Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 13 mai 2020, n° 19/10972

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Chronologie de l’affaire

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Cabinet Neu-Janicki · 7 juin 2020

Les manquements du bailleur quant à l'engagement de qualité du centre tant dans sa décoration, que dans les enseignes devant s'y installer a été à l'origine d'un préjudice pour le commerce du preneur qui n'a pu développer la clientèle attendue et doit indemniser le preneur à hauteur de 80.000,00 €. Le bailleur engage sa responsabilité envers le locataire, qui exploite un commerce d'agence de voyages dans le centre commercial. En effet, il résulte des stipulations contractuelles qu'il entrait dans la commune intention des parties de tout mettre en oeuvre pour que le Centre ait un …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 13 mai 2020, n° 19/10972
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/10972
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bobigny, 5 mars 2019, N° 18/12248
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 13 MAI 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10972 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAA2M

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY
- RG n° 18/12248

APPELANTE

SCI DU BASSIN NORD représentée par ses deux gérants associés domiciliés audit siège en cette qualité

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 422 733 402

[…]

[…]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, avocat postulant

Assistée de Me Emmanuel ROSENFELD de l’ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : T06, avocat plaidant

INTIMES

Maître Frédéric X ès qualités de liquidateur de la société BYBA TOURISME

[…]

[…]

n’ayant pas constitué avocat

SARL BYBA TOURISME agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 342 786 639

[…]

[…]

n’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 14 Janvier 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Elisabeth GOURY, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

— par défaut

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, le prononcé de l’arrêt, (initialement fixé au 18 mars 2020) ayant été renvoyé en raison de l’état d’urgence sanitaire.

— signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 17 décembre 2010, prenant effet le 22 décembre 2010 et pour une durée de dix ans, la SCI DU BASSIN NORD a consenti à la SARL BYBA TOURISME un bail à usage commercial portant sur un local n°4 d’une surface d’environ 84 m², situé au rez-de-chaussée du centre commercial LE […] à AUBERVILLIERS (93) pour y exercer l’activité d’agence de voyage, moyennant un loyer annuel minimum garanti de 54.600 euros augmenté d’un loyer variable annuel de 0,60 % HT du chiffre d’affaires HT du preneur.

Par acte d’huissier de justice en date du 12 mars 2015, la SCI DU BASSIN NORD a fait délivrer à la SARL BYBA TOURISME un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur la somme en principal de 43.272,45 euros correspondant aux loyers et charges impayés du 4e trimestre 2014 et du 1er trimestre 2015.

Suivant acte d’huissier de justice du 7 septembre 2015, la SARL BYBA TOURISME a assigné la SCI BASSIN DU NORD devant le tribunal de grande instance de PARIS, sur le fondement notamment des articles L 442-6 du code de commerce, 1134 et 1719 du code civil, afin de voir condamner la bailleresse à lui verser des dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier caractérisé par ses pertes depuis le 1er janvier 2012.

Par jugement du 15 janvier 2016, le tribunal de commerce de BOBIGNY a ouvert une procédure de liquidation judiciaire concernant la SARL BYBA TOURISME, Maître Frédéric X étant

désigné comme mandataire liquidateur.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 22 février 2016, la SCI DU

BASSIN NORD a déclaré, auprès de Maître X, sa créance envers la SARL BYBA

TOURISME pour un montant global de 130.288,67 euros, soit 111.964,41 au titre des loyers et charges échus entre le 15 janvier 2014 et le 14 janvier 2016, et 18.324,26 euros au titre des loyers et charges échus entre le 15 janvier et le 31 mars 2016.

Par ordonnance du 25 août 2016, confirmée par un arrêt de la cour d’appel de PARIS en date du 17 mai 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de PARIS, a déclaré la juridiction parisienne incompétente, au profit du tribunal de grande instance de BOBIGNY, l’article L 442-6 du code de commerce n’étant pas applicable en l’espèce.

Il est constant que la SARL BYBA TOURISME n’occupe désormais plus le local objet du bail et qu’il a été mis fin à ce dernier.

