Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 2, 15 novembre 2018, n° 18/00288

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 2, 15 nov. 2018, n° 18/00288
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/00288
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 8 novembre 2017, N° 17/59327
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00288 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B4XDZ

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Novembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 17/59327

APPELANTE

SARL cabinet d’expertise comptable Boisseau

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIREN : 519 02 4 6 400

Représentée par Me Mikaël KLEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0469

INTIMÉES

Société CDC Habitat venant aux droits de la société Nationale Immobiliere (SNI)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Loïc TOURANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168, substitué à l’audience par Me Aymeric DE LAMARZELLE, avocat au barreau de PARIS,

EPIC agence française de développement (AFD)

[Adresse 3]

[Localité 2]

N° SIREN : 775 66 5 5 99

Représentée par Me Grégory CHASTAGNOL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107, substitué à l’audience par Me Uriel SANSY, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Mariella LUXARDO, Présidente

Mme Monique CHAULET, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Mariella LUXARDO dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Monsieur Christophe ESTEVE, conseiller

Mme Monique CHAULET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Clémence UEHLI

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Mariella LUXARDO, présidente et par Madame Clémence UEHLI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Rappel des faits et de la procédure

Dans le cadre d’un projet de cession des parts détenues majoritairement par l’Etat et l’AFD au sein de sociétés immobilières d’outre-mer (dites SIDOM) au profit de la société nationale immobilière (SNI) filiale du groupe Caisse des Dépôts et Consignations, spécialisée dans la gestion du parc locatif social, le comité central d’entreprise de l’UES regroupant l’AFD et d’autres EPIC ayant vocation monétaire à l’outre-mer, a fait l’objet d’une consultation extraordinaire lors de la réunion du 8 septembre 2017 au terme de laquelle un avis défavorable a été émis.

Le CCE de l’UES a été ensuite informé de la notification du projet à l’autorité de la concurrence conformément à l’article L. 2323-34 du code du travail lors d’une réunion tenue le 5 octobre 2017, à l’issue de laquelle a été voté le recours à une expertise comptable confiée au cabinet Boisseau.

Le 26 octobre 2017, le CCE de l’UES et le cabinet Boisseau, autorisés par ordonnance du 25 octobre 2017 sur requête d’assignation en référé d’heure à heure, ont fait assigner l’AFD et la SNI en vue d’obtenir la communication de documents d’information qu’ils estimaient manquants.

Par ordonnance rendue le 9 novembre 2017, le président du tribunal de grande instance de Paris a :

— rejeté la demande liminaire de l’AFD aux fins de rejet des demandes du CCE et du cabinet Boisseau en raison de l’absence de visa des moyens de droit dans l’assignation permettant de justifier la compétence de la juridiction des référés ;

— déclaré irrecevable l’ensemble des demandes de communication de pièces et de documents sous astreinte formé par le CCE de l’UES AFD/IEDOM/IEOM/PROPARCO/CEFEB et le cabinet d’expertise comptable Boisseau ;

— condamné solidairement le CCE et le cabinet Boisseau aux dépens et à payer au profit de l’AFD et de la SNI une indemnité de 1.500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rejeté le surplus des demandes des parties.

Le cabinet d’expertise comptable Boisseau a interjeté appel de cette décision le 7 décembre 2017.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 5 février 2018, il demande à la cour de :

Juger son action recevable ;

A titre principal,

Ordonner à l’AFD et à la SNI de lui communiquer les documents identifiés comme manquants dans le pointage du 20 octobre 2017, à savoir :

* Les annexes au dossier déposé auprès de l’Autorité de la Concurrence ;

* Les correspondances échangées avec l’Autorité de la Concurrence ;

* Les documents relatifs à la situation financière, économique et sociale des différentes entités parties à l’opération :

' Pour la SNI et les principales sociétés qu’elle a récemment acquises (ADOMA, EFIDIS, SCIC HABITAT) :

— Procès-verbaux des réunions du comité de groupe, du CE et Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) pour les années 2015, 2016 et 2017, ainsi que les notes d’information établies en vue des consultations des instances ;

— Indicateurs de comparaison (benchmark) dont disposent la SNI ;

— Tout document permettant d’appréhender la déclinaison par SIDOM du plan de relance en termes de construction neuve, de réhabilitation, de normes sismiques, financiers, organisationnels et de ressources humaines ;

