Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 1er juillet 2020, n° 19/21841

  • Veuve·
  • Héritier·
  • Testament·
  • Lot·
  • Mandataire·
  • Droits de succession·
  • Legs·
  • Qualités·
  • Épouse·
  • Forme des référés

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 1, 1er juill. 2020, n° 19/21841
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/21841
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 27 novembre 2019, N° 18/56849
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 1

ARRÊT DU 01 JUILLET 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/21841 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCBL

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Novembre 2019 – Tribunal de grande instance de PARIS – RG n° 18/56849

APPELANTES

Madame C K veuve X

née le […] à […]

1 rue des Saint-Pères – 75006 PARIS

Madame E V-X

née le […] à […]

1 rue des Saint-Pères – 75006 PARIS

représentées par Me Sophie LACEUK de l’AARPI RUEFF & LACEUK, avocat au barreau de PARIS, toque : C2158

ayant pour avocat plaidant Me Pierre BALLADUR, avocat au barreau de PARIS, toque : E476

INTIMES

Maître H U-G agissant en sa qualité de mandataire successoral de la succession de L X, décédé le […], fonctions auxquelles elle a été désignée suivant ordonnance en la forme des référés rendue le 14 septembre 2017 par le délégataire de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de PARIS

[…]

représenté et plaidant par Me Philippe THOMAS COURCEL de la SELARL THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0165

Monsieur M J

né le […] à […]

[…]

représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

ayant pour avocat plaidant Me Philippe SCARZELLA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1281

Madame D X épouse Y

née le […] à […]

[…]

représentée et plaidant par Me Mario NICOLELLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1031

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Juin 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme O P, Président

Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller

Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme O P dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme O P, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

L X, qui exerçait la profession d’antiquaire à Paris 6e, est décédé le […].

Suivant acte de notoriété dressé par Maître Q R le 25 juillet 2016, L X laissait pour lui succéder Mme C K, son épouse Z, Mme D X épouse Y sa fille issue d’une précédente union, ainsi que Mme E V X épouse B, fille de Mme C K adoptée par le défunt suivant jugement d’adoption simple prononcé par le tribunal de grande instance de Paris le 17 décembre 2014.

Courant octobre 2016, M. M J, dont la filiation à l’égard de L X a été établie par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 10 juillet 1979, s’est manifesté pour recueillir sa succession.

Par testament, établi en la forme authentique le 5 février 2015, L X avait pris les dispositions suivantes :

'Je révoque toutes dispositions antérieures.

Je lègue l 'universalité des biens composant ma succession, par parts égales, à mon épouse C et à mes filles D et E.

J’attribue à mon épouse C, dans la part lui revenant, les murs de la boutique dont je suis propriétaire à Paris 6e, […], actuellement loué'.

La succession est composée des biens suivants :

— un appartement sis […], à Paris 6e, avec cave et chambre de service (lot n°1), estimé en janvier 2018 par Paris Notaires Services à 3.680.000 €

— un local commercial (magasin ' lot n°8) situé à la même adresse, estimé en janvier 2018 par Paris Notaires Services à 3.580.000 €

— moitié du mobilier garnissant le domicile et la résidence secondaire du défunt, dont le mobilier situé dans l’appartement de la rue des Saint-Pères estimé pour sa totalité dans une fourchette de 294.500/423.600 € ;

— un véhicule automobile de marque Mercedes classe C,

— des avoirs en banque au crédit du Nord pour 82.696 euros.

En vertu du contrat de mariage des époux X K, les meubles meublants et objets mobiliers à l’usage commun du ménage se trouvant dans les lieux où demeureraient ou résideraient les époux seraient réputés appartenir à chacun d’eux pour moitié. Il était également stipulé qu’en cas de dissolution du mariage par décès, le survivant des époux aurait la faculté d’acquérir ou de se faire attribuer, dans la mesure où ils constitueraient des biens personnels du pré-mourant, les immeubles occupés par les époux à titre d’habitation principale ou secondaire, les meubles meublants et objets mobiliers garnissant ces habitations, et tous véhicules à l’usage personnel de l’époux pré-décédé, avec faculté de disposer d’un délai de 5 ans pour se libérer par tranches d’un cinquième, comprenant des intérêts au taux légal, du paiement des soultes ou des prix d’acquisition.

