Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 17 septembre 2021, n° 18/11946

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 13, 17 sept. 2021, n° 18/11946
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/11946
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, 24 septembre 2018, N° 17/01853
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 17 Septembre 2021

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 18/11946 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6T26

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/01853

APPELANTE

CNAV CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE VIEILLESSE

[…]

[…]

représentée par Mme Z A en vertu d’un pouvoir spécial

INTIMEE

Madame B X

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Maryla GOLDSZAL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0800

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mai 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Lionel LAFON, Conseiller

Greffier : Madame Mathilde LESEINE, lors des débats

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel régulièrement interjeté par la caisse nationale d’assurance vieillesse, ci-après 'la caisse', d’un jugement rendu le 25 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l’opposant à Mme B X.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffit de rappeler que Mme X est retraitée de la caisse depuis le 1er janvier 2004 et perçoit une retraite personnelle au titre de l’inaptitude au travail, majorée du minimum contributif, un complément de retraite et l’allocation supplémentaire mentionnée à l’article L 815-2 ancien du code de la sécurité sociale. Elle a également obtenu à compter du 1er janvier 2013 le bénéfice d’une pension de reversion du chef de son conjoint décédé le 29 décembre 2012.

Suite à un contrôle de ses ressources opéré sur le fondement de l’article L.815-41 ancien du même code, la caisse a notifié le 21 octobre 2017 à Mme X la suspension du versement de l’allocation supplémentaire à compter du 1er octobre 2017.

Mme X a saisi le 30 octobre 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny afin de contester cette décision.

Le 10 janvier 2018 la caisse a notifié à Mme X un trop-perçu d’allocation supplémentaire de 26 943,72 euros correspondant aux arrérages versés du 1er avril 2010 au 31 décembre 2017.

Par jugement en date du 25 septembre 2018, ce tribunal a :

— déclaré recevable et partiellement fondée l’action de Mme X,

— dit prescrite l’action en recouvrement de la caisse pour la période du 1er avril 2010 au 24 mai 2016,

— dit que Mme X était redevable des sommes indûment perçues au titre de l’allocation supplémentaire pour la période du 25 mai 2016 au 1er octobre 2017,

— renvoyé la caisse à procéder à un nouveau calcul des sommes dues pour cette période sur la base des plafonds de ressources applicables en tenant compte de l’existence des comptes-épargne et des pensions de réversion découverts en octobre 2017,

— dit que les contrats d’assurance-vie Vivacio, Gan et Seralys ne seront pas pris en considération dans ce calcul,

— rejeté la demande d’échéancier de Mme X,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Ce jugement a été notifié à la caisse le 15 octobre 2018, qui en a relevé appel le 26 octobre 2018 en précisant les chefs de jugement critiqués.

A l’audience du 31 mai 2021, la caisse fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions invitant la cour :

— à infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

— à condamner Mme X à lui verser la somme de 26 943,72 euros,

soutenant qu’elle a notifié à l’intimée à bon droit un trop perçu d’allocation supplémentaire sur la période du 1er avril 2010 au 31 décembre 2017, que le tribunal a caractérisé le comportement frauduleux de Mme X mais n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en faisant application de la prescription biennale, qu’il incombait à l’assurée de l’informer spontanément de ses ressources et de son changement de situation, que l’omission de déclaration puis les fausses déclarations devant son enquêteur établissent la fraude de l’intimée, que la prescription biennale doit être écartée en application de l’article L.815-11 du code de la sécurité sociale, que la prescription de l’article 2224 du code civil doit être appliquée à la prescription de son action en restitution, mais qu’aucune prescription ne peut être opposée à la notification du 10 janvier 2018 et qu’elle est en droit de recouvrer les sommes indûment perçues depuis l’année 2010.

Mme X fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour :

— à titre principal, à infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à rembourser à la caisse un indu, à déclarer cette dernière irrecevable en ses demandes, à l’en débouter,

soutenant que la caisse n’établit ni le principe ni le montant de ses demandes,

— à titre subsidiaire, à confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

soutenant qu’elle ne s’est pas rendue coupable de manoeuvres frauduleuses,

— à titre encore plus subsidiaire, à débouter la caisse de ses demandes,

soutenant que la prescription quinquennale a débuté le 24 mai 2018, exposant qu’elle a commencé à apurer sa dette,

— en tout état de cause, à lui accorder les plus larges délais de paiement, par versement de mensualités de 100 euros, à débouter la caisse de ses plus amples demandes et à la condamner aux dépens.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d’autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .

SUR CE,

La caisse a relevé appel du jugement dans les formes et délais légaux, son appel est donc recevable.

