Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 21 décembre 2016, n° 15/22807

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 8, 21 déc. 2016, n° 15/22807
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/22807
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 9 novembre 2015, N° 2014066456
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE
FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/22807

Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 10
Novembre 2015 – RG n° 2014066456

APPELANTS

Monsieur X Y, ès-qualités de gérant de la SARL WORLD CLOTHES
DESIGNS FRANCE LIMITED

demeurant XXX

XXX

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP
SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

ayant pour avocat plaidant Me François JOUBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : K 113

SARL WORLD CLOTHES DESIGNS FRANCE
LIMITED

immatriculée au RCS de Paris sous le n° B 510 942 618

ayant son siège social 62 Rue du Faubourg Saint
Honoré

XXX

prise en la personne de son représentant légal domicilié XXX

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP
SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

ayant pour avocat plaidant Me François JOUBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : K 113

INTIMÉS

SELAFA MJA ,

prise en la personne de Maître Z ès-qualités de Liquidateur de la
SARL WORLD CLOTHES
DESIGNS FRANCE LIMITED

ayant son siège social CS 10023 – 102, rue du Faubourg
Saint-Denis

XXX

Représentée par Me Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719

LA SOCIÉTÉ UNION DE GESTION IMMOBILIÈRE
CIVILE – UGICI

immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 323 036 426

ayant son siège social Tour Majunga – La défense 9

XXX

XXX

prise en la personne de son représentant légal domicilié XXX

Représenté par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440

ayant pour avocat plaidant Me Christophe MOUNET, avocat au barreau de PARIS, toque: E 668

PARTIE INTERVENANTE

CENTRE DE GESTION ET D’ETUDE AGS D’ILE DE FRANCE
OUEST

ayant son siège social 130 RUE VICTOR
HUGO

XXX

Représentée par Me Valerie DUTREUILH, avocat au barreau de PARIS, toque : C0479

ayant pour avocat plaidant Me Noëllia AUNON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0479

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 Septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Mme A B, Conseillère

M. Laurent BEDOUET, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT,
Présidente de chambre, dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mariam
ELGARNI-BESSA

MINISTÈRE PUBLIC : L’affaire a été communiquée au ministère public.

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la
Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, président et par Mme Mariam
ELGARNI-BESSA, greffier présent lors du prononcé.

Par acte du 1er décembre 2012, la société
Union de Gestion Immobilière civile

( Ugici ) a donné à bail, des locaux commerciaux situés 62 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris ( 8e) à la société World Clothes Designs France
Limited (WCDF) exerçant une activité de prêt à porter et commercialisant les créations du créateur de mode John Richemond, sous la marque éponyme.

A la suite de la délivrance par le bailleur d’un commandement de payer la somme de 905.160,05 euros, visant la clause résolutoire, la société WCDF a saisi le juge des référés pour obtenir des délais de paiement et voir suspendre la clause résolutoire. Par ordonnance du 4 juillet 2013, le juge des référés a condamné WCDF à payer 769.930,60 euros au titre des sommes dues arrêtées au 2e trimestre 2013, lui a accordé des délais de paiement en six mensualités, en suspendant les effets de la clause résolutoire.

Suite au non respect des délais de paiement, la société bailleresse a, le 19 mars 2014, fait délivrer un commandement de quitter les lieux, ainsi qu’un commandement aux fins de saisie vente le 25 mars 2014, qui ont été contestés devant le juge de l’exécution, qui, par ordonnance du 9 juillet 2014, a rejeté toutes les contestations ainsi que la demande de délai de grâce, l’appel relevé contre cette ordonnance ayant été radié.

La société WCDF a été expulsée le 22 août 2014.

Sur déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 14 octobre 2014, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de WCDF, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 25 août 2014 et désigné la Selafa MJA, en la personne de
Maître Z, ès qualités de liquidateur.

C’est dans ce contexte, que la société bailleresse,
Ugici, a formé tierce-opposition au jugement d’ouverture.

