Cour d'appel de Paris, 13 octobre 2016, n° 15/02696

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 13 oct. 2016, n° 15/02696
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/02696
Décision précédente : Tribunal d'instance, TI, 5 janvier 2015, N° 11-14-000480

Texte intégral

Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE
FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9

ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2016

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 15/02696

Décision déférée à la Cour :
Jugement du 06 Janvier 2015 -Tribunal d’Instance de TI 11e, 93 Rue
Oberkampf – RG n° 11-14-000480

APPELANT

Monsieur X Y

né le XXX à XXX arrondissement

XXX

XXX

Représenté et assisté par Me Miandra
RATRIMOARIVONY, avocat au barreau de PARIS, toque :
C2209

INTIMÉE

SAS SOGEFINANCEMENT

XXX

XXX

N° SIRET : 394 352 272 00014

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Assistée de Me Christine LHUSSIER, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : P0173

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 Septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Z A, Présidente

Madame B C, Conseillère

Mme Marie MONGIN-HEUZE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Léna
ETIENNE en présence de Cécile Ferrovecchio Greffier stagiaire

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la
Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Z
A, Conseillière faisant fonction de Présidente et par Madame Léna
ETIENNE greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Suivant offre acceptée le 24 août 2011, la société SOGEFINANCEMENT a consenti un prêt étudiant à M. Y, d’un montant de 12 500 , au taux nominal de 3,60% l’an remboursable avec différé d’amortissement en 24 échéances mensuelles d’un montant de 37,50, puis 168,57 , en garantie duquel Mme D E s’est portée caution solidaire dans la limite de 15 089 .

A la suite de la défaillance du débiteur, la société SOGEFINANCEMENT a, par acte du 17 et 23 juillet 2014, fait assigner M. Y et Mme D E devant le tribunal d`instance du 11e arrondissement de Paris, afin d’obtenir notamment leur condamnation au paiement des sommes restant dues au titre du prêt.

Par jugement du 6 janvier 2015, le tribunal d’instance a, condamné in solidum M. et Madame Y à payer à la société SOGEFINANCEMENT la somme de 13 112,32 avec intérêts au taux de 3,60 % à compter du 4 février 20l4, la somme de 10 au taux légal à compter de ce jour, débouté la société SOGEFINANCEMENT du surplus de ses demandes et à condamnés in solidum les défendeurs aux dépens.

Par déclaration du 5 février 2015, M. Y a relevé appel du jugement.

Selon ses conclusions du 18 septembre 2015, l’appelant poursuit l’infirmation du jugement et demande à la cour de dire que la société
SOGEFINANCEMENT est déchue des droits aux intérêts, de déduire du montant de la condamnation les remboursements intervenus, de dire que la société
SOGEFINANCEMENT a manqué à son devoir de mise en garde et la condamner à lui payer la somme de 13 517,41 en réparation de son préjudice et en tout état de cause, de débouter la société
SOGEFINANCEMENT de l’ensemble de ses demandes, de lui accorder le bénéfice d’un délai de grâce pour le remboursement du solde restant dû et de condamner la société SOGEFINANCEMENT à lui payer la somme de 3 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que la société SOGEFINANCEMENT a manqué à ses obligations pré-contractuelles d’information résultant des dispositions des articles L311-6 et L311-10 du code de la consommation, que les informations figurant dans la fiche pré-contractuelle sont en contradiction avec les éléments contenus dans l’offre de nature à induire le consommateur de crédit et que le prêteur doit donc être déchu de ses droits aux intérêts, que cette sanction dont l’étendue est laissée à l’appréciation du juge, n’est pas exclusive de l’allocation de dommages-intérêts pour manquement au devoir de mise en garde du prêteur qui a accordé un prêt excessif au regard de ses facultés contributives, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle.