Sur requête du procureur de la République, L X avait été placé, par jugement du 16 avril 2015, sous curatelle renforcée, Mme C X étant désignée en qualité de curateur.

Contestant le testament pour cause d’insanité d’esprit, Mme D X épouse Y et M. M J ont fait assigner Mme C K veuve X et Mme E V-X épouse B devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir prononcer la nullité du testament, suivant acte d’huissier de justice en date du 31 janvier 2017. Ils ont parallèlement formé tierce opposition au jugement d’adoption de Mme E V-X épouse B par acte d’huissier de justice du 27 mars 2017. Ces instances ont fait l’objet d’un retrait du rôle le 22 mai 2018 mais M. M J a fait ultérieurement rétablir l’affaire en contestation du testament.

Par ordonnance en date du 26 janvier 2017 rendue sur requête de Mme D X et de M. M J, Maître H U-G, administrateur judiciaire, a été désignée en qualité de mandataire ad hoc, dans le cadre de la succession de L X avec pour mission :

— de recueillir et placer sous séquestre et sous sa responsabilité, le montant des loyers des locaux commerciaux, dans l’attente de l’issue définitive du débat judiciaire entre les requérants, Mme D X épouse Y et M. M J d’une part et Mme C K veuve X et Mme E V-X épouse B d’autre part, concernant la validité du

testament du 5 février 2015,

— de régler les charges de copropriété et les taxes afférentes au bien loué.

Saisi d’une demande de rétractation par Mme C K veuve X et Mme E V-X épouse B, le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en la forme des référés, a, par ordonnance du 18 mai 2017, limité au 30 septembre 2017, la mission du séquestre.

C’est dans ce contexte que, par ordonnance rendue en la forme des référés le 14 septembre 2017, sur la demande de Mme D X épouse Y et M. M J, le président du tribunal de grande instance de Paris a désigné Maître H U-G, administrateur judiciaire, en qualité de mandataire successoral à l’effet d’administrer provisoirement la succession de L X à compter du 1er octobre 2017, pour une durée de douze mois.

Par ordonnance en la forme des référés en date du 20 septembre 2018, le président du tribunal de grande instance de Paris a:

— déclaré irrecevable l’intervention volontaire de M. T I et par conséquent irrecevable la fin de non recevoir pour défaut de qualité à agir de Maître H U-G ès qualités,

— prorogé pour une durée de douze mois à compter du 1er octobre 2018 comme rectifié à l’audience, soit jusqu’au 1er octobre 2019, la mission de Maître H U-G en qualité de mandataire successoral à la succession de L X, telle que définie à l’ordonnance du 14 septembre 2017,

— débouté les parties de leur demande contraire,

— autorisé Maître H U-G ès qualités de mandataire successoral à la succession de L X à vendre les meubles dépendant de ladite succession par l’intermédiaire d’un commissaire-priseur judiciaire, désigné d’un commun accord par les héritiers avant le 20 novembre 2018, et dont le nom sera soumis au mandataire successoral pour approbation,

— dit que Maître H U-G ès qualités ne pourra rejeter la désignation que par une décision motivée et en cas de désaccord des héritiers, soumise par voie de requête au magistrat chargé des administrations judiciaires et séquestres au tribunal de grande instance de Paris,

— dit qu’à défaut d’un accord des parties avant le 15 décembre 2018, Maître H U-G ès qualités désignera le commissaire-priseur judiciaire, son choix s’imposant alors aux héritiers,

— autorisé Maître H U-G ès qualités à verser au Trésor Public la somme de 200.000 euros à titre d’acompte sur les droits de succession, et ce à charge de comptes entre les parties dans le cadre du partage à intervenir,

