Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 11 avril 2019, n° 18/03170

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 7, 11 avr. 2019, n° 18/03170
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/03170
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, EXPRO, 4 janvier 2018, N° 17/00395
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 7

ARRÊT DU 11 AVRIL 2019

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/03170 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5AQI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Janvier 2018 -Juge de l’expropriation de PARIS – RG n° 17/00395

APPELANTE

Madame B X

née le […] à […]

[…]

[…]

Représentée par Me Gilles CAILLET de la SELEURL HELIANS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0876

INTIMÉES

SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET 525 046 017

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me François DAUCHY, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE LA SEINE ST DENIS COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

France domaine

[…]

[…]

Représentée par Mme D E en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Hervé LOCU, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Hervé LOCU, président

M. Gilles MALFRE, conseiller

Mme Laure COMTE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme F G

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Hervé LOCU, président et par F G, greffière présente lors du prononcé.

Exposé :

Par arrêté du 28 décembre 2015, ont été déclarés d’utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation, par la société du Grand Paris, des tronçons de métro automatiques dans les départements de Seine et Marne (77) et de Seine-Saint-Denis (93).

Sont concernés par l’opération les lots de copropriété n°23, 24, 25, 26, 27, 28, 29 et 104 d’un ensemble immobilier situé sur les parcelles cadastrées section […], 43, 44, 45, 46, 66 et 67 situés 67 […] à Sevran (93)/ 2 rue Joliot-Curie à Sevran (93270) [indiqué par l’appelante]. Le bien aujourd’hui démoli correspondait à un cabinet médical appartenant à la SCI (société civile immobilière) la Cigogne, loué par la SCM (société civile de moyens) groupe médical mère enfant dont Mme. X était membre, et comprenait un espace accueil/secrétariat, des salles de consultation, une salle d’attente, des blocs sanitaires, une mezzanine avec locaux sociaux.

Faute d’accord sur l’indemnisation, la société grand Paris a, par mémoire visé au greffe le 21 juillet 2017, saisi le juge de l’expropriation de Paris.

Par un jugement du 12 décembre 2017, celui-ci a fixé les indemnités provisionnelles à la somme de 14 797 euros outre 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Puis, par un jugement du 05 janvier 2018, après transport sur les lieux le 07 septembre 2017, celui-ci a :

— fixé l’indemnité due à Madame X à la somme totale de 27 812,50 euros se décomposant comme suit :

—  22 038,50 euros au titre de l’indemnité pour trouble commercial ;

[(88 154 euros / 12) x 3]

—  774 euros à titre d’indemnité de déménagement ;

—  5 000 euros au titre de l’indemnité pour prise de possession anticipée des lieux;

— rappelé qu’une indemnité provisionnelle a été précédemment fixée au bénéfice de Mme. X à hauteur de 14 797 euros à ce titre par jugement du 12 décembre 2017 ;

— débouté Mme X de sa demande d’indemnisation :

— au titre de la perte de sa patientèle ;

— au titre des frais de résiliation du contrat de leasing lié à l’équipement d’échographie;

— au titre des frais de location de deux imprimantes ;

— condamné la société du grand Paris à payer à Mme. X la somme totale de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, sauf déduction de la somme de 1 500 euros au paiement de laquelle elle avait été condamnée à titre provisionnel par jugement du 12 décembre 2017 ;

— rappelé que les dépens sont à la charge de la société du grand Paris, partie expropriante ;

Mme X a interjeté appel de la décision le 13 février 2018.

Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

— déposées au greffe, par Mme. X appelante, le 09 mai 2018, notifiées le 09 mai 2018 (AR des 23 et 29 mai 2018), aux termes desquelles elle demande à la cour :

— de la déclarer recevable et bien-fondée en son appel ;

— de réformer le jugement du 05 janvier 2018 mais seulement en ce qu’elle l’a :

— déboutée de ses demandes d’indemnités au titre de la perte de sa patientèle, des frais de résiliation anticipée du contrat de leasing lié à l’équipement d’échographie et des frais de location de deux imprimantes

— omis de statuer sur sa demande d’indemnité au titre des frais de remploi ;

— omis de statuer sur sa demande d’injonction à la société du grand Paris de communiquer l’acte contenant éviction du fonds de commerce du docteur Y, signé entre lui et la société du grand Paris en l’étude notariale N-K-L M ;

— de confirmer le jugement du 05 janvier 2018 pour le surplus ;

— statuant à nouveau :

— d’enjoindre à la société du grand Paris de lui communiquer l’acte contenant éviction de son fonds de

commerce signé entre la société du grand Paris et le docteur Y en l’étude notariale N-K-L M ;

— de fixer à 144 356,67 euros le montant de l’indemnité principale ;

[[(155 612 + 165 751 + 193 242 euros) / 3] x 2/3]

— de fixer à 10 285,67 euros le montant de l’indemnité de remploi ;

— de fixer à 14 154,61 euros le montant de l’indemnité pour frais de résiliation anticipée du contrat de leasing lié à l’équipement d’échographie ;

[28 309,21 euros/2]

— de fixer à 714,21 euros le montant de l’indemnité pour frais de résiliation du contrat de location de deux imprimantes ;

[ [(370,80/88) x 75 + (370,80 x 3) + (370,80 x 3)] / 2]

— de condamner la société du grand Paris à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de condamner la société du grand Paris aux entiers dépens ;

— d’écarter toutes les conclusions contraires des autres parties (société du grand Paris et Commissaire du gouvernement) ;

— adressées au greffe, par la société du Grand Paris intimée, le 31 juillet 2018, notifiées le 07 août 2018, aux termes desquelles elle demande à la cour :

— de dire et juger Mme. X mal fondée en son appel ; en conséquence de débouter cette dernière de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 05 janvier 2018 ;

— adressées au greffe, par le Commissaire du gouvernement, le 03 août 2018, notifiées le 17 août 2018 (AR des 06 et 19 septembre 2018), aux termes desquelles il demande à la cour de confirmer le jugement du 05 janvier 2018.

Motifs de l’arrêt :

Mme X fait valoir que :

— la société du grand Paris n’a toujours pas versé d’indemnités alors qu’elle a déjà pris possession des lieux ;

— le jugement de première instance doit être annulé en ce qu’il a rejeté l’indemnisation de préjudices pourtant causés directement par la procédure d’indemnisation car :

— la perte de patientèle correspond à un préjudice propre qui ne saurait être confondu avec celui de la SCM ; en effet, conformément à la loi, les SCM ne peuvent exercer d’activité professionnelle et ne disposent donc pas d’une patientèle ; chaque médecin est alors propriétaire de sa propre clientèle et doit donc être indemnisé personnellement de la perte de celle-ci et des troubles subis dans son activité du fait de l’expropriation ; par ailleurs, une SCM a une personnalité juridique propre distincte

de celle de ses membres et peut avoir des intérêts contraires à ceux de ses associés ; ainsi, la SCM Groupe médical mère enfant a été indemnisée de ses préjudices propres par la société du Grand Paris et il serait faux de considérer que les préjudices propres de l’expropriée puissent être réparés par l’indemnisation de la SCM Groupe médical mère enfant ; dès lors, peu importe que la SCM ait été indemnisée d’une somme conséquente, car l’expropriante a toujours l’obligation d’indemniser la totalité des préjudices matériels, directs et certains subis personnellement par l’expropriée ;

— le droit à indemnisation ne saurait être dénié alors que celle-ci était dans l’impossibilité de se réinstaller au sein des nouveaux locaux de la SCM ; en effet, l’offre d’indemnité de l’expropriante est postérieure à la prise de possession des locaux ; en outre, l’expropriée n’a à ce jour reçu aucune indemnité d’expropriation et ne peut, sans celle-ci être en mesure de se réinstaller dans les nouveaux locaux de la SCM ou ailleurs ; dès lors, la prise de possession anticipée des lieux par l’expropriante a fait obstacle à toute possibilité de se réinstaller ; par ailleurs, le mémoire valant offre d’indemnité de la société du grand Paris ne mentionnait aucune véritable possibilité de transfert de l’activité de l’expropriée, ni même le fait que l’expropriante avait déjà pris possession des lieux ; en outre, l’expropriée n’avait pas automatiquement la possibilité de se réinstaller dans les nouveaux locaux de la SCM, même si elle en était membre, et l’opacité de la procédure d’expropriation ne l’a pas mise en mesure de pouvoir s’y réinstaller; en conséquence, la perte de clientèle subie est directement liée à la procédure d’expropriation ;

