Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 2 février 2022, n° 20/03786

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 2 févr. 2022, n° 20/03786
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/03786
Dispositif : Expertise

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 2 FEVRIER 2022

(n° , 10 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03786 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBRIF


Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris – RG n° 06/17237

APPELANTE

SARL L’HERITAGE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 483 580 759

[…]

[…]


Représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053, avocat postulant


Assistée de Me Delphine POIDATZ KERJEAN de l’ASSOCIATION LEBRAY & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R189, avocat plaidant

INTIMEES

SCI DU CYGNE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 334 381 878

[…]

[…]


Représentée par Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2306

COMPOSITION DE LA COUR :


L’affaire a été débattue le 12 Octobre 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Gilles BALA', président de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère Madame Elisabeth GOURY, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRET :


- contradictoire


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par Monsieur Gilles BALA', président de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE


Par acte sous seing privé du 10 janvier 1996, Monsieur X, aux droits duquel se trouve la SCI du Cygne, a donné à bail à la SARL Astros, aux droits de laquelle se trouve la société l’Héritage suite à un plan de cession arrêté par le jugement du Tribunal de commerce du 7 janvier 2010 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société Astros, des locaux commerciaux à usage de discothèque-bar situés […], d’une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 1994 et moyennant un loyer de 230.000 francs.


Par acte d’huissier de justice du 28 mars 2003, la SCI du Cygne a délivré à la société Astros un congé avec refus de renouvellement pour le 1er octobre 2003.


Par acte d’huissier de justice du 16 novembre 2006, la SCI du Cygne a délivré à la société Astros un commandement de payer visant clause résolutoire d’un montant total de 37.872,72 €.


Par acte d’huissier de justice du 4 décembre 2006, la société Astros a assigné la SCI du Cygne aux fins notamment de déclarer nul le commandement de payer visant la clause résolutoire d’un montant total de 37.872,72 € et de désigner un expert pour donner tous éléments permettant de fixer l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation.


Par acte extrajudiciaire du 1er juin 2007, la SCI du Cygne a notifié son droit de repentir.


Par jugement du 1er avril 2008, le tribunal de grande instance de Paris a notamment':


- Dit que par l’effet du droit de repentir du propriétaire, le bail consenti par la SCI du Cygne à la SARL Astros pour les locaux sis à Paris 17ème, […] a été

renouvelé à compter du 1er juin 2007 aux clauses et conditions du bail expiré, mais à un prix à fixer en l’absence d’accord des parties,


- Condamné la SARL Astros à payer à la SCI du Cygne la somme de 37.000 € au titre des arriérés de loyers ou indemnités d’occupation provisionnelles arrêtés au 31 décembre 2006,
- Accordé à la SARL Astros un délai de grâce de 12 mois à compter de la signification du présent jugement pour s’acquitter de l’intégralité de sa dette,


- Avant dire droit, sur le loyer du bail renouvelé au 1er juin 2007, commis en qualité d’expert Monsieur F G Z avec mission notamment de donner tous les éléments pour estimer l’indemnité d’occupation et de vérifier si les locaux litigieux sont entretenus par le locataire en bon état de réparation locative et décrire et estimer le cas échéant les travaux qui incomberaient contractuellement au preneur.

Monsieur F G Z a indiqué le 20 mars 2013 que les parties s’étaient conciliées s’agissant de sa mission relative à l’estimation de l’indemnité d’occupation et qu’il a eu recours à un sapiteur, M. Y, s’agissant de la mission relative à l’entretien des locaux, lequel a établi une note en date du 19 avril 2011.


Par acte d’huissier de justice du 29 juillet 2011, la SCI du Cygne a délivré à la société l’Héritage une sommation de faire visant la clause résolutoire mentionnant un manquement du preneur à ses obligations d’entretien et la réalisation, sans autorisation, de changements de distribution et de travaux de division à l’intérieur des locaux par la création d’un fumoir.


Par jugement du 3 novembre 2015, le tribunal a ordonné une mesure de médiation judiciaire mais les parties ne sont pas parvenues à un accord.


Par acte d’huissier de justice du 2 février 2016, la société l’Héritage a demandé le renouvellement du bail commercial à compter du 1er juin 2016.


Par acte d’huissier de justice du 29 février 2016, la SCI du Cygne a notifié un refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, invoquant des motifs graves et légitimes.


Par ordonnance du 22 janvier 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi par la SCI du Cygne aux fins de demander l’expulsion de la société l’Héritage et sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation, a dit n’y avoir lieu à référé.

