Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 23 février 2022, n° 19/11248

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 6, 23 févr. 2022, n° 19/11248
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/11248
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 1er octobre 2019, N° F18/09075
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 23 FEVRIER 2022

(n° 2022/ , 9 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11248 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA55P


Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/09075


APPELANT

Monsieur Y X

[…]

[…]


Représenté par Me Harry BENSIMON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524


INTIMEE

SARL LA PENA FESTAYRE

[…]

[…]


Représentée par Me Emmanuel HAIMEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A137

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 janvier 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :
- contradictoire,


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,


- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

M. X a été embauché par la SARL La Pena Festayre par contrat de travail à durée indéterminée le 1er mars 2006 à effet au même jour.


Il occupait le poste de serveur (statut employé).


La convention collective des cafés hôtels restaurants (HCR) était applicable.


L’effectif de la société est inférieur à 11 salariés.


Par courrier en date du 18 octobre 2018, la société a informé M. X de la cession de l’entreprise pour le 31 octobre suivant et l’a dispensé d’activité jusqu’à cette date.


Par courriel du 29 octobre 2018, M. X a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de la SARL La Pena Festayre.

M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 29 novembre 2018 sollicitant notamment de dire et juger que la prise d’acte de rupture de son contrat de travail devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et revendiquant diverses sommes et indemnités.


Par jugement en date du 2 octobre 2019, la juridiction prud’homale l’a débouté de l’intégralité de ses demandes.


Celui-ci a fait appel le 12 novembre 2019.


Aux termes de ses ultimes conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 10 février 2020, auxquelles il est expressément fait référence, M. X présente les demandes suivantes':


- infirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Paris du 2 octobre 2019 en ce qu’il a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes


- confirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Paris du 2 octobre 2019 en ce qu’il a débouté la SARL La Pena Festayre de l’ensemble de ses demandes


Statuant à nouveau


-dire et juger que la prise d’acte de rupture de son contrat de travail par M. X aux torts exclusifs de la SARL La Pena Festayre doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- fixer la moyenne de salaire de M. X à hauteur de 4 427,27 euros


En conséquence :


- condamner la SARL La Pena Festayre à régler à M. X les sommes suivantes :
- 14 999,43 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.


- 48 700,02 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- 8 854,55 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis


- 885,46 euros à titre de congés payés y afférents


- 25 087, 92 euros au titre des heures supplémentaires réalisées entre les mois d’octobre 2016 et juillet 2018.


- 4 489,28 euros au tire des rappels d’heures supplémentaires entre 5 heures et 5 heures 30 les samedis et dimanches matin


- 26 563,65 euros au titre de l’indemnisation du fait du travail dissimulé


- 53 127,29 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral, financier et physique


- 3 500,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


- condamner la SARL La Pena Festayre à remettre à M. X son attestation pôle emploi faisant état du licenciement, sans délai à compter du jugement et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.


- condamner la SARL La Pena Festayre à remettre à M. X son certificat de travail et son reçu de solde de tout compte signés par la SARL La Pena Festayre, sans délai à compter du jugement et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document.


- assortir les sommes ci-dessus des intérêts moratoires au taux légal à compter de la date de la présente requête.


- ordonner la capitalisation des intérêts échus.


- condamner la SARL La Pena Festayre aux dépens de l’instance.


Aux termes de ses ultimes conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 3 mai 2020, auxquelles il est expressément fait référence, la société La Pena Festayre présente les demandes suivantes':


- confirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Paris du 2 octobre 2019 en ce qu’il a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes et en ce qu’il a constaté que la prise d’acte de ce dernier en date du 29 octobre 2018 doit s’analyser comme étant une démission ;


En conséquence :


- débouter M. X de sa demande visant à obtenir la qualification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;


- qualifier la rupture du contrat de travail de M. X comme étant une démission ;


- débouter M. X de ses demandes visant à obtenir la condamnation de la société La Pena Festayre à lui verser les sommes de :

' 14 999,43 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
' 48 700,02 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 8 854,55 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

' 885,46 euros à titre de congés payés afférents

' 25 087, 92 euros au titre des heures supplémentaires réalisées entre les mois d’octobre 2016 et juillet 2018.

' 4 489,28 euros au titre des rappels d’heures supplémentaires entre 5 heures et 5h30 les samedis et dimanches matin

' 26 563,65 euros au titre de l’indemnisation du fait du travail dissimulé

' 53 127,29 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, financier et physique

' 3 500,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


- Débouter M. X de sa demande visant à l’obtention de documents sociaux et attestation pôle emploi sous astreinte,


- Débouter M. X de sa demande d’intérêts moratoires au taux légal et capitalisation des intérêts.


- Débouter M. X de l’ensemble de ses demandes ;


Sur l’appel incident formé par la SARL La Pena Festayre :


- infirmer le jugement du conseil des prud’hommes de Paris du 2 octobre 2019 en ce qu’il a débouté la SARL La Pena Festayre de ses demandes reconventionnelles ;


En conséquence :


- condamner M. X à verser à la SARL La Pena Festayre la somme de 7.371 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;


- condamner M. X à verser à la SARL La Pena Festayre la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;


- condamner M. X à verser à la SARL La Pena Festayre la somme de 3.000 euros à titre d’article 700 du code de procédure civile.