— le droit à indemnisation ne saurait être dénié, au motif que celle-ci aurait pu et du suivre la SCM ; en effet, il n’existe aucune obligation pour un locataire de suivre son bailleur lorsque celui-ci vend son bien loué pour en racheter un autre et il ne saurait être reproché à l’expropriée de ne pas s’être installée dans les nouveaux locaux de la SCM, puisque le transfert de propriété des murs à l’expropriant a mis fin à son droit d’occupation et qu’elle est libre de pratiquer son activité dans le local qu’elle aura choisi ; en conséquence, il convient de réformer le jugement critiqué en ce qu’il a considéré que l’expropriée devait se réinstaller dans les locaux de la SCM ;

— le jugement de première instance doit être annulé en ce qu’il a omis de statuer sur la demande de fixation d’une indemnité pour frais de remploi et sur la demande d’injonction de la société du grand Paris de communiquer l’accord amiable intervenu entre elle et le docteur Y ; en effet, en ne statuant pas sur l’intégralité des demandes de l’expropriée, le juge a statué infra petita en méconnaissance de l’article 5 du code de procédure civile ; en conséquence, il y a lieu de statuer à nouveau sur le montant des différents préjudices subis par l’expropriée et sur les demandes sur lesquelles le juge de l’expropriation ne s’est pas prononcé ;

— l’indemnité d’expropriation devra alors être fixée afin de couvrir la perte de patientèle suivant la méthode d’estimation de l’indemnité pour présentation de patientèle (recettes moyenne x coefficient multiplicateur) ; à cet égard il convient de retenir un coefficient de l’ordre de 50% (usage de la profession médicale ; jugé réaliste par le commissaire du gouvernement) ; en outre, il ressort de l’acte contenant éviction de son fonds de commerce signé entre la société du grand Paris et le docteur Y, médecin I, en l’étude notariale N-K-L M que la société du grand Paris a estimé le préjudice indemnisable de la perte de fonds à 50% du chiffre d’affaires moyen ; en l’espèce, l’expropriée exerce une activité de spécialiste en gynécologie obstétrique, qui est beaucoup plus valorisée que celle des médecins généralistes ; dès lors, il y a lieu de retenir un coefficient multiplicateur de 2/3 pour indemniser la perte de patientèle ; en conséquence, l’indemnité, correspondant à la perte de patientèle, doit être fixée à la somme de 114 356,67 euros [[(155 612 + 165 751 + 193 242 euros) / 3] x 2/3] ; il en résulte que l’indemnité de remploi doit être fixée à la somme de 10 285,67 euros conformément à la jurisprudence ;

— l’indemnité pour frais de résiliation du contrat de leasing lié à l’équipement d’échographie doit être accordée ; en effet, le contrat de leasing était au nom des deux gynécologues obstétriciens et était donc un bien propre ; ainsi, les pénalités de rupture anticipée du contrat de leasing n’auraient pu être accordées à la SCM dans le cadre de son accord amiable avec l’expropriante ; en l’espèce, ce contrat

a été souscrit pour une durée de 84 mois du 15 juin 2012 au 15 juin 2019 ; du fait de la cessation forcée d’activité au 1er mars 2017, la société de leasing a facturé aux deux médecins la somme de 28 309,21 euros correspondant aux mensualités restantes et aux frais de ruptures anticipée ; en conséquence, il y a lieu de fixer à la somme de 14 154,61 euros [28 309,21 euros/2] le montant de l’indemnité pour frais et pénalités de rupture anticipée du contrat de leasing de l’échographie ;

