Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 8 février 2012, n° 10/11117

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 10, 8 févr. 2012, n° 10/11117
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 10/11117
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 17 mai 2010, N° 2009017291

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRET DU 08 FEVRIER 2012

(n° 35 , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/11117

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2009017291

APPELANTE :

S.A. ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Ayant son siège social

XXX

XXX

Représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU et PELIT JUMEL, avoués à la Cour

Assistée de Maître GODIGNON SANTONI Gilles avocat plaidant pour la SCP DOLLA VIAL, toque P074

INTIMÉE :

S.A.R.L. 26 BIS

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

XXX

XXX

Représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX X, avoués à la Cour

Assistée par Me SELEGNY Stéphane avocat plaidant pour le cabinet HOLMAN FENWICK WILLAN LLP, avocats au barreau de Rouen, toque J040

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 octobre 2011 , en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur JACOMET conseiller faisant fonction de Président chargé d’instruire l’affaire, lequel a préalablement été entendu en son rapport et Madame A B conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Fabrice JACOMET Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur Bernard SCHNEIDER conseiller désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d’appel de Paris en vertu de l’article R312-3 du code de l’organisation judiciaire pour compléter la chambre.

Madame H A-B, Conseillère.

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Fabrice JACOMET Conseiller faisant fonction de Président et par Mme C D, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Le 'groupe Y ' réalise depuis 1993 des prestations de microfilmage notamment pour la SA EDF ; il comprenait avant le 22/09/2006 une société HOLDING JC et une société BEMJY que E-F G a acquises par l’intermédiaire de la SARL 26 BIS, le groupe Y étant désormais dénommé ACAT.

Le 30/06/2006, les sociétés HOLDING JC désignée titulaire et EDF désignée l’entreprise, ont conclu un contrat cadre portant sur le microfilmage avec engagement financier pour un chiffre d’affaires minimal de 529 570 € sur trois ans, le contrat étant d’une durée de 30 mois à compter du 01/07/2006, l’interlocuteur commercial pour EDF étant EDF – DIRECTION DES ACHATS.

Les pièces constitutives du marché, selon ce contrat, sont les conditions particulières d’achat ( CPA ) et son annexe 1 bordereau des prix (pièce 1) , le cahier des charges USO ALN du 25/04/2006 (pièce 2), les conditions générales d’achat (CGA)dans leur version du 26/07/2004 (pièce 3), chaque pièce prévalant en cas de divergence d’interprétation selon son ordre, le titulaire du marché reconnaissant en avoir eu parfaite connaissance et en particulier du CGA non joint au présent marché et ces pièces constituant l’intégralité de l’accord des parties, aucune réserve du titulaire ne pouvant être prise en compte qui en signant le marché est censé l’accepter dans l’état où il lui a été transmis pour signature.

Pour la réalisation des prestations convenues les sociétés HOLDING JC, ACAT L’ ARCHIVISTE et ACAT J Y Z se sont constituées en un groupement momentané d’entreprises solidaires la première étant leur mandataire auprès du maître de l’ouvrage, chacune des entreprises du groupement étant responsable de l’exécution de la totalité du marché .

Ce contrat stipulait notamment :

— (article 4 ) qu’il n’existait aucune obligation d’achat au delà des prestations et quantités annuelles faisant l’objet d’un engagement de volume indiquées au bordereau de prix (annexe 1) dans la colonne 'quantités annuelles faisant l’objet d’un engagement de volume 'et que le marché valait pour l’Agence Logistique Nationale ( ALN ) située à Creil.

— (article 5) que d’une durée de 30 mois il prenait effet le 01/07/2006 pour se terminer le 31/12/2008 tandis qu’à l’échéance le marché était résilié de plein droit sans indemnité ni promesse de renouvellement,

— (article 6) que pour les commandes d’exécution, l’option 1 des CGA applicables aux marchés des services courant était retenue,

— (article 20) que selon une clause de sauvegarde, EDF : limitait à 20 % le chiffre d’affaires réalisé par une entreprise avec elle et qu’en conséquence le montant réglé annuellement au titre du présent marché de l’entreprise ne pourra en tout état de cause dépasser ce pourcentage.

