Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 30 septembre 2021, n° 19/02445

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 7, 30 sept. 2021, n° 19/02445
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/02445
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 17 janvier 2019, N° 17/00360
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2021

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/02445 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7KOZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/00360

APPELANTE

SAS CYRILLUS représentée par son représentant légal domicilié audit siège

en cette qualité

[…]

[…]

Représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

INTIMEE

Madame H-I X

[…]

[…]

Représentée par Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS, toque : D0164

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Juin 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame H-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, et Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats, entendus en leur rapport, ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, de :

Madame H-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Hélène FILLIOL, Présidente de chambre,

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

—  CONTRADICTOIRE,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame H-Hélène DELTORT, Présidente de chambre et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE :

Selon contrat de travail à durée déterminée pour la période du 17 février au 16 mai 1995, Mme X a été engagée en qualité de conseillère de vente par la société Cyrillus, les relations contractuelles étant soumises à la convention collective nationale des magasins à succursales de vente au détail d’habillement.

Le 17 mai 1995, les parties ont signé un contrat à durée indéterminée à temps partiel, soit 151,67 heures mensuelles. Plusieurs avenants ont été conclus par la suite. Par avenant du 5 mai 2008, la durée du travail de Mme X, eu égard à sa qualité de cadre, a été organisée sur la base d’un forfait annuel de 215 jours travaillés.

En dernier lieu, Mme X exerçait les fonctions de responsable de magasin à l’Ile Saint-Denis.

Mme X a été convoquée à un entretien préalable le 10 novembre 2016 en vue d’un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 1er décembre 2016 pour cause réelle et sérieuse au motif qu’elle n’a pas rempli sa mission de responsable de magasin, notamment en termes de savoir-être, qu’elle a fait preuve d’une profonde lassitude en terme d’évolution du magasin ainsi que d’une insubordination tacite.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 13 janvier 2017 aux fins d’obtenir la condamnation de la société Cyrillus au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement en date du 18 janvier 2019, le conseil de prud’hommes a :

— dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— condamné la société Cyrillus à verser à Mme X les sommes suivantes :

—  13 517,40 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et 1 351,74 euros au titre des congés payés afférents,

—  50 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné le remboursement à Pôle emploi par la société Cyrillus des indemnités de chômage versées à Mme X du jour de la rupture de son contrat de travail au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné la société Cyrillus au paiement des

dépens.

Le 8 février 2019, la sosiété Cyrillus a interjeté appel de ce jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 29 juillet 2019, la société Cyrillus conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a :

— dit le licenciement de Mme X dénué de cause réelle et sérieuse ;

— prononcé la nullité de la convention de forfait;

— fixé le salaire mensuel brut de référence à la somme de 3.042,36 euros ;

— condamné la concluante au paiement des sommes de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3 517,40 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires outre les congés payés, ordonné le remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage à concurrence de six mois d’indemnités de chômage.

Elle conclut à la confirmation du jugement quant au rejet des autres demandes de Mme X, et elle demande à la cour de rejeter la totalité de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le licenciement est fondé sur divers manquements de Mme X eu égard à la responsabilité du magasin.

Concernant la convention de forfait, elle soutient que les accords collectif de branche et d’entreprise sont valables et qu’un système de décompte des jours travaillés et non travaillés a été institué au sein de l’entreprise et transmis chaque mois à la salariée. Elle conteste enfin la réalisation d’heures supplémentaires.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 28 juin 2019, Mme X conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à l’infirmation pour le surplus. Elle demande à la cour de condamner la société Cyrillus à lui verserles sommes suivantes :

—  70 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

—  10 000 euros au titre du préjudice subi du fait de l’exécution fautive du contrat de travail,

—  23 655 euros au titre des heures supplémentaires et 2 365,50 euros à titre de congés payés afférents,

—  25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

—  3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Elle fait valoir que l’employeur l’a maintenue dans des conditions de travail rendant impossible une gestion normale du magasin de sorte qu’il ne pouvait lui imputer une faute en ce qu’elle n’aurait pas pu y remédier.

