Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 12 mai 2021, n° 20/17544

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 12 mai 2021, n° 20/17544
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/17544
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 15 novembre 2020, N° 2020R725
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 12 MAI 2021

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/17544 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCX6S

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Novembre 2020 -Président du TC de LYON – RG n° 2020R725

APPELANTE

Société MATERNE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

SIRET: 398 404 194

Représentée par Me Emmanuel JARRY de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209

Assistée par Me Géraldine ARBANT, avocat au barreau de PARIS, toque : R255, et par Me Anne-Florence RADUCAULT, avocat au Barreau de LYON

INTIMEE

S.N.C. ANDROS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

46130 BIARS-SUR-CERE

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée par Me Boris RUY, avocat au Barreau de LYON et par Me Marie du GARDIN,

avocat au Barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Mars 2021, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Carole CHEGARAY, Conseillère conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre

Carole CHEGARAY, Conseillère

Edmée BONGRAND, Conseillère

Greffier, lors des débats : Olivier POIX

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre et par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*******

La société Materne est un acteur majeur sur le marché de la commercialisation des compotes de fruit en gourde souple. La société Andros est son principal concurrent.

En 2016, la société Materne a engagé un programme de recherche pour concevoir des gourdes 100 % recyclables afin d’accompagner l’évolution générale du comportement des consommateurs de plus en plus 'éco-responsables’ et soucieux de la préservation de l’environnement dans leur décision d’achat. Dans ce cadre, le 15 janvier 2020, la société Materne a annoncé l’aboutissement prochain de ses recherches d’ici 2022 pour rendre totalement recyclables ses gourdes 'Pom’Potes'. Le 23 janvier 2020, la société Andros a à son tour annoncé qu’elle se préparait à commercialiser ses compotes dans une gourde 100 % recyclable dès l’automne 2020.

Au mois de septembre 2020, la société Andros a mis sur le marché une gourde présentée comme 'enfin la 1re gourde recyclable’ à grand renfort de publicité et de communication.

Soutenant que la société Andros se livre à une pratique commerciale trompeuse et à des actes de concurrence déloyale à son encontre car la gourde qu’elle commercialise n’est ni recyclable ni effectivement recyclée, la société Materne a, dûment autorisée, fait assigner en référé d’heure à heure par acte du 16 octobre 2020 la société Andros devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d’obtenir sous astreinte le retrait des gourdes litigieuses et l’interdiction de leur commercialisation, accompagnés d’une publication judiciaire, outre le paiement à titre provisionnel d’une indemnité du fait des actes de concurrence déloyale.

Par ordonnance de référé contradictoire du 16 novembre 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

— jugé pertinentes les preuves présentées par la société Andros pour démontrer le caractère recyclable de sa gourde en polypropylène,

— jugé que la communication de la société Andros à l’occasion de la mise sur le marché de sa gourde en polypropylène est sincère et ne comporte aucun élément de tromperie susceptible d’in’uer sur la décision d’achat des consommateurs,

— débouté la société Materne de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— condamné la société Materne à payer à la société Andros la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Materne aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 3 décembre 2020, la société Materne a interjeté appel de l’ensemble des chefs expressément énoncés de cette ordonnance.

Dans ses dernières conclusions du 19 février 2021, la SASU Materne demande à la cour de:

Vu l’article L. 121-1 du code de la consommation,

Vu l’article 1240 du code civil,

— infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 16 novembre 2020 rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon,

Et statuant à nouveau,

— constater que les mentions en matière de recyclage indiquées sur l’emballage de la gourde de compote commercialisée par la société Andros sont fausses en raison du fait que les gourdes à base de polypropylène (PP) commercialisées par la société Andros ne sont pas à l’heure actuelle « recyclables » au sens des normes en vigueur, ni « recyclées » par les filières actuelles,

A titre principal,

— faire injonction à la société Andros de retirer et de cesser de commercialiser, dans tous les réseaux de distribution, tout produit, représentation et emballage reproduisant les mentions :

« Enfin la 1 ère gourde recyclable »

« Enfin la 1 ère gourde recyclable pour les desserts fruitiers en France »

« Je trie bouchon + gourde + carton, c’est recyclé »