Selon document intitulé 'commande d’exécution du 05/09/2006 signé le 07/09/2006 par le titulaire, le montant total de la commande était porté à 820 000 € HT lequel était détaillé dans un document joint à raison de 700 000 €, 119 996 €, 1 €, 1 €, 1 €, 1€,

Dans le cadre de l’application de la clause de sauvegarde ' le groupe ACAT ' qui déclarait y adhérer parfaitement transmettait divers documents et précisait le 20/02/2007 que la facturation mensuelle ne devrait pas dépasser 58 800 €HT.

Un avenant du 21/02/2007 conclu par EDF – DIRECTION DES ACHATS avec la SARL 26 BIS portait reprise des engagements par cette dernière.

Un avenant du 27/09/2007 signé pour l’entreprise par le chef adjoint du pôle services transverses, accepté le 03/10/2007 par le gérant du titulaire avait pour objet le changement de cordonnées du titulaire, portait acceptation de la commande à retourner sous quinzaine en précisant que le montant de cet avenant était de 0,00 € mais indiquait que le montant total HT était de 1 493 996€ pour la période du 01/07/2006 au 31/12/2008. Ce montant était détaillé dans un document annexe à raison de 282 265,52 €, 1991,82 € livrables le 31 /12/2006 , 1 091 733, 48 € , 118 013,18 € livrables le 31/12/2007 et 01 € livrables le 31/12/2008 .

Mais EDF conteste la portée de ces engagements financiers tandis que la SARL 26 BIS se plaindra de ce que le montant des prestations réalisées ne dépassera pas 927 779 € avec forte baisse mensuelle chaque année.

Des discussions tendues opposeront les parties lesquelles sont concrétisées par lettre de la SARL 26 BIS du 10/07/2008 et celle du 30/07/2008 de la SA EDF suivies d’une réunion le 15/09/2008 et d’une demande par la SARL 26 BIS de solution amiable le 26/09/2008.

Par lettre du 16/10/2008, la SA EDF a indiqué que la seule alternative est l’application stricte et le respect jusqu’à son terme du contrat ;

Par acte du 13/03/2009 la SARL 26 BIS a délivré l’assignation à l’origine du jugement déféré par lequel le tribunal de commerce de Paris le 18/05/2010 a :

— condamné la SA EDF à payer 450 000 € pour inexécution contractuelle, a débouté cette dernière de sa demande de dommages et intérêts, la SARL 26 BIS de sa demande de publicité, a condamné la SA EDF à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à régler les dépens,

Par dernières conclusions du 17/10/2011, la SA EDF, appelante, demande à la cour, à titre principal d’infirmer le jugement sur les condamnations prononcées contre elle, de le confirmer pour le surplus, de débouter la SARL 26 BIS de toutes ses demandes, de condamner cette dernière à lui payer la somme de 20 000 € de dommages et intérêts, celle de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à régler les entiers

dépens, subsidiairement de dire que le préjudice subi par la SARL 26 BIS qui correspond à sa perte de marge nette est limité à la somme de 22648, 68 €, le surplus des demandes de cette dernière tant au titre de son indemnisation que de délais étant rejeté, et cette dernière étant condamnée aux entiers dépens ;

Par dernières concluions du 06/10/2011, la SARL 26 BIS, intimée, demande à la cour à titre principal, de condamner la SA EDF à lui payer la somme de 538 000 € pour inexécution contractuelle, celle de 500 000 € de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation et application de l’anatocisme, d’ordonner la publication de la décision à intervenir dans deux journaux nationaux aux frais de la SA EDF, à titre subsidiaire en cas de réformation du jugement de lui accorder des délais de paiement, en tout état de cause de condamner la SA EDF à lui payer la somme de 40 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à régler les entiers dépens.

SUR CE

Considérant que, pour critiquer le jugement sur les condamnations prononcées contre elle que la SA EDF prétend que ;

— des pourparlers comme du contrat cadre conclu, il résulte que tant sa volonté parfaitement connue que le principe de base retenu était une absence d’engagement de volume dépassant le plancher de 529 570 consenti à la SARL 26 BIS,

— il y a lieu de donner leur véritable sens aux documents invoqués soit la commande d’exécution et l’avenant N°2 qui ne peuvent s’analyser ni en commandes d’exécution ni comme un engagement de volume,

