Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 22 mars 2017, n° 15/10377

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 22 mars 2017, n° 15/10377
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/10377
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 14 janvier 2015, N° 11/02368
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 3 ARRÊT DU 22 MARS 2017 (n° , 09 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 15/10377

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 11/02368

APPELANTE :

SCI JUDIROMAL prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 389 229 816

XXX

XXX

Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMÉE :

SARL KACTUS prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 414 756 742

XXX

XXX

Représentée par Me B C D, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant

Assistée de Me Charles-édouard BRAULT de l’AARPI CABINET BRAULT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J082 substitué par Me Daniela SABAU

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Février 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre

Madame Agnès THAUNAT, présidente

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : lors des débats : Madame Anaïs CRUZ

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors du prononcé.

********* Faits et procédure :

Par acte sous seing privé en date du 28 juillet 1999, la SCI Judiromal a donné à bail à la société A la Reine Astrid, aux droits de laquelle vient la SARL Kactus, un local commercial situé XXX à Paris 6e pour une durée de 9 années à compter du 1er octobre 1999 moyennant un loyer annuel de 335.555,58 F (51155,12 €).

Par acte authentique du 29 octobre 2002, la SARL A la Reine Astrid, société preneuse initiale, cédait son droit au bail à la Société Kactus, la bailleresse, représentée, intervenant à l’acte. Dans le cadre de la cession, la destination initiale prévue par le bail, à savoir 'vente de chocolats, biscuits, glaces, confiserie et dérivés’ est devenue 'achat, vente d’accessoires de mode, de prêt à porter'.

Par acte extrajudiciaire en date du 9 décembre 2008, la SARL Kactus a sollicité le renouvellement de son bail à effet du 1er janvier 2009 et a, le 18 mars 2009, assigné le bailleur par devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris afin de voir fixer le loyer en renouvellement à la valeur locative, lequel, par jugement du 23 juin 2009, a commis M. X en qualité d’expert avec mission de donner son avis sur le montant du loyer renouvelé au 1er janvier 2009.

L’expert a déposé son rapport le 27 mai 2010 dans lequel il propose de voir fixer le montant du loyer du bail renouvelé à la somme de 34.200 euros par an.

Par acte extrajudiciaire du 14 janvier 2011, la S.C.I. Judiromal a notifié son droit d’option.

Puis la S.C.I. Judiromal a saisi le tribunal de grande instance d’une demande de fixation de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation le 27 janvier 2011.

Suivant ordonnance en date du 12 octobre 2011, le juge de la mise en état a désigné M. X en qualité d’expert avec mission de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction dans le cas d’une perte du fonds de commerce ou de la possibilité d’un transfert du fonds et de déterminer les indemnités d’éviction et d’occupation et a fixé par ailleurs à la somme de 35.000 euros par an le montant de l’indemnité d’occupation provisoire due par la société Kactus. L’expert a déposé son rapport le 21 septembre 2012, et évalué la valeur du fonds à la somme de 370.000 euros, outre le remboursement des frais de licenciement du personnel sur justificatifs, et il a proposé de fixer l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 30.485 euros en 2009.

Par jugement du 15 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

— dit que le bail en date du 28 juillet 1999 a pris fin le 31 décembre 2008,

— dit que l’éviction entraîne la perte du fonds exploité par la S.A.R.L. Kactus dans les locaux appartenant à la S.C.I. Judiromal situés à Paris 6e 16 rue du Cherche-Midi,

— fixé à la somme de 406.000 euros le montant de l’indemnité d’éviction toutes causes confondues due par la S.C.I. Judiromal à la S.A.R.L. Kactus outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs,

— dit que la S.A.R.L. Kactus est redevable à l’égard de la S.C.I. Judiromal d’une indemnité d’occupation à compter du 1er janvier 2009,

— fixé le montant de cette indemnité d’occupation à la somme annuelle de 30.760 euros, outre les taxes et charges,

— dit que la compensation entre le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation s’opérera de plein droit,

— condamné la S.C.I. Judiromal est condamnée au paiement des intérêts au taux légal dus sur le trop versé au titre de l’indemnité d’occupation, à compter du prononcé du jugement,

— condamné la S.C.I. Judiromal à payer à la S.A.R.L. Kactus la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La SCI Juridomal a relevé appel du jugement par déclaration en date du 28 avril 2015.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 13 janvier 2017, la SCI Juridomal demande à la Cour de :

Reformant le jugement entrepris :

Dire et Juger que la valeur locative de marché à la date la plus proche de l’éviction ne saurait excéder 2200 euros/m²B ;

