Cour d'appel de Paris, 2 décembre 2014, n° 12/08239

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 2 déc. 2014, n° 12/08239
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/08239
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 27 mars 2012, N° 10/06449

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRÊT DU 02 Décembre 2014

(n° , 09 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 12/08239

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mars 2012 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 10/06449

APPELANT

Monsieur Q O-P

XXX

XXX

représenté par Me Sébastien BOURDON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1394

INTIMEE

SA AUDIKA

XXX

XXX

représentée par Me Q DEBONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0019

en présence de Mme E F, responsable des ressources humaines, dûment mandaté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claudine PORCHER, président

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Claudine PORCHER, président et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Q O-P a été engagé par la société AUDIKA à compter du 27 septembre 2002 par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de directeur régional Sud-Ouest.

Monsieur O-P a pris ses fonctions le 6 janvier 2003.

Par lettre du 15 octobre 2009, Monsieur O-P a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, s’est vu notifier une mise à pied conservatoire, puis a été licencié pour faute grave par lettre du 29 octobre 2009 énonçant le motif du licenciement dans les termes suivants:

« Monsieur,

Nous faisons suite à l’entretien préalable du 23 octobre dernier, au cours duquel nous vous avons exposé les griefs qui vous sont reprochés en présence de Monsieur M N, Responsable Ressources Humaines, assisté de Monsieur I J, Directeur Réseau, et de Mademoiselle G U-V, membre du comité d’entreprise venue vous assister.

Un examen attentif de votre dossier ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous vous informons en conséquence que nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour le motif suivant : graves manquements volontaires à vos obligations professionnelles caractérisés par des faits d’inconduite notoire et des erreurs délibérées dans la gestion des personnels dont vous avez la responsabilité, ayant notamment pour effet une dégradation des conditions de travail et portant atteinte aux droits, à la dignité voire à la santé des salariés qui ont été victimes de vos agissements fautifs.

Vous avez été embauché par la société AUDIKA en date du 6 janvier 2003 en qualité de Directeur Régional Sud-Ouest, poste que vous occupez jusqu’à ce jour. A l’occasion de votre embauche vous avez mis en avant votre expérience professionnelle acquise en matière d’animation des équipes de vente. La maîtrise de la gestion responsable des équipes était une condition substantielle de votre embauche au poste de Directeur Régional.

A ce titre parmi vos missions principales vous avez notamment les responsabilités professionnelles suivantes :

— Gestion des Ressources Humaines (recrutement, animation des équipes, contrôle de la réalisation des objectifs individuels)

— Communication (interface avec la Direction Commerciale et le siège, reporting) dans le respect des règles déontologiques en vigueur au sein de notre entreprise.

Le 05 octobre 2009, le docteur G H, médecin du travail, a attiré notre attention sur la situation de votre collaborateur M. K Y qu’elle rencontrait à l’occasion de sa visite de reprise après un arrêt de travail pour maladie. Elle nous précisait qu’en tant que médecin elle tenait à nous alerter sur l’état de santé de M. K Y qui est à mettre en relation avec son activité professionnelle, précisant qu’un état de santé non altéré au début de sa prise de poste en juillet 2008 allait dans ce sens.

Nous avons alors été contraints de mettre en relation l’arrêt de M, K Y avec l’arrêt d’un autre salarié de votre équipe, qui avait été finalement déclaré inapte à tout poste au sein de l’entreprise. A cette époque il avait évoqué un harcèlement de votre part.

Compte tenu de l’obligation de résultat en matière de prévention des actes de harcèlement qui pèse sur le chef d’entreprise, nous avons été conduits à procéder à une enquête interne sur les conditions de travail de Monsieur K Y qui est votre principal collaborateur.

A cette occasion nous avons découvert que vous avez procédé délibérément et de manière répétée à la déstabilisation de M. K Y par un ensemble d’actes inacceptables qui ne peuvent être cautionnés par notre entreprise.

Ainsi, vous :

— l’avez exclu de toute réunion avec les équipes, alors même que son rôle est de vous assister dans le management des équipes d’assistantes et de RTR,

— avez tenté de le discréditer auprès de Monsieur I J, Directeur de Réseau, en transmettant à ce dernier des informations inexactes concernant M. K Y et en lui faisant tenir des propos qu’il n’avait pas tenus notamment en ce qui concernait sa rémunération,

— avez, sans aucune autorisation de la part de votre hiérarchie ni information de cette dernière, proposé à l’épouse de M K Y une mutation sur un poste d’attaché commercial, basé dans une autre région de France, ce qui a eu pour conséquence de perturber M. et Mme K Y et les faire douter des intentions de l’entreprise à leur égard.