— l’indemnité pour frais de location de deux imprimantes doit être accordée ; en effet, les deux gynécologues obstétriciens avaient souscrit ce contrat à compter de février 2012 jusqu’à février 2018 ; en conséquence, l’indemnité pour frais de location des deux imprimantes doit être fixée à la somme de 714,21 euros [ [(370,80/88) x 75 + (370,80 x 3) + (370,80 x 3)] / 2] ;

— l’indemnité pour frais irrépétibles doit être fixée à 4 000 euros car pour assurer sa défense, des frais ont été exposés et leur coût doit être mis à la charge de l’expropriante ;

La société du grand Paris répond que :

— les préjudices allégués (perte de clientèle ; frais de remploi ; frais pour rupture anticipée d’un contrat de leasing portant sur du matériel médical ; frais de location de deux imprimantes) ne sauraient être accordés, car ils n’ont pas de lien direct avec l’expropriation et procèdent d’événements extérieurs à l’expropriante :

— en effet seule la SCM était bénéficiaire d’un bail professionnel portant sur les locaux et le préjudice né de la rupture anticipée du bail a été indemnisé, lui permettant ainsi de se réinstaller dans des locaux situés à proximité immédiate du site et dans lesquels la majorité de ses membres a pu retrouver des locaux permettant une reprise de leurs activités ; en outre, le montant de cette indemnité avait fait l’objet d’une approbation par une assemblée générale extraordinaire où l’expropriée n’était certes pas présente, mais où les membres présents représentaient ensemble 80% des titres composants le capital social de la SCM ; d’autre part, la signature de l’acte avait été précédée d’une prise de possession des locaux par l’expropriante le 06 mars 2017, date à laquelle les locaux étaient libres de toute occupation activité, meuble et objets divers ce qui laisse supposer que l’expropriée n’ignorait rien des termes de l’accord ; en témoigne, à cet égard, la facture de déménagement de l’expropriée en date du 03 mars 2017, soit une date antérieure à la remise des locaux à l’expropriante ;

— par ailleurs, l’expropriée n’était bénéficiaire en son nom propre d’aucun titre d’occupation ou de sous location juridiquement protégé et dont l’extinction avant terme serait de nature à lui conférer un droit à indemnités couvrant les préjudices qu’elle invoque ;

— enfin la SCM dont l’expropriée était membre s’est réinstallée à Sevran, dans un périmètre proche de celui de son siège initial et de nombreux membres l’y ont suivi ; dès lors, si l’expropriée n’est pas à ce jour réinstallée dans les locaux nouvellement occupés par la SCM, cet événement ne procède pas de la volonté ou des agissements de l’expropriante, mais des raisons propres à l’expropriée et qui procèdent de faits totalement extérieurs à l’expropriation ;

— en conséquence, le jugement du 05 janvier 2018 doit être confirmé en ce qu’il a rejeté l’indemnisation des chefs de préjudice suivants : perte de clientèle ; frais de remploi ; frais pour rupture anticipée d’un contrat de leasing portant sur du matériel médical ; frais de location de deux imprimantes ;

Le Commissaire du gouvernement observe que le jugement du 05 janvier 2018 doit être confirmé en ce qu’il a fixé l’indemnité à valoir pour l’expropriée à la somme totale de 27 812,50 euros se décomposant comme suit :

—  22 038,50 euros au titre de l’indemnité pour trouble commercial ;

[(88 154 euros / 12) x 3]

—  774 euros à titre d’indemnité de déménagement ;

—  5 000 euros au titre de l’indemnité pour prise de possession anticipée des lieux ;

SUR CE

Les conclusions des parties déposées dans les délais de l’article R311'26 du code de l’expropriation sont recevables.

Aux termes de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la réserve d’une juste et préalable indemnité.