Dire et juger que la valeur locative en renouvellement se monte à la somme de 1.400 euros/m²B ;

Fixer à la somme de 236.217 euros l’indemnité d’éviction due à la société Kactus ;

Fixer à la somme de 45.117 euros/HT/HC/an à compter du 1er janvier 2009 le montant de l’indemnité d’occupation due par la Société Kactus à la SCI Juridomal, avec TVA et charges en sus ;

Condamner la société Kactus à payer à la société Juridomal la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er décembre 2016, la SARL Kactus demande à la Cour de :

Déclarer la SCI Juridomal mal fondée en son appel, l’en débouter, Confirmer le jugement en ce qu’il a :

— dit que le bail avait pris fin le 31 décembre 2008,

— dit que l’éviction entraîne la perte du fonds exploité par la société Kactus dans les locaux loués,

— dit que la compensation entre le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation s’opérera de plein droit,

— condamné la SCI Juridomal au paiement des intérêts au taux légal sur les sommes trop versées au titre de l’indemnité d’occupation à compter du prononcé du jugement,

Recevant la Société Kactus en son appel incident, y faisant droit,

Infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

Condamner la Société Juridomal au paiement d’une indemnité d’éviction arrêtée :

— à la somme de 586.516 €,

— subsidiairement, à la somme de 451.540 €,

— plus subsidiairement, à la somme de 431.540 €,

Condamner la Société Juridomal au remboursement des indemnités de licenciement déterminées selon les critères légaux et intervenants sur justificatifs,

Fixer l’indemnité d’occupation exigible à compter du 1er janvier 2009 :

— à la somme annuelle de 23.587 €,

— subsidiairement, à la somme annuelle de 27.341 €,

Dire que les intérêts dus sur les sommes trop payées à titre d’indemnité d’occupation seront capitalisées dans les conditions de l’article 1154 du code civil,

Débouter la Société Juridomal de l’ensemble de ses moyens et prétentions particulièrement infondés,

Condamner la Société Juridomal au paiement d’une somme de 15.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la Société Juridomal aux entiers dépens de première instance et d’appel, comprenant le coût de l’expertise judiciaire et dont le recouvrement sera poursuivi par Me B C-D conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE

La Société Juridomal conclut que le fonds doit être estimé à sa valeur du droit au bail, dans la mesure où l’évaluation du fonds de commerce, par le pourcentage de chiffre d’affaires ou par l’EBE retraité, aboutit à une somme inférieure à la valeur du droit au bail.

Elle demande que soit retenu le calcul de la surface pondérée établie à 33,70 m² effectué par M. X dans son second rapport, lequel a appliqué un coefficient différent de son premier rapport à une surface de vente constituant un espace d’exposition accessible par deux passages étroits, initialement estimé à 0,80 et réduit à 0,75.

Elle critique le jugement qui a retenu la valeur locative de marché de 2.300 euros par m²B supérieure à celle de 2.200 €/m²B préconisée par l’expert. Rappelant que la valeur locative à retenir est celle à la date la plus proche de l’éviction, soit 2016, elle expose que les valeurs locatives dans la rue où se situe le local ont stagné entre la date du dépôt du rapport et 2016, et en veut pour preuve le taux de l’ILC passé de 108,17 (Y) à 108,56 (3T2016) et celui de l’ICC passé de 1648 (Y) à 1615 (1T2016). Elle retient donc une valeur locative de marché, après abattements de 6% pour charges exorbitantes et taxes foncières, de 69.500 €/an.

Concernant le montant du loyer en renouvellement au 1er janvier 2009, elle rejette la valeur locative retenue par l’expert de 1.100 euros par m² qu’elle estime largement inférieure à toutes les moyennes ayant servi de références à l’expert et aux valeurs locatives de locaux proches et comparables pour des périodes antérieures, et demande que le loyer en renouvellement soit calculé sur la base de 1400 euros/m²b compte tenu des atouts de la boutique et de sa très grande proximité avec le Carrefour de la Croix Rouge, devenue XXX, où débouche ce tronçon de la rue du Cherche-Midi. Elle retient une valeur locative, après abattements de 6% pour charges exorbitantes et taxes foncières, de 45.117 €/an au 1er janvier 2009.

Compte tenu de ces deux valeurs, l’appelante calcule la valeur du droit de bail, qui se déduit par capitalisation de l’économie de loyer réalisée par la société preneuse sur la durée d’un bail renouvelé, à la somme de 190.000 €.