— par application des CGA, toute modification du contrat impliquait un avenant sur l’engagement de volume alors qu’aucun nouveau bordereau de prix n’a été régularisé, qu’ au regard du chiffre d’affaires réalisé à la date du prétendu avenant n° 2 celui ci était irréalisable puisqu’elle aurait du réaliser en trois mois, le double des prestations finalement réalisées en 2006 et 2007, alors qu’elle n’avait pas de visibilité suffisante pour le chiffre d’affaires qui pourrait être réalisé en 2008,

— que le montant allégué ne constituait qu’un chiffre d’affaires maximal et non un engagement de volume sans que la SARL 26 BIS puise se méprendre, les commandes ne pouvant résulter que d’appels sur commandes annuelles (ACA) sur la base de prix fermes pendant toute la durée du marché définis au bordereau de prix, que la SARL 26 BIS ne démontre pas avoir donné une portée contractuelle aux documents qu’elle invoque puisqu’elle ne s’est prévalue que de manière tardive d’un prétendu manquement contractuel à un engagement de volume que six mois avant que le contrat ne prenne fin, et que le rapport de gestion pour l’exercice clos le 30/09/2008 de la SARL 26 BIS n’évoque aucun événement important,

— en définitive, les documents allégués sont des documents internes de EDF dénués de toute portée contractuelle qui n’ont eu aucune incidence sur l’engagement de volume, la SARL 26 BIS ne s’y étant d’ailleurs pas mépris, en sorte que cette dernière ne peut qu’ être déboutée de sa demande d’indemnité pour perte de marge nette qu’elle évalue à 538 000€,

— tout au plus cette perte de marge nette sur la base de l’exercice comptable ayant suivi la fin du contrat, soit sur la période du 01/10/2008 au 31/12/2009 établissant une marge nette de 4 % serait de 22 648,68 € ( 566 217 € correspondant au chiffre d’affaires manqué X 4 % )

— bien évidemment la SARL 26 BIS ne peut qu’être déboutée de sa demande de délais par application de l’article 1244-1 du code civil qui ne peut se rapporter au remboursement d’une somme qui lui a été versée au titre de l’exécution provisoire du jugement,

— elle n’a pas modifié de manière substantielle la nature des prestations confiées, puisqu’elle ne maîtrise pas le flux des documents qui lui sont transmis par l’Agence logistique nationale (ALN) ,

— il ne peut lui être reproché utilement d’avoir fixé de manière unilatérale et abusive des conditions d’exécution du contrat, en imposant des délais beaucoup trop courts qui n’ont fait l’objet d’aucune sanction ou menace de sanction, ou des conditions tarifaires erronées étant observé que toutes les sommes réclamées par la SARL 26 BIS à la suite de modification de forfaits lui ont été réglées,

— la prétendue rupture des relations contractuelles n’est pas caractérisée dès lors que, le choix d’un contractant reposait sur un appel d’offres, que le contrat n’était pas renouvelable, elle a informé son contractant d’une baisse de volume dès le début de l’année 2008, que la SARL 26 BIS en la menaçant de saisir la DGCCRF, a agi contre elle d’une manière exclusive de la bonne foi contractuelle, que le contrat contenait une clause de sauvegarde exclusive de toute dépendance économique,

— le préjudice allégué n’est pas plus caractérisé ; dès lors que l’étalement des dettes invoqué se réfère à des négociations en cours, tout comme un éventuel apport en compte courant ou une éventuelle ouverture du capital qui ne sont justifiés par aucune pièce, que le coût des licenciements n’est pas plus établi étant rappelé que le contrat était à durée déterminée, qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la rupture des relations contractuelles et la perte comme client de la société RENAULT ou l’abandon du projet d’acquisition de la société MICRO VOLUME ALPHA PLAN invoquées pour la première fois devant la cour, que les frais d’avocat sont pris en compte au titre des frais irrépétibles tandis que les frais d’expertise comptable exposés par la SARL 36 BIS ne peuvent qu’ être laissés à sa charge, que cette dernière ne peut pas plus exciper du maintien qu’elle n’invoque que devant la cour d’une structure économique et humaine, en sorte que non seulement le prétendu préjudice n’est pas caractérisé mais que les demandes sont incohérentes,

— la demande de publication de la décision dans deux journaux, au demeurant non motivée, n’est pas appropriée s’agissant d’ un simple différend entre deux sociétés commerciales,

— au regard de ce qui précède et de l’allégation par la SARL 26 BIS deux ans après le début du contrat de ce que les engagements de volume avaient été modifiés ce dont elle ne s’était jamais prévalue, elle est fondée en sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que la SARL 26 BIS réplique que :

