Cour d'appel de Paris, 26 novembre 2015, n° 14/05504

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 26 nov. 2015, n° 14/05504
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/05504
Décision précédente : Tribunal de commerce de Melun, 18 février 2014, N° 2013L697

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2015

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/05504

Décision déférée à la Cour : Jugement prononcé le 19 Février 2014 par le Tribunal de Commerce de MELUN – RG n° 2013L697

APPELANT

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE PARIS

en ses bureaux au Palais de Justice de PARIS

XXX

XXX

INTIMÉS

1°) Monsieur Z, Mario, F Y

né le XXX à Fontainebleau

XXX

XXX

représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

ayant pour avocat plaidant Me Dominique NARDEUX de la SELARL SAULNIER – NARDEUX – MALAGUTTI – GICQUEL, avocat au barreau de MELUN

2°) SCP A-X prise en la personne de Me Yves A

ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ATESS – AUTOMATISMES TECHNOLOGIE ELECTRICITE SYSTEMES SERVICES

ayant son siège XXX

XXX

représentée par Me François CHASSIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0210

ayant pour avocat plaidant Me Jérôme BOURICARD de la SCP FGB, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Octobre 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine ROSSI, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Christine ROSSI, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller appelé d’une autre chambre afin de compléter la Cour

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC

ARRÊT :

— contradictoire

— rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Monsieur Xavier FLANDIN-BLETY, Greffier présent lors du prononcé.

*

Le 10 janvier 2011 le tribunal de commerce de Paris, sur déclaration de cessation des paiements, prononçait la liquidation judiciaire de la Sarl Atess, constituée en 2006 et immatriculée en janvier 2007, ayant pour activité la fabrication d’armoires électriques, et ayant pour clients des grands comptes, tels que Vinci ou Bouygues.

Le passif vérifié et déposé était de 861.660,48 €, pour un actif de 37.037,40 €, soit une insuffisance d’actif ressortant à 824.623,08 €.

Par jugement du 19 février 2014, le tribunal de commerce de Melun a condamné Monsieur Z Y, ancien gérant de la Sarl Atess, à payer la somme de 50.000 € sur le fondement de l’article L 651-2 du code de commerce.

Le tribunal a relevé que la société Atess avait été condamnée par le tribunal de commerce de Melun à payer à la société Famatec la somme de 593.600 euros pour concurrence déloyale, cette condamnation ayant mis en évidence les fautes de gestion de Monsieur Y. Monsieur Y était en effet le gérant de Atess et également salarié de Famatec dont il détournait la clientèle, ces détournements constituant des fautes de gestion. Le tribunal a également retenu que Monsieur Y n’avait pris aucune mesure pour recapitaliser la société alors qu’il y avait une perte de plus de la moitié des capitaux propres de la société à la clôture de l’exercice 2009.

En revanche, le tribunal a considéré que le blocage des comptes bancaires au titre de l’exécution provisoire du jugement du 4 octobre 2010 avait empêché la bonne continuation de l’entreprise, et que la provision pour l’action en justice n’était pas obligatoire. Il n’a pas retenu non plus le grief afférent à la rémunération de Monsieur Y.

C’est cette condamnation pour concurrence déloyale qui avait contraint Atess à déposer le bilan et à solliciter la liquidation judiciaire.

Le procureur de la République a interjeté appel de ce jugement le 11 mars 2014. Maître A a interjeté appel incident de ce jugement.

Monsieur Y a soulevé la caducité de l’appel.

Par ordonnance en date du 18 décembre 2014, Monsieur Y a été débouté de sa demande.

Puis il déférait cette ordonnance devant la cour d’appel qui a, par arrêt du 29 janvier 2015 a confirmé l’ordonnance entreprise.

Monsieur Y a formé un nouvel incident de procédure devant le conseiller de la mise en état qui a été rejeté par ordonnance du 11 juin 2015.

***

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 mai 2014, le ministère public demande à la cour d’appel de réformer le jugement et de condamner Monsieur Z Y à une sanction patrimoniale plus lourde.

***

Dans ses dernières conclusions au fond transmises par voie électronique le 23 mars 2015 Monsieur Z Y demande à la cour d’appel de :

A titre liminaire, vu les articles 909 et 914 du code de procédure civile,

— Renvoyer l’affaire à la Mise en Etat pour voir fixer l’incident introduit par conclusions du 27 février 2015,

A défaut,

Vu notamment les dispositions de l’article R661-6 1° du Code de Commerce,

Vu les dispositions des articles L661-1, L661-6 et les chapitres I et III du titre V du livre VI de la partie législative du Code de Commerce,

— Déclarer d’office irrecevable Monsieur le Procureur Général près le Tribunal de Commerce de Melun en son appel du jugement du Tribunal de Commerce de Melun du 19 février 2014.