Par jugement du 11 février 2020, le tribunal judiciaire de Paris a':


- Dit que la sommation du 29 juillet 2011 est dépourvue d’effet,


- Rejeté la demande tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire,


- Rejeté la demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du bail,


- Déclaré irrecevables comme étant prescrites la contestation du congé du 29 février 2016 et la demande en paiement d’une indemnité d’éviction de la société l’Héritage,


- Dit que la société l’Héritage a perdu son droit à indemnité d’éviction et est exclue du statut des baux commerciaux,


- Dit que le congé sans offre de renouvellement délivré le 29 février 2016 par la SCI du Cygne à la société l’Héritage a mis fin à compter du 31 mai 2016 au contrat de bail portant sur les locaux situés […],


- Dit que la société l’Héritage est occupante sans droit ni titre depuis le 1er juin 2016,


- Ordonné, à défaut de restitution volontaire dans les lieux dans les quatre mois de la signification du présent jugement, l’expulsion de la société l’Héritage et de tout occupant de son chef du local situé […], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier,


- Rappelé que le sorts des meubles en cas de procédure d’expulsion est régi par les articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,


- Condamné la société l’Héritage à payer à la SCI du Cygne une indemnité mensuelle d’occupation globale d’un montant de 5.000 €, charges, taxes et accessoires compris, à compter du 1er juin 2016 et jusqu’à libération effective des lieux.


- Rejeté la demande de dommages-intérêts de la SCI du Cygne d’un montant de 50.000 € pour défaut d’entretien du preneur,


- Rejeté les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,


- Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,


- Rejeté les autres demandes,


- Condamné la SCI du Cygne au paiement des frais d’expertise réalisée par M. Z et le sapiteur M. Y ainsi que des frais de constat sur requête,


- Condamné la société l’Héritage aux autres dépens, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 20 février 2020, la société l’Héritage a interjeté appel de ce jugement à l’encontre de la SCI du Cygne et de la société Astros.


Par ordonnance de désistement partiel du 10 septembre 2020, le conseiller chargé de la mise en état a constaté, suite au désistement de la société l’Héritage à l’égard de la société Astros, l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la Cour à l’égard de la société Astros.


Suivant ordonnance en date du 17 décembre 2020, le premier président de la cour d’appel de Paris a ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 11 février 2020 jusqu’à la décision à intervenir sur les appels principal et incident formés à son encontre ; subordonné cet arrêt d’exécution provisoire au paiement à bonne date par la SARL L’Héritage des mensualités d’indemnité d’occupation mises à sa charge par ce même jugement ; dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance de ces indemnités, l’exécution provisoire reprendra ses effets et que la SCI du Cygne pourra alors faire procéder à l’expulsion sur simple sommation, sans avoir à faire constater judiciairement le défaut de paiement ; rejeté la demande de dommages-intérêts de la SCI du Cygne ; condamné la SCI du Cygne aux dépens et à 1.500 euros au titre de l’article 700.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 septembre 2021, la société l’Héritage demande à la Cour de':


Réformer la décision entreprise uniquement en ce qu’elle a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de la société l’Héritage visant à contester le congé du 29 février 2016 et au paiement d’une indemnité d’éviction et, statuant à nouveau de :


A titre principal :


- Dire et juger que le congé du 29 février 2016 est dépourvu de motifs graves et légitimes ;


En conséquence :
- dire et juger que le congé du 29 février 2016 a les mêmes effets qu’un congé avec refus de renouvellement comportant l’obligation de payer l’indemnité d’éviction ;


- dire et juger que la demande de la société l’Héritage visant à obtenir une demande d’indemnité d’éviction n’est pas prescrite ;


A titre subsidiaire :


Si par extraordinaire, la Cour vient à considérer que le point de départ du délai de prescription pour contester le refus de renouvellement du bailleur et demander l’indemnité d’éviction doit être fixé au 29 février 2016 :


- Dire et juger que suivant conclusions en date du 14 septembre 2017, la société l’Héritage a valablement interrompu la prescription biennale visée aux articles L. 145-10 et L. 145-60 du Code de commerce ;


- En conséquence, de dire et juger que la société l’Héritage a droit au paiement d’une indemnité d’éviction.


