, pour tenir compte de ses antécédents médicaux.

Par contre, Mme [M] [E] s’est opposée fermement à accomplir le minimum de ses tâches, malgré des demandes et un soutien au quotidien.

Mme [M] [E] a reçu les mêmes directives que l’ensemble des collaborateurs du service, qui étaient arrêtées après concertation avec les membres de l’équipe, et évoquées au cours de nos réunions hebdomadaires du lundi matin, avec tous.

J’indique également que Mme [E] m’a causé un préjudice important, en déposant sa main courante, et en prenant contact avec les services de l’Inspection du Travail, de la Médecine du Travail, du fait que j’étais salarié d’une société d’intérim, PAGE PERSONNEL, qui me faisait confiance jusqu’alors’ ;

Que, de même, M. [T] indique : 'En ma qualité de Directeur Administratif et Financier de la SOGEP depuis plus de 15 années, je dirige l’ensemble des services comptables et financiers auxquels appartenait Mme [M] [E], Assistante Comptable.

A de très nombreuses reprises, nous avons dû mettre en garde cette collaboratrice pour lui demander de modifier son comportement professionnel, en assumant les tâches qui lui étaient confiées, et en participant normalement, comme ses autres collègues, au fonctionnement du service comptable.

Toutes les occasions étaient bonnes pour Mme [E] de ne pas assurer le service que l’on attendait d’elle, au détriment de ses collègues, qui, elles, assuraient le travail que Mme [E] ne faisait pas.

Cette personne considérait qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait, quand elle le souhaitait, dans la plus parfaite autonomie, sans respecter ni l’organisation, ni les plans de travail, ni les consignes, ni les délais de réalisation des travaux.

L’organisation a été mise en place en concertation avec la hiérarchie et tous les membres de l’équipe, acceptée de tous. Chaque lundi matin, le responsable du département comptable, M. [O] [Z], assurait une réunion de toute l’équipe, pour que les objectifs de la semaine soient exposés, et que la charge de travail soit équitablement répartie sur chacun des membres de l’équipe comptable.

Dans ce contexte, Mme [E] a été considérée de la même façon que tous ses collègues, avec, cependant, la petite particularité qu’elle bénéficiait d’une charge de travail beaucoup plus légère, car nous souhaitions tenir compte du fait qu’elle avait été longtemps en mi-temps thérapeutique.

Pourquoi avoir tant attendu pour licencier une collaboratrice aussi inefficace ' Simplement, du fait de l’ancienneté de cette personne, et que la SOGEP a une tradition de proximité avec ses salariés, de type familiale.

Malheureusement, les limites acceptables ont été dépassées, quand, au mois de juillet 2006, Mme [E] a engagé une action contre l’un de nos cadres, M. [O] [Z], pour harcèlement moral, en se rendant dans les services de la médecine du travail, à l’inspection du travail, et auprès des services de Police, pour y déposer une main courante. Et, ainsi, de jeter le discrédit sur l’un de nos cadres, et, d’une façon plus générale, sur le type de management en usage dans notre société.

Cette action non fondée portait atteinte au crédit de notre société et de nos cadres, et était de nature à perturber la bonne marche de l’entreprise.

De plus, les auditions de la police qui ont suivi auraient pu déstabiliser et inquiéter nos collaborateurs.

M. [O] [Z] est un professionnel qui a plus de 40 années d’expérience professionnelle, reconnue dans des postes opérationnels en entreprise. Il pratique un management de proximité par l’enthousiasme, apprécié de tous. J’insiste pour affirmer que tous les collaborateurs des services comptables dont il avait la responsabilité étaient correctement traités, et tous considérés de la même manière, avec la seule exigence, qui était la sienne, dans le respect des règles de notre société, d’assurer la qualité et la continuité de service que nos clients internes et externes sont en droit d’attendre.

Mme [E] souhaitait uniquement s’exonérer de sa contribution au sein de l’équipe, en tentant en vain de déstabiliser notre organisation, et, ainsi, de se débarrasser du cadre responsable du département comptable’ ;

Qu’il résulte ainsi suffisamment de ces attestations précises, concordantes et circonstanciées, que Mme [E] ne satisfaisait pas aux nouvelles exigences d’organisation du service comptable auquel elle appartenait ;

Considérant qu’il n’est de surcroît, au regard du surplus des éléments de la cause, aucun fait tangible établi qui puisse s’inscrire dans les prévisions de l’article L 122-49 précité, devenu L 1152-1 à 3, du code du travail, permettant de présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral dont Mme [E] aurait été victime de la part de M. [Z], au sens de l’article L 122-52, devenu L 1154-1, susvisé, du même code, telle que bien pourtant dénoncée par la salariée le 4 juillet 2006 à l’encontre de celui-ci, en la forme d’une main courante déposée auprès des services de police ;

Qu’il apparaît donc, en cet état, que les allégations de Mme [E], selon lesquelles elle aurait subi une situation de harcèlement moral, ne sont pas fondées, mais tout au contraire, en l’occurrence, largement démenties, au vu notamment des attestations qui précèdent, outre en l’absence de tout autre élément militant, en sens contraire, en faveur d’un tel harcèlement moral ;

Qu’ainsi, il n’est strictement rien d’anormal quant au contenu de la LRAR en date du 3 juillet 2006 dont son employeur rendait Mme [E] destinataire en ces termes :

'Suite à l’entretien que vous avez eu le 30 juin 2006 avec M. [O] [Z], en présence de M. [L] [U], nous vous confirmons que les tâches que vous aviez à assurer le 28/06/06 n’ont pas été terminées en fin de journée, comme convenu.

