Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 7 juin 2017, n° 15/09238

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Chronologie de l’affaire

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CMS · 23 octobre 2019

La Cour de cassation vient de rappeler que le preneur à bail commercial doit être indemnisé de ses frais de réinstallation même si son fonds n'est pas transférable. Le principe : la place des frais de réinstallation dans l'indemnité d'éviction du bail commercial L'article L.145-14 du Code de commerce pose le principe selon lequel, sauf exceptions prévues aux articles L.145-17 et suivants, le bailleur qui refuse le renouvellement du bail doit payer au locataire évincé une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. L'indemnité comprend notamment la valeur …

 

www.prigent-avocat.com · 5 août 2019

Le bailleur étant tenu d'indemniser des frais de réinstallation le preneur évincé d'un fonds non transférable, sauf s'il établit que le preneur ne se réinstallera pas dans un autre fonds, la demande du locataire en paiement d'une indemnité au titre des frais de réinstallation ne peut être rejetée au motif que la perte d'un fonds de commerce n'engendre aucune réinstallation ( Cass. civ. 3, 11-07-2019, n° 18-16.993, F-D ). 1. La notion d'indemnité d'éviction Un bailleur peut toujours refuser le renouvellement du bail commercial, mais il doit dans ce cas, si le preneur peut …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 7 juin 2017, n° 15/09238
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/09238
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 9 février 2015, N° 09/03794
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 3 ARRÊT DU 7 JUIN 2017 (n° , 14 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 15/09238 ayant absorbé le 15/09952

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Février 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 09/03794

APPELANTE :

Société EK BOUTIQUES prise en la personne de ses représentants légaux

anciennement FERAUD SA suite à une fusion

Société de droit Luxembourgeois

XXX

XXX

L2311 LUXEMBOURG

Intimée dans le dossier RG 15/09952 ayant fait l’objet d’une jonction avec le 15/09238

Représentée par Me M N O, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant

Assistée de Me Charles-Édouard BRAULT de l’AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J082, avocat plaidant

INTIMÉES :

SAS MONTAIGNE 51 prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 491 310 603

XXX

XXX

Appelante dans le dossier RG 15/09952 ayant fait l’objet d’une jonction avec le 15/09238

SAS F G prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le XXX

XXX

Appelante dans le dossier RG 15/09952 ayant fait l’objet d’une jonction avec le 15/09238

Représentées par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, avocat postulant

Assistées de Me Marie-Laure RODRIGUEZ de la SCP JACQUIN-MARUANI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0428, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 mars 2017 puis le 10 mai 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

Madame Sophie REY, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors du prononcé.

******* Faits et procédure :

Suivant acte du 1er octobre 1981, la société GAN Vie aux droits de laquelle se sont trouvées les sociétés 55 Montaigne et F G a donné à bail à la société C D P aux droits de laquelle se trouve la société EK boutiques des locaux commerciaux au rez-de-chaussée et sous-sol d’un immeuble situés XXX pour une durée de neuf années en vu d’y exercer une activité de haute couture, prêt-à-porter de luxe, parfumerie, produits et soins de beauté et accessoires, moyennant un loyer annuel fixé initialement 440 000 francs révisable tous les trois ans conformément à la législation en vigueur.

Par acte du 15 octobre 1991, un nouveau bail a été conclu entre les mêmes parties, à effet du 1er juillet 1990, pour une durée de neuf années moyennant un loyer annuel de 3 100 000 francs, le loyer annuel étant aménagé les cinq premières années suivant des paliers et le loyer étant révisable pour la première fois au 1er juillet 1994 puis tous les ans au 1er juillet en fonction de la variation de l’indice INSEE du coût de la construction.

Par avenant du 24 juin 1993, il a été procédé à un aménagement du loyer: à cette occasion, il a été convenu que la première révision aurait lieu le 1er juillet 1995 au lieu du 1er juillet 1994 ;

Par exploit du 29 juin 1999, la société 55 Montaigne a fait délivrer un congé offre de renouvellement à effet du 31 décembre 1999, moyennant un loyer de 5 000 000 francs soit 762 245,08 euros hors taxes et hors charges.

Par jugement du 22 février 2008 et après expertise, le loyer du bail renouvelé a été fixé à la somme de 497 211 euros HT et HC ;

Par exploit d’huissier du 24 avril 2008, la société Montaigne 51 qui avait fait l’acquisition de l’immeuble abritant les lieux loués suivant acte authentique du 24 octobre 2006, a signifié un congé refus de renouvellement et offre de payer une indemnité d’éviction, à effet du 31 décembre 2008.

Le preneur renonçant au bénéfice du maintien dans les lieux a restitué les locaux le 31 décembre 2008 et un état des lieux a été établi le 1er janvier 2009. Par acte du 12 janvier 2009, le procès-verbal de constat été dénoncé au bailleur avec restitution des clefs.

Par acte d’huissier de justice du 13 février 2009, la société EK Boutiques, a fait délivrer une assignation aux sociétés Montaigne 51 et F G contenant une opposition au commandement délivré par la société Montaigne 51 en contestant le montant des prétentions émises au titre des loyers au motif que la clause d’indexation initialement insérée dans le bail échu devait être réputée non écrite avec les conséquences qui en découlaient sur le montant des sommes dont le recouvrement était poursuivi.

Par acte du 16 février 2009, la société Montaigne 51 a rétracté son offre d’indemnité d’éviction au motif qu’il n’avait pas été satisfait au commandement de payer dans le délai d’un mois.