De plus au cours des échanges que nous avons eus avec votre équipe nous avons découvert que vos méthodes de management sont condamnables, en raison de vos propos délibérément cruels, excessifs et provocateurs ou encore de gestes et d’attitudes manifestement non professionnels et néanmoins intentionnels de votre part.

Ainsi nous avons appris que :

— vous déstabilisez votre équipe en dénonçant publiquement certains de vos collaborateurs comme « de vilains petits canards » et d’ajouter « les vilains petits canards, on les met à l’écart »,

— vous menacez régulièrement certaines de vos collaboratrices de « licenciements sur le champs », en dehors de toute procédure légale fondée, vos intimidations étant appuyées de phrases du type « j’en ai viré pour moins que ça »,

— vous avez indiqué à une salariée qui revenait d’un congé maladie suite à un cancer que pendant son absence tout s’était bien déroulé et que s’il y avait le moindre problème vous sauriez que ce serait de sa faute,

— vous avez répondu à une assistante qui vous faisait part de ses difficultés avec un audioprothésiste, de « fermer sa gueule sinon vous alliez lui pourrir tellement la vie qu’elle serait contrainte de démissionner »,

— vous dénigrez un de vos collaborateurs en lui indiquant qu'« il s’était fait baiser par Audika à la vente de sa société, puisqu’il avait accepté un salaire fixe sans autre variable qu’un earn-out »

Dernièrement nous avons appris qu’à l’occasion de la réunion annuelle de votre région le 18 septembre 2009 au Canet en Roussillon, vous aurez :

— sciemment laissé le représentant d’un de nos fournisseurs perpétuer de actes de nature sexuelle manifestement déplacés en particulier dans le contexte professionnel de la réunion, à l’attention d’une de nos assistantes et contre son gré ; vous n’êtes pas intervenu pour que cesse une telle situation et avez omis de tenir informée la Direction de l’entreprise en dépit des risques judiciaires encourus,

— vous avez personnellement porté votre main de manière notoirement indécente et outrageante sur l’une de vos collaboratrices qui n’avait en aucune manière sollicité ni provoqué un tel geste. L’explication que vous nous avez donnée pour justifier votre acte démontre la gravité de ce manquement volontaire à vos obligations professionnelles. En soi le geste est manifestement condamnable. Il est aggravé par la préméditation que vous en aviez puisque selon vos propres propos c’était l’objet d’un pari.

Vos explications ne suffisent pas excuser les actes injustifiables, ayant notamment pour effet une dégradation des conditions de travail et portant atteinte aux droits, à la dignité voire à la santé des salariés placés sous votre direction.

La réalité et la gravité des faits qui vous sont reprochés justifient votre licenciement pour faute grave. II prendra effet dès réception de la présente lettre.(…) »

Monsieur O-P a contesté la légitimité de ce licenciement.

Par jugement du 28 mars 2012, le conseil de prud’hommes de Paris, en sa section Encadrement, a débouté Monsieur O-P de l’ensemble de ses demandes et a débouté la société AUDIKA de sa demande reconventionnelle.

Monsieur O-P a été condamné aux dépens.

Monsieur O-P a interjeté appel de cette décision en demandant à la cour de dire que son licenciement pour faute grave était dépourvu de cause réelle et sérieuse ce qui justifiait, selon lui, la condamnation de la société AUDIKA à lui verser les sommes suivantes :

—  15 169,23 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  1 516,92 € au titre des congés payés afférents,

—  7 162,75 € à titre d’indemnité de licenciement,

—  2 550,93 € correspondant au salaire dû sur la période de mise à pied,

—  255,09 € de congés payés sur mise à pied,

—  55 610,53 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

outre 4 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur O-P demande encore à la cour que soit ordonnée la remise de l’attestation d’employeur destinée à Pôle Emploi rectifiée.

La société AUDIKA conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et sollicite la condamnation de Monsieur O-P à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l’audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR

Sur le licenciement de Monsieur O-P

La société AUDIKA a fondé le licenciement de Monsieur O-P pour faute grave sur trois motifs :

— le harcèlement moral de Monsieur Y ;

— les méthodes de management du salarié ;

— la dissimulation et la commission d’actes déplacés.