Elle invoque la nullité de la convention du forfait et précise avoir effectué 42 heures de travail par semaine.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 19 mai 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le préjudice résultant de l’exécution fautive du contrat de travail

Mme X fait valoir que malgré sa connaissance ancienne et reconnue de l’entreprise, la société Cyrillus l’a maintenue dans des conditions rendant impossible une gestion normale du magasin de sorte qu’elle ne peut lui reprocher une mauvaise gestion et que les reproches invoqués dans le cadre du licenciement ne peuvent justifier au mieux que des observations.

En réponse, la société Cyrillus relève que cette demande n’est fondée ni en droit ni en fait, aucun préjudice n’étant allégué.

Si dans le paragraphe consacré à cette demande, Mme X n’évoque aucune faute imputable à la société Cyrillus dans l’exécution du contrat de travail, les développements antérieurs sont afférents au rappel des faits et de la procédure comprenant une partie relative aux difficultés croissantes rencontrées dans l’exécution de son contrat de travail et notamment au changement de politique dans un contexte de reprise de l’entreprise en 2014.

Ainsi, elle se réfère à son entretien de performance effectué le 27 mars 2014 concernant l’année 2013 qui évoque un système d’octroi de points dans un contexte de reprise. Touetfois, elle n’a effectué aucune observation autre que celle liée à la conjoncture économique difficile. Le manager a noté qu’il avait peu de recul sur le travail et les compétences de Mme X mais qu’il avait néanmoins pu observer des compétences clés fortes s’agissant de l’organisation et la gestion de son activité. Cette pièce n’est donc pas de nature à conforter l’existence d’un comportement fautif de la part de la société.

Mme X se fonde également sur l’entretien de performance afférent à l’année 2014 dans le cadre duquel le manager a relevé que malgré la baisse d’activité du magasin et du stock, l’arrêt du système des paniers et les problèmes de téléphone, Mme X avait su préserver la satistaction des clients, animer son magasin et ses équipes. Le commentaire du manager est positif dans un contexte marqué par quelques difficultés. Il en résulte que cette pièce ne permet pas de caractériser une exécution fautive du contrat de travail par la société.

Mme X dénonce l’absence d’achalandage, la politique des prix pratiqués ainsi que les remises moindre qui ont contribué à éloigner la clientèle et ont amené à la société à réduire le personnel tout en maintenant les mêmes horaires d’ouverture. Elle met en cause le changement des modalités d’approvisionnement dépendant désormais du siège sans possibilité. Toutefois, ces affirmations ne sont pas étayées, aucune pièce n’étant produite par la salariée.

Enfin, l’évolution de la fréquentation du centre commercial résultant notamment de la fermeture de grandes enseignes ne résulte pas d’une décision de son employeur et ne lui est donc pas imputable.

De même, l’affirmation de la salariée s’agissant du questionnement du directeur régional au sujet de son âge et de celui de son adjointe, laissant entendre une diminution de la motivation vers la fin de la carrière, ne ressort d’aucune pièce. En effet, le compte rendu réalisé par Mme Y ayant assisté Mme X dans le cadre d’un entretien en vue d’une rupture conventionnelle n’est pas signé de sorte que son auteur ne peut être identifié.

L’exécution fautive du contrat de travail n’étant pas démontrée par Mme X, la demande

d’indemnisation est donc rejetée.

Sur le bien-fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle

Il est constant que l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relèvent du pouvoir patronal, que toutefois, l’incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut pas être fondée sur une appréciation subjective de l’employeur. A cet effet, l’insuffisance professionnelle peut être définie comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé, c’est à dire conformément à ce que l’on est fondé à attendre d’un salarié employé pour le même type d’emploi et avec la même qualification.

Il est de règle que l’insuffisance professionnelle ne présente pas un caractère fautif. Si donc un licenciement est prononcé à raison des mêmes faits pour faute et insuffisance professionnelle, il y a lieu de considérer qu’il est prononcé pour un motif disciplinaire et il revient alors à l’employeur d’établir un manquement fautif du salarié à ses obligations.

En l’espèce, la société Cyrillus a, par courrier du 1er décemre 2016, licencié Mme X pour insuffisance professionnelle pour divers motifs.

