Cour d'appel de Paris, Pôle 1 chambre 8, 20 mai 2022, n° 21/16262

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 ch. 8, 20 mai 2022, n° 21/16262
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/16262
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Paris, 17 juin 2021, N° 20/53153
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 1 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 20 MAI 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/16262 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEKR2

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Juin 2021 -Président du TJ de PARIS – RG n° 20/53153

APPELANTE

S.A. FIDDIAM agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 2]

[Adresse 1]

Représentée et assistée par Me Jean-Jacques LE PEN de la SELAS LPLG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0114

INTIMEE

L’association CONFEDERATION DE LA CONSOMMATION, DU LOGEMENT ET DU CADRE DE VIE (CLCV) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Assistée par Me Paul LEYENDECKER, substituant Me Charles CONSTANTIN-VALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1759

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 avril 2022, en audience publique, Rachel LE COTTY, Conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Bérengère DOLBEAU, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier.

La confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie (ci-après la CLCV) est une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée à cette fin.

La société Fiddiam est une société de droit luxembourgeois ayant pour objet la vente de compléments nutritionnels et de produits cosmétiques. Elle exploite plusieurs marques commerciales dont la marque Nutrilife et commercialise sous cette marque à l’international, et notamment en France, des compléments alimentaires via le site de e-commerce http://ww.nutrilifeshop.com/.

Au début de l’année 2020, elle a réuni certains des compléments alimentaires commercialisés, destinés à renforcer le système immunitaire et à lutter contre la prolifération bactérienne, sous la dénomination « pack spécial système immunitaire ». Ce produit était vendu au prix de 104,20 euros hors promotions.

Par acte du 15 mai 2020, la CLCV a assigné la société Fiddiam devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris afin qu’il constate les faits de pratique commerciale trompeuse dans le cadre de la commercialisation du complément alimentaire « pack spécial système immunitaire » et qu’il ordonne le retrait et interdise pour l’avenir toute publicité et toute présentation du produit faisant mention d’éléments trompeurs ou de nature à induire en erreur le consommateur sur l’efficacité et les résultats attendus de celui-ci. Elle a également sollicité une provision de 130.000 euros pour son préjudice d’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs et une provision de 60.000 euros pour son préjudice associatif.

En cours de procédure, la société Fiddiam a retiré les mentions et expressions visées dans l’assignation, de sorte que la CLCV n’a maintenu que ses demandes de provisions.

Par ordonnance du 18 juin 2021, le juge des référés a :

condamné la société Fiddiam à payer à la CLCV la somme de 12.000 euros par provision à valoir sur la fixation définitive du préjudice tenant à l’atteinte portée aux intérêts collectifs qu’elle a mission statutaire de défendre ;

condamné la société Fiddiam à payer à la CLCV la somme de 8.000 euros par provision à valoir sur la fixation définitive de son préjudice associatif personnel ;

condamné la société Fiddiam au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

débouté la société Fiddiam de sa demande de provision pour procédure abusive et de sa demande relative aux frais irrépétibles exposés ;

condamné la société Fiddiam aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 7 septembre 2021, la société Fiddiam a relevé appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 janvier 2022, elle demande à la cour de :

juger que le juge des référés a ajouté à tort une condition aux textes applicables en sanctionnant un trouble passé et inexistant au jour de sa décision ;

juger que le juge des référés n’a pas établi la condition d’urgence, ni l’existence d’un trouble manifestement illicite ;

juger que sa contestation est sérieuse ;

En conséquence,

réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause,

débouter la CLCV de l’ensemble de ses nouvelles demandes indemnitaires à titre de provision ;

condamner la CLCV à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la CLCV aux dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 16 décembre 2021, la CLCV demande à la cour de :

confirmer l’ordonnance en ce que le juge des référés a jugé que la société Fiddiam s’est rendue coupable d’une pratique commerciale manifestement déloyale et trompeuse entre le début de l’année 2020 et le mois de juin 2020, ce qui a constitué un trouble manifestement illicite ;

confirmer l’ordonnance en ce que le juge des référés a condamné la société Fiddiam à lui verser des sommes provisionnelles à valoir sur l’indemnisation de son préjudice d’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs et de son préjudice associatif, mais infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a limité ces indemnisations respectivement à 12.000 euros et 8.000 euros ;

Statuant à nouveau sur le montant de la provision en raison du préjudice d’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs,