En conséquence':


- Dire et juger que la société l’Héritage a droit au paiement d’une indemnité d’éviction, conformément aux dispositions de l’article L. 145-14 du Code de commerce ;


- Dire et juger que cette indemnité sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et que les intérêts qui seraient échus depuis plus d’un an produiront eux-mêmes intérêt conformément aux dispositions de l’article 1154 du Code civil ;


- Désigner tel expert qu’il plaira à la Cour avec pour mission de déterminer l’indemnité d’éviction due à la société l’Héritage ;


- Dire que les frais d’expertise seront à la charge de la SCI du Cygne ;


- Débouter la SCI du Cygne de ses appels incidents ;


- Débouter la SCI du Cygne de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;


- Condamner la SCI du Cygne au paiement de la somme de dix-mille euros (10.000 EUR) par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;


- Condamner la SCI du Cygne aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, outre tous les frais d’expertise.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 23 juillet 2020, la société du Cygne demande à la Cour de':


- Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :


Déclaré irrecevables comme étant prescrites la contestation du congé du 29 février 2016 et la demande en paiement d’une indemnité d’éviction de la société l’Héritage,


Dit que la société l’Héritage a perdu son droit à indemnité d’éviction et est exclue du statut des baux commerciaux,
Dit que le congé sans offre de renouvellement délivré le 29 février 2016 par la SCI du Cygne à la société l’Héritage a mis fin à compter du 31 mai 2016 au contrat de bail portant sur les locaux situés […],


Dit que la société l’Héritage est occupante sans droit ni titre depuis le 1er juin 2016,


Ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quatre mois de la signification du présent jugement, l’expulsion de la société l’Héritage et de tout occupant de son chef du local situé […], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier,


Rappelé que le sort des meubles en cas de procédure d’expulsion est régi par les articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,


Condamné la société l’Héritage à payer à la SCI du Cygne une indemnité mensuelle d’occupation globale d’un montant de 5.000 €, charges, taxes et accessoires compris, à compter du 1er juin 2016 et jusqu’à la libération effective des lieux.


- Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a':


Dit que la sommation du 29 juillet 2011 est dépourvue d’effet,


Rejeté la demande tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire,


Rejeté la demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du bail,


Rejeté la demande de dommages-intérêts de la SCI du Cygne d’un montant de 50.000 € pour défaut d’entretien du preneur,


Rejeté les demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,


Et, statuant de nouveau de ces chefs':


- Constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail dans le délai d’un mois à compter de la sommation délivrée à la Société l’Héritage le 29 juillet 2011


- Prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts et griefs de la Société l’Héritage


- Condamner la Société l’Héritage à payer à la SCI du Cygne la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts


- Condamner la Société l’Héritage à payer à la SCI du Cygne la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel


Subsidiairement :


- Dire et juger que congé portant refus de renouvellement sans indemnité d’éviction notifié le 29.02.2016 est légitime et fondé.


En toute hypothèse :


- Ordonner l’expulsion de la Société l’Héritage ainsi que tous occupants de son chef des locaux qu’elle occupe sans droit ni titre sis […], et ce avec l’assistance de Monsieur le Commissaire de Police et de la Force Armée s’il y a lieu.
- Condamner la Société l’Héritage à payer à la SCI du Cygne la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles d’appel


- La condamner aux entiers dépens


L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 septembre 2021.

MOTIFS


Sur la demande d’acquisition de la clause résolutoire


La Cour renvoie à la motivation pertinente du jugement entrepris étant précisé que fondée sur une clause résolutoire contractuelle nulle, la sommation du 29 juillet 2011 est dépourvue d’effet s’agissant de l’acquisition de la clause résolutoire, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner en sus si elle est suffisamment précise pour mettre en jeu ladite clause résolutoire.


C’est donc à bon droit que le jugement entrepris a rejeté la demande tendant à constater l’acquisition de la clause résolutoire.


Sur la résiliation judiciaire du bail


La SCI du Cygne reproche au locataire des manquements à son obligation d’entretien caractérisés depuis le 26 février 2010 et constatés par le sapiteur, M. Y auxquels le locataire n’a pas remédié, ainsi que des travaux et un changement de distribution réalisés sans autorisation du bailleur en violation du bail, à savoir la création de deux fumoirs induisant nécessairement la réalisation de travaux lourds, percements et création de conduit d’extraction d’air en raison des normes en vigueur excluant qu’ils puissent être qualifiés de simples aménagement.