Selon ses conclusions du 3 juillet 2015, la société
SOGEFINANCEMENT sollicite la confirmation du jugement et subsidiairement, elle demande à la cour de condamner M. Y à lui

payer la somme de 11 520,04 avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2014, date des mises en demeure de payer et demande à titre incident la condamnation de M. Y à lui payer la somme de 1 000 au titre de l’indemnité légale de résiliation égale à 8% du capital restant dû et la somme de 1 500 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui pourront être recouvrés directement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle estime qu’elle a bien respecté les dispositions légales en vigueur régies par les articles L311-l et suivants du code de la consommation en matière d’obligations pré-contractuelles d’information tant sur le TEG, que sur les frais liés au crédit que sur la mention relative au droit du prêteur en cas de remboursement anticipé, que sur le coût de l’assurance, que sur la remise de la fiche d’information.

Elle soutient que M. Y ne démontre pas qu’elle aurait manqué à son devoir de mise en garde à son égard, que les mensualités du prêt n’étaient pas manifestement excessives par rapport aux capacités de remboursement de l’emprunteur et de sa caution, qu’il s’agissait d’un prêt étudiant et que l’emprunteur bénéficiait de mensualités réduites pendant la durée de ses études.

Elle indique que M. Y a déjà bénéficié de fait de plus de 2 ans de délais de paiement et ne présente aucune garantie de solvabilité future.

SUR CE, LA COUR

Sur la déchéance du droits au intérêts contractuels du prêteur

En application de l’article L311-8 du code de la consommation, le prêteur donne à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l’article L311-6 dite fiche d’informations pré-contractuelles et il doit attirer l’attention de l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédit proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement.

Les mentions devant figurer sur la fiche d’information pré-contractuelle sont précisées à l’article
R311-6 du code de la consommation.

Selon l’article L311-9 du même code, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris les informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article
L333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L333-5 du code de la consommation.

Le non respect de l’une de ces obligations est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur en totalité ou dans la proportion fixée par le juge en vertu des dispositions de l’article
L311-48 du code de la consommation.

En revanche, obligation prévue à l’article L311-10 de remise à l’emprunteur d’une fiche d’information distincte de la fiche d’information précontractuelle ne concerne que les seules opération de crédit conclues sur le lieu de vente, en matière de crédit accessoire à une vente ou au moyen d’une technique de communication à distance ce qui n’est pas la cas en l’espèce et M. Y ne peut reprocher un manquement à la société
SOGEFINANCEMENT de ce chef.

L’organisme prêteur produit la fiche d’information contractuelle annexée à l’offre de crédit signée par M. Y

La fiche mentionne le taux annuel effectif global fixe de 3,71% et s’agissant d’un prêt personnel à

taux fixe et à période d’amortissement fixe, la mention d’exemple représentatif mentionnant toutes les hypothèses utilisées pour le calcul de ce taux est sans objet, ce taux n’étant pas susceptible d’évoluer.

Le contrat de prêt ne prévoit aucun taux débiteur supplémentaire susceptible de s’appliquer au contrat, en dehors du taux contractuel et il ne peut être reproché à l’emprunteur d’avoir mentionné sur la fiche un taux de 0%.

La fiche en revanche ne mentionne pas les frais d’exécution liés au crédit à hauteur des frais de dossier comptabilisés dans l’offre à hauteur de 30 en violation de l’article R311-6 13°du code de la consommation.

Si la fiche mentionne que l’emprunteur a le droit de procéder à tout moment au remboursement anticipée, total ou partiel du crédit, elle ne précise pas le cas échéant le droit du prêteur à une indemnité ainsi que le mode de calcul de cette indemnité en application de l’article L311-22 du code de la consommation en violation de l’article R311- 18°.

Il n’est pas contesté que l’emprunteur a souscrit une assurance facultative qui lui a été proposée par le prêteur, et il n’est pas justifié par celui-ci qu’il a informé l’emprunteur du coût standard de l’assurance à l’aide d’un exemple chiffré exprimé en euro et par mois en application de l’article L311-6 III, la rubrique prévue à cet effet sur la fiche d’information préalablement à la signature de l’offre n’étant pas renseignée.