Par jugement en date du 6 mars 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

— Condamné la SCI DU BASSIN NORD à verser à la SARL BYBA TOURISME, prise en la personne de Maître X, ès qualités de mandataire liquidateur, la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

— Fixé, au passif de la liquidation judiciaire de la SARL BYBA TOURISME, la créance à son égard de la SCI DU BASSIN NORD à la somme de 130.288,67 euros, soit 111.964,41 au titre des loyers et charges échus entre le 15 janvier 2014 et le 14 janvier 2016, et 18.324,26 euros au titre des loyers et charges échus entre le 15 janvier et le 31 mars 2016,

— Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile,

— Dit que les dépens seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la SARL BYBA

TOURISME,

— Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions.

Par déclaration en date du 14 juin 2019, la SCI DU BASSIN NORD a interjeté un appel limité de ce jugement, demandant la réformation dudit jugement en ce qu’il a:

— Condamné la SCI DU BASSIN NORD à verser à la SARL BYBA TOURISME, prise en la personne de Maître X, ès qualités de mandataire liquidateur, la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

— Débouté la SCI DU BASSIN NORD du surplus de ses demandes dont le rejet de ses demandes tendant à ce qu’il soit jugé que la créance de la SCI au titre des frais de l’article 700 s’élève à 10.000 euros outre les dépens,

— Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions.

Par requête en date du 20 juin 2019, la SCI DU BASSIN NORD a présenté une demande afin d’être autorisée à assigner à jour fixe.

Par ordonnance en date du 21 juin 2019, la présidente de la chambre 5-3, déléguée par le premier président de la cour d’appel de Paris a autorisé la SCI DU BASSIN NORD à assigner à jour fixe la SARL BYBA TOURISME et Me X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société BYBA TOURISME, à l’audience du mardi 14 janvier 2020 à 14 heures.

Par acte d’huissier de justice signifié selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile en date du 8 juillet 2019, la SCI DU BASSIN NORD a assigné à jour fixe la SARL BYBA TOURISME.

Par acte d’huissier de justice signifié à domicile en date du 10 juillet 2019, la SCI DU BASSIN NORD a assigné à jour fixe la SARL BYBA TOURISME au domicile de sa gérante Mme C D.

Par acte d’huissier de justice signifié à domicile en date du 2 juillet 2019, la SCI DU BASSIN NORD a assigné à jour fixe Me X, ès qualités de mandataire liquidateur de la société BYBA TOURISME.

Ces assignations ont conformément à l’article 922 du code de procédure civile été déposées au greffe, au moyen du RPVA avant la date de l’audience.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 20 juin 2019, et signifiées aux intimés, la SCI DU BASSIN NORD, appelante, demande à la cour de :

— Déclarer l’appel de la SCI du Bassin Nord recevable,

Y faisant droit,

— INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

. dit que la SCI du Bassin Nord avait manqué à ses obligations ;

. condamné la SCI du Bassin Nord à verser à la société Byba Tourisme la somme de 80.000 € au titre de son préjudice

— Dire et juger que la créance de la SCI du Bassin Nord sur Me X ès qualités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel s’élève à 10 000 euros.

La SARL BYBA TOURISME et Me X, en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL BYBA TOURISME, n’ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SCI DU BASSIN NORD a principalement soutenu qu’il ne pouvait être déduit de l’application combinée des articles 3, 13 et 14 du contrat de bail liant les parties que le bailleur se serait engagé à délivrer un local situé dans une galerie commerciale haut de gamme, présentant une décoration soignée ; que le centre dès l’origine a comporté des enseignes sans connotation de luxe ; que ce n’est que dans l’hypothèse, où le bailleur s’est engagé à ne pas modifier le concept, qu’il peut engager sa responsabilité contractuelle s’il le modifie ; que c’est à tort que les premiers juges ont également retenu que l’article 12 prévoyant la mise en oeuvre d’action de promotion et de publicité induisait celle de favoriser la visibilité du centre commercial aux abords immédiats de celui-ci, alors que la signalitique extérieure ne donnait lieu à aucune obligation dans le bail ; que l’apposition de panneaux