« Enfin une gourde recyclable »

« Je trie bouchon + gourde, c’est recyclé »

« emballages recyclables »

et de cesser toute communication quant au caractère prétendument recyclable et recyclé des gourdes, et ce une fois expiré le délai de quinze jours à compter de la signification de la décision, – assortir cette injonction d’une astreinte de 1000 euros par étiquetage, produit, communication sur quelque support que ce soit en cas de reproduction des mentions litigieuses ci-dessus énoncées constatés après un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

A titre subsidiaire,

— faire injonction à la société Andros de cesser de fabriquer et de commercialiser, dans tous les réseaux de distribution, tout produit, représentation et emballage reproduisant les mentions :

« Enfin la 1 ère une gourde recyclable »

« Enfin la 1 ère une gourde recyclable pour les desserts fruitiers en France »

« Je trie bouchon + gourde + carton, c’est recyclé »

« Enfin une gourde recyclable »

« Je trie bouchon + gourde, c’est recyclé »

« emballages recyclables »

— par voie de conséquence, faire injonction à la société Andros de modifier sa communication, de telle sorte à informer le consommateur de ce que à ce jour, les gourdes ne sont effectivement ni « recyclables » ni « recyclées », même si elles le seront probablement partiellement dans un futur lointain, et ce jusqu’à ce que la société Andros parvienne à démontrer que l’intégralité du produit puisse être effectivement recyclé,

et ce, une fois expiré le délai de quinze jours à compter de la signification de la décision,

En tout état de cause,

— ordonner à la société Andros de publier la décision à intervenir à ses frais dans un minimum de deux revues spécialisées, à savoir LSA et Linéaires, afin d’informer le marché et les consommateurs des pratiques de la société Andros, dans les termes suivants :

« Communiqué judiciaire

A la requête de la société Materne, par décision en date du ['], la cour d’appel de Paris a infirmé la décision rendue en première instance par le tribunal de commerce de Lyon et a condamné la société Andros pour avoir mis en 'uvre une pratique commerciale trompeuse :

En l’espèce avoir induit en erreur les consommateurs sur les caractéristiques de ses produits « gourdes recyclables ».

Ce communiqué judiciaire est diffusé pour informer les consommateurs ».

— ordonner à la société Andros d’avertir, sous le même texte, toutes les enseignes auprès de qui la promotion et/ou la commercialisation a été réalisée par ses soins de la décision à intervenir et de sa condamnation et cela dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision et en justifier dans le même délai auprès de la société Materne,

— ordonner à la société Andros de publier le même communiqué judiciaire sur la page d’accueil du site internet de la société Andros accessible à partir de l’adresse https://www.andros.fr/ pendant un délai de six mois à compter de la décision à intervenir et aux frais de la société Andros,

— rejeter l’intégralité des demandes de la société Andros formulées à l’encontre de la société Materne,

— condamner la société Andros à verser la somme provisionnelle de 720 000 euros à la société Materne en raison des actes de concurrence déloyale réalisés à son encontre,

— condamner la société Andros à verser la somme de 20 000 euros à la société Materne en raison du préjudice d’image qu’elle subit,

— condamner la société Andros à payer à la société Materne la somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Andros aux entiers dépens de l’instance.