La SARL Kactus demande à la cour de retenir l’application d’un coefficient de 0,80, proposé par l’expert dans son premier rapport, pour pondérer la surface en zone d’espace de vente, puisqu’elle est éclairée par une fenêtre sur rue.

Elle propose de retenir une valeur locative de marché, réactualisée en valeur 2016, en s’en tenant à deux références les plus récentes concernant une boutique au 10 rue du Cherche-Midi en 2007 à hauteur de 2.268 €/m²B et une autre boutique située au 4 bis rue du Cherche-Midi en 2008 à hauteur de 2.286 €/m²B, de 2.600 euros /m²B minimum, soit, après abattements de 6% pour charges exorbitantes et taxes foncières, de 82.864 €.

Elle veut voir fixer le loyer de renouvellement au 1er janvier 2009 à un prix unitaire avant correction, de 950 €/m²B, arguant que la principale référence à retenir concerne la boutique au sein du même immeuble dont le bail 'tous commerces’ a été renouvelé pour un prix de 764 euros/m²B au 1er janvier 2006, soit, après abattements de 8% pour charges exorbitantes et taxes foncières, un loyer de 30.130 €/an au 1er janvier 2009, et en conclut que la valeur de droit au bail, qui constitue le principal élément du fonds de commerce évincé et doit être retenue à titre d’indemnité principale, s’élève au différentiel entre la valeur locative de marché et le loyer de renouvellement théorique (82.864 € – 30.130 €), calculé sur 9 années, et s’établit à 474.606 €.

I- Sur l’indemnité d’éviction :

Aux termes des dispositions de l’article L.145-14 du code de commerce, l’indemnité d’éviction doit être égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement ; elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Cette indemnité ne peut en tout état de cause être inférieure à la valeur du droit au bail.

La méthode usuelle en matière d’évaluation du droit au bail est celle retenant la différence entre le loyer tel qu’il aurait été si le bail avait été renouvelé et la valeur locative du marché.

Sur la valeur locative du marché :

XXX sont situés 16 rue du Cherche-Midi dans le XXX, qui est une voie secondaire, en sens unique, reliant le XXX, avec des places de stationnement sur le côté impair. Ils bénéficient d’une bonne situation, au sein d’un secteur bourgeois, dans une rue recherchée et dédiée à la vente d’équipements de la maison haut de gamme, avec une bonne desserte par les transports en commun; la boutique a pour activité la vente de sacs et accessoires de la marque Z A.

Du rapport d’expertise il ressort que les lieux loués dépendent d’un immeuble ancien de construction ordinaire, élevé sur sous-sol, d’un rez-de-chaussée, de trois étages droits et d’un quatrième mansardé, dont le ravalement est ancien, la boutique se situant à droite de la porte d’entrée de l’immeuble ; qu’ils sont constitués au rez-de-chaussée d’une aire de vente surélevée de deux marches, éclairée par une fenêtre sur rue et d’une partie arrière qui comprend un dégagement où se trouve un WC et un lavabo, une réserve et une cuisine éclairée par une fenêtre sur cour ; qu’ils sont en bon état d’entretien, mais qu’il existe des problèmes d’humidité dans l’arrière boutique, que la distribution des locaux est peu fonctionnelle et que le chauffage se fait par des convecteurs électriques.

L’expert a estimé la surface pondérée des locaux à 34,04m² dans son premier rapport en retenant un coefficient de 0,80 pour la zone 1 de l’espace de vente, 'éclairé par une fenêtre sur rue, accessible depuis la boutique par deux passages d’une largeur de 0,59m et 0,70m avec une hauteur de 1,70m et 2 m, avec une porte d’accès aux parties communes', alors que dans son second rapport, en affectant à cet espace un coefficient de 0,75, il évalue la surface pondérée à 33,70m². Les premiers juges ont à juste titre retenu que rien ne justifiait de modifier la première estimation faite par l’expert de telle sorte qu’ils ont fixé la surface pondérée à 34,04m² arrondie à 34m².

L’expert a recherché des termes de comparaison avec les prix couramment pratiqués dans le voisinage, en réintégrant pour certains baux les droits d’entrée (ou droit au bail) aux loyers pratiqués pour reconstituer la valeur locative de marché, ce qui ne constitue pas des éléments de référence pertinents dès lors que le droit d’entrée n’a pas la nature d’un supplément de loyer.

Il a aussi relevé 9 loyers dans la même rue, sans prendre en compte les droits d’entrée, variant entre 588 € et 1.587 €/m²B, dont 7 ont été conclus entre 2006 et 2010 et 8 renouvellements de baux entre 2006 et 2010 pour des loyers allant de 379 € à 1.587 €/m²B.