L’allocation supplémentaire, en application des articles L 815-2 anciens et suivants, R 815-1 anciens et suivants du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, est une allocation non contributive, fondée sur la solidarité, qui est attribuée aux personnes âgées pour leur constituer

un minimum de ressources et leur épargner l’indigence.

En application de l’article L 815-8 ancien, elle n’est due que si le total de l’allocation et des ressources de l’assuré n’excède pas un plafond de ressources.

Par principe, en application de l’article R 815-25 ancien, toutes les ressources dont dispose l’assuré et son conjoint sont retenues, quelle qu’en soit la nature, sauf exclusion expresse, et elles doivent être déclarées.

L’article R 815-22 ancien dispose que : ' Les personnes qui sollicitent le bénéfice de l’allocation supplémentaire sont tenues de faire connaître à l’organisme ou au service chargé de la liquidation le montant des ressources dont elles disposent'.

L’article R 815-40 ancien dispose que : 'Les bénéficiaires de l’allocation supplémentaire sont tenus de faire connaître à l’organisme ou au service qui leur sert ladite allocation tous changements survenus dans leurs ressources…'

L’article L 815-10 ancien, devenu l’article L.815-11, dispose que :' L’allocation supplémentaire peut être suspendue ou révisée à tout moment lorsqu’il est constaté que l’une des conditions exigées pour son service n’est pas remplie ou lorsque les ressources de l’allocataire ont varié…

Dans tous les cas, les arrérages versés sont acquis aux bénéficiaires sauf lorsqu’il y a fraude, absence de déclaration des ressources, omission de ressources dans les déclarations.

Toute demande de remboursement de trop-perçu se prescrit par deux ans à compter de la date du paiement de l’allocation entre les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration'.

— Sur la déclarations de ses ressources par Mme X:

En l’espèce, Mme X a complété le 10 juillet 2003 une demande d’allocation supplémentaire listant les ressources devant être prises en considération pour son attribution. Toutes les mentions concernant les ressources de l’assurée ou de son conjoint ont été par elle barrées avec la mention manuscrite 'néant'. Il ne ressort pas des pièces versées aux débats qu’à cette date Mme X bénéficiait de ressources qu’elle n’aurait pas déclarées.

Par lettre datée du 17 mai 2007 la caisse demandait à Mme X de compléter un nouveau questionnaire de ressources sur la période du 1er avril au 30 juin 2007. Celle-ci complétait le questionnaire le 1er juin 2007 en faisant uniquement mention d’une pension de retraite de la CNAV d’un montant de 621,17 euros.

L’enquête diligentée par la caisse établira que l’assurée disposait à cette époque d’un Codevi ouvert à la Bred Banque Populaire dont le solde au 24 avril 2007 était de 297,33 euros. Mme X n’a rien indiqué dans la rubrique 'biens mobiliers’ du questionnaire, alors que celui-ci précise qu’il s’agit des 'titres, actions, obligations, capitaux d’assurance ou capitaux décès…'

Contrairement à ce qu’à retenu le tribunal la mention visée plus haut figurant dans le questionnaire, qui n’était pas restrictive mais seulement indicative, était de nature à faire comprendre à l’allocataire que toute son épargne devait être déclarée à la caisse, puisqu’elle était rémunérée et constitutive de ressources.

Il s’agit donc d’une première fausse déclaration de l’intimée, par omission.

L’enquête de la caisse a ensuite établi qu’un livret A avait été ouvert par l’allocataire à la Banque

Postale le 30 novembre 2007, avec au départ une somme de 150,26 euros, puis toujours dans cet établissement un plan d’épargne logement le 16 mars 2009 avec au départ une somme de 230 euros. Ces comptes d’épargne étaient régulièrement approvisionnés par Mme X, au point qu’au mois de janvier 2017 le premier faisait apparaître une somme de 6 408,04 euros et le second une somme de 15 549,85 euros.

Ces comptes d’épargne, dont l’approvisionnement régulier est incompatible avec la situation financière d’une personne qui reçoit une allocation de solidarité au titre d’une situation de précarité, n’ont jamais fait l’objet d’une déclaration à la caisse de la part de Mme X. Mme X, qui a procédé à des versements très réguliers pour se constituer une épargne tout à fait consistante au regard de son niveau de vie, ne peut utilement soutenir qu’elle n’avait pas compris ce que signifiait un 'compte rémunéré'.

Il doit même être constaté que Mme X, lors de son audition le 10 octobre 2017 par l’enquêteur assermenté de la caisse, lui déclarera: 'je ne possède aucun compte d’épargne'. Une telle déclaration est mensongère, et elle caractérise la volonté de dissimulation et de fraude de l’intéressée.