— renvoyé l’affaire à l’audience des référés des administrations judiciaires du 14 février 2019 et invité les parties à échanger leurs écritures et leurs pièces avant le 6 février 2019 sur la demande d’autorisation de vendre le lot n°1 de l’immeuble sis à […], […], dépendant de la succession de L X tel que visé dans l’acte introductif d’instance,

— rappelé que l’exécution provisoire est de droit conformément à l’article 492-1 du code de procédure civile,

— dit y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Maître H

U-G ès qualités,

— condamné Monsieur T I à payer à Maître H U-G ès qualités, la somme de 1.500 euros à ce titre,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’un des défendeurs,

— débouté ces derniers de leurs demandes respectives à ce titre,

— dit que les dépens, à l’exception des dépens de l’intervention volontaire, seront mis à la charge de la succession administrée.

Statuant sur l’appel interjeté par M. I, la cour d’appel de Paris par arrêt du 19 juin 2019, a confirmé l’ordonnance du 20 septembre 2018 à l’exception de ses dispositions afférentes à la vente des meubles qui ont été infirmées.

Entre-temps,

— par lettre du 23 novembre 2018, Mme X a fait savoir à Maître U-G qu’elle entendait acquérir la quote-part de meubles dépendant de la succession;

— par lettre du 21 mars 2019, elle l’informait qu’elle entendait également acquérir l’appartement, la cave et la chambre de service de l’immeuble sis 1 rue des Saint-Pères à Paris, et le véhicule Mercedès.

— par exploit d’huissier du 23 mai 2019, Mme X a formé tierce opposition au jugement du 10 juillet 1979 ayant dit que M. M J était le fils de L X.

Par lettres du 9 juillet 2019, Mme X, se prévalant des dispositions de l’article 1094-1 du code civil, a notifié aux autres héritiers son intention d’opter pour un quart en pleine propriété et trois quarts en usufruit des biens de la succession.

Par acte du 20 novembre 2019, M. M J a engagé une action en contestation de la quotité disponible entre époux revendiquée par Mme C K veuve X.

Par ordonnance du 28 novembre 2019, le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en la forme des référés a rendu une nouvelle ordonnance dans les termes suivants :

'Autorisons Maître H U-G, ès qualités à vendre à Madame C K veuve X le lot numéro 1 de l’état descriptif de division de l’immeuble sis 1 […] dépendant de l’actif successoral, au prix de 3.680.000 euros net vendeur payable selon les modalités énoncées dans le contrat de mariage de celle-ci.

Autorisons Maître H U-G, ès qualités à vendre de gré à gré le lot numéro 8 dépendant de l’immeuble sis à […], […], au prix minimal de 3.580.000 euros net vendeur.

Rejetons la demande relative à la vente du véhicule automobile de marque Mercedes appartenant pour moitié à Madame C K veuve X.

Déclarons sans objet la demande de Monsieur M J tendant à voir constater l’acquiescement de Madame C K veuve X à la demande de vente du mobilier.

Déboutons Monsieur M J de sa demande d’injonction concernant le tableau.

Déclarons irrecevable la demande en paiement d’indemnité d’occupation formée par Monsieur M J.

Prorogeons pour une durée de douze mois à compter du 1er octobre 2019, la mission de Maître H U-G en qualité de mandataire successoral à la succession de L X, telle que définie à l’ordonnance du 14 septembre 2017, et dans celle subséquente du 20 septembre 2018,

Rappelons que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire en application des dispositions de l’article 492-1 3° du code de procédure civile,

Disons n’y avoir lieu à indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboutons Madame C K veuve X, Madame E V-X épouse B et Monsieur M J de leurs demandes respectives à ce titre.

Disons que les dépens, y compris les frais de publicité, seront supportés par la succession administrée.

Par déclaration du 28 novembre 2019, Mmes C K veuve X et E V-X épouse B ont interjeté appel de la seule disposition de l’ordonnance ayant autorisé Maître U-G à vendre le lot n°8.