— Contrat d’objectifs SNI-Etat signé pour les SIDOM, ainsi que ses éventuels avenants ;

— Copie des procès-verbaux des organes de direction et de décision en rapport avec le projet d’acquisition des SIDOM par la SNI ;

— Tout document permettant de démontrer que l’action de la SNI dans les SIDOM visera à atteindre les objectifs présentés aux membres du CE dans la note d’information relative au projet de prise de participation, à savoir :

« La SNI, opérateur immobilier global d’intérêt général, filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations, a manifesté son intérêt pour prendre part à cette opération d’intérêt général qui vise à :

(i) contribuer à l’effort de relance dans les DOM concernés et ainsi à développer l’emploi ;

(ii) développer le parcours résidentiel dans ces territoires grâce au développement d’une gamme de produits allant du logement très social au logement intermédiaire ;

(iii) participer à une politique publique en répondant aux besoins de logement dans des territoires tendus ;

(iv) améliorer la gestion en dotant les SIDOM des meilleures pratiques afin d’accroître la qualité du service rendu au locataire. »

' Pour les SIDOM :

Pour la société immobilière de Guadeloupe (SIG) :

— Rapports relatifs aux expertises sur la politique sociale ;

— Rapports d’enquêtes risques graves ou accidents graves pour les années 2015, 2016 et 2017 ;

Pour la société immobilière de la Réunion (SIDR) :

— Rapports relatifs aux expertises sur la politique sociale ;

— Rapports d’enquêtes risques graves ou accidents graves pour les années 2015, 2016 et 2017 ;

Les documents relatifs à la cession des parts détenues dans les SIDOM :

— La copie de l’accord entre l’Etat et la SNI portant sur la structuration juridique de l’opération et l’évaluation du montant de la transaction ;

— La copie du dossier transmis à la Commission des participations et des transferts le15 février 2017 par la Direction générale du Trésor ;

— Les procès-verbaux de la Commission des participations et des transferts en lien avec l’opération ;

— Les échanges entre la SNI, l’Etat et l’AFD sur la valorisation des titres, les règles de gouvernance et les garanties de passif ,

Assortir cette injonction d’une astreinte de 10.000 euros par jour de retard et par document à compter de la signification de la décision sollicitée ;

Se réserver la liquidation de l’astreinte ;

Condamner l’AFD à et la SNI à verser au cabinet Boisseau la somme de 3.000 euros chacun en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner l’AFD à et la SNI aux entiers dépens.

Le cabinet d’expertise comptable Boisseau a par conclusions signifiées le 20 septembre 2018, ajouté une demande subsidiaire dans ces termes :

A titre subsidiaire,

Juger qu’aux fins de réaliser son rapport d’expertise sur l’opération de concentration, le Cabinet Boisseau était fondé à réclamer la communication des documents identifiés comme manquants dans le pointage du 20 octobre 2017, soit la liste des documents précédemment visés ;

Par conclusions du 5 février 2018, l’Agence Française de Développement demande à la cour de :

A titre liminaire,

Constater qu’il n’est pas visé les moyens en droit et plus particulièrement le visa de l’article 809 du code de procédure civile dans l’assignation délivrée à l’AFD qui permettraient de justifier la compétence en référé du juge ;

Par conséquent :

Infirmer l’ordonnance rendue le 9 novembre 2017 et débouter le cabinet d’expert-comptable Boisseau de l’ensemble de ses demandes ;

A titre liminaire,

Constater que les demandes du cabinet d’expert-comptable Boisseau sont faites après le terme du délai offert à l’article R. 2325-6-2 du code du travail ;

Par conséquent :

Confirmer l’ordonnance rendue le 9 novembre 2017 déclarant irrecevables les demandes de l’Expert ;

A titre subsidiaire, si jamais l’action du cabinet d’expert-comptable Boisseau est recevable :

Constater que le rapport de l’expert a déjà été remis aux membres du CCE de l’UES AFD/IEDOM/IEOM/PROPARCO/CEFEB ;

Constater que les demandes formulées par le cabinet d’expert-comptable Boisseauu à l’encontre de l’AFD sont infondées et se heurtent pour le moins, à l’existence de contestation sérieuse ;

Constater l’absence de dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite ;

Par conséquent :

