Cour d'appel de Paris, 15 novembre 2013, n° 12/14774

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 15 nov. 2013, n° 12/14774
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/14774
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 17 juin 2012, N° 11/12515

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2013

(n° 2013-336, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/14774

Décision déférée à la Cour : jugement du 18 juin 2012 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 11/12515

APPELANTE

Madame U V

XXX

XXX

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/050059 du 16/11/2012 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

représentée et assistée par Me Silke REMIGY, avocat au barreau de PARIS, toque D1713

INTIMÉS

Monsieur Q Z

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

représentés par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toqueL0050

assistés de Me Audrey WERTHEIMER, avocat au barreau de PARIS, toque C0536

Organisme CPAM DE SEINE SAINT DENIS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Maher NEMER, avocat au barreau de PARIS, toque R295

COMPOSITION DE LA COUR

Madame I J ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 3 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

I J, présidente de chambre

S T, conseillère

Marie-Sophie RICHARD, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Khadija MAGHZA

ARRÊT

— contradictoire

— rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par I J, présidente et par Khadija MAGHZA, greffier placé.

*******

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme U V a été opérée du pied gauche, le 24 novembre 1998, par le Dr Z, médecin salarié, à l’Hôpital Notre Dame du Bon Secours, pour un hallux valgus et une déformation des orteils. Elle est rentrée à son domicile le 30 novembre 1998 et a été revue par le Dr Z les 4 janvier, 3 février, 4 mars et 14 juin 1999 et pour la dernière fois le 22 juin 2000. Elle été suivie par le Dr A, rhumatologue, depuis 2000 et celui-ci a fait pratiquer un EMG et diagnostiqué, en septembre 2006, une atteinte tronculaire du nerf sciatique gauche, surtout au niveau de la partie SPE avec des signes de dénervation associés. Elle a ensuite été hospitalisée à l’Hôpital du Blanc Mesnil du 23 septembre au 2 octobre 2008 pour des lombalgies chroniques persistantes et hyperalgiques. Entretemps, elle a été placée en congé longue durée de son emploi d’adjoint administratif à la mairie du Blanc Mesnil du 22 septembre 2004 au 21 septembre 2008 et a reçu une allocation d’adulte handicapée à compter du 11 mars 2008.

Mme U V, prétendant que les troubles présentés étaient en lien avec l’opération du pied pratiquée en 1998, a obtenu en référé la désignation du K M L, chirurgien orthopédiste qui s’est adjoint le K O G, neurologue, et le Dr C, sapiteur spécialisé en électromyographie, et les experts ont déposé leur rapport le 10 février 2011. Ils ont conclu à l’absence de lien entre les troubles allégués par Mme U V, analysés comme des troubles de type conversif et de simulation, et l’intervention du Dr Z.

Après le dépôt de ce rapport d’expertise et suivant actes d’huissier en date des 1er, 9 août et 25 novembre 2011, Mme U V a fait assigner le Dr Z et le groupe hospitalier Saint Joseph, venant aux droits de l’Hôpital Notre Dame du Bon Secours, au contradictoire de la CPAM de Seine Saint Denis, devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir ordonner une contre-expertise.

Par jugement en date du 18 juin 2012, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Mme U V de sa demande, considérant que les experts avaient justement analysé les documents médicaux qui leur avaient été fournis par la demanderesse, non datés, rédigés a posteriori et contenant des erreurs de diagnostic, et avaient fondé leurs conclusions sur l’examen clinique de la demanderesse par le K G, neurologue, qui avait relevé des incompatibilités et des signes de non organicité des troubles allégués et que les experts s’étaient expliqués sur l’hypothèse présentée par le K MASQUELET quant aux suites d’un garrot pendant l’intervention de 1998, aucune paralysie ni hypoesthésie du membre inférieur gauche n’étant apparue en post-opératoire. Il a ajouté que le défaut d’information et l’absence de qualification du Dr Z ne justifiaient pas la demande de contre-expertise dès lors que les experts avaient relevé que le médecin n’avait commis aucune faute dans les soins dispensés.

Il a débouté les défendeurs de leur demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile et condamné Mme U V aux dépens.

Mme U V a interjeté appel de cette décision.