Par jugement du 10 novembre 2015, le tribunal de commerce de
Paris a dit recevable et bien fondée l’opposition d’Ugici et a rétracté le jugement en ce qu’il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire en faveur de WCDF, a condamné la Selafa MJA, ès qualités, à payer à Ugici 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de leurs plus amples demandes et ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Le tribunal a considéré que le centre des intérêts principaux de WCDF se trouvait au Royaume
Uni et que la procédure ouverte en France n’était qu’une procédure’territoriale’ au sens du règlement européen, une procédure 'principale’ devant être valablement ouverte au Royaume Uni.

La société WCDF et M. X Y, ès qualités de gérant de la Sarl WCDF, ont relevé appel de cette décision par déclarations des 23 et 24 novembre 2015.

Par conclusions (n°6) signifiées le 16 septembre 2016, la société WCDF et M. Y demandent à la cour d’infirmer le jugement, de débouter Ugici de sa tierce-opposition et de toutes ses prétentions et de condamner Ugici à leur payer 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions (n°4) signifiées le 20 septembre 2016, la société Ugici sollicite l’annulation des déclarations d’appel et par voie de conséquence l’irrecevablité des appels, subsidiairement, de dire les appels mal fondés, en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de rejeter toutes les prétentions des appelants et de les condamner au paiement de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions signifiées le 6 avril 2016, la Selafa
MJA demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a reconnu l’existence de moyens propres à Ugici, statuant à nouveau de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la recevabilité et le bien fondé de la tierce-opposition et sur la compétence du tribunal de commerce de Paris pour ouvrir une liquidation judiciaire à l’égard de l’établissement principal situé à Paris et sur l’ouverture d’une liquidation judiciaire en application de l’article R631-6 du code du commerce .

Le Centre de gestion et d’études AGS d’Ile de France, intervenant volontairement à la procédure, demande à la cour, dans ses conclusions signifiées le 16 juin 2016, de le recevoir en son intervention, de juger qu’Ugici ne dispose pas de la qualité de tiers au jugement au sens de l’article 583 du code de procédure civile et d’un intérêt propre distinct de celui des autres créanciers de la procédure de liquidation judiciaire, de dire que le jugement du tribunal de commerce n’a pas été rendu en fraude des droits du bailleur, en conséquence, d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, subsidiairement, de juger que le centre des intérêts principaux de WCDF est situé au lieu de son principal établissement 62 rue du Faubourd Saint-Honoré à Paris, de prononcer l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité principale à l’égard de WCDF, conformément à l’article R 631-6 du code du commerce, à titre plus subsidiaire, de prononcer l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité territoriale à l’égard de WCDF, en tout état de cause, de condamner Ugici à payer à l’Unedic AGS la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

SUR CE

— Sur la nullité des déclarations d’appel et la recevabilité de l’appel

Suivant déclaration d’appel du 23 novembre 2015, complétée par une déclaration du lendemain ' la
SARL WORLD CLOTHES DESIGNS FRANCE LIMITED inscrite au RCS de Paris sous le n° M. Bazinet 510 942 618, agissant en la personne de son gérant domicilié XXXsiège 62XXX Paris et M. X Y es qualités de gérant de la SARL WORLD CLOTHES DESIGNS FRANCE LIMITED 216 Rue de Rivoli 75001 PARIS’ont relevé appel du jugement du 10 novembre 2015.

Ugici soulève la nullité de fond de ces déclarations d’appel, insusceptible d’être couverte, en ce que la société WCDF telle qu’elle figure dans ces actes n’a pas d’existence légale et en ce que les dispositions de l’article 58 du code de procédure civile ne sont pas respectées, dès lors qu’il n’apparaît pas que la société appelante est de droit anglais et a son siège au Royaume Uni, l’adresse du 62 rue du Faubourg Saint-Honoré ne correspondant qu’à son établissement, et en ce qu’ayant fait l’objet d’une dissolution au Royaume Uni il lui appartenait d’indiquer son représentant dans le cadre de la dissolution, M. Y n’étant que le responsable en France et non le gérant.