Considérant qu’il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ;

Considérant que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; que l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Considérant que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu’il y a lieu d’examiner les griefs articulés à l’encontre de Monsieur O-P ;

Le harcèlement moral allégué de Monsieur O-P à l’égard de Monsieur Y

La société AUDIKA soutient que le licenciement de Monsieur O-P pour faute grave serait justifié par son comportement caractéristique d’un harcèlement moral envers Monsieur Y, animateur régional.

La société AUDIKA fait ainsi valoir que Monsieur O-P aurait exclu Monsieur Y de toute réunion avec les équipes, colporté de fausses informations sur son compte auprès de Monsieur I J, directeur de Réseau et proposé à son épouse une mutation sur un poste d’attaché commercial dans une autre région de France, sans autorisation de la part de la hiérarchie.

L’employeur affirme qu’avertis tant par le médecin du travail que par le salarié victime d’une dégradation des conditions de travail et de la santé de ce dernier, il se devait de licencier Monsieur O-P conformément à son obligation de prévention en matière de harcèlement moral.

Monsieur O-P conteste l’ensemble de ces griefs et fait valoir qu’au contraire, ce serait Monsieur Y qui aurait cherché à le discréditer souhaitant en réalité accéder à son poste.

Il souligne les accointances existant entre Monsieur Y et la direction et fait valoir que quelques mois après son licenciement, Monsieur Y serait devenu responsable régional opérationnel et qu’il serait aujourd’hui directeur régional.

Considérant qu’aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Considérant que l’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant que la société AUDIKA produit deux courriers qui lui auraient été adressés par Monsieur Y se plaignant du comportement de Monsieur O-P ; que ces deux lettres ne présentent toutefois aucun élément justifiant de leur envoi ni d’avantage de l’identité de leur auteur, l’une n’étant pas même datée, de sorte qu’il y a lieu de les écarter des débats ;

Considérant encore que la société AUDIKA produit un mél du 20 janvier 2009 de Monsieur K Y par lequel il fait part à la direction d’un contexte de travail ne lui permettant pas de réaliser les objectifs qui lui ont été assignés ainsi qu’un sentiment de « mise à l’écart » lié au manque de communication et de confiance à son égard de la part de Monsieur O-P, sans toutefois évoquer de faits précis imputables à ce dernier ;

Considérant ensuite qu’il ressort du mél du 2 septembre 2009 de Monsieur Y que celui-ci avait le pouvoir de programmer les réunions d’équipe ; que si une salariée atteste que Monsieur O-P lui aurait reproché d’avoir demandé à Monsieur Y d’être présent à un réunion concernant les assistantes en déclarant « le responsable des assistantes, comme des audios, c’est moi et personne d’autre », il ressort toutefois de cette même attestation que Monsieur Y a participé à une réunion d’équipe en avril 2009 ; qu’il est versé aux débats deux compte-rendus de réunions (« points hebdo DRSO ») du 18 juillet 2008 et du 25 septembre 2009, attestant de la présence de Monsieur Y, de sorte qu’il existe un doute quant à la mise à l’écart du salarié par Monsieur O-P lors des réunions d’équipe ;

Considérant encore que si la proposition de mutation de l’épouse de Monsieur Y par Monsieur O-P n’est pas contestée, il n’est pas établi qu’elle traduisait une volonté de nuire au salarié, Monsieur O-P n’ayant en toute hypothèse pas le pouvoir de mettre en 'uvre une telle mutation ;

Considérant enfin, que l’employeur ne produit aucune pièce à l’appui de son allégation relative à la transmission de fausses informations concernant Monsieur Y par Monsieur O-P auprès de la direction ;

Considérant que par courrier du 5 octobre 2009, le médecin du travail avait informé la société AUDIKA de la dégradation de l’état de santé de Monsieur Y en ces termes : « en tant que médecin du travail, je tenais à vous alerter. En effet, il semblerait que la dégradation de son état de santé soit à mettre en relation avec son activité professionnelle. La constatation d’un état de santé non altéré au début de sa prise de poste lors de la visite du 24 juillet 2008 va d’ailleurs dans ce sens » ; que cette seule pièce ne peut suffire à établir que la dégradation de l’état de santé du salarié serait imputable à Monsieur O-P ;

Considérant que la preuve n’est pas rapportée de ce que la dégradation de l’état de santé de Monsieur Y serait la conséquence d’agissements de Monsieur O-P ; que le harcèlement moral que lui aurait fait subir Monsieur O-P n’est pas d’avantage établi, de sorte que la société AUDIKA ne démontre pas la matérialité du premier grief invoqué au fondement du licenciement du salarié ;

Les méthodes de management de Monsieur O-P

La société AUDIKA fonde encore le licenciement pour faute grave de Monsieur O-P sur les méthodes de management du salarié qui aurait tenu des propos particulièrement durs, méprisants, insultants et menaçants envers les salariés placés sous sa direction.