Dire qu’il n’y a pas lieu à référé et débouter le cabinet d’expert-comptable Boisseau de ses demandes ;

À titre infiniment subsidiaire :

Constater que la demande d’astreinte faite par le cabinet d’expert-comptable Boisseau n’est pas justifiée ;

Par conséquent :

Débouter le cabinet d’expert-comptable Boisseau de sa demande d’astreinte ;

En tout état de cause :

Débouter le cabinet d’expert-comptable Boisseau de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner le cabinet d’expert-comptable Boisseau à verser à l’AFD la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions du 27 février 2018, la SNI demande à la cour de :

A titre principal,

Constater l’irrecevabilité de l’action en raison du défaut d’intérêt à agir du Cabinet Boisseau ;

Constater l’irrecevabilité de l’action pour absence de transmission d’une demande d’informations par l’expert dans le délai de 3 jours de l’article R. 2325-6-2 du code du travail ;

En conséquence,

Confirmer l’ordonnance rendue le 9 novembre 2017 et juger l’action irrecevable ;

A titre subsidiaire,

Constater l’existence de contestations sérieuses et l’absence de trouble manifestement illicite ;

En conséquence se déclarer incompétent et renvoyer l’appelant à se pourvoir au fond ;

A titre très subsidiaire,

Dire et juger que les demandes de communication formulées par le Cabinet d’expertise ont un caractère abusif ;

Le débouter de ses demandes ;

En tout état de cause :

Rejeter l’ensemble des demandes du Cabinet Boisseau ;

Dire qu’il appartiendra le cas échéant à l’expert de venir consulter les documents sur place, au siège de la SNI ;

Condamner le Cabinet Boisseau au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel.

Par conclusions du 20 septembre 2018, la CDC Habitat a actualisé ses conclusions aux fins de préciser qu’elle venait aux droits de la SNI, dont les demandes restaient inchangées.

La clôture a été prononcée le 21 septembre 2018.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la régularité de la communication des conclusions et pièces

La CDC Habitat demande à la cour de révoquer l’ordonnance de clôture du 21 septembre 2018 au motif que le cabinet Boisseau a communiqué des conclusions modifiées et deux nouvelles pièces le 20 septembre 2018 à 20h38, auxquelles elle n’a pas été en mesure de répondre. A titre subsidiaire, elle sollicite le rejet de ces pièces et conclusions tardives.

Le cabinet Boisseau n’a pas conclu sur ce point.

Il convient en effet de relever que la communication faite le 20 septembre 2018 à l’initiative du cabinet Boisseau, est tardive alors que des demandes ont été ajoutées au dispositif de ses conclusions, et deux nouvelles pièces ont été communiquées la veille au soir de la clôture, ce qui a rendu impossible la faculté de réponse des intimées, et n’a pas respecté le principe de la contradiction.

Ces conclusions et pièces sont donc écartées.

Par ailleurs, les conclusions signifiées le 20 septembre 2018 par la CDC Habitat, ont été prises dans le seul but de rectifier la dénomination de la société intimée qui vient aux droits de la SNI sans autres modifications de ses conclusions.

Ces conclusions sont déclarées recevables.

Sur la régularité de l’assignation délivrée par le cabinet Boisseau devant le juge des référés de Paris

L’AFD maintient en appel les moyens développées devant le premier juge aux fins de contester la régularité de l’assignation délivrée par le cabinet Boisseau, lequel reprend ses moyens soutenus en première instance.

La cour relève que l’AFD ne communique qu’un extrait de l’assignation contestée, ce qui ne lui permet pas d’apprécier la portée de la contestation qui reste en tous cas imprécise dans les conséquences que l’établissement entend en tirer.

Au surplus il convient de constater que le premier juge a répondu sur cette question, dans son ordonnance du 9 novembre 2017, aux moyens soulevés par l’AFD par des motifs pertinents que la cour adopte.

Le moyen n’est donc pas fondé en appel.

Sur l’intérêt à agir du cabinet Boisseau

La CDC Habitat soutient que le cabinet Boisseau devait rendre son rapport en application de l’article R. 2325-6-2 du code du travail, avant le 15 novembre 2017 ; qu’en interjetant appel le 7 décembre 2017, l’expert n’avait plus aucun intérêt à solliciter la commmunication de documents qu’il estimait nécessaires à la rédaction d’un rapport qu’il ne pouvait plus remettre.