à titre principal, juger que le préjudice d’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs subi en raison de la pratique manifestement déloyale et trompeuse dont s’est rendue coupable la société Fiddiam ne souffre d’aucune contestation sérieuse, tant en son principe qu’en son montant ;

condamner la société Fiddiam à lui payer la somme provisionnelle de 130.000 euros en raison de son préjudice d’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs ;

à titre subsidiaire, confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a condamné la société Fiddiam à lui verser la somme de 12.000 euros en raison de son préjudice d’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs ;

Statuant à nouveau sur le montant de la provision en raison du préjudice associatif,

à titre principal, juger que le préjudice associatif subi en raison de la pratique manifestement déloyale et trompeuse dont s’est rendue coupable la société Fiddiam ne souffre d’aucune contestation sérieuse, tant en son principe qu’en son montant ;

condamner la société Fiddiam à lui payer la somme provisionnelle de 60.000 euros en raison de son préjudice associatif ;

à titre subsidiaire, confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a condamné la société Fiddiam à lui payer la somme de 8.000 euros en raison de son préjudice associatif ;

confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné la société Fiddiam à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Fiddiam à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, correspondant aux frais irrépétibles d’appel ;

confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné la société Fiddiam aux entiers dépens de première instance ;

condamner la société Fiddiam aux entiers dépens d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE, LA COUR,

Sur les demandes de provisions

Sur les pouvoirs du juge des référés

Selon l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Selon la CLCV, au début de la crise sanitaire liée au Covid-19, soit au début de l’année 2020, la société Fiddiam a commercialisé son produit « pack spécial système immunitaire » en faisant croire aux consommateurs français que cet ensemble de compléments alimentaires allait leur permettre de prévenir toute infection par le virus ou de guérir du Covid-19.

Elle expose qu’il est interdit de commercialiser des compléments alimentaires au moyen d’allégations mensongères et trompeuses en ce qui concerne leurs propriétés et les résultats que le consommateur peut attendre de leur utilisation et qu’il est notamment interdit d’attribuer à des compléments alimentaires des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d’une maladie. Or, selon elle, la société Fiddiam présentait son produit comme permettant de prévenir une infection par le Covid-19, voire d’en guérir.

Elle ajoute que la société Fiddiam a eu recours à des allégations de santé non autorisées, en violation du règlement (CE) n° 1924/2006 du 20 décembre 2006 relatif aux allégations de santé.

Selon elle, ces éléments caractérisent des pratiques commerciales mensongères et trompeuses qui sont susceptibles d’avoir altéré le comportement économique du consommateur, de sorte que son préjudice associatif n’est pas sérieusement contestable, en dépit de la cessation du trouble manifestement illicite après l’assignation.

La société Fiddiam soulève quant à elle « l’incompétence » du juge des référés – plus exactement son défaut de pouvoir juridictionnel -, au motif de l’absence d’urgence et de l’existence d’un débat de fond relevant du juge du fond.

Elle soutient que les conditions des articles 834 et 835 du code de procédure civile ne sont pas réunies dès lors, d’une part, qu’elle soulève des contestations sérieuses tenant au nécessaire examen de la valeur des études scientifiques communiquées, d’autre part, que le trouble manifestement illicite n’est pas caractérisé, la violation de la règle de droit n’étant pas évidente, eu égard à la complexité des textes applicables, qui impliquent une analyse du juge du fond.

Elle soutient qu’elle a supprimé les mentions litigieuses avant même que le juge des référés ne statue, de sorte qu’il n’existait plus ni trouble manifestement illicite ni dommage imminent au moment de sa décision.

La cour rappelle cependant que l’urgence n’est pas requise lorsque le juge des référés statue en application de l’article 835 du code de procédure civile précité et, en l’espèce, la CLCV fondait son action sur l’existence de pratiques commerciales trompeuses et déloyales, lesquelles sont interdites par les articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation et constituent, lorsqu’elles sont caractérisées, un trouble manifestement illicite autorisant le juge des référés à prendre des mesures appropriées pour les faire cesser.

A cet égard, la complexité éventuelle des textes à appliquer est indifférente, le juge des référés ayant le pouvoir de sanctionner la violation manifeste de la règle de droit, quelle qu’elle soit.

Il entre également dans ses pouvoirs, en cas de trouble manifestement illicite, d’octroyer une provision à valoir sur le préjudice subi, à hauteur du montant non sérieusement contestable de l’obligation.

Il entrait donc dans les pouvoirs du juge des référés de statuer sur le présent litige, sous réserve que soient caractérisées les pratiques commerciales déloyales et trompeuses dénoncées par la CLCV.

