Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 14 décembre 2011, n° 11/03767

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 2, 14 déc. 2011, n° 11/03767
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/03767
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bobigny, 25 janvier 2011, N° 2010R00643

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 14 DECEMBRE 2011

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/03767

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Janvier 2011 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY – RG n° 2010R00643

APPELANTE

Madame A Z

XXX

94220 CHARENTON-LE-PONT

représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY (avoués à la Cour)

ayant pour avocat Me Jacques DJIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R003

INTIMEE

SARL X CHOCOLATIER

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP HARDOUIN (avoués à la Cour)

assistée de Me Antoine AREBALO-CAMUS de la SELAS BERNET CASTAGNET WANTZ ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0490

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller faisant fonction de Président

Madame G H, Conseillère

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Nadine CHAGROT

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Monsieur Renaud BLANQUART, conseiller faisant fonction de président et par Madame Nadine CHAGROT, greffier.

FAITS CONSTANTS :

La SARL X CHOCOLATIER, qui a pour activité la fabrication et la commercialisation de produits chocolatiers, a été créée, à parts égales, le 29 avril 2002, entre Mme E Y et M. X Z, ce dernier étant désigné en qualité de gérant.

M. X Z est décédé le XXX, laissant pour héritiers son épouse, Mme A L veuve Z, et leurs trois enfants, XXX et C Z.

Les époux Z étaient mariés sous le régime de la communauté universelle.

Les statuts de la société X CHOCOLATIER stipulent : « En cas de décès d’un associé, la société continue entre les associés survivants et les héritiers ou ayants droit de l’associé décédé, et éventuellement son conjoint survivant, sous réserve de l’agrément des intéressés par la majorité en nombre des associés survivants ».

Mme Y ayant refusé d’agréer Mme A Z comme associée, cette dernière, en l’état actuel des procédures, n’est pas associée de la société X CHOCOLATIER.

Par lettre du 7 juin 2010, Mme Z a mis en demeure la société X CHOCOLATIER de procéder au remboursement du compte courant de son mari, puis l’a assignée devant le juge des référés.

Par ordonnance contradictoire du 26 janvier 2011, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny, aux motifs que les documents produits et les déclarations faites à la barre faisaient apparaître l’existence d’une contestation sérieuse, a :

— dit n’y avoir lieu sur l’ensemble des demandes et renvoyé les parties à se pourvoir au fond,

— laissé les dépens à la charge de Mme Z.

Mme Z a interjeté appel de cette décision le 28 février 2011.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2011.

Par arrêt du 5 octobre 2011, la présente Cour a, au visa de l’article 339 du CPC, ordonné la réouverture des débats, à l’audience du 15 novembre 2011, devant la même chambre, autrement composée.

PRETENTIONS ET MOYENS DE Mme Z :

Par dernière conclusions du 14 juin 2011, auxquelles il convient de se reporter, Mme Z fait valoir :

A titre liminaire, qu’il convient d’annuler l’ordonnance entreprise, pour absence de motivation,

Sur l’obligation à paiement et l’absence de contestation sérieuse,

— qu’il résulte de l’ordonnance entreprise que, pour s’opposer à ses demandes, la société X CHOCOLATIER a invoqué principalement le fait que sa situation financière ne lui permettrait pas de rembourser immédiatement le compte courant, sauf à mettre en péril son exploitation, et a sollicité, subsidiairement, des délais de paiement sur dix ans, qu’elle a ainsi implicitement mais nécessairement reconnu devoir la somme réclamée,

— que les comptes d’associés sont remboursables à tout moment, qu’aucune convention particulière ne régissait le compte courant de X Z, et que sa demande, quant à elle, est pleinement justifiée, puisqu’elle n’est pas associée, ni dirigeant, ni salarié, et qu’à défaut de justifier de l’une de ces qualités, elle ne peut consentir une avance en compte courant,

Sur le caractère inopérant des moyens soulevés par l’intimée,

— que l’acte introductif d’instance n’est pas nul, puisqu’une liste de pièces y était bien mentionnée, que l’absence de liste de pièces n’est pas une cause de nullité de l’assignation et qu’en tout état de cause, les pièces sur lesquelles elle se fonde ont été valablement communiquées,

— que sa demande n’est pas irrecevable, puisqu’elle justifie d’un intérêt à agir au sens de l’article 31 du CPC, lequel ne doit pas être confondu avec l’opportunité de l’action,

— que sa demande de remboursement n’est pas abusive, qu’elle n’exerce pas abusivement des droits d’associée, puisqu’elle ne possède pas cette qualité, et que les comptes courants d’associés sont remboursables à tout moment, quelles que soient par ailleurs les difficultés financières rencontrées par la société, étant précisé qu’elle n’a aucune connaissance de la situation de la société, dès lors qu’elle n’y occupe aucune fonction,

— qu’il ne saurait être accordé à l’intimée dix ans de délais de paiement, qu’il ne s’agit pas d’un prêt à la consommation et que les dispositions de l’article 1900 du code civil ne sont donc pas applicables et, s’agissant de l’article 1244-1 du même code, que l’intimée ne rapporte pas le preuve de ce que le paiement immédiat mettrait en péril son exploitation, et qu’on ne voit pas en quoi elle ne pourrait pas emprunter.