Le cabinet Boisseau ne présente pas d’observation sur ce point dans ses conclusions du 5 février 2018.

Le délai d’appel court à compter de la signification de l’ordonnance de référé, signification intervenue le 22 novembre 2017.

L’Autorité de la concurrence a rendu sa décision le 6 novembre 2017 et en informé l’AFD le 7 novembre 2017. Le délai de huit jours pour le dépôt du rapport d’expertise prévu par l’article R. 2325-6-2 du code du travail, court à compter de cette date à la condition que l’expert ait obtenu la remise des pièces nécessaires à la réalisation de sa mission, et à défaut ce délai n’a pas commencé à courir.

L’intérêt à agir doit s’apprécier au jour de l’appel dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l’auraient rendu sans objet.

L’expert dispose d’un droit propre pour s’adresser au juge en vue d’obtenir la communication des documents d’information qu’il estime nécessaires à la réalisation de sa mission.

En l’espèce le cabinet Boisseau a fait appel dans le délai de quinze jours à compter de la signification de l’ordonnance du 9 novembre 2017 qui a déclaré irrecevables ses demandes de communication de pièces.

Il dispose d’un droit personnel à faire appel de cette décision, son intérêt à agir étant apprécié au jour de l’acte d’appel.

Le premier juge n’ayant pas fait droit à ses demandes, l’expert est donc recevable à exercer son droit d’appel au 7 décembre 2017.

L’appel est par suite recevable.

Sur le respect du délai pour agir

Le cabinet Boisseau fait valoir que le juge des référés a violé les dispositions des articles 641 et 642 du code procédure civile puisque le délai de trois jours de l’article R.2325-6-2 du code du travail expirait un dimanche, son terme étant prorogé au lundi 9 octobre 2017, date à laquelle il a sollicité les documents d’information.

L’AFD fait valoir que les dispositions de l’article 642 du code procédure civile ne s’appliquent pas au délai réglementaire de demande de pièces présentée par l’expert, mais seulement aux actes de procédure, et par suite que le délai expirait le dimanche 8 octobre 2017.

La CDC Habitat s’associe aux moyens de l’AFD sur le calcul du délai de l’article R.2325-6-2 du code du travail ; elle ajoute que l’expert s’est adressé uniquement à l’AFD pour solliciter les documents, aucune demande n’ayant été présentée à la SNI ; que les demandes répercutées à la SNI par l’AFD, l’ont été le 10 octobre 2017, hors délai.

En droit, l’article R. 2325-6-2 du code du travail dispose que l’expert demande à l’employeur au plus tard dans les trois jours de sa désignation, toutes les informations qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission. L’employeur répond à cette demande dans les cinq jours.

Les dispositions de l’article 642 du code procédure civile ont vocation à s’appliquer pour le calcul de ce délai exprimé en jours, l’AFD ne développant pas de moyens pertinents pour écarter ce texte, tels notamment l’ouverture des services internes de l’établissement les samedis et dimanches, qui aurait permis à l’expert de présenter sa demande de communication lors de ces jours de fin de semaine.

L’expert, désigné lors de la réunion du 5 octobre 2017, a adressé à l’AFD, service des relations sociales, sa demande de communication par mail du 9 octobre 2017, puis ajouté des demandes de pièces complémentaires les 17 octobre 2017 et 31 octobre 2017.

Il convient de relever que le délai de trois jours expirait le dimanche 8 octobre 2017, de sorte que son terme a été reporté au lundi 9 octobre 2017 et que la demande présentée au cours de cette journée est recevable.

En revanche, l’article R. 2325-6-2 du code du travail ne prévoit pas la faculté pour l’expert de demander des documents d’information complémentaires après l’expiration du délai, de sorte que la demande de pièces nouvelles présentée après le délai de trois jours est irrecevable, ce qui concerne les pièces demandées les 17 octobre 2017 et 31 octobre 2017.

Concernant les demandes dirigées contre la CDC Habitat, l’article R.2325-6-2 du code du travail dispose que l’expert présente sa demande à l’employeur.

En outre aucune demande de documents n’a été présentée à la SNI.

Les demandes dirigées contre la CDC Habitat sont donc irrecevables, ce qui n’exclut pas la demande dirigée contre l’AFD portant sur les pièces concernant la SNI, dans la mesure où se trouverait établie la possession de ces pièces par l’AFD qui serait tenue à leur communication dès lors qu’elles intéressent l’opération de cession.