L’article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l’article L321-1 du code de l’expropriation, les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Conformément aux dispositions de l’article L322-2, du code de l’expropriation , les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération – sous réserve de l’application des articles L322-3 à L322-6 dudit code – leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L’appel porte sur le montant principal due par la SGP en contrepartie de l’éviction de son activité professionnelle, sur l’indemnité de remploi, sur l’indemnité pour frais de réinstallation anticipée du contrat de leasing lié à l’équipement d’échographie et sur l’indemnité pour frais de résiliation du contrat de location de deux imprimantes et aucune contestation n’existe au titre de l’indemnité pour trouble commercial de 22'038,50 euros, l’indemnité pour frais de déménagement pour 774euros et l’indemnité pour prise de possession anticipée des lieux pour 5000euros.

S’agissant de la date de référence, le jugement n’en fait pas état ; en application de l’article L2 13'6 du code de l’urbanisme, la date de référence à prendre en compte, s’agissant d’un secteur soumis à expropriation, est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant ou modifiant le POS et définissant la zone dans laquelle est situé le bien ; en l’espèce, il s’agit du PLU approuvé le 15 décembre 2015 ; cette date de référence sera en conséquence ajoutée au jugement.

S’agissant des données d’urbanisme, le jugement n’en fait pas état ; la parcelle cadastrée BD 128 est située en zone UM au PLU en vigueur, correspondant à des secteurs de maisons sous formes diverses ; elle comprend deux sous secteurs :

'Ums(dont le bien dépend) pour les quartiers situés au sud du canal de l’Ourcq ;

'Umi pour les secteurs qui constituent des épines dorsales accueillant les fonctions collectives de proximité pour les secteurs pavillonnaires.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s’agit

sur la commune de Sevran, d’un cabinet médical implanté initialement dans un ensemble immobilier situé […] et cadastré AM numéro 42'43'44'45'46'66'67, et une construction d’origine en parpaing avec toiture métallique ; le transport sur les lieux du 7 septembre 2017 a permis

de constater que les constructions ont été démolies ; le cabinet comprenait avant démolition un espace accueil/secrétariat, des salles de consultation, salle d’attente, des blocs sanitaires, une mezzanine avec locaux sociaux.

Par acte notarié du 16 mars 2017, la SGP a conclu avec la société civile de moyens Groupe Médical Mère’Enfant locataires des lots de copropriétés, numéro 23,24, 25, 26,27, 28,29 et 104 d’un ensemble immobilier situé sur les parcelles cadastrées AM numéro 42/ 43/44/45/46/66 et […] à Sevran, un «accord amiable permettant la cessation définitive des activités exploitant par l’occupant», (pièce numéro 6 de Madame X), l’indemnisation s’élevant à la somme d'1'536'000 euros.

Par décision du 2 décembre 2017, le premier juge a notamment fixé l’indemnisation provisionnelle de Madame X à la somme de 14'797euros outre 1500 euros à titre prévisionnel également l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

S’agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, c’est celle de la première instance, soit le 5 janvier 2018.

Madame X indique qu’afin d’obtenir la relocalisation du cabinet médical à proximité, la SCM groupe médical mère enfant et la société Grand Paris ont entamé des négociations qui ont abouti à la signature d’un acte notarié du 16 mars 2017 portant «accord sur les modalités d’éviction commerciale» de la SCM à hauteur de 1'536'000 euros ; bien qu’elle soit légalement la gérante de la SCM, elle précise avoir été complètement tenue à l’écart de ces négociations par la SGP et par les associés et a , en 2016, manifesté son intention de ne pas suivre la SCM dans son déménagement (pièces numéro 7 et numéro 8) ; elle ajoute qu’elle n’était ni présente ni représentée lors de l’assemblée générale extraordinaire de la SCM du 10 mars 2017 autorisant Monsieur Z à signer au nom de la SCM , l’acte d’éviction commerciale du 16 mars 2017 (pièce numéro 6) en mars 2017, la SGP l’a priée ainsi que ses collègues de quitter le cabinet médical afin de commencer les travaux de démolition au courant de l’été, sans formuler aucune offre d’indemnités d’expropriation ; elle a été expulsée de son lieu de travail et ce n’est que le 7 juin 2017, que la SGP lui a notifié une offre d’indemnités d’expropriation censée compenser le seul préjudice pour trouble commercial à hauteur d’une somme de 7974 euros; elle affirme qu’il était impossible de se réinstaller dans les nouveaux locaux de la SCM, et elle n’avait par ailleurs pas la possibilité de se réinstaller ailleurs ; elle affirme qu’elle a été déboutée de ses demandes d’indemnités pour perte de clientèle, pour frais de remploi, pour rupture anticipée de son contrat de leasing d’un échographie et pour rupture de contrat de location de 2 imprimantes, alors que ces préjudices ont bien été causés directement par l’expropriation, tandis que la SGP rétorque qu’elle conteste le caractère direct des préjudices allégués, ces derniers procédant d’événements extérieurs à la SGP et sans lien de causalité directe avec la réalisation d’opérations déclarées d’utilité publique.