Suivant exploit du 12 juin 2009, la société EK Boutiques, locataire a assigné la SAS Montaigne 51, auteur d’un refus de renouvellement, afin de voir juger que les motifs invoqués à l’appui de la rétractation de l’offre de payer l’indemnité d’éviction devaient être déclarés inopérants, et voir fixer à la somme de 22.888.900 €, sauf à parfaire, le montant de l’indemnité d’éviction due par la SAS Montaigne 51 à la société EK Boutiques.

Le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances.

Par jugement du 8 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

— dit que la clause d’indexation insérée dans le bail est valable et doit continuer a recevoir application dans le bail renouvelé à compter du 1er janvier 2000 et que la demande en paiement des arriérés de loyer n’est pas prescrite,

— condamné à titre provisionnel la société EK Boutiques à payer 404.602,45 € à la société F G et 120.599,62 € à la société Montaigne 51,

— dit que le dépôt de garantie demeurerait acquis au bailleur,

— et, après avoir reconnu le droit à indemnité d’éviction découlant du congé précédemment signifié, a condamné à titre provisionnel la société Montaigne 51 à verser à la société EK Boutiques la somme de 3.900.000 € à valoir sur l’indemnité d"éviction en désignant avant dire droit, en qualité d’expert, M X pour donner tous éléments permettant de déterminer l’indemnité d’éviction, celui ci ayant aussi pour mission de proposer un compte entre les parties sur le rappel des loyers dès lors que la clause d’indexation devait recevoir application.

L’expert a déposé son rapport le 23 avril 2013.

Par jugement du 10 février 2015, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris a :

— dit que l’éviction entraîne la perte du fonds exploité par la société EK Boutiques dans les locaux appartenant successivement à la société F G et à la société Montaigne 51, situés à XXX, XXX.

— fixé à la somme de 5.224.000 € le montant de l’indemnité d’éviction principale

— fixé à la somme de 67.650 € l’indemnité pour trouble commercial,

— fixé à la somme 34.386 € les indemnités de licenciement.

— constaté que la société Montaigne 51 a réglé, à titre de provision à valoir sur l’indemnité d’éviction une somme de 3 900 000 € à la société EK Boutiques.

En conséquence,

— condamné la société Montaigne 51 au paiement d’une somme de 1.426.036€.

— fixé à la somme de 522.400 € l’indemnité de remploi et dit que cette somme ne sera due par la société Montaigne 51 que sous réserve de justificatifs de réinstallation par la société EK Boutiques dans un délai d’un an a compter du jour où la décision sera devenue définitive.

— ordonné en conséquence la consignation de cette somme par la société Montaigne 51 à la caisse des dépôts et consignations.

— fixé à la somme de 1.732.000 € l’indemnité pour frais de réinstallation et dit que cette somme ne sera due par la société Montaigne 51 que sous réserve de justificatifs de réinstallation par la société EK Boutiques dans un délai d’un an à compter du jour où la décision sera, devenue définitive.

— ordonné en conséquence la consignation de cette somme par la société Montaigne 51 à la caisse des dépôts et consignations.

— dit que la société EK Boutiques était redevable de loyer pour la période du 1er janvier 2000 au 23 octobre 2006, date à laquelle était bailleresse la société F G d’une somme de 3 644 146 € hors charges et hors taxes et pour la période du 24 octobre 2006 au 31 décembre 2008, où la bailleresse était la société Montaigne 51 d’une somme de 1.309 866,15C hors charges et hors taxes.

— dit qu’il convient d’effectuer le compte entre les parties en déduisant de ces sommes d’une part les loyers payés par la société EK Boutiques et d’autre part la somme de 500 000 € payés à titre provisionnel en exécution du jugement du 8 novembre 2011.

A cette fin, désigné en qualité de consultant:

M E B avec notamment pour mission : * de proposer au tribunal un compte des rappels de loyers pour les années 2000 à 2008, en déduisant des sommes susmentionnées les paiements de loyers effectués par la société BK Boutiques ainsi que la somme de 500 000 € payée en exécution du jugement du 8 novembre 2011 (…)

— condamné la société Montaigne 51 à payer a la société EK Boutiques la somme de 15 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Montaigne 51 aux entiers dépens.

La société EK Boutiques a relevé appel du jugement par déclaration du 22 avril 2015.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 20 février 2017, la société EK Boutiques demande à la Cour de :

I- Sur la fixation de l’indemnité d’éviction :

° -Sur la fixation de l’indemnité principale :

' Dire et juger que les intimées ne peuvent établir, en raison de la haute commercialité de l’emplacement des locaux avenue Montaigne à Paris et ce au regard du commerce considéré, tel que précédemment exploité à l’enseigne C D P par la société EK Boutiques et ce quelles que soient les rotations d’enseignes constatées, qu’une modification des facteurs locaux de commercialité – à fortiori présentant un caractère notable – puisse être établie en l’espèce pendant la période prise en considération, en infirmant la décision entreprise en ce qu’elle a retenu à tort l’incidence de l’augmentation des loyers ou des prix de cession en contravention avec les dispositions des articles L145- 34 et R 145-6 du Code de commerce ;

Déclarer les sociétés F G et Montaigne 51, infondées en leurs demandes, fins et prétentions à cet égard, les en débouter en jugeant que l’assiette de calcul de la valeur du droit au bail doit procéder du rapprochement entre le montant du loyer plafonné si le bail avait été renouvelé, soit 664.336,85 € HT et d’autre part la valeur locative de marché, déterminée selon un prix unitaire de 9.000 €, soit 2.355.210 € d’où découle un loyer différentiel annuel de 1.690.873 € auquel il convient d’appliquer le coefficient multiplicateur 12 ou, à titre infiniment subsidiaire en tout de cause, le coefficient multiplicateur 10 d’où découle une valeur du droit au bail d’un montant de 20.000.000 € dans la première hypothèse et de 16.908.000 € dans la seconde ;