Sur la demande de communication de documents

Le cabinet Boisseau fait valoir que les documents demandés à l’AFD sont utiles à la compréhension de l’opération de cession et concernent ses modalités juridiques et financières ; que plusieurs mails démontrent que l’AFD détient des documents transmis par la SNI ou par des tiers, tels ceux visés par la commission des participations et des transferts (et notamment le rapport d’évaluation établi par le cabinet BM&A ou le rapport du cabinet immobilier BTZ).

L’AFD soutient en réplique qu’elle ne peut pas être tenue à la communication de documents détenus par des tiers ou de documents inexistants ou ceux qui excèdent sa mission. Elle considère que la demande de communication est devenue sans objet puisque l’expertise est à ce jour terminée ; qu’elle a communiqué tous les documents en sa possession, et qu’elle n’était pas destinataire des documents détenus par la SNI.

En droit, la désignation du cabinet Boisseau intervient dans le cadre de la procédure spécifique de l’article L.2323-34 du code du travail qui dispose que lorsqu’une entreprise est partie à une opération de concentration, telle que définie à l’article L. 430-1 du code de commerce, l’employeur réunit le comité d’entreprise au plus tard dans un délai de trois jours à compter de la publication du communiqué relatif à la notification du projet de concentration, émanant soit de l’autorité administrative française en application de l’article L. 430-3 du même code, soit de la Commission européenne en application du règlement (CE) n°139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations.

Au cours de cette réunion, le comité d’entreprise ou la commission économique se prononce sur le recours à un expert dans les conditions prévues aux articles L. 2325-35 et suivants. Dans ce cas, le comité d’entreprise ou la commission économique tient une deuxième réunion afin d’entendre les résultats des travaux de l’expert.

Il ressort de ce texte que l’expert désigné par le comité d’entreprise dispose d’un droit d’accès aux documents qui lui sont nécessaires pour accomplir sa mission, équivalent à celui du commissaire aux comptes, et qu’il apprécie seul les documents utiles à sa mission sauf abus de droit caractérisé, et il ne peut pas exiger la production de documents n’existant pas ou dont l’établissement n’est pas obligatoire pour l’entreprise.

En l’espèce, il convient d’examiner si la liste des pièces sollicitées par le cabinet Boisseau sont en relation directe avec l’opération de concentration, et ce afin de lui permettre d’établir un rapport d’expertise sur la cession des parts détenues l’AFD au profit de la SNI, rapport qui sera remis au CE de l’AFD afin de lui donner une information suffisante sur les effets de cette cession, comme le prévoient les dispositions de l’article L.2323-34 du code du travail.

Cette communication est susceptible de porter sur des pièces que l’AFD détient ou qui lui ont été communiquées par des tiers, peu important que le délai de huit jours postérieur à la notification de la décision de l’Autorité de concurrence soit expiré, dès lors que le défaut de communication de ces pièces lui est imputable, empêchant le délai de courir.

La demande de communication des documents porte sur la liste établie par l’expert le 9 octobre 2017.

S’agissant des annexes au dossier déposé auprès de l’Autorité de concurrence et les correspondances avec cette Autorité :

Les échanges de mails produits par les parties établissent que l’AFD a demandé à la SNI à de multiples reprises de lui communiquer les annexes au dossier déposé auprès de l’Autorité de concurrence, sollicités par l’expert, ainsi que les correspondances.

Lors du dernier mail du 1er novembre 2017, il n’apparaît pas que ces documents aient été transmis par la SNI à l’AFD.

L’Autorité de concurrence a été saisie par la SNI, de sorte que l’AFD n’est pas à l’origine de la constitution de ce dossier. Au surplus le terme 'd’annexes’ ne permet pas d’identifier précisément la liste de documents réclamés par l’expert.

La demande portant sur ces documents, dont il n’est pas établi que l’AFD les ait en sa possession, sera rejetée.

S’agissant des informations concernant les sociétés acquises par la SNI (Adoma, Effidis, Scic Habitat) :

Aucune pièce ne permet de démontrer que ces informations ont été transmises à l’AFD.

Aucun élément ne justifie qu’elle puisse être en possession de ces pièces alors que la SNI exerce une activité concurrente à l’AFD.