Sur la création d’un espace fumoir, la société l’Héritage soutient que si le bail interdit le changement de distribution, il n’interdit pas de procéder à un aménagement des locaux dans le respect de l’affectation contractuelle ; qu’elle n’a pas procédé au percement de la toiture pour créer une extraction, le bailleur ayant autorisé en1983 la création d’un fumoir en autorisant la réalisation d’une gaine de désenfumage bar ; que le fumoir est amovible, démontable, constitué par des cloisons légères vitrées et n’a ni modifié ou porté atteinte à la structure des locaux. Elle prétend avoir procédé à des travaux suite au rapport de M. Y ; que les locaux sont dans un bon état de réparation et d’entretien et elle impute à la vétusté, qui n’est pas à sa charge, le mauvais état de certaines parties des locaux.


La cour renvoie au jugement entrepris s’agissant des dispositions légales et contractuelles applicables à l’espèce.


C’est à bon droit que le jugement de première instance a relevé que les stipulations contractuelles ne mettant pas expressément à la charge du locataire les travaux dus à la vétusté, le bailleur doit prendre en charge les travaux liés à la vétusté outre les grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil ; qu’ainsi, la vétusté d’une toiture ou façade reste à la charge du bailleur.


S’agissant du défaut d’entretien, il est renvoyé à la motivation pertinente du jugement de première instance. Il y sera ajouté qu’au vu des photographies de la toiture résultant du constat d’huissier de justice, Me B, du 10 novembre 2016 réalisé sur ordonnance, celle-ci est en état d’entretien apparent correct et l’huissier de justice n’a d’ailleurs formulé aucune observation sur l’état de la toiture, si ce n’est pour constater que les gouttières chéneaux semblent en bon état ; que la façade, qui apparaissait vétuste sur les premiers constats, est en bon état sur ledit constat; qu’ainsi il a été remédié aux désordres constatés par le sapiteur en 2010 ; qu’il n’apparaît pas de manquement persistant à l’obligation d’entretien du locataire sur ces points étant rappelé qu’en tout état de cause s’agissant de la façade vétuste, les réparations incombent au bailleur.


S’agissant du fumoir, la cour renvoie à la motivation du jugement entrepris. Il sera précisé que sur le constat d’huissier du 10 novembre 2016 de Me B, il n’est évoqué qu’un 'espace fumoir', et non la présence de deux fumoirs, étant relevé que si le constat d’huissier de 2013 de Me C établi à la demande du bailleur mentionne la présence de deux espaces cloisonnés vitrés correspondant à des fumoirs, le constat d’huissier établi le 19 novembre 2014 à la demande du locataire mentionne un espace vitré fumeur et un espace vitré 'VIP’ lequel a été déposé selon constat d’huissier du 2 octobre 2015 établi à la demande du locataire. En tout état de cause, il est constant qu’il existe au moins un espace fumoir dans les locaux.


Il sera également ajouté que sur les plans d’installation de la discothèque datant de 1983 figurent plusieurs gaines de désenfumage de sorte qu’il n’est pas établi que des travaux importants nécessitant des percements du gros oeuvre ou la création d’ouvertures aient été nécessaires pour installer l’espace fumoir, notamment s’agissant de conduit d’extraction

puisque les gaines de désenfumage étaient déjà présentes ; que la structure de l’espace fumoir est faite de cloisons qui peuvent être déposées ; qu’il s’agit de travaux d’aménagement ne nécessitant pas l’autorisation du bailleur ; que le changement de distribution en résultant s’agissant de l’installation d’un fumoir fermé, étant observé que

la présence de gaines de désenfumage depuis 1983 démontre qu’il s’agit d’une adaptation

de l’établissement aux règles relatives à l’interdiction de fumer dans les lieux publics, ne constitue pas, dans ces conditions, un manquement suffisamment grave pour entraîner la résiliation du bail.


Au regard de l’ensemble de ces éléments et de ceux figurant dans la motivation du jugement entrepris, les manquements ne sont pas suffisamment graves, pris ensemble ou isolément, pour justifier la résiliation du bail compte tenu de l’exploitation d’une discothèque depuis de nombreuses années dans les lieux, étant relevé que le locataire fait des efforts pour régler les loyers, ce malgré le contexte sanitaire rendant l’exploitation de son activité particulièrement difficile ; que le locataire justifie d’une vérification régulière des moyens de secours et que la commission de sécurité a, le 28 septembre 2016, donné un avis favorable à la poursuite de l’exploitation de l’établissement.