De plus, dans le cadre de l’organisation du travail du service, en cette période chargée d’activité de fin de mois, M. [O] [Z] vous avait particulièrement demandé de l’informer par un compte-rendu oral en fin de journée de l’état d’avancement de vos travaux, et, malgré sa présence à son bureau, vous n’avez pas respecté cette consigne.

Vous-même en ARTT le lendemain 29/06, nous n’avons pu que constater que les tâches que vous deviez assumer la veille n’étaient pas terminées.

Nous attirons votre attention sur le fait que tout travail commencé et non terminé dans les délais doit faire l’objet d’un signalement à votre Responsable hiérarchique, de façon que nous puissions, par une prise en charge, assurer la continuité et la qualité de service auxquelles nous sommes astreints.

Par ailleurs nous vous rappelons que, dans le cadre de notre réunion hebdomadaire du lundi matin, nous définissons les tâches prioritaires de la semaine, à prendre en charge par chacun des membres de l’équipe comptable.

C’est un tout cohérent qui nous permet d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

En aucun cas, sauf instructions directes de votre Responsable hiérarchique ou de M. [O] [Z], vous ne devez déroger au plan d’actions de la semaine.

A l’avenir, nous vous demandons de bien vouloir prendre acte de l’ensemble de ces directives, qui constituent des règles incontournables de fonctionnement du service’ ;

Qu’un tel courrier ne consistait en effet jamais qu’en un rappel à l’ordre de la salariée, auquel celle-ci a dès lors répondu, de manière inconsidérée, en déposant aussitôt, dès le 4 juillet 2006, une main courante auprès des services de police, pour dénoncer : 'A la SOGEP, j’ai 22 ans d’ancienneté et j’ai manifestement toujours donné satisfaction, et n’ai jamais eu de problème professionnel avec ma hiérarchie. Cela a changé depuis l’arrivée de M. [Z] [O], responsable du service comptable, depuis 8 mois environ. En effet, de Monsieur souhaite réorganiser le service, ce qui peut paraître normal. Le problème est qu’il adopte envers tout le monde, et envers moi en particulier, un comportement dictatorial et humiliant. Il m’accuse verbalement ainsi que par mail d’être inefficace dans mes tâches. Parfois, il m’impose une tâche qu’il me demande de ne pas faire un moment après car elle est inutile. Le lendemain, il me reproche de ne l’avoir pas faite. Je ne sais pas sur quel pied danser. Ces reproches incessants me conduisent à la dépression et à la démotivation totale. Je ne souhaite pas déposer plainte quant à présent, mon but n’étant pas de nuire à M. [Z], ni de le conduire devant un tribunal. En revanche, j’accepte qu’il soit convoqué dans vos services pour s’expliquer sur son comportement. Je ne désire qu’une chose : qu’il soit plus respectueux. M. [U] [L], mon supérieur direct, est conscient de ce problème…' ;

Que l’intéressée persistait dans le même sens en une LRAR en date du 12 juillet 2006, adressée, en réponse au courrier susvisé du 3 juillet 2006 reçu de M. [T], où elle confirmait, en les réitérant, les termes de sa main courante, en stigmatisant notamment, s’agissant toujours de M. [Z], 'sa façon dictatoriale et humiliante’ et son comportement 'à la limite de la mauvaise foi’ ;

Que M. [Z], après avoir été entendu le 5 juillet 2006 par les services de police, ensuite du dépôt par Mme [E] de sa main courante, devait au demeurant déposer, le 17 juillet 2006, entre les mains du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de CRETEIL, une plainte avec constitution de partie civile pour dénonciation calomnieuse, à ce jour toujours pendante ;

Considérant, bien plus, et quel que puisse être le sort d’une telle plainte, qu’il s’évince encore de l’ensemble des productions que les imputations formulées par Mme [E] à l’encontre de M. [Z] sont empreintes de mauvaise foi, tant, loin de n’être pas seulement en rien corroborées par les éléments de la cause, elles sont, bien plus encore, formellement invalidées par ces derniers, au nombre desquels figurent notamment les mêmes attestations précitées ;