La cour est saisie de l’appel d’un jugement concernant la fixation et le paiement des indemnités conformément au titre deux du code de l’expropriation; aux termes de l’article L321-1 les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.

Il convient de rappeler, qu’aux termes de l’article L311-8 du code de l’expropriation, non allégué par les parties, notamment l’appelante Mme X , que lorsqu’il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamant et toutes les fois qu’il élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l’indemnité et à l’application des articles L242-1 à L242'7 , L322-12, L423-2 et L423-3, le juge fixe, indépendamment de ces contestations et difficultés, autant d’indemnités alternatives qu’il y a d’hypothèses envisageables et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit.

En l’espèce, Madame X indique être gérante de la SCM, et n’avoir pas été mise au courant des modalités de négociation entre la SGP et la SCM, qu’elle n’était ni présente ni représentée lors de

l’assemblée générale extraordinaire du 10 mars 2017; cependant elle ne fait pas état de procédures judiciaires liée à ces difficultés au sein de la SCM ; l’acte notarié produit (pièce numéro 6) indique que la «SCM est représentée par Monsieur H Z, gérant de ladite société, nommé à cette fonction aux termes de l’assemblée générale des associés en date du 20 novembre 2014 dont copie certifiée conforme à l’original demeure en annexe, ayant pouvoir à l’effet des présentes en vertu de l’assemblée générale des associés à Sevran du 10 mars 2017»; cependant l’extrait Kbis produit par Mme X à jour au 19 juin 2017( pièce N°7) mentionne comme gérant Mme X.

— Sur la demande d’enjoindre à la SGP de communiquer l’acte contenant éviction de son fonds de commerce signé entre la SGP et le Docteur Y en l’étude notariale N-K-L M

Madame X indique que la procédure d’expropriation menée par la SGP a concerné des voisins du cabinet médical, et notamment le docteur I Y, qui a signé un acte contenant éviction commerciale de son fonds de commerce moyennant 72'700 euros dont 55'000 euros d’indemnité principale (pièce numéro 17) et elle sollicite l’acte notarié signé à l’étude Frocotyeaux-K- L M ; à l’appui de sa demande, elle indique en effet que la SGP a l’obligation de communiquer les accords réalisés à l’amiable à l’intérieur du périmètre de l’opération.

Cependant la situation du Docteur Y est différente de celle de Madame X, puisqu’il ne se trouvait pas au sein de la SCM, mais dans un cabinet médical de médecin I propre, dans un local situé au 2, […] à Sevran, et pour fixer le préjudice de Mme X, cette pièce n’est pas indispensable, puisque celle-ci indique elle-même, que sa spécialité de gynécologie obstétrique doit être valorisée plus que celle des médecins généralistes, à savoir 2/3 de son chiffre d’affaires moyen.

En conséquence Mme X sera déboutée de sa demande d’enjoindre à la SGP de communiquer l’acte contenant éviction de son fonds de commerce signé entre la société du grand Paris et le Docteur Y en l’étude notariale N-K-L M

— sur l’indemnité principale

Mme X sollicite une somme de 114'356,67 euros au titre de l’indemnité principale en contrepartie de l’éviction de son activité professionnelle exercée dans le cabinet médical situé 2, rue Joliot-Curie à Sevran.