Sur la prescription de l’action en contestation du refus de renouvellement sans offre d’une indemnité d’éviction


Contrairement à ce que soutient la société l’Héritage, l’action par laquelle la société ASTROS, précédent locataire, a demandé, le 4 décembre 2006, de dire que le commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui avait été délivré était nul et de solliciter la désignation d’un expert pour déterminer l’indemnité d’éviction est sans effet sur la prescription, même s’il s’agit de l’assignation introductive d’instance, le bail ayant depuis été renouvelé à compter du 1er juin 2007 et le refus de renouvellement portant sur ledit bail renouvelé.


En vertu de l’article L 145-10 du code de commerce, le preneur à bail commercial à qui est refusé le renouvellement de son bail sans offre de paiement d’indemnité d’éviction doit, s’il entend contester ledit refus, agir en justice avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date du refus.


Ce délai peut être interrompu par les causes générales prévues aux articles 2240 et suivants du Code civil et donc notamment par une demande en justice.


Si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but.
Le point de départ de la prescription biennale est le 29 février 2016 date du refus du renouvellement par application de l’article précité.


Le refus de renouvellement du bail commercial sans offre d’indemnité d’éviction délivré par le bailleur le 29 février 2016 est motivé par des manquements contractuels, visés par la sommation délivrée le 29 juillet 2011, invoqués en première instance par le bailleur tant à l’appui de sa demande d’acquisition de la clause résolutoire qu’à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire du bail ; demandes auxquelles s’est opposée la société l’Héritage par conclusions notifiées le 14 septembre 2017, postérieurement à la délivrance du refus de renouvellement, dans le cadre de l’instance, par lesquelles elle a contesté les manquements contractuels et sollicité le débouté des demandes du bailleur. Les actions poursuivent ainsi le même but, sur le fondement du même bail entre les parties, à savoir la cessation des rapports locatifs et l’existence d’un droit de la société l’Héritage de se maintenir dans les lieux. Il s’ensuit que les conclusions de la société l’Héritage du 14 septembre 2017 ont interrompu la prescription biennale de sorte qu’un nouveau délai de deux ans à couru à compter de cette date.


Par conséquent les demandes de la société l’Héritage tendant à contester les motifs du refus de renouvellement du bail sans offre d’une indemnité d’éviction et à obtenir une indemnité d’éviction formées en première instance par voie de conclusions notifiées le 15

juin 2018 (date des conclusions du locataire visées dans les écritures du bailleur page 20) et en tout état de cause dans celles du 26 mars 2019 telles que reprises dans l’exposé des faits et de la procédure par le jugement entrepris ne sont pas prescrites. Le jugement de première instance sera donc infirmé de ce chef.


Sur les motifs graves et légitimes


Contrairement à ce que soutient la société l’Héritage, la sommation délivrée le 29 février 2011 n’est privée d’effet que pour ce qui relève de l’acquisition de la clause résolutoire, en revanche, visant les dispositions de l’article L 145-17 du code de commerce, elle vaut mise en demeure au sens de cet article étant relevé qu’elle est suffisamment précise pour produire effet à ce titre en ce qu’elle vise les clauses du bail et les manquements à l’obligation d’entretien sur le fondement de la note du sapiteur et le changement de distribution et de travaux sans autorisation concernant la création d’un fumoir. En outre, il ne peut pas être statué sur les motifs du refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction avant de statuer sur la prescription de la contestation dudit refus sans offre d’indemnité d’éviction.


Les motifs graves et légitimes dont se prévaut la SCI du Cygne dans l’acte du 29 février 2016 portant refus de renouvellement sans offrir d’indemnité d’éviction sont identiques aux manquements contractuels invoqués à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire s’agissant de l’obligation d’entretien auquel il n’aurait pas été remédié et du changement de distribution (création du fumoir) visé par la sommation. Au vu des développements qui précèdent, les motifs allégués ne sont pas suffisamment graves pour constituer un ou des motifs graves et légitimes au sens de l’article L 145-17 du code de commerce de nature à justifier le refus de renouvellement du bail sans offre d’indemnité d’éviction.


Par conséquent, le refus du renouvellement du bail délivré le 29 février 2016 par la SCI du Cygne a mis fin au bail au 31 mai 2016 et il a ouvert droit à la société l’Héritage à une indemnité d’éviction et droit à son maintien dans les lieux aux clauses et conditions du bail expiré jusqu’au paiement de ladite indemnité.


Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a dit que le locataire est occupant sans droit ni titre, ordonné son expulsion, sa condamnation à paiement d’une indemnité d’occupation de droit commun, la séquestration des meubles et le bailleur sera débouté des demandes y afférentes.
La Cour ne disposant pas en l’état des éléments suffisants pour fixer l’indemnité d’éviction, il convient avant dire droit sur le montant de l’indemnité d’éviction d’ordonner une expertise dans les termes du dispositif ci-après, aux frais avancés de la SCI du Cygne qui est à l’origine du refus de renouvellement. Il sera sursis sur la demande de fixation des intérêts en l’attente de la détermination du montant de l’indemnité d’éviction.


La Cour note qu’elle n’est saisie en cause d’appel d’aucune demande de fixation d’une indemnité d’occupation statutaire par l’une ou l’autre des parties et que le jugement, dont il est sollicité confirmation de ce chef par le bailleur, ne s’est prononcé que sur une indemnité d’occupation de droit commun.


Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d’entretien


Eu égard à la solution du litige, la demande de dommages et intérêts, non justifiée, sera rejetée, outre qu’il n’est produit aucun devis par le bailleur.


Sur les demandes accessoires


Compte tenu de la solution du litige, le jugement de première instance sera infirmé sur les dépens et en ce qu’il a rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


Dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire, il sera sursis sur la demande de fixation de l’indemnité d’éviction et sur les demandes des parties quant aux frais irrépétibles. Les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS


Par arrêt contradictoire


Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la sommation du 29 juillet 2011 est dépourvue d’effet, rejeté par conséquent la demande tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et rejeté la demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du bail et en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la SCI du Cygne d’un montant de 50.000 € pour défaut d’entretien du preneur


L’infirme en ses autres dispositions ;


Statuant à nouveau et y ajoutant


Déclare recevables les demandes de la société l’Héritage tendant à contester les motifs du refus de renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction du 29 février 2016 et à obtenir une indemnité d’éviction ;


Dit que le refus de renouvellement délivré le 29 février 2016 par la SCI du Cygne à la société l’Héritage a mis fin à compter du 31mai 2016 au contrat de bail portant sur les locaux situés […] ;


Dit qu’en l’absence de motifs graves et légitimes, le refus de renouvellement délivré le 29 février 2016 a ouvert droit au profit de la société l’Héritage à une indemnité d’éviction et au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du bail expiré jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction;


Avant dire droit au fond sur le montant de l’indemnité d’éviction, tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigne en qualité d’expert M. D E

[…]


Tél : 01.49.24.05.18


Fax : 01.49.24.04.94


Port. : 06.20.56.85.30


Email : cabinet@fb-expertises.fr

avec mission, les parties ayant été convoquées et dans le respect du principe du contradictoire :

*de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;

* visiter les lieux, les décrire, dresser le cas échéant la liste du personnel employé par le locataire ;

* rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l’état des locaux, tous éléments permettant :

1 ) de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction dans le cas :


- d’une perte de fonds : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession de fonds d’importance identique, de la réparation du trouble commercial,


- de la possibilité d’un transfert de fonds, sans perte conséquente de clientèle, sur un emplacement de qualité équivalente, et, en tout état de cause, le coût d’un tel transfert, comprenant : acquisition d’un titre locatif ayant les mêmes avantages que l’ancien, frais et droits de mutation, frais de déménagement et de réinstallation, réparation du trouble commercial,

2 ) d’apprécier si l’éviction entraînera la perte du fonds ou son transfert,

à titre de renseignement, dire si, à son avis, le loyer aurait été ou non plafonné en cas de renouvellement du bail et préciser, en ce cas, le montant du loyer calculé en fonction des indices qui aurait été applicable à la date de la fin du bail,


Dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe de la 3ème chambre du pôle 5 (5-3) de la cour d’appel de Paris avant le 30 septembre 2022 ;


Fixe à la somme de 3.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, somme qui devra être consignée par la SCI du Cygne à la Régie de la cour d’appel de Paris, […], […] avant le 31 mars 2022


Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;


Dit qu’un des magistrats de la chambre sera délégué au contrôle de cette expertise ;


Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du 11 mai 2022 pour contrôle du versement de la consignation ;
Renvoie l’affaire pour reprise des débats après dépôt du rapport de l’expert, à l’audience du juge de la mise en état de la 3ème chambre du pôle 5 (5-3) de cette cour à la date qui sera fixée ultérieurement par le juge de la mise en état ;


Sursoit à statuer sur les intérêts et sur les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;


Rejette les demandes plus amples ou contraires ;


Réserve les dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 2 février 2022, n° 20/03786