Dûment autorisées à cette fin par ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris en date du 17 décembre 2019, les appelantes ont fait assigner les intimés à jour fixe pour voir examiner l’affaire à l’audience du 10 mars 2020, du Pôle 3, chambre 1 de la cour d’appel de Paris, par actes d’huissier du 7 janvier 2020.

A ladite audience l’affaire a été renvoyée à l’audience du 25 mars, laquelle n’a pu se tenir en raison de l’état d’urgence sanitaire, si bien qu’une nouvelle fixation est intervenue pour l’audience du 10 juin 2020, ce dont les parties ont été avisées le 26 mai 2020,

Après avoir conclu au fond, les appelantes ont, le 5 juin 2020, déposé des conclusions de sursis à statuer dans l’attente du jugement devant prochainement intervenir sur l’action en annulation du testament, puis des conclusions au fond par lesquelles elles demandent à la cour, au visa des articles 814, 1003, 1094-1, 1100, 1100-1 et 1200 du code civil,

de

— les dire recevables en leur appel ;

— infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a autorisé le mandataire successoral à vendre le lot n° 8 dépendant de l’immeuble sis […] ;

— rejeter la demande de Maître U-G, en sa qualité de mandataire successoral de la succession de L X, tendant à être autorisée à vendre le lot n° 8 dépendant de l’immeuble sis l, […] ;

— condamner toute partie opposante à leur payer une somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 21 février 2020, M. J demande à la cour de :

— débouter Mme C X et Mme E V-X de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

— confirmer l’ordonnance du 28 novembre 2019 en ce qu’elle a autorisé Me U-G es qualité à vendre de gré à gré le lot n°8 dépendant de l’immeuble sis à […], […], au prix minimal de 3.580.000 euros nets vendeur ;

— condamner Mme C X et Mme E V-X à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 7 mars 2020, Maître U-G, es-qualité, demande à la cour de :

— dire Mmes C K veuve X et E V-X recevables mais mal fondées en leur appel ;

En conséquence,

Vu l’article 814 du code civil,

— confirmer la décision déférée ;

Y ajoutant,

— dire que le lot n° 8 dépendant de l’immeuble sis […] à […] sera proposé à la vente moyennant le prix de 7.300.000 € net vendeur pendant un délai de six mois;

— débouter Mmes C K veuve X et E V-X toutes leurs demandes ;

— condamner solidairement Mmes C K veuve X et E V-X à lui payer la somme de 4.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner solidairement Mmes C K veuve X et E V-X aux dépens d’appel.

Aux termes de ses conclusions du 9 mars 2020, Mme D Y demande à la cour, au visa des articles 814 et 1094-1du code civil, de :

— juger les appelantes mal fondées en leur appel ;

— confirmer l’ordonnance du 28 novembre 2019 ;

— condamner solidairement Mme C K-X et Mme E V-X à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner solidairement Mme C K-X et Mme E V-X aux dépens.

Conformément à l’autorisation qui leur en avait été donnée, Mmes C K-X et E V-X ont, le 23 juin 2020, transmis une note en délibéré afin de communiquer à la cour le jugement qui devait être rendu par le tribunal judiciaire de Paris sur l’action en nullité du testament de L X (jugement du 19 juin 2020 RG 19/04226).

Pour un complet exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs dernières écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Le premier juge a considéré que la vente était justifiée au regard des dispositions de l’article 814 alinéa 2 du code civil selon lesquelles le mandataire successoral peut être autorisé à procéder à des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession, parce qu’il y avait lieu de rendre la succession liquide afin d’en faciliter le règlement et de permettre le paiement des charges notamment fiscales de 1.800.000 € pesant sur elle.