sur les locaux vacants ne pouvait constituer un manquement à une obligation de décoration, que cela ne ressort pas d’un constat sur ordonnance en date du 9 novembre 2016, établi à la demande d’un autre preneur dans le même centre établissant que si deux panneaux sont blancs, sont également présents des panneaux miroirs ou représentant en trompe l’oeil des devantures ; que le centre est décoré ; que son architecture a été particulièrement soignée ; que c’est avec une particulière mauvaise foi que la société locataire reprochait au bailleur d’avoir transformé le centre en équipement discount, que l’idée que TATI, grande marque populaire qui attire une clientèle familiale nuirait au centre en dépréciant son image est fausse ; que le caractère exceptionnel de Millénaire, ne tenait pas à son luxe mais à la nouveauté de son 'merchandising'.

Selon l’article 921 du code de procédure civile, l’intimé est tenu de constituer avocat avant la date d’audience, faute de quoi il sera réputé s’en tenir à ses moyens de première instance.

Sur les obligations contractuelles de la SCI DU BASSIN NORD

Il est constant qu’en application des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 et 1719 du même code, le bailleur d’un local situé dans un centre commercial est tenu de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose, de servir à son usage, en ce inclus les parties communes accessoires nécessaires de la chose louée, d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant toute la durée du bail et d’exécuter de bonne foi ses obligations. A défaut de stipulations particulières du bail, il n’est pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre, cependant, il engage sa responsabilité, s’il manque à des stipulations contractuelles.

Ainsi que l’ont rappelé les premiers juges en application de l’article 1134 du code civil, seul le contrat s’impose aux parties et non le contenu des documents publicitaires, préalables au contrat, qui ont pour objectif avéré de faire voir le bien à vendre ou à louer sous un aspect particulièrement favorable et qu’il appartient aux professionnels avertis tels que la SARL BYBA TOURISME de les analyser afin de cerner le contenu réel de l’offre. Le fait que les transports ne soient pas à la hauteur des espérances de la société BYBA TOURISME de même que l’environnement du centre, ne peut être constitutif ni d’une manoeuvre, ni d’une faute dolosive, ni d’un manquement contractuel du bailleur.

L’exposé préalable des conditions particulières du bail consenti à la société locataire stipule :

« il est précisé, en particulier, que la société bailleresse pouvant être amenée, pour assurer un meilleur fonctionnement du centre, à modifier sa distribution, la référence à tous plans ou documents est faite à titre purement indicatif, les seuls plans ayant valeur contractuelle étant ceux des locaux dont la jouissance privative est concédée au preneur en vertu des présentes.

Il résulte de la précision qui précède que la société bailleresse et/ou l’AFUL ou l’ASL resteront libres de modifier, à leur seule convenance, les accès extérieurs du centre, les emplacements de tous locaux et de toutes implantations commerciales y compris celle de la moyenne unité alimentaire.

Le preneur déclare contracter aux présentes en acceptant les aléas économiques pouvant résulter d’une évolution de la zone d’implantation du centre commercial de la concurrence, du dynamisme des commerçants de la galerie marchande, des actions commerciales dans le cadre du fonds d’animation et promotion du centre commercial, du maintien, de la transformation ou de la disparition des commerces constituant le centre commercial, sans pouvoir rechercher le bailleur à cet égard.

Le preneur renonce expressément à se prévaloir des dispositions de l’article 1723 du code civil, le bailleur […] se réservant la possibilité de modifier unilatéralement les lieux loués, leur accès, les flux de clientèle, les emplacements de parking, la disposition de la moyenne unité alimentaire, cette liste n’étant pas limitative, sans que le preneur puisse formuler une quelconque réclamation de ce chef."

Selon la clause 12-4 des conditions générales du bail, intitulée « renonciation à recours », "le bailleur […] n’est tenu à aucune obligation de résultat dans le cadre de ces actions d’animation, de promotion, de communication et de publicité.