Il a également pris des éléments de comparaison rue de Sèvres, laquelle présente une commercialité légèrement supérieure, concernant 4 locations nouvelles en 2006 et 2009 pour des loyers fixés entre 2.493 € et 3.429 €/m²B, 4 loyers reconstitués en réintégrant le droit d’entrée, variant de 1.039 € à 2.930 €/m²B, 4 renouvellements de baux moyennant un loyer établi entre 781 €/m²B à 1.607 €/m²B, et un loyer fixé judiciairement à 680 €/m²B au 1er novembre 2001, pour établir une valeur locative de marché en 2012 de 2.200 €/m²B.

Les dernières références de prix proposées par la locataire pour des locaux situés XXX seront écartées du fait de leur emplacement dans des rues d’une commercialité plus élevée, et seule la référence de la boutique du 6 rue du Cherche-Midi à l’enseigne de prêt-à-porter NOA NOA peut-être retenue, pour un bail à effet du 1er avril 2013 moyennant un loyer de 2.535 €/m²B.

Par ailleurs il ne peut être sérieusement soutenu par la bailleresse que l’évolution du marché stagnerait depuis 2012 en se référant aux indices ICC et ILC, alors que dans ce secteur particulier la commercialité est élevée et les emplacements recherchés, du fait notamment de l’implantation d’une boutique Hermès rue de Sèvres en 2006. En tenant compte des dates d’effet des baux, des surfaces louées et des éléments de comparaison valablement retenus, la valeur locative de marché fixée par le tribunal à 2.300 €/m²B sera confirmée.

La valeur locative de marché des locaux sera donc fixée à 2.300 € x 24m² = 78.300 €, et après affectation d’un abattement de 8% pour charges exorbitantes (travaux prescrits par l’autorité administrative, charges de copropriété, frais de gestion et assurance immeuble) et déduction des impôts fonciers (232 €), à la somme de 71.712 € (78.300 €- 6.264 € – 232 €).

Sur le loyer de renouvellement :

Il est admis par les deux parties que le loyer de renouvellement devait être déplafonné, suite au premier rapport de M. X portant sur la valeur locative du bail renouvelé, en raison de la modification de la destination contractuelle et des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré, présentant un caractère notable.

La valeur locative dans le cadre d’un renouvellement de bail au 1er janvier 2009, par application de l’article R.145-7 du code du commerce, implique de tenir compte des différents niveaux de prix pratiqués dans le voisinage, des caractéristiques propres du local, des obligations respectives résultant du bail, de la destination des lieux, de la qualité de l’immeuble, de l’intérêt de l’emplacement et des caractéristiques des locaux sur lesquels porte le bail renouvelé.

Le loyer fixé judiciairement à 680 €/m²B au 1er janvier 2001 (salon de coiffure de 158,90m²B au 35 rue du Cherche-Midi) auquel se réfère le locataire est trop ancien pour pouvoir constituer un élément de comparaison pour une valeur locative en 2009. De même la valeur locative, évaluée par expertise judiciaire, de locaux situés à la même adresse du 16 rue du Cherche-Midi, à gauche de la porte d’entrée de l’immeuble, fixée à 800 €/m²B au 1er janvier 2006, correspond aux éléments comparatifs les plus bas relevés par l’expert.

Ainsi l’évaluation faite par l’expert, reprise par le premier juge, qui a fixé, sur la base de 1.100 €/m²B la valeur locative du loyer en renouvellement au 1er janvier 2009, à la somme de 37.400 €, et après affectation d’un abattement de 8% pour charges exorbitantes et déduction des impôts fonciers, à la somme de 34.176 € (37.400 € – 2.992 € – 232 €), apparaît conforme aux critères définis par l’article R.145-7 du code du commerce.

Sur la valeur du droit au bail :

Le différentiel entre la valeur locative de marché et la valeur du loyer de renouvellement s’élève à 37.536 € (71.712 € – 34.176 €).

Ainsi après l’application d’un coefficient de 9, retenu par l’expert et non contesté par les parties, pour fixer la valeur du droit au bail, celle-ci s’élève à la somme de 337.824 €.

Sur la valeur du fonds de commerce :

Les parties s’accordent pour reconnaître que l’éviction entraîne la perte du fonds.

Celle-ci peut être évaluée suivant différentes méthodes : une première méthode consiste à retenir un pourcentage du chiffre d’affaires, sur lequel est appliqué un coefficient en usage pour le commerce de proximité concerné, et une seconde méthode est basée sur l’excédent brut d’exploitation (E.B.E) retraité.