Les appelantes soutiennent que l’autorisation donnée au mandataire successoral de vendre le lot n°8 n’est justifiée par aucune nécessité, car l’option exercée par Mme C X en application de l’article 1094-1 du code civil a eu pour effet de réduire mécaniquement le montant des droits de succession incombant aux héritiers, lesquels, recalculés sur la base des estimations effectuées à la requête du mandataire successoral, ne sont plus de ce fait selon elles que d’un montant de 481.878 €, déjà couvert, y compris avec les intérêts de retard, par les acomptes versés à l’administration fiscale pour un total de 528.557 € ; qu’ainsi la cession d’un tel bien, qui procure des revenus conséquents à la succession, serait même contraire à sa bonne gestion ; que si l’administration fiscale envisage de procéder à une rectification de la valeur déclarée des biens immobiliers, ainsi que Mme E V-X en a été informée par lettre du 29 novembre 2019, il ne s’agit à ce stade que d’une proposition, qui n’a pas de caractère définitif et qui pourrait être revue à la faveur d’éléments transmis par Mme AA V-X à l’administration le 6 février 2020 (en particulier les estimations faites par Paris Notaires Services); que l’administration fiscale, qui n’a depuis lors pas réagi, s’est sans aucun doute conformée à ces estimations dont elle n’avait jusqu’alors pas connaissance et que la déclaration de succession rectificative par elles déposée le 13 décembre 2019, rendait en tout état de cause caduque la proposition de rectification, de sorte que plus aucune procédure de redressement n’est en cours.

Elles font valoir par ailleurs que cette autorisation contrevient au legs consenti par le défunt sur le bien en cause à Mme C X ; qu’en sa qualité d’héritier légal, le conjoint survivant est en effet investi de la saisine et dispensé de solliciter la délivrance de son legs, de sorte qu’elle a un droit immédiat à la jouissance et donc aux fruits et revenus de la succession, et en particulier de ce bien ; que celui-ci ne peut être vendu de gré à gré, alors qu’il lui a été légué, et qu’elle a manifesté le souhait que cette attribution prenne effet ; qu’il est inexact de prétendre que ce legs excéderait ses droits dans la succession (tels que recalculés avec son option) et qu’au besoin, elle indemnisera les autres héritiers en leur payant une soulte, sa capacité à la financer, outre l’ensemble de ses projets d’acquisition et d’attribution, étant démontrée par l’offre de prêt émise par la BPE à hauteur de 2.940.000€.

Elles soulignent, tant en ce qui concerne l’option exercée par Mme C X que le legs, qu’une procédure en contestation de la validité d’un acte n’a aucun effet suspensif et que tant que cet acte n’a pas été annulé par une décision ayant autorité de la chose jugée, il fait partie de l’ordonnancement juridique et doit recevoir application.

M. J fait valoir que Mme veuve X tente de s’accaparer l’ensemble de l’actif successoral et qu’elle ne justifie pas des moyens de remplir les autres héritiers de leurs droits.

Il expose que les droits de succession ont fait l’objet de différents calculs et soutient qu’en tout cas, celui invoqué par les appelantes n’a aucune valeur juridique, puisqu’il n’a pas été approuvé par les autres héritiers, et qu’au surplus, il est fondé sur l’exercice tardif par la veuve d’une option pour la quotité spéciale entre époux, qui fait l’objet d’une contestation judiciaire en cours.

De son point de vue, il serait dangereux sur le plan fiscal de ne pas vendre le bien en cause pour régler dans les meilleurs délais les droits de succession.

Il prétend également que l’attribution à Mme C X du lot n°8 ne peut d’autant moins prospérer que la validité du testament est remise en cause dans une instance pendante devant le tribunal de grande instance, et ne peut intervenir sans l’accord de l’ensemble des héritiers dans le cadre d’un partage.

Maître U-G, ès qualités, fait valoir que le montant des droits de succession est en l’état incertain, mais que si la proposition de rectification est retenue, ceux-ci s’élèveront à un montant de 1.159.076 €, qu’elle se trouve, en l’absence de fonds disponibles, dans l’impossibilité totale de régler.

Elle souligne en outre que la position adoptée par les appelantes élude la question essentielle qui réside dans l’incapacité pour Mme C X de payer les indemnités de réduction dont elle sera redevable envers les héritiers légaux, ce qui est d’autant plus manifeste si l’on retient l’estimation faite par l’administration fiscale du lot n°8, à la somme de 7.330.400 €.