Sur l’existence de pratiques commerciales déloyales

Aux termes de l’article L. 121-1 du code de la consommation :

« Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. […]

Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 […] ».

Parmi les pratiques commerciales déloyales se trouve donc la pratique commerciale trompeuse, qui est définie à l’article L. 121-2 du code de la consommation :

« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : […]

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :

[…]

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l’apposition des mentions « fabriqué en France » ou « origine France » ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l’Union sur l’origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ».

Le règlement (CE) n° 1924/2006 du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires détermine les conditions dans lesquelles les allégations de santé, en principe interdites, peuvent être autorisées et prévoit une liste des allégations autorisées à l’échelle européenne.

Aux termes de l’article 2. 2. 5) de ce règlement, est une « allégation de santé » : « toute allégation qui affirme, suggère ou implique l’existence d’une relation entre, d’une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l’un de ses composants et, d’autre part, la santé ».

Aux termes de l’article 10.1 du règlement, « les allégations de santé sont interdites sauf si elles sont conformes aux prescriptions générales du chapitre II et aux exigences spécifiques du présent chapitre et si elles sont autorisées conformément au présent règlement et figurent sur les listes d’allégations autorisées visées aux articles 13 et 14 ».

L’article 14 du règlement, qui concerne les « allégations relatives à la réduction d’un risque de maladie », dispose, dans sa rédaction actuelle, que :

« 1. Nonobstant les dispositions de l’article 2, paragraphe 1, point b), de la directive 2000/13/CE, les allégations suivantes peuvent être faites si elles ont été autorisées conformément à la procédure prévue aux articles 15, 16, 17 et 19 du présent règlement aux fins d’inscription sur une liste communautaire des allégations autorisées, accompagnées de toutes les conditions nécessaires pour l’utilisation de ces allégations :

a) allégations relatives à la réduction d’un risque de maladie ; […]».

Il en résulte que les allégations relatives à la réduction d’un risque de maladie ne peuvent être faites que si elles sont expressément autorisées et figurent sur une liste communautaire des allégations autorisées.

En l’espèce, il résulte des procès-verbaux de constat produits par l’intimée que le « pack spécial système immunitaire » était mis en avant parmi les produits permettant de « prévenir – soutenir le système immunitaire » mais également parmi ceux permettant de « combattre virus et infections ». Le produit était présenté comme permettant de soutenir le système immunitaire « pendant cette période de confinement » et était destiné à tous les consommateurs souhaitant se protéger face au coronavirus, les plus vulnérables comme les porteurs sains : « Pour qui ' Pour tous ! Face au coronavirus nous devons tous nous protéger, les plus vulnérables bien sûr mais les autres aussi qui peuvent être des porteurs sains ».

La société Fiddiam a ainsi eu recours à une allégation générale relative à la réduction d’un risque de maladie en prêtant à son « pack spécial système immunitaire » des propriétés de protection contre le Covid-19.

Or, cette allégation ne figure pas sur la liste communautaire des allégations autorisées, ce que ne conteste pas l’appelante.

Elle est en outre contraire à l’article 8 du décret n°2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, aux termes duquel « l’étiquetage des compléments alimentaires, leur présentation et la publicité qui en est faite n’attribuent pas à ces produits des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d’une maladie humaine, ni n’évoquent ces propriétés ».

Il résulte également des pièces produites que la société Fiddiam a utilisé des allégations de santé pour certains composants de son « pack ». Elle affirmait ainsi que l’extrait de pépins de pamplemousse « agi[ssait] comme un véritable antibiotique naturel » et que le « [Localité 5] d’Arco » « aid[ait] à soutenir les fonctions respiratoires ».

Ces produits étaient ainsi présentés comme réduisant le risque de maladies, sans qu’il ne soit justifié par l’appelante d’une autorisation spécifique.

En tout état de cause et comme le soutient l’intimée, ces allégations sont a minima des allégations relatives au rôle des nutriments dans les fonctions de l’organisme (fonctions respiratoires et immunitaires) et sont par conséquent régies par l’article 13 du règlement (CE) n° 1924/2006 précité, qui concerne les « allégations de santé autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ».

Ce texte, dans sa rédaction applicable, dispose que :

« 1. Les allégations de santé qui décrivent ou mentionnent :

a) le rôle d’un nutriment ou d’une autre substance dans la croissance, dans le développement et dans les fonctions de l’organisme

[…]

et qui sont indiquées dans la liste prévue au paragraphe 3 peuvent être faites sans être soumises aux procédures établies aux articles 15 à 19, si elles :

i) reposent sur des preuves scientifiques généralement admises ; et

ii) sont bien comprises par le consommateur moyen.