Cette demande doit être rejetée.

S’agissant des informations concernant les SIDOM:

Les PV des CE et CHSCT 2015, 2016 et 2017 ne sont plus réclamés dans les conclusions d’appel du cabinet Boisseau et les explications données par l’AFD tendent à démontrer que ces documents ont bien été communiqués à l’expert.

Il ressort de la pièce 7 communiquée par le cabinet Boisseau que les rapports d’expertise sur la politique sociale concernant la société immobilière de Guadeloupe et de la Réunion, n’ont pas été remis. La demande sera acceptée à ce titre.

Pour les rapports d’enquêtes risques graves ou accidents graves, aucun commencement de preuve ne permet de considérer que ces enquêtes ont été nécessaires et par suite que ces documents existent.

S’agissant des informations concernant la transaction :

L’AFD soutient que les documents demandés concernent l’opération de cession conclue entre l’Etat et la SNI et que certains documents demandés sont détenus par la direction générale du Trésor.

Néanmoins ces prétentions sont écartées dès lors que l’AFD est partie prenante à l’opération de cession au même titre que l’Etat, et que l’AFD est elle-même un EPIC détenu majoritairement par l’Etat, de sorte qu’elle a nécessairement accès aux documents de cession des parts détenues dans les SIDOM.

Le fait que l’opération concerne un établissement public ne peut pas avoir pour effet de priver les représentants des salariés de l’information organisée par les dispositions légales.

En outre, l’AFD reconnaît avoir transmis certains de ces documents à savoir le rapport d’évaluation du cabinet BM&A et le rapport du cabinet immobilier BTZ, ce qui confirme sa possession de l’intégralité des documents concernant le projet de cession.

Il convient par suite de faire droit aux demandes dans ces limites.

L’ordonnance du 9 novembre 2017 mérite d’être réfomée dans ces conditions.

La communication des documents sera ordonnée sous astreinte afin d’assurer l’effectivité de la décision.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Au vu de la solution du litige, les dépens de l’instance seront supportés par l’Agence Française de Développement qui devra verser au cabinet Boisseau la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande présentée à ce titre par la CDC Habitat sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Ecarte la communication des conclusions et pièces faite le 20 septembre 2018 par le cabinet Boisseau ;

Confirme l’ordonnance rendue le 9 novembre 2017 en ce qu’elle a rejeté la contestation portant sur la régularité de l’assignation délivrée par le cabinet d’expertise comptable Boisseau ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs de demandes restant à juger,

Déclare irrecevable la demande du cabinet d’expertise comptable Boisseau dirigée contre la CDC Habitat venant aux droits de la société nationale immobilière ;

Déclare irrecevable la demande du cabinet d’expertise comptable Boisseau portant sur les documents demandés les 17 octobre 2017 et 31 octobre 2017 ;

Rejette les moyens d’irrecevabilité devéloppés par l’Agence Française de Développement pour les documents réclamés le 9 octobre 2017 ;

Enjoint à l’Agence Française de Développement de remettre au cabinet d’expertise comptable Boisseau les documents suivants :

* Rapports relatifs aux expertises sur la politique sociale concernant la société immobilière de Guadeloupe (SIG) et la société immobilière de la Réunion (SIDR) ;

* Documents relatifs à la cession des parts détenues dans les SIDOM : – La copie de l’accord entre l’Etat et la SNI portant sur la structuration juridique de l’opération et l’évaluation du montant de la transaction ;

— La copie du dossier transmis à la Commission des participations et des transferts le15 février 2017 par la Direction générale du Trésor ;

— Les procès-verbaux de la Commission des participations et des transferts en lien avec l’opération ;

— Les échanges entre la SNI, l’Etat et l’AFD sur la valorisation des titres, les règles de gouvernance et les garanties de passif ,

Dit que l’Agence Française de Développement devra communiquer au cabinet d’expertise comptable Boisseau ces documents dans le délai de UN mois à compter de la signification de l’arrêt par l’appelant, sous astreinte provisoire de 100 euros par document et par jour de retard constaté après l’expiration de ce délai ;

Rejette les autres demandes des parties ;

Condamne l’Agence Française de Développement aux entiers dépens d’instance et à verser au cabinet d’expertise comptable Boisseau, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 2, 15 novembre 2018, n° 18/00288