Dans la lettre de licenciement, la société Cyrillus se réfère notamment à l’absence de savoir être et de gestion managériale de Mme X qui n’a pas répondu aux demandes de Mme Z, la responsable régionale, souligne que la performance du magasin décroît depuis deux ans, que la salarié fait preuve d’une profonde lassitude à faire évoluer le magasin, les mêmes constats étant effectués d’une visite sur l’autre : absence de correspondance entre les affichettes vitrines et les articles exposés, vitrines mal exploitées et absence d’optimisation dans la présentation des articles. Elle souligne que ces carences ont des conséquences sur la motivation des équipes et leur appréhension à venir travailler.

La société Cyrillus reproche également à Mme X l’absence de briefing de son équipe, la réalisation des plannings à la main de sorte qu’ils sont illisibles, l’absence de structuration de l’affichage, le désordre du bureau accusant des piles de documents éparpillés. Elle relève son absence d’investissement, ses carences en matière de merchandising et de gestion administrative (heures supplémentaires, communication des plannings…), ce qui contribue à la dégradation des résultats. Elle conclut à son incapacité à accompagner le magasin et ses collaborateurs, et souligne son insubordination tacite à l’égard du management de l’entreprise.

La société Cyrillus se fonde sur un courriel de Mme Z adressé à Mme X en novembre 2016 aux termes duquel elle lui précise que tous les indicateurs sont dans le rouge et que les actions demandées et partagées lors de la première visite n’ont pas été réalisées, qu’elle les reprendra une nouvelle fois lors de sa prochaine visite.

Le compte rendu de la visite effectuée en septembre 2016 par Mme Z, joint à ce courriel, relève une absence de correspondance entre les intitulés et les prix des affichettes des vitrines, l’absence de visibilité suffisante d’une offre, des défauts de présentation (pantalon à terre, manequin sans jambe), un remplissage insuffisant des tables, l’absence de briefing de l’équipe. Elle précise que si Mme X invoque la taille réduite de l’équipe et sa présence sur le terrain auprès de cette dernière, elle constat qu’elle ne répond à aucune de ses questions et qu’elle découvre les anomalies, notamment, la panne affectant le défroisseur depuis plusieurs mois. Elle relève que les plannings sont réalisés manuellement et qu’ils sont illisibles, l’absence de structuration de l’affichage qui n’est pas aux normes, le désordre affectant le bureau, les documents étant éparpillés. Elle précise que Mme X a reconnu les écarts reprochés, être fatiguée et ne plus être investie, n’étant plus en phase avec les attentes de la direction. Mme Z a émis des recommandations, soulignant la nécessité d’être exemplaire, de briefer et d’animer l’équipe, de participer aux tâches quotidiennes et

de gérer l’administratif avec rigueur. Les photographies du bureau, de la vitrine contenant des manequins emballés dans des feuilles de papier et des plannings réalisés manuellement attestent de la réalité des constats effectués par la responsable.

Lors de la visite effectuée en octobre 2016, Mme Z constate que le magasin est bien tenu grâce au plan d’action fixé à l’adjointe de Mme X, celle-ci ayant admis ne pas s’occuper du merchandising et des vitrines, que toutefois, cette dernière n’est pas présente sur le terrain, passant la plus part de ses journées recluse dans le bureau et n’effectuant pas de briefing de son équipe. Elle précise qu’elle a attendu la veille de sa visite pour refaire les plannings ainsi que les autres tâches demandées un mois plus tôt, que toutefois, les planings sont toujours écrits à la main et qu’elle n’a pas modifié les deux jours de repos d’affilé attribués à son adjointe malgré la demande déjà formulé par son prédécesseur afin de réduire son amplitude horaire de travail. Elle relève que l’affichage est légèrement complété par quelques accords mais qu’il est incomplet et n’est pas structuré, que le défroisseur est toujours en panne, que Mme X est régulièrement relancée pour intégrer les heures de travail dans un logiciel et pour l’envoi des plannings, que le chiffre d’affaires est en baisse malgré un trafic en augmentation. De nouveau, elle précise fixer des objectifs en terme d’animation de l’équipe, de prise en charge des clients et de de travail des plannings afin de répondre au mieux à l’activité.