A titre infiniment subsidiaire et si par impossible, la cour estimait devoir confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a retenu le déplafonnement du loyer s’il avait renouvelé :

Faire droit à la demande de l’appelante en retenant dans cette hypothèse une valeur de droit au bail d’un montant de 15.701.400 € par application du coefficient multiplicateur 12 ou de 13.084.500 € selon le coefficient multiplicateur 10 à titre subsidiaire ;

Déclarer les sociétés Montaigne 51 et F G infondées en leur différentes demandes, fins et prétentions, les en débouter ;

2°- Sur la fixation des indemnités accessoires :

Déclarer les sociétés Montaigne 51 et F G mal fondées en leurs appels principal et incident, les en débouter.

Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a estimé que la preuve n’était nullement apportée par les Sociétés intimées de l’absence d’intention de réinstallation du locataire, dès lors que le fait que la société locataire ait délaissé les lieux loués à la date d’effet du congé et qu’elle n’ait pas encore procédé à sa réinstallation à la date où le Tribunal a été a été amené à statuer ne démontrait nullement son intention de ne pas se réinstaller alors même qu’en raison de son objet social la société EK Boutiques n’est nullement tributaire de la propriété de la marque utilisée précédemment comme enseigne de la boutique dont le preneur a été évincé à la suite du refus de renouvellement opposé par les bailleurs, en déclarant les intimées infondées en leurs prétentions, les en débouter ;

En conséquence,

Dire et juger que la Société EK Boutiques est fondée à prétendre au versement de l’intégralité des indemnités dues de ce chef, en conformité avec les dispositions légales et la jurisprudence qui en découle, et ce sans qu’il n’y ait lieu à consignation ;

Voir fixer en conséquence le montant de l’indemnité de remploi à une somme égale en pourcentage à 10 % de l’indemnité principale, soit à la somme de 2.000.000 d’euros ou à défaut en cas de déplafonnement, à la somme de 1.570.000 € ;

Déclarer les sociétés bailleresses infondées à contester, du chef des frais de réinstallation, les droits du preneur notamment en raison de l’existence d’une clause d’accession dont le bailleur était susceptible de bénéficier en fin de bail, alors même qu’une telle disposition n’est pas de nature à mettre en échec les dispositions de l’article L 145-14 du Code de commerce qui mentionne explicitement ce type d’indemnisation indépendamment de l’évaluation de la valeur marchande du fonds de commerce tandis que de surcroît la prétention du bailleur d’en tirer argument peut valablement se voir opposer le caractère inopérant d’une telle stipulation dans le bail commercial échu, dès lors qu’elle est de nature, en contravention avec les dispositions de l’article L 145-15 du Code de commerce, à mettre en échec le droit d’ordre public au renouvellement et son corollaire le droit à indemnité d’éviction du preneur évincé dans le cadre de la présente instance.

Déclarer en conséquence l’appelante fondée à prétendre à l’indemnisation des frais de réinstallation correspondant au préjudice qu’elle a subi, dès lors qu’une telle indemnisation est due, tant en cas de perte de fonds, qu’en cas de déplacement de celui-ci, ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers Juges, en fixant le montant de l’indemnité à la somme de 1.732.000 euros, sauf à parfaire ultérieurement, eu égard aux dépenses de réinstallation dont il serait effectivement justifié en cours d’instance ;

Voir fixer le montant du trouble commercial en prenant en considération la globalité du chiffre d’affaires réalisé au titre des deux derniers exercices et fixer en conséquence, le montant de l’indemnité due de ce chef à la somme de 118.320 € ;

Déclarer enfin la société EK Boutiques fondée à solliciter le remboursement du préjudice consécutif au versement des indemnités de licenciement à due concurrence de la somme de 34.836,77 €, en confirmant à cet égard la décision entreprise.

En conséquence,

Voir fixer le montant de l’indemnité d’éviction due à la société EK Boutiques selon les paramètres suivants :

1re hypothèse : Loyer en renouvellement plafonné

— Indemnité principale : 20.000.000 €

— Frais de remploi : 2.000.000 €

— Frais de réinstallation : 1.732.000 € – Trouble commercial : 118.320 €

— Indemnités de licenciement : 34.837 €

Total : 23.885.157 €

2e hypothèse : Déplafonnement du loyer du bail renouvelé

— Indemnité principale : 15.701.400 €

— Frais de remploi : 1.570.000 €

— Frais de réinstallation : 1.732.000 €

— Trouble commercial : 118.320 €

— Indemnités de licenciement : 34.837 €

Total : 19.156.557 €

Dire et juger que la Société Montaigne 51 qui a pris l’initiative du refus de renouvellement sera condamnée à payer le montant de ladite indemnité, après déduction des sommes qui auront été versées ou consignées dans l’intervalle, soit dans les termes du jugement précédemment rendu le 8 novembre 2011 par la 18e Chambre -1re Section du Tribunal, soit selon la décision frappée d’appel ;

Dire n’y avoir lieu à consignation et ordonner en conséquence le versement de toutes sommes consignées à cet effet à la Caisse des Dépôts et Consignations entre les mains de la Société EK Boutiques, soit à due concurrence du montant des sommes consignées, soit en tout état de cause, dans la limite du montant des indemnités accessoires allouées à la société appelante ;

A titre subsidiaire, et pour le cas où la Cour entendrait confirmer de ce chef la décision entreprise,

Dire et juger que le montant des sommes consignées au titre des indemnités accessoires dans les termes de la décision entreprise restera entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations, pendant un délai d’un an à compter de la signification de l’arrêt à intervenir;

Dire en ce cas que le montant des sommes consignées sera débloqué et versé entre les mains de la Société EK Boutiques sur justification par celle-ci des frais engagés au titre de l’implantation d’une nouvelle boutique prise à bail par celle-ci, et ce tant au titre des frais de remploi que de réinstallation ;

Déclarer en tout état de cause les Sociétés SAS Montaigne 51 et F G irrecevables ou infondées en leur appel incident, les en débouter ;

Déclarer pour le surplus les Sociétés SAS Montaigne 51 et F G irrecevables ou infondées en leurs prétentions, les en débouter.