— par la lettre du 16/10/2008 la société EDF avait admis qu’au fur et à mesure de l’augmentation du chiffre d’affaires de la SARL 26 BIS et de ses restructurations, des documents intitulés 'commande d’exécution’ ou ' avenant à la commande ' ont été édités en interne et ( lui )ont été transmis afin de fixer le montant maximum des prestations qui pourraient lui être envoyés sur la période contractuelle de référence ;

— le premier avenant intitulé 'commande d’exécution’ du 05/09/2006 était une pièce contractuelle tandis que le deuxième avenant du 03/10/ 2007 auquel était joint le détail de la commande pour la somme de 1493 996 € explicitait la nature de l’engagement et constituait un engagement ferme,

— ces deux actes ne pouvaient laisser aucun doute sur la nature des engagements de la SA EDF qui commet une confusion entre le montant de ses engagements et la clause de sauvegarde, les négociations entreprises par elle à partir de septembre 2006 attestées par une lettre du 19/12/2006 et des mel des 19/02 et 20/02/ 2007 établissant l’intention de la société EDF de lui confier un plus grand volume de prestations tandis que, eu égard aux chiffres d’affaires des diverses sociétés la constituant et de la clause de sauvegarde celui qu’elle pouvait réaliser avec la SA EDF était de 1 765700,40 € ;

— vainement la SA EDF prétend à une erreur de qualification des documents litigieux ou se prévaut de documents précontractuels établis 18 mois avant le premier acte, dès lors que les documents litigieux n’avaient d’autre objet que de fixer les volumes des prestations, que les appels sur commande annuelle (ACA) émis mensuellement se réfèrent aux numéros de ces actes sans que la société EDF puisse prétendre que cette pratique ne correspondrait pas au formalisme prévu dont elle s’affranchit elle même, en se contredisant, sa mauvaise foi résultant des documents qu’elle produit concernant d’autres contractants dont il ressort qu’elle ne respectait pas à leur égard la clause de sauvegarde;

— en ne lui confiant pas un volume d’affaires correspondant au plafond de 1 493 996 € pour la période du 01/07/2006 au 31/12/2008, la société EDF a commis une inexécution contractuelle puisque la baisse des commandes est intervenue dès le mois de décembre 2007, que les prévisions pour 2008 concrétisaient cette baisse, et que les prestations confiées par rapport à ce plafond ont été inférieures pour un montant de 566 127 € ( 1 493 996 – 927 799 ),

— cette inexécution a généré une insuffisance de marge nette pour un montant de 538 000€ ce qu’a exactement évalué son expert comptable, puisque si la SA EDF avait respecté l’engagement de volume, seule les charges variables auraient changé à l’exclusion des charges fixes et que sa perte de marge nette, différente du résultat net, est nécessairement équivalente au chiffre d’affaires manqué moins les charges variables ;

— par son absence de bonne foi, la SA EDF a engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article L 442 -6- I 2° b du code de commerce :

en modifiant substantiellement la nature des prestations confiées par des fluctuations imprévisibles,

en lui imposant des délais de réalisations abusifs et en faisant une application abusive des tarifs ,

— a supposer sa responsabilité non engagée sur le fondement de ce texte, elle le serait par application de l’article 1147 du code civil,

— elle est encore fondée à se prévaloir de la rupture brutale des relations commerciales sur le fondement de l’article L 442- 6 5° du code de commerce dès lors que les prestations liant les parties relevaient de ce texte, que les relations étaient établies depuis 1993 et qu’elles revêtaient un caractère stable, suivi et continu et que ces relations ont été rompues sans qu’un quelconque délai de préavis ait été respecté,

— par les violations commises tant sur le fondement de ce dernier texte que par application de l’article L 442- 6- I 2° la SA EDF a manifestement abusé de sa position dominante ;

— elle est donc bien fondée à réclamer l’indemnisation de l’intégralité de son préjudice savoir :

— celui de 538 000 € évalué par son expert comptable au titre de sa perte de marge nette,

— celui pour un montant global de 500 000 € qui en est distinct lié aux licenciements économiques auxquels elle a du procéder, aux coûts supplémentaires d’expertise comptable qu’elle a exposés, à la perte de la société Renault comme client, à l’abandon du projet d’acquisition de la société Micro Volume Alpha Plan,