A titre subsidiaire,

Vu l’article 554 du code de procédure civile,

Vu les articles 550, 909 et 910 du code de procédure civile,

— Déclarer Maître A, ès qualités, irrecevable en son intervention volontaire, et par suite en ses conclusions des 15 octobre, 30 décembre 2014 et 23 mars 2015.

— Constater en tout état de cause la tardiveté des conclusions de Maître A, ès qualités, et les déclarer irrecevables.

— A titre superfétatoire, déclarer Maître A, ès qualités, irrecevable en ses conclusions du 30 décembre 2014.

— Débouter Maître A, ès qualités, de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions.

— Condamner Maître A, ès qualités, en paiement au profit de Monsieur Y d’une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mais encore,

— Dire que c’est à bon droit que le jugement du tribunal de commerce de Melun a retenu qu’il ne peut être prétendu que Monsieur Y avait augmenté sa rémunération, et que Maître A ne rapportait de toute manière pas la preuve, l’augmentation des rémunérations n’étant pas une faute de gestion qui pouvait être retenue contre Monsieur Y.

— Confirmer le jugement, en ce qu’il a été dit que c’est bien le blocage des comptes par la Sas Famatec, dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Melun du 4 octobre 2010, qui a empêché la bonne continuation de l’activité de la Sarl Atess et qui justifie en partie sa défaillance.

A titre tout aussi subsidiaire,

— Infirmer de toute manière le jugement en ce qu’il était retenu la condamnation de Monsieur Y, gérant de la Sarl Atess, à contribuer à l’insuffisance d’actif de la Sarl Atess à hauteur de la somme de 50 000 €.

— Dire que Maître A, ès qualités, a fait perdre à la Sarl Atess, la possibilité ou la chance d’obtenir de la Cour d’Appel de Paris, l’infirmation du jugement du 4 octobre 2010 du tribunal de commerce de Melun.

En conséquence,

— Débouter Maître A, ès qualités, de son action tendant à obtenir la condamnation de Monsieur Z Y, au titre de la contribution à l’insuffisance d’actif de la société Atess.

— Constater l’absence de fautes de gestion commises, durant la vie de la société, par le dirigeant de la Sarl Atess, et particulièrement par son gérant.

— Constater qu’il n’y a aucun lien de causalité entre la faute alléguée qui n’est pas avérée et le préjudice qui n’a été créé que par le blocage des comptes de la Sarl Atess, dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Melun le 4 octobre 2010.

— Infirmer également le jugement en ce qu’il a condamné Monsieur Y à payer à Maître A, ès qualités, une somme de 50 000 € au titre de la contribution à l’insuffisance d’actif de la Sarl Atess, outre 2 000 €, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

— Mettre à la charge du Ministère Public les entiers dépens.

**

Maître A, ès qualités de liquidateur de la société Atess a transmis ses dernières conclusions par voie électronique le 23 mars 2015. Il demande à la cour d’appel de :

— Confirmer dans son principe le jugement entrepris en ce qu’il a estimé que les dispositions de l’article 651-2 du code de commerce devaient sanctionner les fautes de gestion commises par Monsieur Y,

— L’infirmer sur le quantum et en conséquence ,

— Condamner Monsieur Y à lui payer ès qualités, une somme de 800.000 euros au titre de sa contribution à l’insuffisance d’actif de la société Atess,

— Condamner Monsieur Y à lui payer, ès qualités, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

— Le condamner aux dépens.

***

SUR CE,

Le ministère public reproche à Monsieur Y, outre ce comportement déloyal, l’absence de constitution de provision alors que l’action en justice susmentionnée avait été engagée en mai 2008, l’absence de recapitalisation de la sarl Atess, alors que ses capitaux propres étaient au 31 décembre 2009 inférieurs à la moitié du capital social, et l’octroi de primes exceptionnelles et une hausse de sa rémunération, alors que dans le même temps le chiffre d’affaires était en diminution constante.

Maître A fait valoir que les fautes de gestion de Monsieur Y sont caractérisées et sont en lien direct avec l’insuffisance d’actif constaté. Ainsi, l’essentiel du passif est dû aux actes de concurrence déloyale de Monsieur Y qui a pillé les logiciels de son ancien employeur afin de détourner sa clientèle et qui a donné lieu à une lourde condamnation que Monsieur Y n’a pas provisionné alors que l’action en justice était engagée, que la diminution des capitaux propres de la société imposait de la dissoudre ou de la recapitaliser, que les rémunérations pour l’exercice 2009 se sont élevées à 242.804 euros pour un chiffre d’affaires de 597.800 euros, étant en augmentation de 6% par rapport au précédent exercice, que la société a versé à Monsieur Y des primes exceptionnelles non justifiées par les résultats économiques de l’entreprise et que la comptabilité de la société n’était ni sincère ni véritable.