La société Materne fait valoir qu’en matière de pratique commerciale trompeuse, il appartient à celui qui allègue de prouver la véracité de ses affirmations, de sorte que la société Andros doit démontrer que les indications présentes sur ses gourdes sont vraies, ce qu’elle ne fait pas puisque sa gourde n’est ni recyclable ni effectivement recyclée, contrairement à ce que les mentions « recyclable » et « recyclé » font croire à la fois sur les gourdes, leur emballage et la publicité. Elle reproche au premier juge de n’avoir pas analysé le critère essentiel de perception du consommateur, qui aurait dû le conduire à la conclusion que le consommateur est trompé par les mentions « recyclable » et « c’est recyclé », perçues comme indiquant que le tout peut être jeté dans le bac de tri pour être entièrement recyclé alors que ce n’est pas le cas. Elle fait également grief au premier juge d’avoir retenu le caractère recyclable de la gourde Andros alors qu’elle ne l’est point au sens des normes et références existantes, comme en attestent les avis contraires des acteurs du recyclage ainsi que les normes et critères édictés par les organismes tels que CITEO. Elle indique qu’Andros doit démontrer que sa gourde peut être traitée par des filières de collecte, de tri et de recyclage à l’échelle nationale, ce qui ne peut être le cas puisque ces filières sont lacunaires, ce dont il résulte que la recyclabilité maximum et théorique d’une gourde Andros est en réalité de 18,75 %, rendant les mentions présentées par Andros trompeuses et ambiguës. Elle souligne en outre que l’intimée ne prouve pas non plus le caractère effectivement recyclable de ses gourdes, puisque les éléments sur lesquels elle s’appuie sont inopérants : l’avis du COTREP n’est aucunement une garantie et confirme, à l’inverse, que 50 % des gourdes sont orientées vers un flux pour lequel il n’existe pas de filière de recyclage dédiée et l’attestation du recycleur PAPREC fait apparaître des résultats contestés.

Dans ses dernières conclusions du 2 mars 2021, la SNC Andros demande à la cour de :

— constater l’absence de tout trouble manifestement illicite se déduisant des faits exposés par la société Materne, appelante,

— confirmer l’ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Lyon du 16 novembre 2020, y ajoutant,

— autoriser la société Andros à faire procéder, aux frais de la société Materne et dans la limite de 4 000 euros par communiqué, à la publication d’un communiqué dans chacune des revues 'LSA’ et 'Linéaires', dans les termes suivants :

« Communiqué judiciaire

Par décision du ['], la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Lyon en date du 16 novembre 2020, en ce que celle-ci avait rejeté les demandes de la société Materne tendant à la cessation de commercialisation de la gourde de la société Andros alléguée comme recyclable. Cette décision intervient notamment au vu de l’avis général du COTREP d’octobre 2020 intitulé « Comportement des gourdes PE et PP au tri et recyclage'.

— condamner la société Materne à verser à la société Andros 50 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Materne aux entiers dépens d’appel, distraits au profit de Me Edmond Fromantin, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Andros réplique que l’article L. 121-2 du code de la consommation, qui recense les pratiques commerciales trompeuses, doit être interprété strictement et ne vise pas les emballages des produits et que la tromperie alléguée par l’appelante doit être appréciée au regard des usages ou pratiques généralement observés. Elle fait ensuite valoir que l’indication du caractère recyclable de sa gourde est en tous points sincère et vérifiable. Elle indique qu’aucune norme ne définit l’emballage « recyclable » ni n’encadre les conditions dans lesquelles le fabricant peut s’en prévaloir auprès des consommateurs. Elle explique que trois étapes constituent le recyclage : la collecte (geste de l’utilisateur encouragé par Andros avec la mention apposée sur la gourde), le tri et la régénération (nécessitant que le matériau puisse être orienté vers les filières de collecte puis transformé à la suite d’un traitement), ce qui est le cas en l’espèce comme le confirme l’avis du COTREP concluant au caractère recyclable de la gourde en polypropylène de la société Andros. Elle considère non-sérieuses les attestations et analyses communiquées par l’appelante qui ne démontrent en rien le caractère non-recyclable des gourdes. Elle estime l’argument de l’intimée, selon lequel l’absence d’extension de la consigne de tri à 50 % de la population conduirait à l’absence de recyclabilité de l’emballage litigieux, dénué de fondement légal et contraire à l’avis du COTREP, étant précisé que le seuil précité a désormais été atteint. Enfin, elle explique qu’il est tout à fait normal de présenter un produit comme 'recyclable’ même s’il ne l’est pas en intégralité, afin d’indiquer au consommateur qu’il faut le trier, ce qu’il ne ferait pas autrement, sachant que le consommateur est tout à fait apte à différencier cette indication de celle «  100 % recyclable ». S’agissant de la mention «  enfin une gourde recyclable ! », la société Andros prétend qu’elle correspond à une réalité objective qui est conforme à la position de l’administration relative aux allégations environnementales. S’agissant des indications «  je trie ['] c’est recyclé », elle souligne qu’elles répondent aux recommandations de l’administration sur les consignes de tri et qu’elles ne sont pas non plus trompeuses.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

L’article 873 du code de procédure civile dispose que 'le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire'.