Par conséquent, le bailleur […] ne saurait assumer une quelconque responsabilité liée aux effets des opérations mises en place par le fonds commun sur l’activité exercée par le preneur dans le local ou sur l’état de la commercialité du centre commercial et le preneur le dégage de toute responsabilité."

La cour relève que la clause 12-4 ne fait que rappeler que le bailleur n’est tenu à aucune obligation de résultat quant aux opérations de communication mises en oeuvre. Elle ne constitue donc pas une clause exonératoire de responsabilité, puisqu’elle reconnaît implicitement que le bailleur est tenu à une obligation de moyen. Par ailleurs, compte tenu du caractère général des dispositions insérées dans l’exposé préalable, elles ne font pas obstacle à l’application éventuelle de dispositions contractuelles plus précises figurant dans les conditions générales et particulières quant aux obligations réciproques des parties et n’empêchent pas le preneur de rechercher la responsabilité contractuelle du bailleur pour une violation précise de stipulations contractuelles.

L’article 12 des conditions particulières du bail relatif au « fonds d’animation et de promotion du centre commercial », en son article 12.3.3 « modalités de détermination des contributions annuelles »stipule que le montant de la contribution annuelle des boutiques non qualifiées de moyennes unités spécialisées sera déterminé par le prix au mètre carré, que les moyennes unités spécialisées font l’objet de contributions forfaitaires comme suit :

« la moyenne unité alimentaire […] bénéficie d’un forfait annuel ; les moyennes unités spécialisées dans les activités de « jardinerie », « animalerie », ainsi que le « pôle TV CITE » ou le local dédié à l’audiovisuel tel que cinéma, TV, théâtre… et les activités de type « parc d’attraction » bénéficient également de forfait".

L’article 27 des conditions particulières du bail intitulé « charges », définit un système de pondération par tranche de surface et stipule des coefficients de pondération particuliers pour le local à usage de jardinerie et d’animalerie et pour les locaux constituant le pôle TV Cité et/ou le local dédié à l’audiovisuel et les activités de type parc d’attraction et stipule qu’en « cas de changement de destination en ce inclus en cas de division d’une toute moyenne unité pour créer des locaux d’une surface inférieure à 5000 m² et ce avec agrément du bailleur, le système de pondération par tranche s’appliquera de plein droit ».

L’annexe 2 du bail intitulé « Cahier des charges techniques preneurs » rappelle que le programme de l’opération comprend pour la partie « galerie marchande » "18 moyennes unités dont une surface alimentaire et une jardinerie ; entre 5 et 8 restaurants […] une centaine de boutiques ; un espace ludique et interactif dédié à l’image et au numérique".

La cour relève que contrairement à ce que soutient le preneur il ne s’évince pas de ces dispositions que la bailleresse s’est engagée par ces clauses de répartition des charges, contractuellement à créer dans le centre commercial les commerces et activités visées à ces clauses, l’objet de ces clauses étant uniquement de prévoir par avance les modalités de répartition des charges en cas de présence de tels ou tels commerces ou activités. Par ailleurs, le cahier des charges qui précise qu’il a pour objet de donner aux preneurs une définition des travaux de construction et d’aménagement à effectuer par la société et par les preneurs, ne peut avoir eu pour effet d’engager la bailleresse quant à l’ouverture d’une jardinerie et d’un espace ludique.

La société locataire reproche à la bailleresse un changement de la nature du centre, en implantant désormais dans le centre des enseignes de moindre qualité alors que son caractère « haut de gamme » était contractualisé par l’article 3, qui interdisait au preneur d’adopter une enseigne de moindre notoriété en cours de bail, par l’article 13 qui interdisait au preneur d’axer sa communication sur la

vente de produit à bas prix et par l’article 14 relatif aux aménagements luxueux que le preneur devait réaliser à ses frais.