Quant à la consultation du FICP, l’article 12 de l’arrêté du 26 octobre 2010, prévoit que la communication des informations s’effectue soit par procédure de consultation sécurisée sur internet, soit par remise ou télétransmission d’un fichier informatique sécurisé et l’article 13 dispose que les organisme financiers doivent, afin de pouvoir justifier qu’ils ont consulté le fichier, conserver des preuves de cette consultation, de son motif et de son résultat, sur un support durable. Ils doivent être en mesure de démonter que les modalités de consultation du fichier et de conservation du résultat des consultations garantissent l’intégrité des informations ainsi collectées.

En l’espèce, la société SOGEFINANCEMENT produit, outre la fiche d’information précontractuelle, une fiche intitulée résultat interrogation fichage FICP qui indique une date d’interrogation au 26 août 2008 soit à la même date que l’établissement de l’offre préalable puis à la rubrique type d’interrogation, la mention 'automatique’ et à la rubrique résultat 'aucun'.

Cette fiche renseignée par le seul emprunteur, dont les mentions sont particulièrement imprécises tant sur le mode de consultation du fichier que sur le résultat, qui peut soit laisser penser qu’aucune réponse n’a été donnée par le FICP soit qu’aucun incident n’y figure, ne peut suffire à justifier que la
SAS SOGEFINANCEMENT a respecté les prescriptions de l’article
L311-9 en l’absence de production des justificatifs de la demande de consultation du fichier, selon les modalités prévues par l’article 12 susvisé, et de son résultat.

Au vu des manquements ainsi relevés, la déchéance du droit aux intérêt s’appliquera uniquement sur les intérêts échus à la date de déchéance du terme et il convient de déduire du montant du capital emprunté le montant des mensualités réglées par M. Y à hauteur de 979,96 qui n’ont été imputées que sur les intérêts et le coût de l’assurance, soit un solde restant dû de 11 520, 04.

La déchéance du droit aux intérêts, qui a pour conséquence que l’emprunteur n’est tenu qu’au remboursement du capital et au paiement des intérêts dont il n’a pas été déchu, exclut nécessairement l’application de la disposition conventionnelle prévoyant la perception d’une indemnité de 8 % en compensation de la perte qu’il subit dans l’hypothèse de la résiliation du contrat en conséquence de la défaillance de l’emprunteur.

Le jugement sera infirmé sur le montant des condamnations prononcées à l’encontre de l’emprunteur au titre du prêt litigieux et M. Y sera donc condamné à payer la somme de 11 520,04 à la société SOGEFINANCEMENT assortie des intérêt au taux contractuel de 3,60% l’an à compter de l’assignation, le prêteur ne justifiant de l’envoi d’une mise en demeure ayant touché son destinataire.

La société SOGEFINANCEMENT sera déboutée de sa demande incidente au titre de l’indemnité de résiliation.

Sur la demande de dommages-intérêts de M. Y

Ainsi qu’il a été retenu ci-avant, il est constant que la banque n’a pas totalement satisfait à son obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur en ne justifiant pas de la consultation du FICP et elle a été sanctionnée notamment pour cette faute par la déchéance du droits au intérêts.

Il incombe également au professionnel du crédit qui consent un prêt à un emprunteur non averti de l’alerter, conformément au devoir de mise en garde auquel il est tenu à son égard, sur les risques découlant de l’endettement né de l’octroi de crédit en considération de ses capacités financières.

Il appartient à la banque de rapporter la preuve qu’elle a satisfait à cette obligation de mise en garde à partir des éléments d’information dont elle disposait lui permettant de vérifier que la situation de l’emprunteur était compatible avec la charge d’un crédit.

En l’espèce, la société SOGEFINANCEMENT a consenti M. Y un prêt étudiant, celui-ci ne percevant aucune ressource lors de sa souscription.