Il résulte de l’article 58 du code de procédure civile que la déclaration saisissant la cour d’appel doit pour les personnes morales contenir l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement.

L’absence de ces mentions et les défauts les affectant, susceptibles de régularisation, constituent des vices de forme dont la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour celui qui l’invoque d’établir l’existence d’un grief.

La nature de la société (SARL) est précisée.

Il résulte de l’extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés que M. X
Y est bien le responsable de WCDF en France, M. C en étant le responsable à l’étranger. La dissolution au
Royaume Uni de WCDF le 21 octobre 2014, ne suffit pas à caractériser l’absence d’existence juridique de la société, dès lors qu’en application de l’article L237-2 du code de commerce la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de sa liquidation jusqu’à la fin de celle-ci.

Enfin, si les déclarations d’appel ne mentionnent pas l’adresse du siège social de WCDF au Royaume
Uni, force est de constater qu’Ugici avait bien connaissance de ce siège depuis les débats en première instance, ce point qui intéresse aussi le fond du litige ayant été débattu devant le tribunal de commerce.

Ainsi, Ugici sera déboutée de sa demande de nullité des déclarations d’appel et par voie de conséquence de sa demande d’irrecevabilité de l’appel fondée sur ces nullités.

— Sur l’intervention volontaire du CGEA d’Ile de
France

Dans le cadre de la liquidation judiciaire ouverte à l’égard de WCDF, l’Unédic AGS a réalisé des avances salariales à la demande de la Selafa MJA, es qualités, pour un montant de 110.730,50 euros, sur laquelle elle reste créancière de la liquidation judiciaire pour 48.755,36 euros.

Son intervention volontaire sera en conséquence déclarée recevable

— Sur la recevabilité de la tierce-opposition

Il résulte d’une part, de l’article L661-2 du code de commerce que le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire est susceptible de tierce opposition dans le délai de 10 jours à compter de sa publication au Bodacc, d’autre part, de l’article 583 du code de procédure civile, auquel ne dérogent pas les dispositions se rapportant aux procédures collectives, qu’est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie, ni représentée au jugement qu’elle attaque. Les créanciers et autres ayants droit peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits s’ils invoquent des moyens qui leur sont propres.

Les appelants, la Selafa MJA et le CGEA contestent la qualité de tiers d’Ugici, faisant valoir que se prévalant de la qualité de créancier privilégié, elle était représentée à l’audience par son débiteur, qu’une telle représentation ne cesse que si le jugement a été rendu en fraude des droits du créancier ou s’il invoque des moyens qui lui sont propres, que tel n’est pas le cas en l’espèce, les inconvénients résultant du jugement contesté étant communs à l’ensemble des créanciers de WCDF, aucune fraude n’étant par ailleurs établie dans l’application du règlement communautaire relatif aux procédures d’insolvabilité.

Tandis qu’Ugici soutient que la théorie de la représentation mutuelle entre le débiteur et son créancier n’a plus cours, que le créancier n’est pas davantage représenté par le mandataire judiciaire dans le jugement d’ouverture, qu’elle a donc bien la qualité de tiers, subsidiairement, que la décision attaquée est entachée de fraude en ce que la procédure ouverte ne correspond à aucun des cas prévus par le réglement CE sur les procédures d’insolvabilité et en ce qu’aucune procédure n’ayant été ouverte au Royaume Uni, lieu du siège social de la société, la procédure française ne peut s’analyser en une procédure secondaire.