La cour relève qu’il ressort de l’article 3 des conditions générales du contrat de bail, que le centre commercial « doit répondre au respect permanent d’une organisation rationnelle et d’un équilibre entre les différents commerces et services », que l’enseigne du preneur est par conséquent un élément déterminant du consentement du bailleur et qu’en cas de changement d’enseigne, il appartiendra au preneur de proposer au consentement du bailleur « un enseigne de notoriété et de niveau de gamme et qualité équivalentes ».

L’article 13 des conditions générales dudit bail stipule que "le bailleur rappelle au preneur qui lui en donne acte, que toutes formules de ventes portées à la connaissance du public et ayant pour objet de permettre au preneur d’attirer la clientèle en lui proposant des prix inférieurs, soit à ses prix habituels, soit à des prix de référence, constituent une image de marque particulièrement dommageable au Centre tout entier si elles ne sont pas, soit organisées de façon concertées par l’Association des Commerçants, soit justifiées par des circonstances exceptionnelles et, dans ce cas, expressément autorisées par le représentant du bailleur, et simultanément par l’administration compétente, conformément à la réglementation en vigueur.

Le bailleur rappelle au preneur que le strict respect du présent article constitue une condition essentielle à la bonne exécution du bail."

L’article 14 des conditions particulières stipule que :« le centre commercial a un positionnement et une démarche »HQE" qui doit lui permettre de bénéficier d’une image très qualitative. Ainsi sa réalisation nécessite la mise en oeuvre de moyens exceptionnels pour atteindre cet objectif. De plus, son architecture, sa décoration et ses aménagements extérieurs ont été particulièrement soignés.

Il en résulte l’absolue nécessité de pouvoir offrir aux consommateurs du centre des concepts et des aménagements de boutiques eux-mêmes exceptionnels ; ceci afin de permettre à ce centre commercial de marquer sa différence par rapport à un environnement concurrentiel.

Aussi le preneur s’engage à faire ses plus grands efforts pour développer dans ce Centre un nouveau concept ou celui le plus récent de son réseau de magasins.

De manière plus générale, il lui appartient de mettre en oeuvre tous les moyens possibles pour hisser le niveau de qualité de son magasin, notamment en matière d’agencement et de décoration, à hauteur de celui atteint par la réalisation du Centre commercial.

Cet engagement du preneur constitue une condition déterminante de l’engagement du bailleur sans lequel il n’aurait pas contracté."

Contrairement à ce que soutient le bailleur, il résulte de ces clauses qu’il entrait dans la commune intention des parties de tout mettre en oeuvre pour que le Centre ait un positionnement différent des autres centres, non seulement en terme de qualité environnementale, mais également quant à l’architecture et à la décoration du Centre, celle-ci ayant été particulièrement soignée, le preneur devant tout mettre en oeuvre pour hisser « le niveau de qualité de son magasin » à la hauteur de celui atteint par la réalisation du Centre commercial. Par ailleurs, la clause 13 sus-visée, en interdisant au preneur de pratiquer des soldes permanents, et rappelant que ces pratiques « constituent une image de marque particulièrement dommageable au Centre tout entier », renforçait l’engagement de qualité des parties, quant au positionnement du centre.

Il résulte de ces stipulations contractuelles que la SCI DU BASSIN NORD était tenue de délivrer à la société BYBA TOURISME un local dans un centre commercial de haut de gamme, avec des commerces d’une gamme élevée, même s’il ne s’agissait pas de commerces de luxe, avec une

décoration soignée.

Sur le manquement du bailleur de délivrer un local dans un centre commercial de haut de gamme avec une décoration soignée

Ainsi que l’ont relevé les premiers juges il résulte du rapport d’expertise amiable de M. Z E F en date du 24 avril 2014, réalisé à la demande d’un autre commerçant et des photographies qui y sont annexées, des articles de presse versés aux débats par les parties, que durant la période où la société BYBA TOURISME a rencontré des difficultés financières, soit sur la période allant de février 2013, date de l’avenant contractuel lui concédant une diminution de loyer à 2015, plusieurs allées du centre présentaient des cellules vides occultées par de grands panneaux annonçant l’arrivée d’enseignes et des panneaux blancs, ceci étant notamment établi par les photographies annexées au rapport amiable de M. Z E F. Il résulte du procès-verbal dressé par Me A le 9 novembre 2016 et des photographies annexées, qu’en 2016, plusieurs allées présentaient des cellules vides masquées soit par des panneaux annonçant l’arrivée d’enseignes, soit par des panneaux blancs, visiblement de mauvaise qualité et que des allées ne présentaient aucun élément de décoration.