Elle demande à la Cour :

— de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

— d’y faire droit,

— d’annuler l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

— de condamner la société X CHOCOLATIER à lui verser la somme provisionnelle de 315 131 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2010, date de la mise en demeure et anatocisme,

— de débouter la société X CHOCOLATIER de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— de condamner la société X CHOCOLATIER à lui verser la somme de

7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel,

— de lui accorder le bénéfice des dispositions de l’article 699 du CPC.

PRETENTIONS ET MOYENS DE LA SOCIETE X CHOCOLATIER :

Par dernières conclusions du 9 août 2011, auxquelles il convient de se reporter, la

société X CHOCOLATIER fait valoir :

— qu’elle présente les parties et le litige antérieur les opposant, précisant, notamment,

. que Mme Z s’est « autoproclamée » gérante au lendemain même du décès de son mari et a convoqué une assemblée générale, alors pourtant qu’elle n’avait pas été agréée comme associée,

. que Mme Z a produit un document sujet à caution, lui permettant de revendiquer 90% du capital de la société, ce qui a conduit Mme Y à déposer une plainte pénale,

. que Mme Z, bailleresse du local commercial, lui a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire,

— que Mme Z n’a pas d’intérêt à agir, puisque seul l’associé a qualité pour demander le remboursement d’un compte courant, à l’exclusion de son épouse, fût-elle commune en biens, et qu’en raison de l’insuffisance d’actifs, toute condamnation diminuerait la valeur de l’entreprise, de sorte que la demande en paiement est contraire aux intérêts personnels de Mme Z, qui ne percevrait ainsi en compensation du rachat des parts sociales de X Z qu’une somme dérisoire, et qui, par ailleurs, a toujours cherché à sa prévaloir de la qualité d’associée majoritaire, que cette dernière a pleinement conscience de la situation réelle de la société et qu’en cas de redressement ou liquidation judiciaires, le remboursement d’un compte courant peut être annulé si, au moment de cette opération, l’associé avait connaissance de l’état de cessation des paiements, qu’à tout le moins, l’exigibilité de la créance est sérieusement contestable,

— subsidiairement, qu’il y a exercice abusif des droits d’associé, puisque la réclamation brutale de remboursement du compte courant met en péril l’existence de la société, qu’il y a intention de nuire, la présente instance n’ayant été introduite qu’après la notification, par elle-même, de sa décision irrévocable d’acquérir les parts sociales à prix à fixer à dire d’expert,

— plus subsidiairement, que l’avance en compte courant présente la nature d’un prêt de consommation, de sorte que les dispositions de l’article 1900 du code civil sont applicables, qu’elle démontre la fragilité de sa situation et demande un délai de 10 ans,

— à titre infiniment subsidiaire, que les dispositions de l’article 1244-1 du code civil sont applicables aux demandes de remboursement d’un compte courant d’associé et qu’elle sollicite, sur ce fondement, le report de paiement dans la limite de deux années.

Elle demande à la Cour :

— de constater que sa situation financière ne lui permet pas de rembourser immédiatement le compte courant de X Z, sauf à mettre en péril son exploitation,

— de constater que, dans ces conditions, Mme Z est dépourvue de tout intérêt à agir, compte tenu de l’absence de toute perspective sérieuse de recouvrement et de l’existence de procédures judiciaires en cours directement « impactées » à son propre détriment par cette demande,

— de constater que la demande de Mme Z se heurte aux interdictions et nullité de la période suspecte et, en particulier, les articles L. 632-2 et L. 641-14 du code de commerce,

— de constater que Mme Z n’est pas associée de la société et n’a donc aucune qualité pour réclamer le remboursement d’un compte courant,

En conséquence,

— de dire que Mme Z est irrecevable en sa demande,

Subsidiairement,

— de constater que la demande de remboursement de Mme Z a pour effet de la placer, quant à elle, alors que le passif à son bilan est quasi exclusivement constitué des sommes avancées en compte courant par X Z, en situation virtuelle de cessation des paiements, et ce, quand bien même cette demande serait assortie d’un échelonnement sur 24 mois, ainsi qu’en atteste l’Expert-comptable,