La société Cyrillus produit l’attestation de Mme A, responsable de magasin ayant effectué un stage avec Mme X, qui précise que cette dernière l’appelait plusieurs fois par jour pour régler les problèmes de plannings, de mise en place de promotions, de gestion des erreurs de caisse, notamment après le départ du responsable régional, M. B, qui lui demandait régulièrement de se rendre au magasin de Saint-Denis pour le 'refaire’ aux normes. Elle précise qu’elle a formé son adjointe au merchandising, Mme X ne s’occupant pas de cet aspect.

Elle produit aussi un texto de Mme C reprenant essentiellement les carences relevées par Mme Z et ajoutant son manque d’amabilité avec certains clients.

La société Cyrillus verse également aux débat la fiche de poste du responsable de magasin comprenant trois items : le commerce impliquant de garantir la qualité du merchandising et la cohérence visuelle de l’enseigne, le management et le développement ainsi que la gestion.

En réponse aux carences dénoncées par la société Cyrillus et aux pièces produites, Mme X précise qu’elle n’a reçu le compte rendu de la visite de Mme Z réalisée en septembre 2016 qu’après son refus de conclure une rupture conventionnelle et de prendre sa retraite, soit en novembre 2016, de sorte qu’elle ne pouvait appliquer les recommandations préconisées par la responsable régionale, qu’en tout état de cause, elle n’a jamais indiqué être fatiguée ou ne plus être en phase avec les attentes de la direction.

Elle produit également de nombreuses attestations de clients vantant ses qualités et son accueil, la qualité de ses conseils et sa présence au sein du magasin. Les attestations ne comportant aucune pièce d’identité ont été écartées en raison de l’impossibilité de s’assurer de l’identité des auteurs et donc de leur accorder un caractère probant. Mme D, dont le courriel est produit par la société Cyrillus, conteste avoir dit que Mme X avait passé deux heures dans son bureau un samedi ou qu’elle était partie se promener dans la galerie. Par ailleurs, M. B, manager de 2002 à 2013, atteste des grandes compétences de Mme X dans la gestion d’une activité outlet et de l’exemplarité de son savoir être. Il insiste sur l’organisation très minimaliste du siège social impliquant pour chaque responsable de magasion de faire face aux difficultés administratives et autres. Mme Avocat, salariée ayant travaillé avec Mme X durant plusieurs années, précise que cette dernière était sa responsable, qu’elle l’a formée et lui a beaucoup appris, ce qui lui a permis d’évoluer professionnellement par la suite. Elle précise que la taille de l’équipe était réduite et qu’elle devait faire face à une importante charge de travail et à une multitude de tâches. Elle indique que Mme A, responsable du magason d’Epinay appelait très fréquemment au magasin, voire même

plusieurs fois par jours, pour demander des conseils à Mme X. La fréquence des appels téléphoniques de Mme A est confirmée par Mme E, salariée ayant travaillé avec Mme X.

Dans le cadre de l’entretien de performance afférent à l’année 2015 et réalisé le 17 février 2016, M. F, le responsable manager, précise que malgré la création de micro événements et les gros efforts de Mme X pour compenser les heures d’absences non remplacées, les résultats n’ont pas été atteints. Il note que malgré l’arrivée d’une nouvelle adjointe dynamique, Mme C, les problématiques relatives à la gestion du stock et de la logistique de même que la structure horaire ont perturbé Mme X dans sa dynamique commerciale, qu’elle n’a pas su se concentrer sur les actions qui lui avaient été fixées, notamment la réorganisation de la logistique de la boutique, que son adjointe a bien pris ses marques mais qu’elle doit se construire souvent seule, apprendre 'sur le tas’ et qu’elle a tendance à prendre des initiatives sans toujours en référer à Mme X, que la communication au sein du binôme n’est pas pleine et parfaite.

Enfin, Mme X verse aux débats les courriels échangés en septembre et octobre 2016 avec la responsable ressources humaines au sujet des absences pour maladie ou injustifiées de Mme G durant ces deux mois, des lettres de mise en demeure ayant été adressées à cette dernière, ce qui atteste effectivement de la taille réduite de l’équipe autour de la salariée.