Considérant qu’il résulte de l’argumentation de la société SARL 26 BIS, que cette dernière invoque l’inexécution des obligations contractuelles de la SA EDF au titre de son engagement de volume, les dispositions de l’article L 442- 6- I 2° b et L 442- 6 5 ° n’étant articulées que pour solliciter à raison de la mauvaise foi de la SA EDF dans l’exécution du contrat une indemnisation complémentaire, étant observé que cette société fait valoir que l’indemnité sollicitée sur le fondement du premier de ces textes peut être réclamée tout autant sur le fondement de l’article 1147 du code civil que sur le fondement du second de ces textes, que si la SARL 26 BIS se prévaut d’une rupture des relations contractuelles, elle ne sollicite pas d’autres indemnités que celles par ailleurs réclamées tant sur le fondement de l’article L 446- I 2° que celui de l’article 1147 du code civil ;

Considérant que si les dispositions du code de commerce précitées sont d’ordre public, en sorte qu’elles ne permettent pas aux parties de restreindre leur application, tel n’est pas le cas, en l’espèce, d’une part car les manquements au regard de l’article L 442- 6- I 2°b sont précisément invoqués au titre de l’article 1147 du code civil, d’autre part, car l’indemnisation réclamée au titre d’un manquement contractuel se rattache à l’exécution du contrat et enfin car la partie qui allègue être victime d’une inexécution contractuelle peut toujours en poursuivre l’exécution éventuellement à charge de dommages et intérêts plutôt que d’en solliciter la rupture ;

Considérant qu’ il résulte des pièces produites que s’il n’est pas utilement contredit que les sociétés du groupe ACAT ont développé des prestations de même nature avec la société EDF, depuis 1993, qu’il est justifié notamment d’un contrat pour la période du 01/12/2002 au 30/11/2005 lequel se référait à un montant global estimatif de 189 000 € et non comme pour le contrat litigieux à un engagement financier au demeurant pour un montant sensiblement supérieur puisque de 529570 € ;

Considérant que ce dernier contrat établi le 30/06/2006 l’a été à la suite d’un appel d’offres, que les obligations respectives des parties s’apprécient dans le cadre de ce contrat, sans qu’il y ait lieu de se référer aux correspondances et mels antérieurs, que les conditions particulières garantissaient un engagement financier minimum de chiffre d’affaires de 529 570 € tandis qu’il n’est pas discuté que le montant total des prestations résultant du bordereau des prix annexé au contrat était sensiblement inférieur à ce volume, en sorte que ce bordereau de prix qui aurait dû, conformément à l’article 4 du contrat, permettre de définir la limite à partir de laquelle la société EDF n’avait plus d’obligation d’achat ne pouvait être utilisé à cette fin, et que cette limite est celle du montant de l’engagement financier savoir 529 570 € qui s’analyse à raison de ses termes comme un minimum ;

Considérant que le 05/09/2006 était établi un document intitulé commande d’exécution se rapportant à ce contrat portant numéro 5800 BM%R – 42 001120592 signé le 07/09/2006 indiquant comme montant total de la commande 820 000 € HT auquel était joint un détail portant livraison au 31/12/2006 pour les montants de 700 000 € HT et 119 996€ HT outre deux fois 1€ HT pour livraison au 31/12/2007 et 1€ HT pour le 31/12 /200 , que le document intitulé avenant n°2 portant le même numéro d’ identification

que la commande d’exécution et ayant pour objet le changement de titulaire établi le 27 /09/2007 pour tenir compte de la reprise du contrat par la SARL 26 BIS et accepté le 03/10/2007 indiquait un montant de l’avenant pour 0 € HT et un montant total de la commande de 1 493 996 € , qu’à ce document était joint un détail d’exécution pour le 31/12/2006 de 282 265, 52€ et de 1981, 82 € HT , pour le 31/12/2007 de 1 091 733, 48 € et de 118 013,16 € HT outre deux fois 1 € HT pour le 31/12/2008, correspondant donc

au montant global indiqué ;

Considérant que la lettre de ACAT comme les mels des 19 et 20/02/2007 avaient pour objet de préciser le montant du chiffre d’affaires de ce groupe soit la somme de 3 531 401€ HT pour déterminer la limite de 20 % autorisée par la clause de sauvegarde soit 706280€ HT par an ou 58 800 € HT par mois ;