— de constater l’acharnement procédural de Mme Z et sa détermination depuis le décès de son époux, ancien associé égalitaire et gérant, de faire échec aux dispositions statutaires et légales concernant le sort des parts sociales en cas de décès d’un associé,

— de constater que la demande de Mme Z procède d’une manifeste intention de nuire et d’un abus de droit caractérisé dans l’exercice des droits d’associé,

En conséquence,

— de débouter Mme Z de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Plus subsidiairement encore,

— de dire que, s’agissant d’une demande de remboursement d’un compte courant d’associé, les dispositions de l’article 1900 du code civil sont applicables,

— de constater l’historique du fonctionnement du compte courant d’associé de X

Z,

En conséquence,

— de constater l’existence d’une convention de blocage tacite et la volonté manifeste de X Z de permettre à la société qu’il avait fondée, dont il était associé égalitaire, gérant de droit, et dont il finançait régulièrement la poursuite d’activité en suite de difficultés économiques récentes, de s’acquitter progressivement du remboursement des sommes avancées en compte courant au gré du rétablissement de sa situation économique,

En conséquence,

— de lui octroyer un délai de 10 années,

A titre infiniment subsidiaire,

— de lui octroyer les plus larges délais de grâce dans la limite de 24 mois,

En tout état de cause,

— de condamner Mme Z à lui payer la somme de 6000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens,

— de lui accorder le bénéfice des dispositions de l’article 699 du CPC.

SUR QUOI, LA COUR,

Sur la demande d’annulation de l’ordonnance entreprise :

Considérant que la motivation de l’ordonnance entreprise, qui ne permet pas de comprendre sur quelles contestations sérieuses le premier juge s’est fondé, pour dire n’y avoir lieu à référé, ne répond pas aux exigences des articles 455 et 458 du CPC ;

Que la Cour annulera, en conséquence, l’ordonnance et, statuera à nouveau, par l’effet dévolutif de l’appel ;

Sur la recevabilité de la demande :

Considérant que Mme Z, dont il n’est pas contesté qu’elle vient aux droits de son époux décédé, a, de ce seul fait, intérêt à agir aux fins d’obtenir le remboursement du compte courant d’associé de ce dernier ;

Que sa demande est recevable ;

Sur le « fond » :

Considérant qu’en vertu de l’article 873, alinéa 2, du CPC, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ;

Considérant qu’en l’absence de convention particulière ou statutaire le régissant, non alléguée, le compte courant d’associé est remboursable à tout moment ;

Que l’exercice de ce droit à remboursement, ne cède, comme celui de tout droit, que devant l’abus ;

Considérant qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d’apprécier l’existence d’un abus de droit, non manifeste en l’espèce ;

Que le remboursement d’un compte courant à un associé, dont le droit à restitution est de nature à mettre une entreprise dans une situation de péril, se heurte à une contestation sérieuse ;

Que selon une attestation de l’Expert-comptable de la société X CHOCOLATIER, du 10 décembre 2010, cette société « ne dispose pas de la trésorerie nécessaire (pour payer une somme de plus de 300 000 euros), et la demande de Mme Z, même échelonnée sur 24 mois, place virtuellement l’entreprise en situation de cessation des paiements, compte tenu de la nette insuffisance des actifs disponibles »; que les bilans produits accréditent cette situation, la société intimée affichant des disponibilités pour 38 090 euros (au 31/08/2010), et un résultat d’exploitation négatif d’un peu plus de 180 000 euros sur les deux derniers exercices, clos au 31/08/2009 et 31/08/2010 ;

Que Mme Z ne peut prétendre ignorer cette situation, ne contestant pas que ces éléments comptables lui ont été communiqués, sinon en première instance, en toute hypothèse, en cause d’appel, la Cour devant se placer au jour où elle est amenée à statuer, pour apprécier l’existence d’une contestation sérieuse ;

Qu’il résulte, par ailleurs, de ce qui précède que le remboursement du compte courant pourrait tomber sous le coup des nullités de la période suspecte (article L. 632-2 du code de commerce) ;

Qu’en conséquence, il n’y a lieu pas à référé ;

Considérant qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société X CHOCOLATIER les frais irrépétibles qu’elle a exposés pour la présente instance ;

Considérant que Mme Z, qui succombe, devra supporter les dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC ;

PAR CES MOTIFS :

Annule l’ordonnance entreprise,

Vu l’effet dévolutif,

Statuant à nouveau,

Déclare Mme Z recevable en sa demande,

Dit n’y avoir lieu à référé,

Condamne Mme A Z à payer à la SARL X CHOCOLATIER

la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du CPC,

Condamne Mme A Z aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

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