Si l’existence d’une contestation sérieuse n’interdit pas au juge des référés de prendre les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, il doit apprécier le caractère manifestement illicite du trouble causé.

Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Aux termes de l’article L.121-2 2° du code de la consommation, une pratique commerciale est trompeuse notamment 'lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur (…)

b) les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service. (…)

e) la portée des engagements de l’annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de service'.

Il ressort des pièces du dossier que la société Andros a fait le choix de matériaux souples (la poche

contenant la compote de fruits) et rigides (le bouchon), tous deux en polypropylène (PP) pour le conditionnement de sa gourde, alors que la société Materne oriente ses travaux sur une gourde en polyéthylène (PE) aussi bien pour les éléments rigides que les éléments souples -choix plus complexe et coûteux- au motif selon elle qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de filière capable de recycler les emballages souples à base de polypropylène alors que les filières de recyclage du polyéthylène sont à même de traiter les éléments rigides comme les éléments souples. Il sera précisé que le recyclage nécessite en la matière que les gourdes soient conçues à partir d’un mono-matériau.

Contrairement à ce qu’affirme la société Andros, les pratiques commerciales trompeuses visées par l’article L.121-2 du code de la consommation peuvent sans conteste concerner l’emballage entrant dans la catégorie 'accessoires’ du produit ou celle des 'conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage', et ce d’autant qu’en l’espèce le produit de la société Andros est constitué de la gourde en son entier, et pas uniquement de la compote se trouvant à l’intérieur, comme en témoigne l’argument de vente phare du produit qui porte précisément sur l’emballage recyclable.

Il est expressément admis par la société Andros, contrairement à sa communication au mois de janvier 2020, avant même la commercialisation de la gourde, affirmant son caractère 100 % recyclable et à la communication de son directeur général, lors de la mise sur le marché de ladite gourde au mois de septembre 2020, relative à son caractère 'intégralement recyclable', que la gourde en cause n’est pas 100 % recyclable puisqu’elle comporte une partie en PP rigide dont il n’est pas contesté qu’elle est intégralement recyclable et une partie PP souple dont elle dit qu’elle est en partie seulement recyclable dans les filières de recyclage existantes.

Peu de textes définissent la recyclabilité d’un emballage. Selon la norme internationale ISO 14021 d’application volontaire, le terme 'recyclable’ est défini comme la 'caractéristique d’un produit, d’un emballage ou d’un composant associé qui peut être détourné du flux de déchets par des procédés et des programmes disponibles, et qui peut être collecté, traité et remis en usage sous la forme de matières premières ou de produits'.

Le guide pratique des allégations environnementales du ministère de l’économie et des finances -sur la prise en considération duquel les parties s’accordent- précise que pour dire qu’un produit est recyclable 'les matières utilisées doivent être effectivement recyclables dans les filières de collecte organisées en France’ et 'l’état des lieux des techniques industrielles permet l’extraction du produit ou du composant en vue de son recyclage effectif'.

Seuls les avis du CITEO et du COTREP sont communément reconnus comme pertinents en la matière, y compris par les parties elles-même. Le CITEO est un éco-organisme agréé par l’Etat pour la filière des emballages ménagers, en charge de l’exploitation et du développement du recyclage des emballages. Partenaire de la société CITEO, le COTREP (Comité Technique pour le Recyclage des Emballages en Plastique) émet des avis techniques sur le caractère recyclable des emballages, à la suite des tests réalisés sous la supervision de CITEO. Ainsi, les industriels souhaitant mettre sur le marché des emballages en plastique recyclables ne peuvent s’adresser qu’au COTREP, unique organe de référence pour apprécier l’aptitude technique au recyclage des emballages concernés.