Il – Sur l’apurement des comptes entre les parties :

Constater que la décision déférée à la Cour a fixé le montant des loyers et charges exigibles hors taxe pendant la durée du bail échu, et ce tant en ce qui concerne la société F G, que la société Montaigne 51 en désignant Monsieur E B en qualité de consultant en vue d’établir les comptes entre les parties en prenant en considération la somme de 500.000 € payée en exécution du jugement du 8 novembre 2011, par déduction sur l’indemnité provisionnelle allouée à la société concluante ;

Constater qu’à la suite du dépôt de ce rapport, les sociétés F G et Montaigne 51 ont demandé à la juridiction saisie de leur donner acte, de même que la société concluante, de l’acceptation de l’estimation par l’expert du montant de la créance arrêtée à la somme de 323.498,87 € ;

Statuer ce que de droit sur les conséquences qui en découlent, notamment par voie de compensation avec l’indemnité d’éviction allouée à la société EK Boutiques, en déboutant toutefois les sociétés bailleresses de leurs prétentions au titre des intérêts au taux légal dus sur les loyers arriérés, alors même que les bailleurs successifs ne peuvent se prévaloir de bonne foi des clauses du bail puisque le montant exact des sommes dues n’a pu être finalement établi, en raison des errements des décomptes successifs des bailleurs puis de l’expert, que par la décision présentement déférée à la Cour puis les opérations d’expertise diligentées par Monsieur E B dans le cadre de sa mission de consultant ;

Dire qu’en tout état de cause, le montant résiduel de la créance n’est susceptible, dans les termes de l’article 1134 du Code civil, de produire intérêt qu’à compter de la date du dépôt du rapport d’expertise de Monsieur E B et aucun cas selon les modalités contractuelles découlant du bail alors même que celles-ci n’ont pas été explicitement précisées par les sociétés bailleresses dans leurs écritures ;

Déclarer les société F G et Montaigne 51 infondées en leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, les en débouter et faire droit de ce chef aux demandes formulées par la société EK Boutiques en confirmant la décision entreprise en ce qu’elle a estimé fondée celle-ci en sa demande en paiement d’une indemnisation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en portant le montant de ladite indemnité de 15.000 à 25.000 €, eu égard notamment aux frais irrépétibles exposés devant la Cour et en l’absence désormais de tous dépens taxables, hormis les débours ;

Condamner in solidum les Sociétés Montaigne 51 et F G, ou en tout état de cause la société Montaigne 51, qui a pris l’initiative du refus de renouvellement dont elle doit assumer les conséquences, aux entiers dépens, en ce y compris aux frais de l’expertise diligentée par M. X, Expert, dont le recouvrement sera poursuivi par Me M N O conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 25 janvier 2017, les sociétés Montaigne 51 et F G demandent à la Cour de :

Dire et Juger la société Montaigne 51 recevable en son appel,

Dire et Juger la société F G recevable en son appel,

Et les y accueillant,

Débouter la Société EK Boutiques de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Confirmer le jugement rendu le 10 février 2015 en ce qu’il a :

— constaté la modification notable des facteurs locaux de commercialité dans l’artère ayant bénéficié au commerce considéré,

— retenu une surface pondérée de 261,69 m² sur laquelle les parties étaient d’accord, -retenu une valeur locative de renouvellement au 1er janvier 2009 de 4.500 € par m²P,

— fixé à 34.386 € les indemnités de licenciement,

— dit que la société EK Boutiques est redevable de loyers pour la période du 1er janvier 2000 au 23 octobre 2006, date à laquelle était bailleresse la société F G d’une somme de 3 644 146 € hors charges et hors taxes et pour la période du 24 octobre 2006 au 31 décembre 2008, où la bailleresse était la société Montaigne 51 d’une somme de 1.309 866,15 € hors charges et hors taxes et désigné M E B en qualité de consultant avec mission de faire le compte entre les parties,

Réformer la décision entreprise en toutes ses autres dispositions,

Et statuant à nouveau :

Sur l’indemnité d’éviction :

Fixer la valeur locative de marché à 6.000 € par m²P,

Fixer le coefficient de situation à 9,

Fixer en conséquence l’indemnité d’éviction principale à la somme de 3.532.860 € selon le calcul ci-après détaillé :

— le loyer en cas de renouvellement : 4.500 € X 261,69 m²P = 1.570.140 €

— la valeur locative de marché : 6.000 € X 261,69 m²P = 1.177.600 €

— le différentiel : 1.570.140 € – 1.177.600 € = 392.540 €

— la valeur de droit au bail : 392.540 € X 9 = 3.532.860,

Constater que la société EK Boutiques a libéré les locaux le 1er janvier 2009, n’a jamais eu aucun projet précis de réinstallation et a cessé toute activité depuis, par conséquent au regard des dispositions législatives et de la jurisprudence qui en découle dire et juger que son absence de réinstallation est caractérisée,