À l’appui de sa demande, elle indique que du fait de la destruction du cabinet médical par la SGP, elle ne peut plus exercer son activité et a perdu la totalité de la patientèle, telle qu’elle s’était constituée depuis plus de 25 ans ; il s’agit d’un préjudice propre, qui ne doit pas être confondu avec celui de la SCM ; elle indique que la SCM ne peut exercer d’activité professionnelle et ne dispose pas d’une patientèle et que le jugement a fait une confusion entre la SCM et elle-même ; il est indifférent que la SCM ait été indemnisée d’une somme conséquente de plus d’un million d’euros ; elle ajoute qu’elle se trouve dans l’impossibilité de se réinstaller dans les nouveaux locaux de la SCM ni même ailleurs ; enfin elle n’avait pas l’obligation de suivre son bailleur.

Les locataires ou occupants de locaux professionnels ne bénéficient pas de la législation sur la propriété commerciale et ne peuvent donc prétendre à une indemnité d’éviction identique à celle accordée à un locataire commerçant pour perte de son fonds de commerce ou de son droit au bail.

En outre, l’article 36 de la loi numéro 66'879 du 29 novembre 1966 prévoit que nonobstant toutes dispositions législatives ou réglementaires contraires, les personnes physiques ou morales exerçant des professions libérales et notamment des officiers publics et ministériels, peuvent constituer entre elles des sociétés civiles ayant pour objet exclusif de faciliter à chacun de leurs membres l’exercice de son activité. À cet effet, les associés mettent en commun les moyens utiles à l’exercice de leur

profession, sans que la société puisse elle-même exercer celle-ci.

En l’espèce, Mme X est membre de la SCM Groupe médical- Mère Enfant, elle-même locataire des locaux professionnels dans un ensemble immobilier situé […], en vertu d’un bail du 1er janvier 2013 ; l’occupation portait sur cet emplacement de stationnement outre des locaux à usage professionnel formant le numéro 104, d’une surface d’environ 220 m² ; l’ensemble de ces lots appartenaient à la SCI La Cigogne, bailleresse,( pièce SGP N°3) laquelle les a cédés à la société du Grand Paris par acte notarié du 11 février 2016 ; il est mentionné dans l’acte au paragraphe 6-1 que « les parties indiquent que ces indemnités couvrent l’intégralité du ou des préjudices directs, matériel et certain causé à l’occupant en raison de son éviction commerciale correspondant au transfert de l’activité dans les termes de l’article L321'1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique’ ; cette cession a été réalisée postérieurement à la déclaration d’utilité publique du 28 décembre 2015.

Aux termes de l’article L222'2 du code de l’expropriation, l’ordonnance d’expropriation éteint par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existants sur les immeubles expropriés ; la cession du 11 février 2016 a en conséquence emporté extinction de l’ensemble des droits réels ou personnels qui existaient sur les lots précités, et donc le bail professionnel dont la SCM était bénéficiaire ; Mme X n’était bénéficiaire en son nom propre d’aucun titre d’occupation ou de sous-location juridiquement protégé portant sur tout ou partie des locaux dans lesquels exercer son activité ; la SGP et la SCM ont engagé des négociations qui ont débouché sur un acte notarié portant «accord sur les modalités d’éviction commerciale» pour la SCM à hauteur de 1'536'000 euros ; la SCM s’est réinstallée dans des locaux situés à proximité immédiate du site sur lequel elle était installée à l’origine et dans lesquels la majorité de ses membres a pu retrouver des locaux permettant une reprise de leurs activités ; le montant de cette indemnité avait au préalable fait l’objet d’une approbation par une assemblée générale extraordinaire de la SCM du 10 mars 2017, étaient présents ou représentés 12 de ses membres représentant ensemble 80 % des titres composant le capital social de la SCM, le procès-verbal précisant que n’étaient pas convoquées 3 membres ayant quitté la SCM et que 3 de ses membres n’étaient pas présents ni représentés, parmi lesquels Mme X ; la signature avait été précédée d’une prise de possession des locaux le 6 mars 2017 selon la SGP, Mme X a en effet produit une facture de déménagement antérieure du 3 mars 2017 ; si Mme X ne s’est pas réinstallée dans les locaux nouvellement occupés par la SCM, ce choix n’a pas de lien direct avec la procédure d’expropriation, mais pour des raisons propres, et en outre, elle a d’ailleurs décidé de ne pas se réinstaller ailleurs.