La société Andros produit l’avis technique du COTREP du mois de septembre 2020, communiqué à celle-ci avant le lancement sur le marché du produit, lequel indique qu’au stade de la phase de régénération, les essais ont montré que :

'- l’intégralité de la partie rigide des gourdes (environ 50 %) est conservée dans le process et est recyclée ;

— environ 50 % de la partie flexible des gourdes est éliminée pour préserver la qualité du PP recyclé (…). Le reste de la fraction flexible est recyclé avec le rigide ;

— au final, la qualité du PP recyclé ne semble pas être impactée par la présence de ces gourdes dans les conditions des essais réalisés’ ;

et dont la conclusion est : 'Pour rappel, les emballages souples PP présents dans les balles d’emballages rigides PP perturbent le recyclage des emballages rigides. Les gourdes sont un cas particulier d’emballage mixte rigide et souple. Sur la base des résultats obtenus lors des essais, le Cotrep estime que les gourdes PP sont compatibles avec la filière de recyclage du PP rigide'.

Il en résulte, comme l’affirme la société Andros, que la filière PP rigide est à même de recycler partiellement la partie souple de la gourde, en l’absence pour l’heure de filière de recyclage spécifique au PP souple en France, si bien que les deux parties de la gourde Andros sont transformées à l’issue du processus de recyclage.

L’avis général du COTREP du mois d’octobre 2020 sur le 'comportement des gourdes PE et PP au tri et au recyclage’ confirme l’avis technique précédent : 'Les essais et études menés par le COTREP sur les gourdes en PE et les gourdes en PP confirment l’aptitude au tri et à la régénération de ces emballages.

Par conséquent, en l’état actuel des équipements et des techniques utilisées en France, les gourdes en PE et les gourdes en PP sont compatibles avec les filières de régénération du PE rigide, PP rigide et a priori du PE souple'.

La suite de la conclusion de cet avis : 'Du fait de l’existence de filière de recyclage pour les PE souples et PE rigides, les groupes PE seront davantage dirigées vers les filières de régénération que les gourdes PP’ ne remet pas en cause l’aptitude au recyclage précédemment retenue des gourdes PP mais souligne seulement la meilleure qualité de recyclabilité des gourdes PE.

Quant à l’absence d’extension de la consigne de tri à 50 % de la population alléguée par la société Materne pour réfuter le caractère recyclable de la gourde Andros, elle apparaît sans incidence avec la recyclabilité dès lors que le consommateur peut jeter la gourde dans le bac de collecte sélective sur tout le territoire français et que l’avis technique du COTREP du mois de septembre 2020 mentionne que l’emballage Andros présente 'un taux de captage similaire aux autres emballages de l’extension des consignes de tri', attestant de ce que la gourde Andros est apte à être prélevée dans les centres de tri. En tout état de cause, l’intimée justifie que l’extension de la consigne de tri à plus de 50 % des foyers français est effective à ce jour et ce depuis mi-2020.

Au vu de l’avis du COTREP dont l’autorité en la matière n’est pas contestée, le caractère recyclable de la gourde en polypropylène de la société Andros n’est pas contestable.

La société Materne soutient que 'recyclable’ équivaut dans l’esprit du consommateur à 100 % recyclable, même en l’absence de précision d’une proportion, et ce d’autant que le terme est particulièrement voyant et redondant sur la gourde Andros et que 'c’est recyclé’ signifie qu’après consommation du produit, celui-ci peut être jeté en intégralité dans le bac à tri et qu’il sera recyclé dès aujourd’hui partout en France, et ce au vu d’un sondage Opinionway qu’elle a fait réaliser sur la gourde Andros au mois de décembre 2020.

S’il n’est pas contesté que la gourde Andros n’est pas intégralement recyclable, force est de constater que cette indication ne figure pas sur les emballages qui mentionnent seulement 'recyclable’ dans les locutions : 'Enfin une gourde recyclable !' ou 'Enfin la 1re gourde recyclable !', il est vrai en caractères très apparents. Par ailleurs, il est manifeste que la recyclabilité partielle est le lot de la grande majorité des emballages existants et présentés comme étant recyclables, à telle enseigne que les produits intégralement recyclables ne manquent pas de se distinguer à cet égard par l’apposition de mentions telles '100 % recyclable’ ou 'intégralement recyclable'. En dépit du sondage réalisé par la société Opinionway, il apparaît que la mention 'recyclable’ tend à attirer l’attention du consommateur