Mme X avait été parfaitement informée par la déclaration de ressources qu’elle avait complétée et signée le 1er juin 2007 qu’elle devait faire connaître à la caisse toute modification de sa situation, ce qu’elle s’est gardée de faire. Il s’agit donc d’une omission fautive au regard des dispositions de l’article R.815-40 ancien du code de la sécurité sociale.

La caisse a également appris, au cours de la procédure de première instance, l’existence de contrats d’assurance vie et capital décès:

— un contrat 'vivacio’souscrit auprès de la Banque Postale le 14 janvier 2008 qui s’élevait au 31 décembre 2016 à la somme de 1 295,37 euros, outre un rachat de 1 000 euros,

— un contrat Gan prévoyance souscrit le 1er novembre 2008 qui s’élevait au 31 décembre 2017 à la somme de 3 545,50 euros,

— un contrat 'seralys’ souscrit auprès de la Banque Postale garantissant à un bénéficiaire, en cas de décès du souscripteur, les premiers frais d’obsèques pour un capital garanti de 2 500 euros.

Comme indiqué plus haut, le questionnaire signé par Mme X le 1er juin 2007 lui faisait expressément obligation de déclarer à la caisse les 'capitaux d’assurance ou capitaux décès', et elle ne pouvait pas ignorer son obligation de déclaration.

Enfin, il est établi que Mme X a omis de déclarer à la caisse l’existence de deux pensions de réversion qui lui ont été attribuées le 1er janvier 2013:

— une pension versée par le régime social des indépendants, d’un montant de 594,38 euros,

— une pension versée par Y – Arrco d’un montant de 135,80 euros.

Ces pensions constituaient pour l’allocataire des ressources régulières qu’elle devait déclarer.

Il n’en a rien été, et seule l’enquête de 2017 a permis à la caisse de découvrir leur existence.

Il est établi par l’ensemble de ces éléments précis et concordants que Mme X a délibérément et constamment omis de déclarer à la caisse l’étendue réelle de ses ressources.

Ces faits, de la déclaration de ressources incomplète du 1er juin 2007 jusqu’à la déclaration mensongère effectuée en octobre 2017 devant l’enquêteur de la caisse, sont constitutifs de fraude et

de fausses déclarations.

Il y a donc lieu d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, et de tirer les conséquences de cette fraude.

En application de l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette, ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution, et la caisse est en droit d’obtenir le remboursement de sommes indûment perçues. Elle produit aux débats l’intégralité des justificatifs de ses versements.

— Sur la prescription et l’action en restitution de l’indu de la caisse:

La fraude étant établie, la prescription biennale doit être écartée en application de l’article L. 815-11 précité, et la prescription de droit commun de cinq ans de l’article 2224 du code civil s’applique à l’action de la caisse.

Ce texte dispose: 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer'.

Cette prescription a commencé à courir à compter du jour où la caisse a connu les faits lui permettant d’agir en répétition de l’indu, à savoir la clôture du rapport d’enquête le 18 octobre 2017. La caisse qui a notifié l’indu le 10 janvier 2018 n’encourt donc aucune prescription de son action.

En ce qui concerne les sommes qui peuvent être recouvrées, c’est à tort que la caisse soutient qu’en application de l’article 2232 du code civil le report du point de départ de la prescription aurait pour effet de lui permettre d’obtenir remboursement des allocations versées au-delà de 5 ans et dans la limite de 20 ans à compter du jour de la naissance de son droit, et qu’aucune prescription ne pourrait lui être opposée par Mme X.

La caisse ne peut récupérer que les sommes versées à tort au cours des cinq années avant la clôture de son rapport d’enquête, en application de l’article 2224 précité, et les allocations versées auparavant à Mme X, même obtenues par fraude, lui restent acquises.

La caisse peut donc obtenir remboursement des sommes versées à tort pendant cinq ans, à compter de la clôture de son rapport d’enquête, soit à compter du 18 octobre 2012. Il lui appartiendra de procéder ainsi au calcul de sa créance.

Mme X sollicite des délais de paiement, mais au regard de ses agissements frauduleux et de l’ancienneté de la dette cette demande doit être rejetée.

L’intimée qui succombe sera condamnée au paiement des dépens d’appel, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que c’est par fausse déclaration, omission de déclaration et fraude que Mme B X a obtenu de la caisse nationale d’assurance vieillesse le versement de l’allocation supplémentaire à compter du mois de juin 2007 ;

DIT que la prescription quinquennale doit s’appliquer au recouvrement de l’indu ;

CONDAMNE en conséquence Mme B X à rembourser à la caisse nationale d’assurance vieillesse le montant de cette allocation à compter du mois d’octobre 2012 ;

DÉBOUTE les parties de l’ensemble de leurs autres demandes ;

CONDAMNE Mme B X aux dépens d’appel.

La greffière, La présidente.

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