Débouter la Société EK Boutiques de toutes demandes au titre d’une indemnité de remploi, des frais de réinstallation et du trouble commercial,

Dire et juger que la Société EK Boutiques n’a droit à aucune indemnité accessoire, à l’exception des indemnités de licenciement,

Constater que la Société Montaigne 51 à versé à la Société EK Boutiques :

— la somme de 5.224.000 € pour le règlement de l’indemnité d’éviction principale fixée par le jugement entrepris,

— la somme de 67.650 € au titre de l’indemnité pour trouble commercial fixée par le jugement entrepris,

— la somme de 34.386 € au titre des indemnités de licenciement fixée par le jugement entrepris,

Par conséquent, condamner la Société EK Boutiques à rembourser à la Société Montaigne 51 la différence entre la somme de 5.224.000 € et le montant de l’indemnité d’éviction principale fixé par la Cour et ceci sous astreinte de 1.500 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

Condamner la Société EK Boutiques à rembourser à la Société Montaigne 51 la somme de 67.650 € versée au titre de l’indemnité pour trouble commercial fixée par le jugement entrepris et ceci sous astreinte de 1.500 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

Constater que la Société Montaigne 51 a procédé à la consignation auprès de la caisse des dépôts et consignations de la somme de 1.732.000 € au titre de l’indemnité pour frais de réinstallation et de 522.400 € au titre de l’indemnité de remploi en exécution du jugement entrepris,

Par conséquent,

Dire et juger que la Société Montaigne 51 pourra obtenir sans délai à son profit la levée de la consignation des sommes de 1.732.000 € et 522.400 € séquestrées au titre des frais de réinstallations et de remploi entre les mains de la caisse des dépôts et consignations et que la somme de 2.254.400 € ainsi que les intérêts sur cette somme seront donc versées entre les mains de la société Montaigne 51 sur simple remise de l’arrêt à intervenir à la caisse des dépôts et consignations.

SUR CE

I- Sur l’indemnité d’éviction :

Les parties s’accordent pour dire que l’éviction entraîne la perte du fonds et pour voir fixer le préjudice résultant de l’éviction à la valeur du droit au bail.

Les deux parties s’opposent en revanche sur cette valeur et notamment sur le déplafonnement ou non du loyer du bail s’il avait été renouvelé.

Le tribunal a retenu que si les nouvelles implantations de boutiques de luxe dans l’avenue Montaigne au cours du bail expiré s’analyse en une rotation de boutiques de luxe, l’importance numérique de ces rotations (soit 30 enseignes nouvelles sur un total de 60 enseignes implantées dans l’avenue, ce qui représente une rotation de la moitié des enseignes) traduit le dynamisme économique de cette artère et la croissance de son attractivité, les loyers et prix de cession pendant cette période constituant des éléments significatifs d’une évolution notable des facteurs de commercialité de nature à entraîner le déplafonnement du loyer.

L’expert X a, pour sa part, relevé sur la base des statistiques CODATA qu’entre le 31 juillet 2000 et le 4 juin 2009, il y a eu une augmentation du nombre de commerces passé de 53 à 60 commerces par division de boutiques existantes ou transformation de loges de concierge ou de bureaux et une augmentation des enseignes nationales qu’il qualifié de notables passées de 30 à 41 enseignes sur la même période ;

Il relève également pendant la même période l’installation du siège de LVMH et des boutiques D H et Y, le développement des boutiques du Groupe LVMH avec l’ouverture des boutiques Dior et Chanel joaillerie, la reprise de la brasserie L’avenue par le Groupe Costes ainsi que la fréquentation à la hausse d’une clientèle venue de Russie, d’Asie et du Moyen-Orient.

Il en conclut que le loyer aurait été fixé lors du renouvellement à la valeur locative.

La société EK Boutiques conteste cette approche et souligne que l’expert Fruchter dans son rapport déposé en 2007 pour un loyer renouvelé en 2000, avait conclu à la présence d’un nombre moins élevé de commerces en 2000 (56) ainsi qu’à un moindre nombre d’enseignes nationales (28), que M. Z, expert amiablement sollicité, a relevé pour sa part que les mutations s’inscrivent dans un renouvellement généré par l’évolution des groupes de luxe, secteur prospère de l’économie mais que le remplacement d’une enseigne par une autre et le repositionnement de certaines d’entre elles sur une avenue dédiée ne constituent cependant pas une évolution notable pour le commerce exercé. Elle en veut pour preuve les différentes substitutions opérées tant coté pair que coté impair ;

Elle souligne ainsi que les rotations d’enseignes s’inscrivent dans le cadre d’une forte commercialité préexistante d’une avenue dédiée au commerce haut de gamme, que l’accroissement des enseignes nationales reste à prouver et que l’implantation du siége de LVMH et la reprise de la brasserie L’avenue par le groupe Costes ne sont pas des événements de nature à modifier durablement la commercialité de l’avenue, l’enseigne D H étant déjà par ailleurs présente.

Or il convient de retenir un accroissement notable des enseignes nationales au cours du bail expiré, telle qu’il résulte des éléments CODATA figurant en annexe du rapport d’expertise et qui ne sont pas démenties par le rapport Fruchter concernant le nombre de commerces préexistant en 2000, puisqu’il en retient 56 dont 28 enseignes nationales quand l’expert X en retient 53 dont 30 enseignes nationales, ce qui ne constitue pas des différences sensibles permettant de mettre en doute la fiabilité des éléments exploités par l’expert judiciaire. La proportion d’enseignes nationales était ainsi de 50% en 2000 quand en juillet 2009, elle était de plus de 68%, ce qui constitue un changement notable qui atteste du dynamisme du secteur de luxe qui se développe à cet endroit de la capitale.