Considérant que le volume des prestations confiées a été respectivement d’un montant pour l’année 2006 de 284 162 € , pour l’année 2007 de 415 950 € HT, pour l’année 2008 de 227 667 € HT avec une moyenne mensuelle s’établissant à 47 360 € pour 2006 cette année ne portant que six mois d’exécution à 34 662 € pour l’année 2007 et de 18 972 € pour l’année 2008 avec une tendance régulière à la baisse au fur et à mesure des mois ;

Considérant qu’ il s’évince des stipulations contractuelles et de ces pièces que les parties pouvaient convenir de commandes au delà de l’engagement financier minimum dans la limite de la clause de sauvegarde ;

Considérant que la société EDF excipe vainement de ce que la commande d’exécution du 05/09/2006 et l’avenant N°2 du 26/09/2007 n’auraient aucun caractère contractuel et seraient des documents internes une telle qualification, sans qu’ il soit nécessaire d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, étant nécessairement exclue pour de tels documents notifiés au co-contractant qui les a signés et ayant pour objet de lui permettre d’apprécier les moyens à mettre en oeuvre pour satisfaire son cocontractant ;

Considérant qu’il ne résulte d’aucune pièce et stipulation qu’en fixant le volume de la commande pour la durée totale du contrat d’abord à 820 000 € HT par la commande d’exécution du 05/09/2006 et en ne rapportant son exécution effective que sur l’année 2006 puis à la somme de 1 493 996 € HT par l’avenant du 25/09/2007 en répartissant cette somme pour un montant inférieur de plus de la moitié à ce qui avait été convenu au titre de l’année 2006 par la commande d’exécution du 05/09/2006 alors écoulée et correspondant à son exécution effective, le solde étant reporté de fait sur la seule année 2007, les parties aient entendu modifier le montant de l’engagement financier convenu dans le contrat ; qu’ il est au demeurant patent que la valeur retenue à la date de la signature du 25/09/2007 ne tenait aucun compte des valeurs déjà exécutées pour l’année 2007, puisqu’il en résulte que sur les trois derniers mois plus des deux tiers du montant de cet avenant auraient dû être exécutés ce qui a conduit la SARL 26 à se plaindre des délais imposés, en sorte que les montants indiqués dans les deux actes précités ne peuvent s’ interpréter que comme la limite maximale des commandes pour respecter la clause de sauvegarde;

Considérant qu’au regard tant de l’article 4 du contrat que de l’engagement financier souscrit, la société EDF n’était tenue que de passer une commande s’inscrivant dans la limite de l’engagement financier soit pour un montant de 529 270 € soit une moyenne mensuelle de 17642 € ce qu’elle a respecté pendant la totalité de l’exécution du contrat puisque les valeurs exécutées ont été de 922 779 € se répartissant en un montant de 284 162 € soit une moyenne mensuelle de 47360 € de juillet à décembre 2006,de 415 950 € soit une moyenne mensuelle de 34 662 € pour 2007, de 227 667 € pour 2008 soit une moyenne mensuelle de 18972 € ;

Considérant que, sur le fondement de l’article L 442- 6 du code de commerce, la SARL26 bis reproche à la SA EDF d’avoir abusé de sa position de force en lui imposant des fluctuations générant une absence de visibilité de sa charge de travail, de lui avoir fixé des conditions d’exécution intenables en lui fixant des délais qui ne pouvaient être respectés et en procédant à une application abusive des tarifs ; que cette société SARL 26 BIS excipe de ces mêmes griefs sur le fondement de l’article 1147 du code civil;

Considérant que le premier de ces textes ne s’applique qu’n présence d’une société abusant de sa position dominante, ce qui n’est pas, en l’espèce le cas, au regard de la limite de l’engagement financier et de la clause de sauvegarde stipulées au contrat, l’éventuel abus ne résultant que de la circonstance que la SARL26 BIS qui se prévaut de relations contractuelles depuis 13 ans lors de leur rupture, n’a eu de cesse d’obtenir une augmentation des commandes ;

Considérant, en ce qui concerne les fluctuations des commandes qu’il importe de relever que la SA EDF n’était tenue d’aucune régularité mensuelle pour ses commandes, qu’au regard de la limite de son engagement financier, elle a durant toute l’exécution du contrat, sauf pour quelques mois, passé des commandes correspondant à la moyenne mensuelle de son engagement financier,