Il est mentionné sur la fiche charges/ressources que M. Y devait supporter les mensualités d’un précédent prêt étudiant consenti par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à hauteur de 285 les frais de scolarité à hauteur de 12 500 par an (soit 1041,66 par mois) soit un total de 1 326,66 outre les mensualités du nouveau crédit à hauteur de 55,88 pendant 24 mois puis 186,95 pendant 84 mois.

En l’absence de toute ressource de l’emprunteur en raison de sa situation d’étudiant c’est donc au vu de la situation de la caution qu’il convient d’apprécier, si l’emprunteur était en mesure d’assumer la charge du crédit.

Or , il ressort de la fiche de situation de Mme D E que celle-ci percevait des ressources mensuelles à hauteur de 3304 et des charges de 974 correspondant au loyer outre les charges de son fils que celui-ci n’était pas en capacité d’assumer soit 1382,54 comprenant les mensualités du nouveau crédit pendant deux ans jusqu’à ce que son fils termine ses études et puisse subvenir à ses charges, soit un endettement mensuel de 2356,54 représentant plus de 70% de ses ressources.

Force est ainsi de constater que la banque, au vu des éléments d’information dont elle disposait, a fait preuve d’une légèreté certaine en octroyant à un crédit dont il allait résulter pour l’emprunteur un endettement très important, sans le mettre en garde sur les risques qu’il encourait en dépit de la garantie d’une caution personnelle alors qu’il était évident qu’il lui serait difficile d’assumer la charge du crédit avant même le différé d’amortissement lui permettant de terminer ses études et d’être en mesure de s’assumer financièrement.

La responsabilité de la banque dans l’octroi du crédit se trouve donc engagée et elle doit en conséquence réparer le préjudice subi par celui-ci qui ne peut consister que dans la perte d’une chance de pas contracter et ne peut représenter qu’une fraction de la perte à laquelle la victime a été exposée et qui sera fixé en l’espèce à la somme de 3 000 eu égard au solde restant dû après

application de la déchéance du droit aux intérêts.

Sur la demande de délai de paiement

M. Y reconnaît qu’il est aujourd’hui sans emploi et sans revenu et qu’il doit faire face au remboursement d’un autre prêt à hauteur de 550 par mois ; il ne justifie ainsi d’aucune garantie propre à assurer le règlement de la dette dans le délai de deux ans prévus par l’article 1244 du code civil et sa demande de délais de paiement sera en conséquence rejetée, étant observé qu’il a bénéficié de fait de délais importants pour s’acquitter de sa dette et n’a effectué aucun règlement ne serait-ce que partiel.

Sa demande de délai de paiement sera en conséquence rejetée.

Eu égard à l’issue du litige, il n’y a pas lieu d faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société SOGEFINANCEMENT succombant partiellement en appel sera condamnée à payer à M. Y la somme de 1000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens de l’appel.

PAR CES MOTIFS

I n f i r m e l e j u g e m e n t s u r l e m o n t a n t d e s c o n d a m n a t i o n s p r o n o n c é e s à l ' e n c o n t r e d e M. Y ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

P r o n o n c e l a d é c h é a n c e p a r t i e l l e d u d r o i t a u i n t é r ê t s c o n t r a c t u e l s d e l a s o c i é t é
SOGEFINANCEMENT ;

Condamne M. X Y à payer à la société
SOGEFINANCEMENT la somme de 11 520,04 assortie des intérêt au taux contractuel de 3,60% l’an à compter du 7 juillet 2014 ;

Déboute la société SOGEFINANCEMENT de sa demande incidente au titre de l’indemnité de résiliation ;

Y ajoutant,

Condamne la société SOGEFINANCEMENT à payer à M. X Y la somme de 1 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne la compensation entre les sommes que se doivent respectivement les parties ;

Condamne la société SOGEFINANCEMENT aux dépens de l’appel.

LE GREFFIER LA CONSEILLIÈRE FAISANT FONCTION DE
PRÉSIDENTE

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