Cet accroissement s’accompagne d’un mouvement récent de densification commerciale, du fait de la hausse des prix des valeurs locatives, résultant au cours du bail expiré du dédoublement des boutique s existantes, de l’occupation des espaces autre fois dédiées à des loges de concierge ou à des bureaux par des boutiques de luxe (il en est ainsi de l’espace I J créé par réduction de la surface du bar des théâtres, de l’installation de la boutique K L par la suppression d’une loge de gardiens, de la celle de la boutique Roberto Cavali par la suppression de locaux de bureaux, de celle de la boutique Gucci par la suppression également d’un local bureau, de celle de la boutique Emilio Pucci par la division de la boutique A, de l’agrandissement de la boutique Harry Winston prise sur un local mitoyen).

L’expert Z relève que ces mutations – enseignes nouvelles et repositionnement d’anciennes enseignes – ne sont que la conséquence des évolutions des groupes de luxe nationaux et internationaux qui représentent un secteur prospère de l’économie mais qu’elles n’ont pas d’incidence notable sur le commerce exercé ;

Or le commerce exercé – initialement l’enseigne C D P et plus généralement, la haute couture et le prêt-à-porter haut de gamme et ses accessoires – ne peut que tirer bénéfice d’une mutation des enseignes se traduisant par un accroissement notable de celle-ci sur une courte avenue dédiée au commerce de luxe et qui draine une chalandise internationale de touristes et d’hommes ou de femmes d’affaires.

Il suit que le jugement en ce qu’il a retenu y avoir lieu à déplafonnement du loyer du bail renouvelé sera confirmé.

I-1-Sur les valeurs locatives de marché et de renouvellement :

La société EK Boutiques demande que la valeur du loyer déplafonné soit fixée à la somme de 4000 euros/m².

L’expert judiciaire X propose une valeur locative de renouvellement de 4 500 € /m² en précisant que la seule référence judiciaire concerne la boutique Dinh Van dont le loyer pour une surface de pondérée de 38m² a été fixée à la somme de 2300 € /m² mais que cette boutique qui dépend de l’immeuble situé XXX, ouvre sur la rue François 1er faiblement fréquentée ; l’expert en conséquence pour tenir compte de cette situation et de la date de renouvellement a proposé pour les locaux dont s’agit une valeur de 4500 euros qui, selon les termes de son rapport, n’a pas fait l’objet d’observations particulières des parties.

La société EK Boutiques relève pour sa part que le loyer du bail de la boutique Ferragamo situé au XXX a fait l’objet d’un accord au prix de 3500€ /m², le renouvellement ayant eu lieu au 26 octobre 2005.

Elle ne fait cependant pas état d’autre référence distincte de celles citées par l’expert et qui soit de nature à contredire l’appréciation de ce dernier qui, s’il a relevé parmi les location nouvelles une valeur de 4743€ /m² pour la boutique Bogetta Venetta située au XXX et une valeur de 4000 € /m² pour la boutique K L chausseur au XXX, retient des valeurs nettement supérieures au titre des nouvelles locations, par contraste avec les deux références pertinentes précitées.

Il s’ensuit que l’appréciation de la valeur de renouvellement est adaptée et sera confirmée.

La société EK Boutiques demande de fixer la valeur locative de marché à la somme de 9000 euros /m² ; elle relève que la location consentie au Qatar Luxury Group au XXX a été faite au prix de 7 921€ /m² et après intégration du droit d’entrée à celui de 9 278€/m². Que la location de la boutique Ralph Lauren a été conclue le 1er janvier 2006 moyennant un prix unitaire de 10 074€ /m² avant réintégration du droit au bail, que M Z cite une référence de bail conclu le 1er mai 2008 au XXX moyennant un prix de 10 235€/m².

Or la référence Manoush citée par l’expert Z correspond au bail d’une boutique de 38,35 m² pondérés au loyer de 5951€ /m² et qui ne produit une valeur de plus de 10 000 € /m² B qu’en raison de l’intégration du droit au bail de 1 950 000 euros payé lors de l’entrée dans les lieux ce qui représente la somme que le locataire est prêt à dépenser pour obtenir un emplacement de choix mais ne constitue qu’artificiellement un élément du loyer 'dit décapitalisé’ ; elle ne peut en conséquence servir de référence pertinente. Les autres éléments de comparaison cités par la société EK Boutiques sont également des références de loyers décapitalisés.

L’expert judiciaire a pris avec à propos pour références deux locations au XXX et Roberto Cavalli conclues respectivement en février 2010 et avril 2007 moyennant des loyers de 5900€ /m² et 6207 € /m² ; et au 22 de l’avenue une boutique Y pour un bail de 12 ans conclu au 1er juillet 2007 moyennant un loyer de 7 282€ /m² ;

Il s’ensuit que la valeur de marché de 6500€/m² compte tenu des caractéristiques de la boutique, de son emplacement et de la date d’effet du congé a été justement appréciée et sera confirmée.

I-2 – Sur le coefficient de capitalisation :

La société EK Boutiques demande de retenir un coefficient de 12 de préférence à celui de 9 injustement retenu par l’expert qui a noté à bon escient que les locaux sont situés sur la meilleure partie de l’avenue mais a semblé déplorer l’absence de vitrine, la boutique étant installée dans un ancien appartement accessible après avoir franchi une grille, les anciennes fenêtres étant remplacées par des baies vitrées, ce qui est selon elle sans aucune incidence dés lors que la clientèle se rend dans la boutique en connaissance des produits qu’elle souhaite y trouver sans être influencée par l’absence de vitrine et qu’elle peut apprécier de se trouver au sein de locaux moins ouverts sur l’extérieur.