Que cette attitude de la salariée n’encourrait assurément aucune critique si tant est, en dépit de toutes dénégations et prétentions contraires de l’employeur, que les faits invoqués aient été, à tout le moins, un tant soit peu circonstanciés, quand force est ici de constater qu’il n’en est rien, puisque, aussi bien, il n’est aucun élément tangible en faveur de l’existence de la situation de harcèlement moral dénoncée par Mme [E] ;

Qu’en effet, le contenu des divers mails par elle échangés avec M. [Z] que la salariée produit par ailleurs aux débats ne révèle pas plus la moindre anomalie susceptible d’avoir pu caractériser une situation de harcèlement moral, tant ces courriels ne revêtaient aucun caractère désobligeant, ni, encore moins, humiliant ;

Qu’il en est encore de même des ordonnances médicales, ainsi que des certificats médicaux dont l’intimée se prévaut autrement, mais ne lui étant en réalité pas davantage du moindre secours au soutien de sa thèse de l’existence d’une semblable situation de harcèlement moral dont elle aurait été effectivement victime, car se bornant essentiellement à rendre compte de ses propres dires, ayant certes consisté à imputer son état de santé, -s’étant effectivement traduit par un syndrome anxio-dépressif-, à son environnement professionnel, sans que ses seules affirmations en ce sens soient toutefois en rien corroborées ;

Que l’employeur ne saurait être tenu, dans ces conditions, d’apporter la preuve contraire que les seuls faits incriminés mais non établis par la salariée ne seraient pas constitutifs de la situation de harcèlement moral par elle dénoncée, et que ses décisions seraient justifiées par des éléments objectifs y étant en tous points étrangers ;

Que, bien plus, la dénonciation de tels faits, inexistants, ne consiste en effet jamais qu’en autant d’accusations mensongères, voire calomnieuses, de harcèlement moral, ayant revêtu une particulière gravité, et n’ayant donc pu être légitimement portées avec une telle légèreté, voire désinvolture, tant elles étaient effectivement, par leur nature, susceptibles de nuire à leur destinataire, M. [Z], à l’encontre duquel elles étaient formulées ;

Considérant qu’il suit nécessairement de là que le licenciement de Mme [E], loin d’être sans cause réelle et sérieuse, voire entaché de nullité, pour n’être prétendument intervenu qu’en réaction à la dénonciation effectuée de bonne foi par la salariée d’une situation de harcèlement moral dont elle aurait été ou se serait même légitimement crue victime, -se fût-elle alors éventuellement méprise, et l’existence d’une telle situation de harcèlement n’eût-elle point été finalement consacrée-, repose, bien plus, sur une faute grave, ayant, comme telle, rendu impossible la poursuite de la relation de travail, y compris pendant la durée, même limitée, du préavis, à raison de laquelle il sera donc jugé qu’il a donc été valablement prononcé, en l’état des accusations d’une particulière gravité dont il est établi qu’elles n’ont jamais été proférées que de mauvaise foi par l’intéressée à l’encontre de son employeur, pris en la personne de son supérieur hiérarchique, M. [Z] ;

Considérant qu’il convient donc d’infirmer le jugement entrepris pour, statuant à nouveau, dire le licenciement de Mme [E] valablement prononcé pour faute grave, et partant, débouter la salariée de ses demandes, fins et prétentions afférentes à la rupture de son contrat de travail, en leur ensemble infondées, sauf à le confirmer quant au surplus de ses dispositions non contraires aux présentes, soit en ce qu’il a exactement débouté la salariée de ses prétentions indemnitaires en réparation de son préjudice pour harcèlement moral ;

— Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Considérant, la SAS SOGEP prospérant ainsi en sa voie de recours, quand Mme [E] succombe à présent, bien plus qu’en son appel incident, en son entière action, que la décision querellée sera également infirmée quant au sort des dépens et frais irrépétibles de première instance, pour, statuant à nouveau, et y ajoutant, condamner la salariée aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel, ainsi qu’à payer à l’employeur, eu égard aux circonstances particulières de la cause, une indemnité que l’équité et la situation économique respective des parties commandent d’arbitrer à la somme globale de 300 €, en application de l’article 700 du CPC ensemble devant les deux degrés de juridiction, avec intérêts de plein droit au taux légal à compter du présent arrêt ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirmant partiellement la décision déférée,

Et, statuant à nouveau,

Juge le licenciement de Mme [E] valablement prononcé pour faute grave ;

Déboute Mme [E] de ses demandes, fins et prétentions afférentes à la rupture de son contrat de travail, en leur ensemble infondées ;

Confirme le jugement entrepris quant au surplus de ses dispositions non contraires aux présentes, soit en ce qu’il a débouté Mme [E] de ses prétentions indemnitaires en réparation de son préjudice pour harcèlement moral ;

L’infirmant derechef sur le sort des frais irrépétibles et dépens de première instance,

Statuant à nouveau,

Et, y ajoutant,

Condamne Mme [E] à payer à la SAS SOGEP une indemnité globale de 300,00 €, ensemble devant les deux degrés de juridiction, avec intérêts de plein droit au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la même aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 7, 25 mars 2010, n° 08/08326