sur les produits aptes à être collectés et transformés par les filières de recyclage existantes, lesquelles ne sauraient être cantonnées au traitement des seuls produits 100 % recyclables, et alors qu’aucun texte ne prescrit de réserver la mention 'recyclable’ aux seuls emballages 100 % recyclables. Enfin, le consommateur moyen soucieux de la préservation de l’environnement et du traitement des déchets et par conséquent nécessairement porté à s’intéresser aux usages en la matière apparaît apte à percevoir que les mentions 'recyclable’ et '100 % recyclable’ ne recouvrent pas la même réalité en la matière. Quant aux termes 'c’est recyclé’ mentionnés en plus petits caractères au dos de la gourde, ils ne signifient pas que 'le tout sera recyclé’ comme le prétend la société Materne, ce qu’au demeurant le sondage Opinionway ne laisse pas entendre, mais seulement qu’en triant 'bouchon + gourde + carton’ dans le bac jaune 'c’est recyclé', ce qui ne constitue pas une allégation fallacieuse au vu de ce qui a été précédemment développé.

En conséquence, il ne ressort pas avec évidence que les mentions 'recyclable’ ou 'c’est recyclé’ présentées sur l’emballage Andros soient de nature à tromper le consommateur.

A titre subsidiaire, si la cour n’ordonne pas la cessation complète des pratiques commerciales trompeuses, la société Materne demande la condamnation de la société Andros à modifier sa communication jusqu’à ce que cette dernière parvienne à démontrer que l’intégralité du produit puisse effectivement être recyclé.

C’est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a retenu l’absence de caractère trompeur ou mensonger des éléments de communication de la société Andros, dès lors que la gourde Andros est bien recyclable, qu’il n’est pas contestable que ce soit la première à l’être, que cette caractéristique était attendue du consommateur comme en témoigne l’intensité du débat judiciaire et que l’ensemble de ses composants, certains certes pour partie, peut faire l’objet d’une transformation. Il n’y a donc pas lieu à référé de ce chef.

Faute de pratiques commerciales trompeuses, le trouble manifestement illicité invoqué par la société Materne à l’appui de ses demandes de retrait et d’interdiction de commercialisation du produit concerné et de provisions n’est pas établi. Il n’y a donc pas lieu à référé de ces chefs.

Quant à la concurrence déloyale, la société Materne la fonde sur la faute de la société Andros au regard des pratiques commerciales trompeuses mises en place par cette dernière, précédemment examinées et non retenues comme telles. Il n’y a donc pas lieu non plus à référé de ce chef.

L’ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

A titre reconventionnel, la société Andros expose que l’action en référé de la société Materne s’apparente à un abus de position dominante et corrélativement à un acte de concurrence déloyale de nature à lui causer un tort certain au plan commercial, nonobstant le rejet de ses prétentions par le premier juge, eu égard à la période de l’année à laquelle elle a été engagée, particulièrement décisive pour les relations entre les industriels et leurs clients distributeurs au sujet du référencement du produit dans les grandes surfaces. Elle sollicite en réparation l’autorisation de procéder à la publication d’un communiqué judiciaire aux frais de la société Materne.

La société Andros n’établit pas que l’action en référé de la société Materne -qui s’est elle aussi engagée dans le développement d’une gourde recyclable- est dépourvue de tout fondement et ne vise pas à faire valoir les droits de celle-ci, étant rappelé qu’une entreprise en position dominante n’abuse pas de sa position par le seul fait d’agir contre son concurrent en concurrence déloyale et que l’accès au juge est un droit fondamental. En outre, la société Andros ne verse aucun élément sur l’impact de l’instance engagée dans ses négociations commerciales, et notamment sur l’existence d’une privation ou d’un retard quant à l’opportunité d’obtenir pour 2021 le référencement de sa gourde recyclable auprès des enseignes de distribution. En conséquence, il ne sera pas fait droit à la demande de communiqué judiciaire de la société Andros.

La société Materne, qui succombe, supportera la charge des dépens d’appel et sera condamnée à verser à la société Andros la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à la publication d’un communiqué judiciaire,

Condamne la société Materne aux dépens d’appel, lesquels pourront être directement recouvrés par Me Edmond Fromantin, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Materne à verser à la société Andros la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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