Elle estime donc qu’il n’y a pas d’autre solution que de l’autoriser à céder le bien, tout en aménageant les conditions de la vente pour tenir compte de cette nouvelle évaluation.

Mme D X soutient quant à elle que les aspirations de Mme C X à se voir attribuer le lot n°8 se heurtent tant aux droits des héritiers légaux, qu’à la nécessité de payer les droits de succession, et que la vente des locaux commerciaux est le seul moyen de sortir de l’impasse dans laquelle ces aspirations placent la succession.

En vertu du testament du 5 février 2015, Mme C X bénéficie d’un legs universel avec assignation de bien. Dès lors que ce testament n’a, en l’état, fait l’objet d’aucune annulation (la demande formée en ce sens par Mme Y et M. J ayant même été rejetée par le tribunal judiciaire de Paris avec exécution provisoire), il ne saurait être fait abstraction des droits qu’il lui confère. Contrairement à ce qu’affirme M. J, l’attribution à Mme C X des locaux commerciaux, qui résulte de la volonté exprimée par le de cujus, n’est pas subordonnée à l’accord des autres héritiers, l’éventuel dépassement des droits du conjoint survivant ne pouvant donner lieu le cas échéant qu’au paiement d’une soulte.

Le conjoint survivant, ayant la qualité d’héritier, est pleinement saisi de la totalité de l’hérédité, quelle que soit l’étendue de la vocation que lui confère son legs. En conséquence, Mme C X a été de plein-droit, dès le décès de L X, investie de la saisine sur la totalité des biens, droits et actions du défunt, et en particulier sur les locaux commerciaux que le défunt lui a assignés dans sa part.

La saisine confère à son titulaire le droit de prendre possession de l’hérédité, de l’administrer et d’en percevoir les fruits et revenus.

En vertu de l’article 1159 du code civil, l’établissement d’une représentation judiciaire dessaisit pendant sa durée le représenté des pouvoirs transférés au représentant, à l’inverse de la représentation conventionnelle qui laisse au représenté l’exercice de ses droits.

Ainsi, par l’effet de la désignation d’un mandataire successoral, le légataire ou l’héritier saisi se voit privé le temps de ce mandat et dans la limite des pouvoirs confiés à ce mandataire, de l’exercice de la gestion des biens successoraux que lui confère la saisine.

En application de l’article 814 alinéa 2 du code civil, le président du tribunal, statuant en la forme des référés, peut, certes, à tout moment, autoriser le mandataire judiciaire à réaliser des actes de

disposition nécessaires à la bonne administration de la succession et en déterminer les prix et stipulations.

Néanmoins, l’attribution par la voie testamentaire d’un bien confère à son bénéficiaire un droit exclusif de propriété sur ledit bien dès l’ouverture de la succession, de sorte qu’à ce jour, Mme C X est, par le seul effet du testament, la propriétaire exclusive des locaux commerciaux.

Or autoriser un mandataire successoral à vendre un tel bien reviendrait non pas à priver ce légataire de l’exercice de ses droits le temps de la mission donnée au mandataire, mais à porter atteinte de façon définitive à l’essence même de son droit et par là même, à remettre en cause la volonté du de cujus, ce qui excède les pouvoirs du juge.

C’est donc à juste titre que les appelantes soutiennent que le legs fait à Mme C X fait obstacle à la demande de Maître U-G, ès qualités.

Cette dernière doit donc en être déboutée, l’ordonnance étant infirmée en ce sens.

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance en ce qu’elle a autorisé Maître H U-G, ès qualités, à vendre de gré à gré le lot numéro 8 dépendant de l’immeuble sis à […], […], au prix minimal de 3.580.000 euros net vendeur ;

Statuant à nouveau,

Déboute Maître U-G, ès qualités, de sa demande tendant à être autorisée à vendre le lot n°8 dépendant de l’immeuble sis à […], […];

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties ;

Condamne Maître U-G, ès qualités, aux dépens.

Le Greffier, Le Président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 1er juillet 2020, n° 19/21841