Mme U V, aux termes de ses dernières conclusions signifiées par Y le 21 janvier 2013, demande à la cour de :

Déclarer toutes ses demandes, en ce compris les demandes pécuniaires présentées par elle et par la CPAM de Seine Saint Denis, recevables en application des articles 564 et suivants du Code de procédure civile,

Infirmer la décision du tribunal de grande instance de Paris et ordonner une contre-expertise dans les termes de la précédente, en commettant un chirurgien orthopédiste, un neurologue et un anesthésiste, donnant pour mission aux experts de fournir tous éléments permettant d’apprécier si les défendeurs ont rempli leur obligation d’information et de dire, même en l’absence de toute faute du défendeur en ce qui concerne les soins, quels sont les éléments du préjudice lié à la perte de chance subie par Mme U V,

Subsidiairement, tirer toutes conclusions du manquement des défendeurs à leur devoir d’information, notamment en ce qui concerne la fausse qualification établie du Dr Z en qualité de chirurgien du pied sur les documents officiels de l’hôpital ayant induit Mme U V en erreur sur ses compétences,

Dire en conséquence que le Dr Z et l’Hôpital Notre Dame du Bon Secours ont manqué à leur obligation d’information et de conseil et les condamner à lui verser les sommes suivantes sur le fondement d’une perte de chance :

Dépenses de santé actuelles : prises en charge par la CPAM,

Déficit fonctionnel temporaire : 10.000 €,

Souffrances endurées : 10.000 €,

Préjudice esthétique : 10.000 €,

Déficit fonctionnel permanent : 150.000 €,

Préjudice d’agrément : 15.000 €,

Soit un total de 195.000 €,

Plus subsidiairement encore, si la cour devait considérer que le Dr Z n’a commis aucune faute médicale et que le défaut d’information n’a causé aucune perte de chance, dire que ce défaut lui a causé un préjudice moral pour lequel elle réclame une somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause, condamner Dr Z et le l’Hôpital Notre Dame du Bon Secours au paiement d’une somme de 3.500 € en application des dispositions de l’article 37 de la loi de 1991 sur l’aide juridictionnelle.

Elle soutient, pour l’essentiel, les moyens et arguments suivants :

Sur la recevabilité des demandes pécuniaires : elle avait demandé le renvoi de l’affaire à la mise en état en première instance pour chiffrer son préjudice et au demeurant les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ou qu’elles étaient virtuellement comprises dans celles-ci ou en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément, ce qui est le cas de demandes d’indemnités venant en suite d’une demande d’expertise,

Sur la nécessité d’une contre-expertise : elle produit les avis médicaux du K MASQUELET, chef de service de chirurgie, spécialiste de l’appareil locomoteur et en chirurgie des nerfs, du Dr H, du Dr E et du Dr X qui contredisent formellement les conclusions de l’expertise et concluent à l’existence d’un lien entre l’intervention de 1998 et l’amyotrophie sévère existant sur les territoires proximaux ; elle conteste la valeur donnée par le tribunal au compte-rendu opératoire de l’hôpital du Blanc Mesnil lors de son hospitalisation de 2008 ; elle soutient qu’elle n’a jamais pu remarcher normalement après l’opération de 1998 et que le Dr Z lui-même a constaté la raideur de ses orteils en 1999 ; que la paralysie est donc intervenue immédiatement ; elle ajoute qu’il n’existe aucune preuve concernant la position du garrot ; elle termine en indiquant que le Dr Z lui-même lui a proposé une reprise chirurgicale, en septembre 1999, puis en 2006, évoquant alors la possibilité d’une nouvelle arthrolyse et d’une ostéotomie,

Sur le manquement au devoir d’information : il n’est pas compréhensible que les premiers juges aient écarté ce manquement en raison de l’absence de faute du Dr Z, ce poste de préjudice étant indépendant d’une faute dans les soins ; si la cour ne faisait pas droit à sa demande de contre-expertise, elle devrait à tout le moins retenir une perte de chance pour défaut d’information sur les risques graves inhérents à l’acte médical et sur le défaut de compétence du Dr Z qui n’a aucune spécialité en chirurgie et encore moins en chirurgie orthopédique, ce qui ressort d’une décision de la chambre disciplinaire de l’Ordre du 28 mars 2011 ; la perte de chance en résultant doit être estimée à 100%,

Sur les divers postes de préjudice : Mme U V a un déficit fonctionnel permanent de 80% compte tenu de son statut d’adulte handicapé ; elle a un préjudice esthétique en raison des cicatrices et de la déformation de son pied ; elle a un préjudice d’agrément car elle ne peut plus pratiquer des sports comme le vélo, la natation et le jogging et ne peut plus se déplacer sans canne.