Considérant que le grief concernant la fixation de délais ne pouvant être respectés se rapporte à un fait unique d’octobre 2008, que l’éventuel non respect des délais n’a donné lieu à application d’aucune pénalité ;

Considérant que, relativement aux tarifs forfaitaires appliqués, il n’est pas contredit que les tarifs étaient appliqués par défaut, qu’un tarif plus favorable pouvait être appliqué au vu des conditions d’exécution, que les revendications de la SARL26 BIS qui ne réclame aucune régularisation de ce chef ont été en définitive satisfaites;

Considérant que la SARL26 BIS ne fournit aucun élément précis permettant à la cour d’apprécier le préjudice se rapportant à ces éventuels manquements ;

Considérant par suite que tant sur le fondement du texte du code de commerce précité que sur celui des dispositions de l’article 1147 code civil, les demandes de la SARL 26 BIS ne peuvent qu’être rejetées ;

Considérant que la SARL26 BIS se prévaut encore de la rupture brutale des relations contractuelles par la SA EDF sur le fondement de l’article L 442-6-5° du code de commerce en prétendant que les parties entretenaient des relations commerciales depuis 1993 qui avaient un caractère stable, suivi et continu qui avaient généré un chiffre d’affaires annuel qui, d’environ 30000 € HT en 1993 avait atteint plus de 480 000 € HT en 2005 pour revenir à 291 754 € HT en 2006 et se fixer à 621 987 € HT en 2007 , 228 654 € HT en 2008 et 1005 € HT en 2009, qu’elle n’avait plus été sollicitée en 2009 sans qu’aucun préavis préalable ne lui ait été adressé, qu’eu égard à la durée des relations commerciales un préavis d’au moins une année aurait du être respecté, alors que la SA EDF rompant brutalement les négociations commerciales lui a notifié le 16/10/2008 que les relations ne se poursuivraient pas au delà du 31/12/2008 soit avec un préavis d’à peine plus de deux mois ;

Considérant que la SA EDF réplique que le dernier contrat avait été conclu à la suite d’un appel d’offres en sorte que la SARL26 BIS n’avait aucune certitude d’être à nouveau retenu, que le dernier contrat stipulait qu’à son terme, il serait résilié de plein droit sans indemnité ni promesse de renouvellement, que, dès le début de l’année 2008, elle avait informé son co-contractant d’une baisse du volume des commandes qui lui serait commandé, ce qu’a souligné ce dernier, que, par lettre du 10/07/2008, ce dernier, se livrant à une interprétation volontairement erronée l’a menacée, si elle n’augmentait pas le volume des commandes d’une procédure judiciaire, que les négociations commerciales n’avaient pu aboutir devant l’attitude déraisonnable de la SARL26 BIS ,en sorte que, par lettre du 15/10/2008, elle avait été contrainte de lui notifier qu’elle ne poursuivrait plus les relations commerciales au delà du 31/12/2008 en excipant de l’attitude agressive manifestée par cette dernière et des griefs non fondés qu’elle avait formulés, et que le volume de commandes s’étant révélé systématiquement inférieur à la limite de la clause de sauvegarde, la SARL26 BIS ne pouvait articuler un état de dépendance économique ;

Considérant que les relations commerciales en cause relevaient de l’application du texte précité, la circonstance que les parties étaient liées par un contrat à durée déterminée conclu à la suite d’un appel d’offres n’étant pas exclusive de son application étant rappelé que du point de vue de la résiliation une succession de contrats à durée déterminée s’analyse en un contrat à durée indéterminée;

Considérant que, compte tenu des termes du dernier contrat, la SA EDF était tenue de maintenir l’exécution de son contrat dans la limite de l’engagement financier qu’elle avait contracté, et ne pouvait réduire en dessous de ce seuil ou mettre fin aux relations contractuelles sans notification préalable d’un préavis écrit qui, au regard de la durée des relations ne pouvait être inférieur à un an, en l’absence de faute de son cocontractant justifiant la cessation des relations contractuelles ;