La société AUDIKA produit ainsi quatre attestations et deux courriels de salariés de la société AUDIKA rapportant les propos blessants qu’aurait tenu Monsieur O-P, ainsi que des courriers de salariés se plaignant de son comportement. Elle ajoute que la direction l’avait alerté à plusieurs reprises quant à son mode de management.

Monsieur O-P fait valoir au contraire que lors de son bilan individuel de 2006, l’employeur lui avait attribué la note maximale en management des équipes.

Il produit par ailleurs un grand nombre de témoignages d’anciens collaborateurs au sein de la société AUDIKA attestant de son comportement respectueux à l’égard de ses équipes.

Il indique en outre que les salariés dont les témoignages ont été produits par l’employeur ont tous été par le passé légitimement sanctionnés par lui ou ont eu des différents avec lui et trouvent ainsi dans ce contentieux le moyen de prendre leur revanche.

Considérant que les témoignages et méls de salariés de la société produits par l’employeur font état de ce que Monsieur O-P dénigrait ses collaborateurs et entretenait, en colportant diverses rumeurs, un climat dégradé au sein des équipes de la région Sud-Ouest ; que les propos rapportés, qui auraient été tenus par Monsieur O-P, ne s’inscrivent toutefois pas, pour la plupart, dans un contexte décrit de manière suffisamment précise et daté et ne sont corroborés par aucun autre témoignage ou pièce versés aux débats ; que les deux salariées qui font état de propos dénigrants de Monsieur O-P ont, par ailleurs, fait l’objet de sanctions disciplinaires initiées par Monsieur O-P de sorte qu’il y a lieu de douter de l’objectivité de leur témoignage ;

Considérant que l’employeur produit également un courrier du 4 février 2009 de Monsieur X, audioprothésiste, dénonçant à la société AUDIKA le harcèlement de Monsieur O-P à son égard et précisant garder 'toutes les pièces de coté’ en cas d’éventuel litige ; que toutefois l’évènement relaté manquant de clarté et aucune pièce ne venant corroborer les dires du salarié, il a lieu de considérer qu’il existe un doute quant à leur véracité ;

Considérant que la société AUDIKA verse encore aux débats un courrier envoyé par lettre simple à l’attention de la direction signé 'la voix des assistantes du SUD OUEST', exposant divers griefs à l’encontre de Monsieur O-P sans toutefois présenter de signature, de sorte qu’il y a lieu d’écarter cette pièce des débats ;

Considérant que l’employeur produit un autre courrier, en date du 6 mai 2008, émanant de Monsieur C Z, par lequel cet ancien salarié de la société conteste un rappel à l’ordre initié par Monsieur O-P au motif que celui-ci, sous couvert d’une sanction officielle et de fait, aurait organisé sa mise à l’écart ; qu’aucun élément matériel ne permet toutefois d’établir l’existence d’une telle mise à l’écart, alors que divers méls échangés entre Monsieur O-P et la direction démontrent que la gestion du conflit avec Monsieur Z avait été menée de concert avec plusieurs membres de la direction de sorte que si Monsieur O-P avait commis une faute à l’égard dudit salarié, la société AUDIKA ne pouvait l’ignorer et le lui reprocher plus d’un an après ;

Considérant encore que le salarié produit de nombreux témoignages d’anciens collaborateurs au sein de la société AUDIKA attestant de son attitude respectueuse et attentive envers ses collaborateurs ;

Considérant enfin que le salarié n’a fait l’objet d’aucune sanction relative aux modes de management allégués dans sa lettre de licenciement, seule la mention « attention à la formulation des propos » dans la rubrique « capacité à travailler en équipe » de son bilan individuel de 2006 ainsi que le courrier adressé par la société AUDIKA le 13 août 2009 y faisant référence sur une période de sept années de relation de travail ;

Considérant ainsi qu’au regard de la discordance des différentes pièces versées au débat, la preuve du caractère « condamnable » des méthodes de management de Monsieur O-P n’est pas valablement rapportée ;

La prétendue dissimulation et commission d’actes déplacés

La société AUDIKA invoque encore au fondement du licenciement pour faute grave de Monsieur O-P la dissimulation à l’égard de la société d’actes de nature sexuelle manifestement déplacés perpétrés par le représentant d’un fournisseur de la société à l’intention d’une des assistantes et contre son gré lors de la réunion annuelle de la région Sud-Ouest en septembre 2008.