Il résulte de l’analyse des pièces produites par les deux parties que jusqu’au début de l’année 2015, les appréciations sur le travail de responsable accompli par Mme X étaient élogieuses ainsi qu’en attestent les entretiens de performances relatifs aux années 2013 et 2014 analysés ci-dessus. Tous les éléments invoqués par l’employeur ne peuvent pas être retenus, certains témoignages étant contredits par les pièces produites par Mme X, notamment ceux de Mmes A et C. Il est également incontestable que la salariée a dû faire face à des difficultés de personnel en septembre et octobre 2016 et n’a pas pu mettre en application les préconisations de la responsable régionale, celles-ci ne lui ayant été adressées qu’en novembre 2016. Dès lors, l’employeur ne pas reprocher à la salariée un défaut d’organisation de réunions avec son équipe ou d’ordre dans le bureau. L’entretien de performance réalisé en février 2016 évoque également des difficultés de communication entre Mme X et Mme C, son adjointe, dont l’origine n’a pas été recherchée par l’employeur qui n’a pas non plus tenté d’y remédier. Dès lors, ces éléments ne permettent pas de retenir l’existence d’une insuffisance professionnelle de sorte que le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Conformément à l’article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier, le salarié qui compte moins de deux ans d’ancienneté doit être indemnisé à la fois de la perte injustifiée de son emploi et de l’inobservation de la procédure de licenciement, à des indemnités calculées en fonction du préjudice subi.

La société ne discute pas qu’elle dispose d’un effectif au moins égal à onze salariés. Dans ces conditions, Mme X, compte tenu de son ancienneté, a droit au paiement d’une indemnité qui en application de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au regard de la perte d’une ancienneté de 21 ans, de son âge lors de la rupture, soit 62 ans, de ce qu’elle n’a pas retrouvé un emploi, et du montant mensuel de son salaire brut, soit 3 042,36 euros au regard de la moyenne des douze derniers mois, il y a lieu de lui accorder une somme de 40 000 euros.

Sur le remboursement indemnités à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l’article L1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la société Cyrillus est tenue de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Mme X dans la limite de six mois à compter de son licenciement.

Sur la validité de la convention de forfait en jours

Mme X invoque la nullité de la convention de forfait en jours prévue par l’avenant du 5 mai 2008, l’accord sur l’aménagement du temps de travail des cadres ne faisant que compléter l’article 42 de la convention collective applicable et ne donnant aucune précision sur les conditions de validité du forfait concernant les modalités de contrôle de la charge de travail. Subsidiairement, elle conclut à son inopposabilité en l’absence de contrôle du temps de travail et au regard de l’importance de l’amplitude horaire des magasins impliquant sa présence avant l’ouverture et après la fermeture.

La société Cyrillus précise avoir mis en place un document de constat du nombre de jours travaillés, organisé des entretiens annuels sur la charge de travail et veillé au respect des repos quotidiens et hebdomadaires, la loi du 8 août 2016 permettant aux employeurs de suppléer la carence des accords collectifs en matière de garantie des durées maximales de travail et des temps de repos. Elle conteste devoir mettre en oeuvre des mesures visant à contrôler le temps de travail.

Ce dispositif légal, mis en place par la loi n ° 2000-37 du 19 janvier 2000 sur les 35 heures, dite loi Aubry II, a inauguré, pour les cadres qui n’entrent ni dans la catégorie des cadres dirigeants ni dans celle des cadres astreints à l’horaire collectif de travail, un nouveau mode de décompte du temps de travail en ce sens qu’ils pouvaient être soumis à un forfait en jours travaillés à l’année dès lors qu’un accord collectif étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement en permettait la mise en 'uvre et à condition qu’une convention individuelle conclue avec le cadre concerné constate l’acceptation de ce dernier.

Il résulte des articles L. 3121-38 et suivants du code du travail que la convention de forfait est une stipulation contractuelle par laquelle l’employeur et le salarié s’entendent sur le versement d’une rémunération globale pour l’accomplissement d’un nombre de jours ou d’heures de travail déterminés, ce forfait pouvant être établi sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle.

L’article L.3121-46 du code du travail dispose qu’un entretien annuel individuel est organisé par l’employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours qui porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur sa rémunération.