Dans ces conditions, il ressort suffisamment des pièces produites aux débats qu’alors même que le centre et sa décoration devaient être soignés, de nombreuses cellules étaient vides avec des façades aveugles et recouvertes de planches peu esthétiques, sans effort particulier pour remédier à l’effet ainsi créé, le constat de Me B, établi quelques mois après le départ des lieux de la société BYBA TOURISME , montrant, en outre, la persistance de la présence de façades aveugles, de cellules vides recouvertes de planches peu esthétiques, ou de panneaux blancs. Le fait que ce constat montre également ainsi que le souligne le bailleur que d’autres cellules vides étaient alors occultées par des dispositifs plus esthétiques et qu’il existait quelques plantes en pots et guirlandes dans le centre, ne peut suffire à établir qu’antérieurement au départ des lieux de la société locataire, le bailleur n’a pas manqué à son obligation de délivrer des locaux dans un centre à la décoration soignée, quelle que soit la qualité architecturale du bâtiment.

Il n’est pas contesté par la société bailleresse et il est établi par les pièces produites aux débats que son gestionnaire KLEPIERRE a fait le choix dès 2014 d’orienter les enseignes en fonction des besoins de la clientèle, celui-ci annonçant en septembre 2014 avoir fait le choix de se tourner vers des enseignes davantage mass market, réorientant ses offres vers un positionnement un peu plus populaire et 'décidé de privilégier l’installation de marques aux produits bon marché à d’autres plus haut de gamme’ (Le Parisien du 17 septembre 2014). C’est ainsi que l’enseigne TATI, connue pour vendre du prêt-à-porter à petit prix, s’est installée dans le centre.

Le maintien des enseignes Lacoste et Séphora allégué par la bailleresse ne peut suffire à établir qu’elle a maintenu le positionnement initial du centre commercial et ne l’a pas réorienté vers une clientèle plus populaire à moindre pouvoir d’achat.

Ainsi que l’ont décidé les premiers juges, la société BYBA TOURISME établit ainsi un manquement de la SCI à son engagement contractuel de délivrer un local dans un centre commercial de haut de gamme présentant une décoration soignée.

Sur les autres manquements reprochés au bailleur

La société locataire reproche également à la société bailleresse d’avoir supprimé la communication des tableaux de bord mensuels du centre commercial intitulés « états commerce ». Cependant, la société locataire ne vise aucune clause du bail faisant obligation au bailleur de produire ces « états », dans ces conditions, elle ne peut soutenir que ce défaut de communication est un manquement du bailleur à ses obligations.

La société bailleresse justifie suffisamment par la production notamment de sa pièce n°14 de

l’organisation au sein du centre commercial de diverses actions d’animation, si bien qu’elle a satisfait de ce chef à son obligation de moyen d’assurer la promotion du centre.

La société bailleresse conteste le manque de visibilité du centre retenu à son encontre par les premiers juges, elle soutient que le centre est particulièrement visible, notamment depuis le périphérique, qu’elle justifie avoir mis en place une campagne active de communication lors de l’ouverture du centre sur des supports variés (bâches événementielles, affichage dans le métro annonces presse, radio et télévision ….) étant au surplus relevé, qu’aucune faute lourde ou dolosive n’étant retenue à son encontre, sa responsabilité ne pouvait être engagée de ce chef, en application de l’article 12-4 du bail.