Après application de ces deux méthodologies, l’expert conclut que ces deux méthodes conduisent à une évaluation du fonds de commerce inférieure à celle du droit au bail, et en accord avec la bailleresse et la locataire, la valeur du droit au bail sera retenue pour évaluer la perte du fonds. C’est donc la somme de 337.824 € qui est due en principal au titre de l’indemnité d’éviction.

Sur les indemnités accessoires :

La bailleresse sollicite la réformation du jugement qui a estimé les frais de réinstallation à la somme de 30.000 € qu’elle veut voir réduite à 15.000 €, compte tenu de la vétusté des installations, et la confirmation des autres sommes accessoires fixées par les premiers juges.

La locataire demande que les frais de remploi soient fixés à 47.460 € correspondant à 10% de l’indemnité principale, les frais de réinstallation à 48.000 € correspondant à 50% du devis de travaux régulièrement produit aux débats, le trouble commercial à 10.216 € estimé au regard des derniers éléments comptables, et les frais divers à 3.000 € pour les frais administratifs, frais de greffe, de mailing et autres.

Les indemnités fixées par le Tribunal, qui ne sont pas contestées, seront confirmées :

— frais de remploi : 10% de l’indemnité principale soit : 33.782 € ;

— perte sur stock : 3.234 € ;

— frais de licenciement : remboursés sur justificatifs.

Les autres frais seront évalués comme suit :

— frais de réinstallation : un devis de travaux de réinstallation d’un montant de 96.000 € H.T est versé aux débats par la locataire. En tenant compte de la vétusté des installations des locaux actuellement occupés, ces frais ont été justement évalués par le Tribunal à 30.000€ ;

— trouble commercial : il a été exactement évalué par l’expert à trois mois d’excédent brut d’exploitation (EBE) retraité, soit 7.983€ ;

— frais divers (incluant frais administratifs et frais de mailing destinés à la clientèle) : la somme de 1.000 € justement allouée par le Tribunal à ce titre sera confirmée ;

L’indemnité d’éviction s’élève donc à la somme totale de 413.823 € (337.824 € + 33.782 € + 3.234 € + 30.000 € + 7.983 € + 1.000 €) arrondie à 414.000 €.

II- Sur l’indemnité d’occupation :

La bailleresse sollicite la réformation du jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 30.760 €, qu’elle veut voir fixée à la somme de 45.117 €, sans appliquer l’abattement de précarité de 10% retenu par le Tribunal ;

La société Kactus évalue l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 29.484 €, auquel elle applique un abattement de précarité de 20% qu’elle déclare subir depuis le 1er janvier 2009, du fait de la longueur de la procédure, pour valoriser l’indemnité d’occupation à la somme de 23.587 €/an.

L’indemnité d’occupation correspondant à la valeur locative de renouvellement hors plafonnement, après abattement de 8% pour charges exorbitantes et déduction des impôts fonciers, s’élève à la somme de 34.176 €/an.

Un abattement de précarité de 15% est justifié compte tenu de la longueur de la procédure, la locataire évincée exploitant son fonds dans cette situation de précarité depuis janvier 2009. L’indemnité d’occupation annuelle due par la SARL Kactus sera donc fixée à la somme de 29.050 € par an (34.176 € – 15%).

III- Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal seront dûs au titre du trop versé au titre des indemnités d’occupation à compter du présent arrêt, et capitalisés selon les dispositions de l’article 1154 du code civil.

L’indemnité accordée à la SARL Kactus en première instance sera confirmée et il lui sera alloué en cause d’appel la somme complémentaire de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel resteront à la charge de la SCI Judiromal.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement, à l’exception de ses dispositions ayant fixé le montant de l’indemnité d’éviction due par la SCI Judiromal à la SARL Kactus, ayant fixé le montant de l’indemnité d’occupation due par la SARL Kactus, et celle relative aux intérêts légaux,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe à la somme de 414.000 € le montant de l’indemnité d’éviction totale due par la SCI Judiromal à la SARL Kactus, outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Fixe le montant de l’indemnité d’occupation due par la SARL Kactus à la SCI Judiromal à la somme annuelle de 29.050 €, outre les taxes et charges, à compter du 1er janvier 2009,

Condamne la SCI Judiromal au paiement des intérêts au taux légal dus sur le trop versé au titre des indemnités d’occupation, à compter du présent arrêt, et dit que ces sommes seront capitalisées dans les conditions prévues par l’article 1154 du code civil,

Condamne la SCI Judiromal à payer à la SARL Kactus la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne la SCI Judiromal aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE



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