2. Au plus tard le 31 janvier 2008, les États membres fournissent à la Commission des listes des allégations visées au paragraphe 1 ainsi que les conditions qui leur sont applicables et les références aux justifications scientifiques pertinentes.

3. Après consultation de l’Autorité, la Commission adopte, en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 25, paragraphe 3, une liste communautaire destinée à modifier des éléments non essentiels du présent règlement en le complétant, des allégations autorisées visées au paragraphe 1 ainsi que toutes les conditions nécessaires pour l’utilisation de ces allégations, au plus tard le 31 janvier 2010 ».

Il en résulte que les allégations de santé qui décrivent ou mentionnent le rôle d’un nutriment dans les fonctions de l’organisme peuvent être faites sans être soumises aux procédures d’autorisation prévues aux articles 15 à 19 si elles figurent dans la liste des allégations autorisées, liste qui a été établie par le règlement (UE) n° 432/2012 de la Commission du 16 mai 2012.

En l’espèce, il n’est pas contesté par l’appelante que les allégations précitées relatives à l’extrait de pépins de pamplemousse, qui « agit comme un véritable antibiotique naturel », et au [Localité 5] d’Arco, qui « aide à soutenir les fonctions respiratoires », ne figurent pas sur la liste des allégations autorisées figurant en annexe au règlement (UE) n° 432/2012.

Il sera relevé au demeurant que l’appelante ne produit aucune pièce au soutien de son appel.

Les pratiques commerciales dénoncées par la CLCV étaient donc de nature à induire en erreur sur les caractéristiques essentielles des produits en laissant penser que ceux-ci pouvaient protéger du Covid-19 et, en tout état de cause, contraires aux exigences de la diligence professionnelle en ce qu’elles comportaient des allégations de santé interdites.

Elles ont nécessairement eu pour effet d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, en l’incitant, dans une période particulièrement anxiogène d’apparition d’un nouveau virus mortel totalement inconnu et de confinement général de la population, à acheter pour un prix supérieur à cent euros (hors promotions) des compléments alimentaires supposés le protéger.

Sur le montant des provisions

La CLCV invoque deux préjudices : un préjudice d’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs et un préjudice associatif. Elle sollicite à ce titre des provisions de 130.000 euros et de 60.000 euros.

Elle soutient que la caractérisation d’une pratique commerciale déloyale implique nécessairement l’existence d’un préjudice d’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs, dont la réparation ne peut être limitée à une indemnité symbolique. Elle estime qu’en l’espèce, la pratique commerciale litigieuse était de grande ampleur et le nombre de consommateurs concernés très élevé, ce qui justifie l’octroi d’une provision supérieure à celle allouée par le premier juge.

La société Fiddiam s’oppose à toute provision en invoquant l’absence de tout trouble manifestement illicite ou de tout dommage imminent au jour où le juge a statué.

Cependant, la circonstance qu’elle ait supprimé les pratiques contestées après l’assignation ne fait pas disparaître le préjudice porté à l’intérêt collectif des consommateurs entre le début de l’année 2020 et le mois de juin 2020.

La société Fiddiam conteste également les montants alloués, qu’elle estime sérieusement contestables.

La cour relève que la pratique commerciale déloyale a été de grande ampleur, l’appelante ayant eu recours à de nombreux supports de commercialisation : site internet dédié à la marque Nutrilife, blog de la marque, réseaux sociaux, catalogue du mois d’avril 2020, newsletter de fin avril 2020 invitant le consommateur à réserver rapidement le produit au regard de l’importance de la demande.

La durée a toutefois été limitée puisque la société Fiddiam a cessé toute diffusion après l’assignation.

En conséquence, c’est par une juste évaluation du préjudice porté à l’intérêt collectif des consommateurs que le premier juge a fixé la provision allouée à 12.000 euros.

Il résulte par ailleurs de l’ensemble du dossier produit par la CLCV qu’elle a dû engager des frais importants pour faire constater les pratiques commerciales déloyales reprochées à l’appelante et mobiliser des moyens humains et matériels pour faire cesser ces pratiques.

Ces frais, distincts des sommes allouées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, justifient l’allocation d’une provision de 8.000 euros au titre de son préjudice associatif.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Fiddiam, partie perdante, sera tenue aux dépens de première instance et d’appel et condamnée au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne la société Fiddiam aux dépens d’appel ;

La condamne à payer à la confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande fondée sur ces dispositions.

Le Greffier, Le Président,

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