Considérant qu’ à raison de l’ambiguïté de la commande d’exécution du 05/09/2006 et de l’avenant du 27/09/2007 et de la pratique des parties de dépasser la limite de l’engagement financier souscrit par la SA EDF, la persistance de la SARL26 BIS à réclamer une augmentation du volume des commandes, même si les griefs se révéleront en définitive infondés , et l’évocation d’une procédure judiciaire, par un contractant qui entretenait des relations commerciales depuis13 ans ne constitue pas une faute suffisante pour exclure tout préavis ou le limiter à une période de deux mois ;

Considérant que ce n’est que par lettre du 15 octobre 2008 que la SA EDF a notifié la cessation des relations contractuelles pour le 31/12/2008 ;

Considérant que sur le fondement de l’article précité, la SARL 26 BIS ne peut obtenir que l’indemnisation de la brutalité de la rupture à raison de la durée du préavis qui ne lui a pas été accordé et non de la rupture elle même ;

Considérant que, comme il a été dit la durée du préavis qui aurait dû être respecté est d’un an, que ce dernier prend effet, à compter du terme du dernier contrat soit du 31/12/2008 sur la base du seul engagement financier souscrit dans le cadre de ce dernier contrat, soit sur un montant de chiffre d’affaires de 211 827, 99 € ( 529270 / 30 X 12 ) ;

Considérant qu’ il n’est pas utilement contredit que le préjudice subi par la SARL 26 BIS correspond à ce montant dont à déduire les charges qu’elle n’a pas exposées sur les matières premières non consommées qui sont de l’ordre de 5 % puisque l’essentiel de son activité était composée de charges fixes soit 201 236, 60 € TTC ( 211 827 , 99 – 10 591,39 ) avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Considérant que la SARL 26 BIS sollicite vainement la réparation des préjudices résultant de la circonstance qu’elle aurait dû procéder à des licenciement économiques, réaliser des situations comptables, perdu la clientèle de la société Renault et été contrainte de renoncer à l’acquisition d’une autre société, dès lors que ces chefs de demandes se rattachent à des griefs qui n’ont pas été retenus, que les frais spécifiques d’expert comptable exposés par la SARL 26 BIS doivent rester à sa charge puisqu’elle les a exposés de sa propre initiative au soutien de ses prétentions dont l’essentiel s’est révélé infondé, que la rupture brutale des relations contractuelles ne permet, ainsi qu’ il a été dit, que de réparer les conséquences

de la brutalité de la rupture par l’indemnisation d’ un préavis qui n’ a pas été octroyé , et non de la rupture elle- même, et qu’en tout état de cause, il n’a pas été démontré que les chefs de demandes dont s’agit sont susceptibles de se rattacher à la brutalité de la rupture;

Considérant qu’il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les termes de l’article 1154 du code civil ;

Considérant que le présent arrêt vaut en tant que de besoin ordre pour la SARL26 BIS de restituer le surplus des sommes reçues dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement,

à compter de la notification du présent arrêt, sans qu’ il y ait lieu de lui accorder à cet égard des délais de paiement par application de l’article 1244 – 1 du code civil ;

Considérant que, au regard d’un litige se limitant à une rupture des relations commerciales entre deux sociétés, il n’y a lieu d’ordonner la publication de la décision ;

Considérant qu’il résulte du sens de cet arrêt que la SA EDF qui a rompu de manière fautive les relations commerciales ne peut qu’ être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Considérant que les conditions d’application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies, le jugement étant confirmé de ce chef ;

Considérant que la SA EDF qui, aux termes du présent arrêt est condamnée à payer des sommes importantes à la SARL 26 BIS est condamnée aux dépens d’appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté la SARL 26 BIS de sa demande de publication de la décision, sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

Le réforme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Déboute la SARL 26 BIS de sa demande au titre de l’ inexécution contractuelle ;

Condamne la SA EDF à payer à la SARL 26 BIS une somme de 201 236, 60 € au titre de la rupture brutale et fautive des relations commerciales avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les termes de l’article 1154 du code civil ;

Dit que le présent arrêt vaut en tant que de besoin, ordre pour la SARL 26 BIS de restituer, la demande de délais de paiement formée par cette dernière étant rejetée, à la SA EDF le surplus des sommes qu’elle a perçues de celle-ci au titre de l’exécution provisoire du jugement, avec intérêts au taux légal à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la SA EDF aux dépens d’appel .

Admet la SCP FISSELIER – CHILOUX – X au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

C D

LE PRÉSIDENT

Fabrice JACOMET

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 8 février 2012, n° 10/11117