La CPAM de Seine Saint Denis, suivant conclusions signifiées le 26 février 2013, demande à la cour de :

Lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande de contre-expertise présentée par Mme U V et réserver ses droits dans l’attente du rapport à intervenir,

Si la cour faisait droit à la demande subsidiaire de Mme U V et retenait la responsabilité du Dr Z et du groupe hospitalier Paris Saint Joseph sur le fondement de la perte de chance suite à un défaut d’information et de conseil, condamner solidairement le Dr Z et le groupe hospitalier Paris Saint Joseph à lui payer la somme de 2.857,76 €, toutes réserves étant faites pour les prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement, avec intérêts au taux légal à compter de la première demande,

En tout état de cause, condamner tous succombants éventuellement solidairement à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le groupe hospitalier Paris Saint Joseph et le Dr Z, en l’état de leurs écritures récapitulatives signifiées le 9 janvier 2013, concluent :

In limine litis, à l’irrecevabilité des demandes pécuniaires présentées devant la cour pour la première fois par Mme U V et par la CPAM de Seine Saint Denis,

En toute hypothèse, à la confirmation du jugement déféré, au rejet des demandes de Mme U V et de la CPAM de Seine Saint Denis comme irrecevables et mal fondées, et à la condamnation de Mme U V à leur verser une somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Ils font valoir les moyens et arguments suivants :

Sur la recevabilité des demandes pécuniaires : devant le tribunal de grande instance de Paris les demandes de Mme U V se résumaient à une simple demande de contre-expertise, ses demandes indemnitaires, nouvelles en appel, sont donc irrecevables ; il en est de même des demandes de la CPAM de Seine Saint Denis,

Sur la demande de contre-expertise : cette demande n’est pas justifiée au regard des certificats médicaux produits qui ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions expertales, claires, précises et argumentées, le K MASQUELET n’ayant au demeurant aucune légitimité à critiquer les conclusions du Dr G, neurologue ; les experts ont analysé ces pièces médicales et y ont relevé erreurs et imprécisions et le tribunal les a justement écartées comme non datées ou rédigées a posteriori ; ils ont indiqué que, quelle qu’ait été la position du garrot, si celui-ci avait été à l’origine d’une paralysie sciatique, celle-ci serait apparue immédiatement, ce qui n’a pas été le cas chez Mme U V,

La demande de contre-expertise n’est pas plus justifiée en raison du défaut d’information et du défaut de qualification puisque les experts ont relevé que le médecin n’avait commis aucune faute dans les soins dispensés et qu’il a été justement répondu par le K L que le diplôme du Dr Z était sans relation avec cette affaire.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 5 septembre 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de contre-expertise

Considérant que Mme U V a été opérée, le 24 novembre 1998, pour un hallux valgus du pied gauche par le Dr Z qui a réalisé des arthroplasties IPP des 2e, 3e, 4e et 5e orteils, une ténotomie de l’extenseur des orteils, une ostéotomie de Scarf du 1er métatarsien, une ostéotomie de raccourcissement de P1 du gros orteil, une ténotomie de l’abducteur du gros orteil et une ostéotomie de Weil du 5e métatarsien ; que le Dr Z a revu Mme U V en consultations de contrôle à plusieurs reprises jusqu’au 22 juin 2000 et que les compte rendus de consultations n’ont mis en évidence aucune anomalie ;

Que Mme U V a présenté des douleurs et des troubles avec impotence au niveau du membre inférieur gauche et a été suivie par le Dr F, rhumatologue, qui a prescrit un électromyogramme en 2006 montrant des signes d’atteinte dans les territoires SPE et SPI gauches ;

Qu’elle a été placée en situation de congé de longue durée de son emploi d’adjoint administratif à la mairie de Goussainville à compter du 22 septembre 2004 et a été admise au bénéfice de l’allocation d’adulte handicapé à compter du 1er janvier 2008 et n’exerce plus aucune activité professionnelle ;

Considérant qu’à la demande de Mme U V, le K L, professeur de chirurgie orthopédique-traumatologique, a été désigné en qualité d’expert pour examiner la patiente et rechercher si son état de santé actuel et ses doléances étaient en lien avec l’intervention pratiquée par le Dr Z en 1998 ; que le K L s’est adjoint le Dr G, neurologue, en qualité de sapiteur ;

Que l’expert a conclu pour l’essentiel comme suit :

Les actes et traitements médicaux réalisés par le Dr Z étaient pleinement justifiés et les actes et soins ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science, aucune faute n’étant relevée à l’encontre du Dr Z,

L’examen clinique de l’expert, comme celui du Dr G complété par l’EMG pratiqué par le Dr C, a montré l’absence de lien de causalité direct et certain entre les troubles allégués par Mme U V et l’intervention du Dr Z,