La cour relève que s’il résulte des articles de presse, rappelées par les premiers juges que la signalisation du centre était peu fournie et peu explicite, la société bailleresse ayant choisi de communiquer sur le concept de 'shopping au bord de l’eau', plutôt que sur celui de 'centre commercial', qui aurait sans doute été plus explicite, il n’en demeure pas moins, que la société bailleresse a mis en place un plan de communication, et a suffisamment rempli les obligations mises à sa charge, puisque aux termes de l’article 12-4 du bail, elle n’était tenue que d’une obligation de moyen et non de résultat. C’est donc à tort que les premiers juges ont retenu à son encontre un manquement contractuel de ce chef.

Ainsi que l’ont retenu les premiers juges, contrairement à ce que soutenait la société BYBA TOURISME, l’absence de chauffage suffisant dans les parties communes, n’est mise en évidence que par une unique pétition datant de 2017, soit à une date postérieure au départ des lieux de la société locataire.

Le bailleur, sur lequel pèse une obligation d’entretenir les parties communes, dans le cadre de son obligation de délivrance, n’a donc pas manqué à ses obligations d’entretenir les parties communes pendant la durée du bail, et aucun manquement de ce chef ne peut lui être reproché.

Sur la réparation du préjudice subi

Tout manquement par un contractant à ses obligations engage sa responsabilité en application de l’article 1147 du code civil devenu l’article 1231-1 du code civil.

Le bailleur a soutenu enfin, à titre subsidiaire, qu’il n’existait aucun lien de causalité entre les manquements qui lui sont reprochés et le préjudice allégué. Il a rappelé la crise de la consommation, la baisse générale d’activité des commerces de détail, les agences de tourisme n’étant pas épargnées, que les opérations de travaux publics engagées par les collectivités locales et notamment la Ville de Paris ont handicapé l’accès au centre, mais que le bailleur ne peut être tenu de ce chef ; qu’il fallait prendre en compte l’ouverture de la galerie marchande à quelques centaines de mètres dans l’ancien entrepôt Mac Donald et le peu de réussite des autres équipements commerciaux situés au Nord de Paris comme le Qwart ou Aeroville ; que rien ne permet au surplus de mesurer la qualité et le sérieux de la gestion de l’intimée ; que de l’aveu même de l’intimée celle-ci n’aurait pas pu commencer à générer des profits avant l’année calendaire 2014 ; que le préjudice retenu par les premiers juges n’est pas justifié.

Devant les premiers juges, la société BYBA TOURISME soutenait qu’elle exploitait dans le centre commercial une activité de service à importante valeur ajoutée, s’agissant d’une agence de tourisme ; qu’elle avait connu des pertes d’exploitation entre 2012 et 2015 en raison d’un chiffre d’affaires insuffisant, pertes qui peuvent être mises en relation directe avec les manquements reprochés au bailleur.

La cour relève que si la crise du commerce de détail et celle des agences de voyages, ne peuvent être niées, de même que doivent être pris en compte les choix de gestion du preneur, pour autant le

manquement de la SCI de son engagement de livrer un local dans un centre commercial de standing à la décoration soignée a causé à la société BYBA TOURISME un préjudice en ce que le développement de son activité n’a pu pleinement se réaliser, la clientèle du centre n’étant pas celle qui avait été contractuellement promise, sans que la société BABY TOURISME ne puisse imputer à cette seule faute l’entier différentiel constaté entre les bénéfices espérés et les bénéfices effectivement réalisés, ceux-ci dépendant également de ses propres choix de gestion.

Compte tenu des pièces en leur possession et notamment de l’attestation de l’expert comptable en date du 2 septembre 2015, c’est à juste titre que les premiers juges ont établi que le préjudice subi par la société locataire devait être réparé par l’octroi d’une somme de 80.000 euros.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

Pour les motifs développés par les premiers juges, et que la cour adopte, il y a lieu de débouter la société locataire de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Sur les mesures accessoires,

Le jugement étant confirmé à titre principal, il le sera également en ce qui concerne le sort des dépens et celui de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile et la société DU BASSIN NORD qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens de l’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par défaut,

Confirme le jugement entrepris,

y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société DU BASSIN NORD aux dépens de l’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 13 mai 2020, n° 19/10972