Or, le choix d’un coefficient de 10 qui est en rapport avec la qualité de l’emplacement de haute commercialité et le niveau de valeur de marché a été justement apprécié et sera confirmé.

I-3 – Sur les indemnités accessoires : Les intimées soutiennent que la société C D P n’existait déjà plus lorsque les locaux ont été restitués, que la société EK Boutiques qui a exploité ensuite des licences de marque a procédé à sa radiation au RCS de Paris, et transféré son siège social au Luxembourg sans maintien d’activité, que la société Montaigne 51 a déjà versé la somme de 5 224 000 € pour le règlement de l’indemnité d’éviction, que néanmoins, la société EK Boutiques n’a procédé à aucun projet d’ installation, qu’elle ne peut donc prétendre à des indemnités de remploi ou de réinstallation, que la société Montaigne 51 doit être autorisée en conséquence à procéder à la levée des sommes consignées de 1 732 000€ représentant les frais de réinstallation et de 522 400 € représentant les frais de remploi.

Qu’en outre, le bail disposait que tous les embellissements, installations et améliorations sont la propriété du bailleur à la date d’effet du congé, ce qui exclut toute indemnisation de ce chef d’autant qu’il n’existait aucun aménagement spécifique.

Or les premiers juges ont justement relevé que la preuve de l’absence d’intention de la société EK boutiques de se réinstaller n’était pas démontrée, la société EK Boutiques qui a cédé la marque C D P pouvant procéder lors de la prise à bail de nouveaux locaux à la vente de produits de haute couture et de prêt-à-porter haut de gamme, comme c’était le cas précédemment.

S’agissant des frais de réinstallation, la circonstance que les investissements faits par la société dans la boutique délaissée restent la propriété du bailleur en fin de bail ne met pas obstacle à ce que le preneur sollicite des frais de réinstallation dans de nouveaux locaux, ces frais n’étant pas strictement fonction de ceux amortis dans les anciens locaux mais ceux nécessaires à l’installation d’une nouvelle boutique ayant de semblables caractéristiques ou en tout cas développant le même concept.

Les sociétés intimées n’ont procédé à aucune critique sérieuse de la somme proposée par l’expert tant en ce qui concerne l’indemnité de remploi fixée à 10% de l’indemnité principale que des frais de réinstallation eux mêmes évalués à la somme de 1 732 000 euros par l’expert suivi sur ce point par le tribunal.

C’est à juste titre cependant, compte tenu des sommes déjà perçues par la société EK Boutiques et du temps qui s’est écoulé depuis son départ des lieux sans qu’elle justifie de recherches de locaux ou d’un projet sérieux de réinstallation, que le tribunal a ordonné la consignation de ces sommes à la Caisse des dépôts et consignations et dit qu’elles ne seront versées que sur justificatif au plus tard dans un délai désormais réduit à six mois à compter de la signification du présent arrêt, de la réinstallation effective de la société.

S’agissant de l’indemnisation du trouble commercial, l’expert X n’a procédé à aucune évaluation en l’absence de bilan comptable. Le tribunal, en se fondant sur une attestation indiquant que le chiffre d’affaires a été pour l’exercice clos au 31 mars 2008 de 1 875 902,20 € ayant chuté au 31 mars 2009 à 608 891,89 €, a évalué le trouble commercial causé par l’éviction à 1 mois de chiffre d’affaires soit la somme de 67 650 €.

La société EK Boutiques demande de voir indemniser le trouble commercial qu’elle a subi du fait de l’éviction au visa de l’expertise de M. Z, en tenant compte de l’exercice clos au 31 mars 2008 et des neuf derniers mois d’exploitation, la base de l’indemnisation devant être de 1 875 902 € + 608 692 € / 21 mois = 118 323, 52 €.

L’expert Z relève qu’il n’existe pas de comptabilité analytique de la société qui a fourni les chiffres d’affaires de la boutique de l’avenue Montaigne sans vérification de l’expert; le bilan comptable clos au 31 mars 2008 a été de 1 878 174 € selon l’indication de la société, reprise dans le rapport Z qui ne donne cependant aucune indication sur le chiffre d’affaires réalisé postérieurement et arrêté au 31 mars 2009 ; la société qui a cessé toute activité de haute couture après 2008 ne fournit elle-même aux débats de la cour aucun élément comptable permettant de connaître les résultats de son activité à la date de son départ effectif. L’expert Z a d’ailleurs, s’agissant de l’indemnisation du trouble commercial, proposé une indemnisation 'forfaitaire’ de 300 000 €, qui ne repose sur aucune référence à un chiffre d’affaires, un résultat commercial ou une marge commerciale, en se fondant uniquement sur 'le caractère prestigieux de l’enseigne'.

Or la société EK Boutique convient elle-même dans ses écritures que la base d’appréciation d’une indemnité pour trouble commercial est soit le compte de résultat, soit l’EBE, soit des considérations liées au personnel de telle sorte que, faute de données comptables les plus proches de l’éviction, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.

Les indemnités de licenciement suivant montant de 34 837€ ne sont pas sérieusement contestées.

En conséquence, l’indemnité globale d’éviction s’établit à la somme de :

5 224 000 + 522 400 + 1 732 000 + 34 837 = 7 513 237€, dont 2 254 400€ soumis à condition de justificatifs et 5 258 837 € payable sans délai.