L’article 2 de l’avenant 42 de la convention collective applicable énumère les catégories de salariés auxquels est applicable la convention de forfait en jours. L’accord d’entreprise signé le 23 avril 2008 détaille les modalités de prise des jours de repos, l’initiative étant partagée entre la société et les salariés, ces derniers devant tenir un décompte mensuel des journées ou demi-journées de travail et le transmettre au responsable hiérarchique pour validation. Il est précisé que les salariés veillent eux-mêmes concrètement au respect des dispositions légales et réglementaires en vigueur relatives à la durée hebdomadaires, du nombre maximum de jours de travail dans la semaine et de la durée minimale de repos quotidien.

Cet accord ne contient aucune disposition garantissant le droit au repos et à la santé du salarié alors qu’il aurait dû contenir des précisions encadrant la pratique du forfait en jours tels qu’un entretien individuel et des modes de contrôle. Dès lors, la convention de forfait est nulle sans qu’il soit nécessaire d’examiner les modalités éventuellement mises en place au sein de l’entreprise relatives à la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, la rémunération, étant au surplus précisé que l’entretien de performance pour l’année 2014 ne comporte aucune observation de cette nature et que celui concernant l’année 2015 se contente de procéder a posteriori à aborder le sujet sans envisager

de mesures.

Dès lors, la demande formée par la salariée au titre des heures supplémentaires doit être examinée.

Sur les heures supplémentaires

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’occurrence, Mme X, réclamant une somme de 23 655 euros au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents, précise qu’elle effectuait 42 heures de travail par semaine, soit 7 heures supplémentaires par semaine, se référant aux quelques plannings produits par la société Cyrillus pour l’année 2016 sur lesquels sont mentionnés les horaires de travail de chacun des salariés du magasin. Mme D précise que Mme X a toujour travaillé le mardi de 10 heures à 18 heures, le mercredi de 11 heures à 20 heures, le jeudi de 10 heures à 19 heures, le vendredi de 11 heures à 20 heures et le samedi de 10 heures à 19 heures.

Il s’en déduit que Mme X présente, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement. Dès lors, il incombe à la société Cyrillus, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de formuler ses observations, lequel ne peut se borner à critiquer les éléments produits par la salariée et doit verser aux débats des documents objectifs sur les temps effectivement travaillés.

En l’espèce, la société Cyrillus fait valoir que Mme D a été licenciée en raison de son comportement injurieux, que l’attestation a été rédigée pour les besoins de la cause et que les plannings ne prennent pas en compte l’heure de la pause méridienne et que Mme X n’a pas pris en considération les jours de repos pris dans le cadre du forfait.

Si l’attestation de Mme D ne comporte aucune précision s’agissant de la période concernée, elle est néanmoins corroborée par les quelques plannings produits par la société Cyrillus dont il ressort qu’en moyenne, Mme X travaillait du mardi au samedi à raison de 7 à 8 heures par jour, déduction faite de l’heure de pause méridienne. Au regard des éléments fournis par l’une et l’autre des parties, la cour évalue à 6 845 euros la somme devant être retenue au titre des heures supplémentaires effectuées.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

L’article L. 8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation

d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il est constant que la dissimulation d’emploi salarié est constituée dès lors que l’employeur se soustrait intentionnellement à la déclaration préalable d’embauche ou à la remise de bulletins de salaire ou encore lorsqu’il omet sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

En l’espèce, l’examen des pièces versées aux débats par les parties ne démontre pas que Mme X a formulé une demande auprès de son employeur au titre du paiement des heures supplémentaires pendant l’exécution de son contrat de travail, ni que la société Cyrillus s’est volontairement soustraite à l’obligation de régler les heures supplémentaires. L’intention de l’employeur faisant défaut, la demande d’indemnité forfaitaire est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à

disposition au greffe,

CONFIRME le jugement à l’exception du montant des sommes allouées au titre des

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des heures supplémentaires ;

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Cyrillus à payer à Mme X les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur par le conseil de prud’hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de la décision qui l’ordonne pour celles à caractère indemnitaire :

—  40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  6 845 euros euros bruts au titre des heures complémentaires et 684,50 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

—  2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Cyrillus au paiement des dépens d’appel.

LA GREFFI’RE LA PR''SIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 30 septembre 2021, n° 19/02445