La société Ugici qui n’était pas partie au jugement d’ouverture, n’a pas non plus été représentée à cette instance par WCDF, son débiteur, leurs intérêts étant opposés, dès lors qu’Ugici poursuivait à son encontre l’exécution forcée d’une ordonnance de référé l’ayant condamné à paiement et que la déclaration de cessation des paiements aux fins d’ouverture d’une procédure collective avait

notamment pour effet d’interdire les poursuites individuelles. Elle n’a pas davantage été représentée par le liquidateur qui ne représente l’intérêt collectif des créanciers qu’après sa désignation dans le jugement d’ouverture, les dispositions de l’article L 622-20 alinéa 1er du code de commerce, selon lesquelles le mandataire judiciaire désigné a seul qualité pour agir ou nom et dans l’intérêt collectif des créancier, ne pouvant dès lors lui être utilement opposées au motif qu’en se prévalant de sa qualité de créancier privilégié elle a effectué une déclaration de créance au passif de la liquidation.
Ugici est donc bien un tiers à la procédure ayant abouti au jugement d’ouverture.

Le droit effectif au juge, garanti par l’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, implique qu’Ugici, tiers à la procédure, puisse être entendue sur les conditions d’ouverture de la liquidation, dès lors qu’elle soutient que le jugement a été rendu en fraude de ses droits, en ce qu’il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire en violation des règles communautaires et relativement au seul établissement en France de son débiteur, au moment où, à la différence d’autres créanciers, elle agissait en recouvrement de sa créance.

A ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit recevable la tierce opposition d’Ugici.

— Sur le fond

La société WCDF Limited, société anglaise, est immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris en tant que société à responsabilité limitée d’un Etat membre de la CE ou partie à l’accord de l’Espace économique européen. L’extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés mentionne que son siège social est situé au Royaume Uni et son établissement à Paris.

Le règlement CE n°1346/2000 du Conseil de l’Union
Européenne, en date du 29 mai 2000, qui régit les procédures d’insolvabilité quand un débiteur a le centre de ses intérêts principaux dans un Etat membre de l’Union européenne, trouve à s’appliquer en l’espèce.

Ugici soutient que le centre des intérêts principaux de WCDF, qui détermine la compétence en matière de procédure d’insolvabilité, se situe au
Royaume Uni, tandis que la société débitrice affirme qu’il est situé en France au lieu de son établissement parisien, la société n’ayant aucune activité au
Royaume Uni, pays dans lequel elle ne détient qu’une boîte aux lettres.

L’article 3 §1 du règlement européen du 29 mai 2000 dispose que les juridictions de l’Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité et que pour les sociétés, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.

Le siège social ne constitue donc qu’une présomption de compétence pouvant être combattue par tous moyens.

La jurisprudence européenne définit le centre des intérêts principaux à la date d’ouverture de la procédure, comme le lieu où le débiteur gère habituellement ses affaires et qui est vérifiable par des tiers, renvoyant ainsi à la notion de centre effectif des affaires. Il doit donc être recherché ce qu’il en est concrètement de l’activité de WCDF au Royaume Uni et en France.

La déclaration de cessation des paiements déposée par M. Y précise que WCDF Limited a son siège social au Royaume Uni et son principal établissement 62 rue du Faubourg Saint-Honoré à
Paris.

Il ressort d’un document émanant de ' Companies House’ détaillant la situation de WCDF au
Royaume Uni, que cette société portant le numéro 06761806, enregistrée le 18 novembre 2008 au
Royaume Uni, a été dissoute le 21 octobre 2014. Ce document précise qu’il n’y a aucun établissement au Royaume Uni lié à cette entreprise.

Le 1er décembre 2008, soit concomitamment à son enregistrement au Royaume Uni, WCDF a pris à bail, pour une durée de 10 ans ayant commencé à courir le 1er mars 2009, des locaux commerciaux très importants, sur trois niveaux, dans un secteur renommé de Paris, moyennant un loyer annuel particulièrement conséquent de 1.200.000 euros.