La société Montaigne 51 n’est pas démentie quant elle affirme avoir réglé en exécution du jugement les sommes de 5 224 000 € au titre de l’indemnité principale, celle de 67 650 € au titre du trouble commercial et celle de 34 386 € au titre des frais de licenciement ;

Elle sera condamnée à payer la somme totale de 5 238 837 € sous déduction de l’ensemble des sommes déjà versées, la signification de l’arrêt emportant obligation de restitution des sommes éventuellement trop versées, et la somme de 2 254 400 € restera consignée, son versement intervenant sous la condition détaillée dans le dispositif de l’arrêt.

II- Sur les comptes entre les parties :

Un consultant a été désigné en la personne de M. E B pour faire le compte des loyers entre les parties, M. X saisi de cette mission n’ayant pu y procéder en raison de l’impossibilité de déterminer les sommes réglées au titre des loyers et charges er leur imputation sur les sommes dues.

La société EK Boutiques indique dans ses écritures qu’elle accepte pour mettre fin au litige, l’évaluation telle que proposée par le consultant pour solde de tout compte dés lors que les sociétés Montaigne et F G en ont fait de même et ont déclaré accepter la somme de 323 498, 87 € HT montant de l’arriéré de loyer arrêté au 31 décembre 2008.

Or les sociétés Montaigne 51 et F G, tout en acceptant les conclusions du rapport B, relève que celui-ci comporte une erreur matérielle en ce qu’il fait figurer au titre des loyers dus à la société Montaigne 51 une somme de 1 309 866,15 € alors que l’addition des différentes sommes dues au titre des loyers pour la période du 24 octobre 2006 au 31 décembre 2008 produit un total de 1 369 866,15 € (et non de 1 309 866,15 €, somme qui figure également dans le jugement déféré) de telle sorte que la société EK Boutiques reste redevable en réalité de la somme de : 28 090,99 € montant de l’arriéré de loyers dus pour cette période ; par ailleurs la société EK Boutiques doit à la société F G la somme non contestée de 355 407, 88 € pour la période du 1er janvier 2000 au 23 octobre 2006 ; le total des sommes dues par la société EK Boutiques s’élève donc à la somme de 383 498, 87 € (au lieu de 323 498, 87 €).

La société EK Boutiques n’a moyen sérieux à opposer à la rectification de l’erreur matérielle relevée par les sociétés bailleresses dans le décompte de M. B (et dans le jugement) ; elle sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme.

Les société Montaigne 51 et F G sollicitent les intérêts au taux légal sur la somme due et capitalisation des intérêts, ce qui est contesté par la société EK Boutiques qui relève qu’il a fallu attendre le rapport du consultant B pour établir le compte entre les parties.

Or, les intérêts au taux légal doivent courir à compter du jugement du 10 février 2015 qui a fixé le montant des loyers dus par la société EK Boutiques, la capitalisation des intérêts se faisant dans les conditions de l’article 1154 du code civil.

Les sociétés Montaigne 51 et F G sollicitent en outre la somme de 50 386,79 € représentant l’actualisation du dépôt de garantie ; or le consultant B a indiqué dans son rapport que si le conseil des bailleresses a présenté un décompte faisant figurer une somme de 50 386,79 € au titre de l’ajustement du dépôt de garantie, il n’était pas justifié du mode de calcul de cette somme que le consultant a en conséquence écartée. Il n’est pas davantage produit en appel de justification de cette somme et les bailleresses invoquent à tort au soutien de leur demande le jugement du 8 novembre 20101 qui ne contient pas de disposition relative à l’ajustement du dépôt de garantie acquis aux bailleresses ; elle seront en conséquences déboutées de cette demande.

III- Sur les autres demandes :

Les sociétés Montaigne 51 et F G supporteront les dépens en ce compris les frais d’expertise de M X, les frais de consultation étant partagés par moitié entre les parties ;

Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en appel, la somme allouée à la société EK Boutiques en première instance lui restant acquise.

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré en ses dispositions ayant fixé le montant de l’indemnité d’éviction, condamné en conséquence la société Montaigne 51 à payer la somme de 1 426 036 €, en celles concerne le délai pendant lequel les sommes dues au titre des frais de remploi et de réinstallation devront être consignées par la société Montaigne 51 auprès de la Caisse des dépôts et consignations, en ce qu’il a dit que la société EK Boutiques était redevable au titre des loyers pour la période du 24 octobre 2006 au 31 décembre 2008, où la bailleresse était la société Montaigne 51, d’un montant de 1.309 866,15 € hors charges et hors taxes,

Statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 7 513 237 €, dont 2 254 400 € soumis à condition de justificatifs et 5 258 837 € payable sans délai, le montant de l’indemnité totale d’éviction due par la société Montaigne 51 à la société EK Boutique,

En conséquence,

Condamne la société Montaigne 51 au paiement d’une somme de 5 258 837 €, sous déduction des sommes déjà versées au titre de l’indemnité d’éviction.

Dit que les indemnités de remploi de 522 400 € et pour frais de réinstallation de 1 732 000 € consignées par la société Montaigne 51 à la caisse des dépôts et consignations, ne seront versées par la société Montaigne 51 entre les mains de la société EK Boutiques que sous réserve de justificatifs de sa réinstallation effective dans un délai de six mois au plus tard à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne la société EK Boutiques à payer aux sociétés Montaigne 51 et F G la somme de 383 498, 87 € au titres des arriérés de loyers dus au 31 décembre 2008, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 10 février 2015 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil, Met les dépens d’appel incluant le coût de l’expertise X à la charge des sociétés Montaigne 51 et F G qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, les frais de la consultation B étant partagés par moitié entre les parties,

Déboute les parties de leurs autres demandes.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE



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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 7 juin 2017, n° 15/09238