Monsieur Y conteste avoir augmenté sa rémunération et produit à cet égard une attestation de Monsieur B du cabinet d’expertise comptable Safhir, qui n’était pas celui de la société Atess, qui a analysé les comptes et a conclu qu’il n’y avait pas eu d’augmentation de la masse salariale en général et de son salaire en particulier, et même qu’elle avait diminué en 2010. Il expose que c’est le blocage des comptes de la société Atess suite au jugement de condamnation pour concurrence déloyale qui était assorti de l’exécution provisoire qui est à l’origine de la bonne continuité de l’activité de l’entreprise et qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la faute et le dommage. De même, il n’existe pas de lien de causalité entre le défaut de provision pour risque de condamnation et l’existence du passif.

En général , Monsieur Y conteste toute responsabilité dans l’insuffisance d’actif de la société Atess. Il reproche à Maître A de s’être désisté de son appel à l’encontre du jugement du 4 octobre 2010. Il conteste toute faute de gestion, exposant qu’il attendait un exercice positif pour recapitaliser la société. Enfin, il conteste la condamnation de la société Atess pour concurrence déloyale.

Aux termes des dispositions de l’article L.651-2 du code de commerce 'Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées en tot ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.(…)'

Dans son jugement du 4 octobre 2010 devenu définitif ayant condamné la société Atess à payer à la société Famatec la somme de 593.600 euros outre intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale, le tribunal de commerce de Melun a retenu des actes de concurrence déloyale commis par Monsieur Y alors qu’il était encore salarié de la société Famatec et qui se sont poursuivis alors qu’il était gérant de la société Atess. Ces agissements sont à l’origine de la condamnation et ont ainsi contribué à alourdir sinon créer le passif de la société et caractérisent des actes de mauvaise gestion. Le tribunal de commerce sera confirmé en ce qu’il a admis le bien fondé de ce grief.

De plus et alors que l’action en concurrence déloyale a été engagée dès le mois de mai 2008 à l’encontre de la société Atess, aucune somme n’a été provisionnée à ce titre, ce défaut de prévoyance caractérise une imprudence laquelle, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, est constitutive d’une faute de gestion imputable à Monsieur Y et ce d’autant plus que la condamnation représente les deux tiers de l’insuffisance d’actif de Atess.

De même, alors que la comptabilité révélait des capitaux propres au 31 décembre 2009 inférieurs à la moitié du capital social, le gérant a commis une faute de gestion en s’abstenant de provoquer la recapitalisation de la société ou sa dissolution et en n’effectuant pas les formalités de publicité légales qui s’imposaient. Monsieur Y ne peut se limiter à prétendre avoir décidé d’attendre la fin de l’exercice positif de l’année 2010 pour recapitaliser et en avoir finalement été empêché du fait de l’exécution de la décision du 4 octobre 2010. Les premiers juges seront donc également confirmés de ce chef.

Enfin, sur la rémunération du gérant, la cour relève qu’il ressort des bulletins de paye de Monsieur Y que ce dernier s’est octroyé des primes exceptionnelles, soit 13.000 euros en 2009 et plus de 11.000 euros en 2010. Cependant globalement son salaire est resté plutôt stable. Pour 2010, la cour ne dispose pas des documents financiers complets et précis mais constate que les soldes intermédiaires font état d’une diminution globale des rémunérations.

Il ne sera donc pas retenu de faute de sa part sur ce point.

Compte tenu de ces éléments la cour confirmera le jugement attaqué sur la responsabilité de Monsieur Y dans la constitution du passif de l’entreprise mais l’infirmera sur le quantum de la condamnation.

L’insuffisance d’actif s’élevant à la somme de 824.623,08 €, Monsieur Y sera condamné à supporter ce passif à hauteur de 400.000 euros.

Sur l’article 700 d Code de procédure civile

Maître A, ès qualités, sollicite le paiment de la somme de 2.000 euros à ce titre.

Il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais qu’il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il lui sera en conséquence allouée la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 19 février 2014 en ce qu’il a retenu la responsabilité de Monsieur Z Y dans l’insuffisance d’actif de la société Atess en vertu de l’article L 651-2 du code de commerce,

L’infirme sur le montant de la condamnation,

Statuant à nouveau mais uniquement sur ce point,

Condamne Monsieur Z Y à payer à Maître A, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Atess, la somme de 400.000 euros,

Condamne Monsieur Z Y à payer à Maître A, ès qualités, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Monsieur Z Y aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE

Xavier FLANDIN-BLETY Michèle PICARD

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
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