En l’absence de relation entre les troubles allégués et l’intervention, l’étude des préjudices est sans objet ;

Considérant que les constatations et les conclusions du médecin expert et de son sapiteur, le Dr G, sont précises, claires et argumentées ; qu’ils ont procédé à des examens cliniques croisés de Mme U V et fait réaliser un EMG de contrôle ; qu’ils ont analysé les pièces produites par l’intéressée et y ont ajouté les documents médicaux obtenus directement de l’Hôpital du Blanc Mesnil que la patiente ne leur avait pas fournis ; qu’ils ont discuté les constatations et les certificats produits et répondu aux dires déposés par les conseils des parties ;

Considérant que Mme U V conteste cette expertise et sollicite la mise en place d’une contre-expertise en mettant en avant les avis et constats de divers médecins spécialistes qui retiennent, dit-elle, l’existence d’un lien entre son état actuel et l’opération effectuée par le Dr Z ;

Mais que la cour constate que les certificats établis par le Dr F ont été justement écartés par les experts en ce qu’ils comportent des contradictions sur la prise en charge de Mme U V, des incohérences et des éléments non argumentés témoignant, aux dires du Dr G, d’une profonde méconnaissance de la neurologie;

Que le certificat du K MASQUELET daté du 20 avril 2010 faisant état d’un « affaissement de l’arche interne qui cadre bien avec une paralysie de la loge postérieure » et ajoutant « on est en face d’une paralysie complète du sciatique, probablement d’origine crurale.. », a été analysé par les experts qui ont souligné qu’une paralysie sciatique ne pouvait avoir une origine crurale ; que le K MASQUELET a, certes, précisé ensuite l’utilisation du qualificatif « crural » mais a ajouté que l’hypothèse la plus vraisemblable était qu’il s’agissait d’une paralysie du garrot placé au niveau de la cuisse, ce qui renvoie nécessairement à l’analyse de cette question à laquelle les experts ont procédé, ainsi qu’il sera vu plus loin ;

Que les avis des Dr X et B des 10 février 2011 et 30 juin 2011 font état d’une atteinte neurogène sévère mais n’établissent pas l’existence d’un lien direct et certain entre cette atteinte et l’intervention chirurgicale de 1998 ; que les médecins ne font au demeurant, dans l’historique médical, que rapporter les propos de Mme U V qui leur indiquait que l’intervention s’était déroulée avec garrot de la cuisse et qu’elle avait présenté, dans ses suites immédiates, un déficit moteur complet des releveurs du pied gauche et de l’ensemble de la loge antéro-externe, tous éléments qui ont été discutés lors des opérations d’expertise et sur lesquels ils n’ont pu opérer aucune vérification ;

Que la question du garrot a donné lieu à des observations précises de la part des experts qui ont noté que le compte-rendu opératoire n’indiquait pas la position exacte de celui-ci sur le membre inférieur gauche, Mme U V parlant d’un garrot au niveau de la cuisse alors que le Dr Z déclare avoir posé le garrot au niveau de la cheville, mais qu’une nouvelle expertise ne permettra pas de répondre à cette contradiction ; qu’en tout état de cause, quelle que soit la position du garrot et son caractère compressif, les experts ont relevé qu’aucune paresthésie n’avait été notée dans les documents médicaux en per opératoire, l’anesthésiste ayant noté une mobilité et une sensibilité normales des deux membres inférieurs, qu’aucune paralysie sciatique n’était apparue en post-opératoire immédiat, ainsi qu’en atteste le dossier infirmier, et qu’aucune paralysie des orteils n’avait jamais été évoquée lors des consultations de contrôle, le Dr Z ayant constaté seulement une raideur de ceux-ci ; qu’une paralysie du releveur du pied, telle qu’évoquée par le K MASQUELET, aurait dû être constatée immédiatement et aurait nécessité une orthèse anti-équin, ce qui n’a pas été le cas ;

Que c’est en vain que Mme U V prétend, pour solliciter une contre-expertise, que la paralysie se serait installée dans les suites immédiates de l’intervention, opérant une confusion entre paralysie et raideur des orteils ; que c’est également en vain qu’elle produit le certificat du Dr D du 15 décembre 2010 qui ne fait que rapporter les dires de Mme U V sur le fait qu’elle aurait présenté une paralysie du pied gauche survenue dans les suites immédiates de l’intervention ; qu’il convient enfin d’ajouter que ce n’est qu’en 2006 que le premier EMG a été ordonné, ce qui est contradictoire avec l’apparition immédiate de phénomènes de paralysie ou de paresthésie, et que, sur la période 2000 à 2006, aucun document médical qui aurait permis de construire une chronologie de l’apparition des symptômes dont se plaint Mme U V n’est produit ;