Il n’est pas contesté que la société exploitait effectivement ces locaux avant d’en être expulsée et employait jusqu’à l’ouverture de la procédure collective une dizaine de salariés en France. WCDF soutient qu’aucun salarié n’était affecté au siège social, ce qui à défaut d’élément contraire, apparaît très probable en l’absence d’établissement ou d’activité économique au Royaume Uni.

Le bilan de l’exercice clos au 31 décembre 2012 communiqué par WCDF ne fait en effet ressortir que des ventes en France, à l’exclusion de toute exportations et livraisons intra-communautaires. Il en découle une présomption d’absence de chiffre d’affaires réalisé au Royaume Uni.

Quant à l’ouverture d’autres boutiques ' John Richemond’ dans le monde, à Porto Cervo, New York,
Prague, Capri et Milan, elle ne suffit pas à caractériser l’existence de filiales de WCDF, la société débitrice affirmant n’être dédiée qu’au seul magasin parisien, les autres boutiques exploitant la marque relevant de sociétés autonomes, et produit en ce sens les extraits des inscriptions au registre du commerce de trois sociétés enregistrées en Italie et en République Tchèque.

L’importance de l’engagement locatif à Paris, l’exercice effectif de l’activité économique dans ces locaux, caractérisé par la réalisation du chiffre d’affaires sur le territoire national et l’emploi du personnel en France, associés à l’absence de trace d’établissement et d’activité attachée au siège social situé à Londres, sont des éléments qui, pris ensemble, permettent de considérer que le centre des intérêts principaux du débiteur n’est pas situé au siège social mais au 26 rue du Faubourg
Saint-Honoré à Paris, et d’écarter ainsi la présomption édictée par l’article 3 §1 du règlement européen, étant surabondamment relevé que si le centre des intérêts principaux s’apprécie au jour d’ouverture de la procédure collective, la société
WCDF a toutefois été dissoute au Royaume Uni, le 21 octobre 2014, après le jugement d’ouverture.

C’est dès lors à bon droit que, par jugement du 14 octobre 2014, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure collective en France à l’égard de WCDF, dont l’état de cessation des paiements n’est au demeurant pas contesté.

Le jugement du 10 novembre 2015 sera donc infirmé en ce qu’il a considéré que le centre des intérêts principaux de WCDF se trouvait au Royaume Uni et que la procédure ouverte en France n’était qu’une procédure ' territoriale’ au sens du règlement européen, une procédure 'principale’ devant être valablement ouverte au Royaume Uni et en ce qu’il a en conséquence rétracté le jugement du 14 octobre 2014.

La cour, statuant à nouveau, rejettera la tierce opposition d’Ugici et pour respecter les exigences du règlement européen CE n° 1346/2000, complétera le dispositif du jugement du 14 octobre 2014 en disant que le centre des intérêts principaux de la société WCDF Limited se situe en France, à
Paris, et que la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’égard de WCDF constitue une procédure principale d’insolvabilité.

— Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Aucune considération d’équité ne justifie de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

,

Déboute la société Ugici de ses demandes en nullité des déclarations d’appel et en irrecevabilité des appels,

Reçoit le Centre de Gestion et d’Etudes AGS.(CGEA) d’Ile de France en son intervention volontaire,

Confirme le jugement du 10 novembre 2015 en ce qu’il a dit la société Ugici recevable en sa tierce opposition, mais l’infirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés,

Rejette la tierce opposition de la société Ugici et dit n’y avoir lieu à rétractation du jugement du 14 octobre 2014 en ce qu’il a ouvert en France une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société World Clothes Designs France
Limited,

Ajoutant au dispositif du jugement du 14 octobre 2014, dit que le centre des intérêts principaux de la société World Clothes Designs France Limited est situé en France, 62 rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris (8e) et que la procédure d’insolvabilité ouverte en France constitue une procédure principale au sens du règlement CE n° 1346/2000 du 29 mai 2000,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure d’insolvabilité et dit qu’ils pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Mariam ELGARNI-BESSA Marie -Christine
HÉBERT-PAGEOT

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