En conséquence, le premier juge a exactement considéré , que le préjudice de Mme X est constitué uniquement de la perte du droit d’occupation des lieux, d’un trouble commercial et des frais de déménagement, et qu’elle doit être déboutée de sa demande d’indemnisation au titre de sa perte de clientèle.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande d’indemnité au titre de la perte de patientèle.

— Indemnités accessoires

1°sur l’indemnité de remploi

En raison du débouté sur la demande d’indemnité principale, il convient également en ajoutant au jugement de débouter Mme X de sa demande d’indemnité de remploi.

2° indemnité pour trouble commercial

Madame X J au jugement sur ce point, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité pour trouble commercial à la somme de 22'038,50 euros.

3° indemnité pour frais de déménagement

Mme X J au jugement sur ce point, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité pour frais de déménagement à la somme de 774euros.

4° indemnité pour prise de possession avant indemnisation

Mme X J jugement sur ce point, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité pour prise de possession avant indemnisation à la somme de 5000 euros.

5°Sur l’indemnité pour frais de résiliation anticipée d’un contrat de leasing

Mme X indique que les praticiens membres de la SCM doivent être indemnisés personnellement pour le matériel propre, et que dans ce cadre-là, elle a souscrit un contrat leasing avec la société CM CIC leasing pour la location avec le docteur Z d’un échographe ; elle indique que cet échographe n’appartenait pas la SCM, mais était un bien propre ; dans le cadre de l’accord amiable entre la SCM et la SGP, celle-ci n’a pas été indemnisée pour les pénalités de rupture anticipée du contrat de leasing de l’échographe ; elle sollicite en conséquence le remboursement des frais et pénalités de rupture anticipée pour la somme de 14'154,61 euros; cependant les pièce produites N°20, 21 et 22 de CM CIC sont adressées non à Mme X, mais à la SCM.

Il ne s’agit donc pas d’un préjudice causé à Mme X au sens de l’article L321-1 du code de l’expropriation.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a exactement débouté Mme X de cette indemnité pour frais de résiliation anticipée d’un contrat leasing

6°Sur l’indemnité pour frais de résiliation du contrat de location de 2 imprimantes

Mme X indique, qu’en raison de son activité au cabinet médical, elle doit toujours régler une partie des factures de location de 2 imprimantes, puisque le contrat souscrit par elle et le docteur Z n’expire qu’en février 2018 ; elle sollicite en conséquence, ces frais n’ayant pas été indemnisés par la SGP, la somme de 714,21 euros.

Cependant la pièce produite N°24 de Xerox financial services est adressée, non à Mme X, mais au groupe médical mère- enfant.

Pour les mêmes motifs que précédemment, il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a exactement débouté Mme X de cette indemnité pour frais de résiliation du contrat de location de 2 imprimantes

— sur l’article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SGP à payer à Madame X une somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, dont déduction d’une somme de 2500 euros accordée à titre prévisionnel par jugement définitif du 12 décembre 2017.

L’équité commande de débouter Mme X de sa demande de 4000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

— sur les dépens.

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l’expropriant conformément à l’article L312-1 du code de l’expropriation.

Mme X perdant le procès sera condamnée aux dépens d’appel

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Déboute Mme X de sa demande d’indemnité de remploi,

Ajoutant au jugement

Fixe la date de référence au 15 décembre 2015,

Déboute Mme X de sa demande de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne Mme X aux dépens d’appel.

La greffière Le président

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Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 11 avril 2019, n° 18/03170