Elle soutient également que Monsieur O-P aurait porté la main de manière notoirement indécente sur l’une de ses collaboratrices, ce geste étant aggravé par sa préméditation, le salarié ayant déclaré qu’il s’agissait d’un pari.

Monsieur O-P fait valoir que le représentant du fournisseur n’était en aucun cas lié à lui par un rapport hiérarchique et qu’il n’avait par conséquent aucun pouvoir de direction sur ce dernier.

Il affirme, en outre, être intervenu immédiatement afin d’intimer l’ordre à l’individu de cesser cette attitude déplacée. Il aurait également dès le lundi suivant cet événement demandé à la salariée si elle souhaitait donner suite à cet événement et affirme, qu’après en avoir discuté avec d’autres directeurs régionaux lui ayant également fait part d’incidents similaires avec le même représentant lors de réunions antérieures, il avait alerté l’employeur dudit représentant qui l’aurait dès lors mis à pied.

Monsieur O-P reconnaît ensuite avoir administré une « tape verticale sur le postérieur d’une de ses collègues » mais nie le fait qu’il se serait agi d’un pari.

Il admet avoir regretté immédiatement ce geste, faisant remarquer son caractère exceptionnel et le contexte festif dans lequel il serait intervenu.

Considérant que la société AUDIKA ne verse aucune pièce aux débats démontrant la matérialité et la gravité de l’évènement intervenu lors d’une réunion en septembre 2008 impliquant le représentant de l’un des fournisseurs de la société ; que Monsieur O-P produit toutefois le témoignage du directeur régional Est de la société AUDIKA attestant que le salarié avait effectivement alerté l’employeur de l’auteur des actes déplacés, de sorte que le grief tiré de la dissimulation de tels actes par le salarié n’est pas établi ;

Considérant que Madame A B atteste en ces termes « lors de réunion régionale à la Canet en Roussillon au repas de midi, j’étais debout devant une table du restaurant quand quelqu’un m’a donné une claque sur les fesses; en me retournant, j’ai été surprise de voir Q O-P. Je lui ai de suite crié « ça va pas non ' Tu n’es pas bien’ ». Ce à quoi il m’a rétorqué en riant, « mais A, c’est un pari que j’ai gagné! » ; que Monsieur O-P ne conteste pas avoir accompli un tel geste ; que si ce geste a été commis dans un contexte festif, il n’en demeure pas moins que ce comportement, eu égard aux fonctions de directeur de la région Sud-Ouest délégataire de larges pouvoirs de Monsieur O-P, à la qualité de salariée de la victime et à la présence de témoins, a causé à la société AUDIKA un trouble objectif caractérisé ; que si le geste reproché au salarié n’est pas constitutif de faits de harcèlement sexuel, ce qui du reste n’est pas relevé dans la lettre de licenciement, il n’en demeure pas moins qu’il constitue une faute justifiant à lui seul le licenciement de Monsieur O-P ; qu’une telle faute ne peut toutefois être qualifiée de faute grave au regard de l’absence de tout passé disciplinaire et de l’ancienneté (de sept ans) de Monsieur O-P ; que le jugement est infirmé en ce qu’il a rejeté la demande du salarié tendant au paiement des indemnités de rupture ;

Considérant qu’il est alloué à Monsieur O-P la somme de 15 169,23 € au titre d’une indemnité compensatrice de préavis ainsi que 1 516,92 € au titre de congés payés afférents ; que l’employeur est également condamné à lui payer 2 550,93 € au titre du salaire de mise à pied du 15 octobre au 29 octobre 2009, outre 255,09 € de congés payés afférents et de 7 162,75 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, le montant de ces salaires et indemnités n’étant pas subsidiairement contesté devant la cour.

***

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME PARTIELLEMENT le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

CONDAMNE la société AUDIKA à payer à Monsieur Q O-P :

—  15 169,23 € au titre de l’ indemnité compensatrice de préavis,

—  1 516,92 € au titre des congés payés afférents,

—  2 550,93 € de salaire pour la période de mise à pied du 15 octobre au 29 octobre 2009,

—  255,09 € de congés payés afférents,

—  7 162,75 € au titre de l’indemnité de licenciement ;

ORDONNE la remise à Monsieur Q O-P des documents sociaux conformes au présent arrêt ;

DEBOUTE Monsieur Q O-P du surplus de ses demandes ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société AUDIKA aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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