Que les experts ont par ailleurs justement pris en considération le compte-rendu de l’hospitalisation de Mme U V à l’hôpital du Blanc Mesnil entre le 23 septembre et le 2 octobre 2008 pour des lombalgies chroniques persistantes et hyperalgiques et retenu que l’examen neurologique alors pratiqué notait l’absence de trouble de la sensibilité et de paresthésie au niveau des membres inférieurs ; et que le Dr G, neurologue sapiteur, après avoir procédé à un examen clinique de Mme U V, a sollicité un nouvel EMG, réalisé le 21 janvier 2010 par le Dr C, sapiteur électromyographiste, qui a conclu qu’il n’existait pas d’éléments en faveur d’une lésion tronculaire du nerf sciatique gauche en un point quelconque de son trajet ;

Que Mme U V souligne vainement qu’elle vient d’être reconnue handicapée à plus de 80% et qu’il convient de faire la lumière sur cette affaire, alors que les experts ont noté, au fil de leurs opérations d’expertise, qu’ils n’avaient pu obtenir aucun document médical concernant les différents arrêts de travail de l’intéressée et sa mise en invalidité ;

Considérant qu’il convient en conséquence de considérer que les éléments apportés par Mme U V, tant devant les premiers juges que devant la cour, ne permettent pas de remettre en cause les conclusions de l’expert et ne justifient pas la mise en place d’une nouvelle mesure d’instruction pour rechercher l’existence d’éventuelles fautes médicales à l’origine des préjudices présentés par l’intéressée ;

Considérant que Mme U V fait valoir qu’il y aurait, même en l’absence de toute faute dans les soins apportés, nécessité de mettre en place une nouvelle expertise pour évaluer son préjudice, indemnisable en raison du manquement du médecin dans son devoir d’information et de l’absence de qualification du Dr Z en chirurgie orthopédique ;

Mais que, dès lors qu’il n’est relevé par les experts aucun lien de causalité entre l’intervention et les troubles présentés par Mme U V, il ne peut être sollicité aucune indemnisation du préjudice, même au titre de la perte de chance, du fait d’un défaut d’information ; qu’il en est de même pour l’absence de qualification professionnelle du Dr Z, cette question ayant donné lieu à une condamnation par l’Ordre mais n’étant pas en lien de causalité avec les séquelles dont l’appelante demande l’évaluation, dès lors qu’aucune faute médicale n’est retenue ;

Considérant en définitive que le tribunal, qui n’était saisi que d’une demande de contre-expertise, a justement débouté Mme U V et que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Sur les demandes indemnitaires présentées à titre subsidiaire

Considérant qu’aux termes de l’article 564 du Code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou révélation d’un fait ; que ne sont pas nouvelles au sens des articles 565 et 566, les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et celles qui étaient virtuellement comprises dans les demandes ou qui n’en sont que l’accessoire, la conséquence ou le complément ;

Considérant que Mme U V n’avait présenté devant le tribunal qu’une demande de nouvelle expertise et n’avait formulé aucune demande pécuniaire en indemnisation de ses préjudices ;

Qu’elle sollicite devant la cour la condamnation du Dr Z et du groupe hospitalier Saint Joseph à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices extra-patrimoniaux qu’elle dit subir, au titre de la perte de chance, et en réparation du préjudice moral résultant du manquement du Dr Z à son devoir d’information ;

Que ces prétentions sont nouvelles en appel et qu’il ne peut être soutenu, ni qu’elles tendraient aux mêmes fins que la demande de contre-expertise, ni qu’elles ne seraient que la conséquence de celle-ci, Mme U V ayant fait le choix en première instance de ne plaider que sur la nécessité de mettre en place une nouvelle expertise en vue de voir reconnaître la responsabilité du Dr Z et de ne formuler aucune prétention indemnitaire, aucune évaluation de son préjudice n’ayant même été présentée ; qu’admettre l’inverse aboutirait à priver les parties du double degré de juridiction sur cette question ;

Vu les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l’article 696 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare les demandes subsidiaires de Mme U V en indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la perte de chance et au titre d’un préjudice moral pour manquement au devoir d’information irrecevables comme nouvelles en appel ;

Condamne Mme U V à verser au Dr Z et au groupe hospitalier Saint Joseph une somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ;

La condamne aux dépens d’appel lesquels seront recouvrés dans les formes et conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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