- condamner M. X aux entiers dépens.


L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2021.

MOTIFS

Sur la prise d’acte


La prise d’acte est un mode de rupture du contrat par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des griefs qu’il impute à son employeur. Pour que cette prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. C’est au salarié, et à lui seul, qu’il incombe d’établir les faits allégués à l’encontre de l’employeur. S’il n’est pas en mesure de le faire ou s’il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l’appui de sa prise d’acte, celle-ci doit produire les effets d’une démission. Le contrôle de la juridiction porte sur l’ensemble des faits invoqués par le salarié.


Au soutien de son courrier de prise d’acte du 29 octobre 2018, M. X invoque successivement:


- des dépassements de la durée maximale du travail journalier,


- de nombreuses heures supplémentaires effectuées depuis octobre 2016 non rémunérées,


- des pressions subies depuis plusieurs mois, des manquements à l’obligation de sécurité, et l’application d’une dispense de travail injustifiée.


Aux termes de ses ultimes conclusions, M. X a ajouté que la société La Pena Festayre avait été défaillante dans le paiement régulier de ses salaires. Il soutenait que celle-ci lui versait son salaire très irrégulièrement, entre le 2 et le 17 du mois suivant, selon son bon vouloir.


Sur le premier point, M. X écrivait dans son courrier': «'Depuis que nos relations se sont dégradées, mes horaires de travail officiels sont actuellement les suivants :

- Tous les jeudis de 11 heures à 2 heures du matin le vendredi suivant avec deux pauses d’une demi-heure chacune, soit 14 heures consécutives de travail ;

- Tous les vendredis de 16 heures à 5 heures du matin le samedi suivant avec une pause de 30 minutes, soit 12h30 consécutives de travail ;

- Tous les samedis de 16 heures à 5 heures du matin le dimanche suivant avec une pause de 30 minutes, soit 12h30 consécutives de travail ;

Etant précisé que si l’établissement la PENA FESTAYRE ferme effectivement au public à 5 heures du matin les vendredis, samedis, dimanches, mon service n’est alors pas terminé puisque font partie de mes attributions de faire les caisses et de faire pointer l’ensemble des salariés, de sorte que mon travail se termine réellement vers 5 heures 30 les samedis et dimanches matin.

Le professionnalisme avec lequel j’exerce mes fonctions a toujours été salué non seulement par toi et mes collègues mais aussi par les fournisseurs et les clients de la PENA FESTAYRE.

Or, tu n’es pas sans savoir que la PENA FESTAYRE commet des manquements suffisamment graves à mon encontre et qui empêchent manifestement la poursuite de mon contrat de travail, notamment :

- D’une part, je te rappelle que la convention collective applicable fixe à 11 heures 30 la durée maximum du travail journalier.

Or, compte tenu des horaires que je réalise depuis des années toutes les semaines, cette durée n’est manifestement pas respectée.'»


Ces déclarations sont néanmoins contredites par':


- les feuilles de présence signées par le salarié et produites par l’employeur pour les années 2016 et 2017 qui démontrent que ses horaires étaient les suivants':

. jeudi : 15h00 à 02h30, déduction faite de 1 heure de pause, soit 10h30 de travail quotidien, . vendredi de 16h00 à 4h30, déduction faite de 1h30 de pause, soit 11h00 de travail quotidien,

. samedi de 16h00 à 4h30, déduction faite de 1h30 de pause, soit 11h00 de travail quotidien (pièce 21 de la société)


- le tableau des horaires effectués (pièce 27)


- le décompte d’heures de l’employeur (pièce 18) corroboré par les attestations de l’ancien gérant (pièces 19 et 22) attestant de ce que depuis janvier 2018, les horaires de travail de M. X étaient les suivants :


- mercredi de 14h00 à 17h00 pour gérer les réservations ;


- jeudi : 09h00-12h00 (réception des marchandises) puis 17h-2h, soit 12 heures dont à déduire une pause de 45 minutes pour manger le soir et une pause de 15 minutes, soit un temps de travail effectif de 11h00 ;


- vendredi : 16h30 ' 5h00, soit 12h30 dont à déduire une pause de 45 minutes pour manger le soir et trois pauses de 15 minutes, soit un temps de travail effectif de 11h00 ;


- samedi : 16h30 ' 5h00, soit 12h30 dont à déduire une pause de 45 minutes pour manger le soir et trois pauses de 15 minutes, soit un temps de travail effectif de 11h00. (pièces n°18, 19 et 22).


- les attestations de témoins indiquant que le planning hebdomadaire était de 11h journalier, affiché au vestiaire, et incluant des pauses (pièces 13, 25 et 34)


Les photocopies de décomptes des heures par employé produites par M. X dans sa pièce n°11 ne sont pas probantes pour leur part dès lors que certaines d’entre elles ne sont pas lisibles – l’ensemble l’étant difficilement – ne visent de manière parcellaire que certains jours de septembre et octobre 2018, sont dépourvues de la signature de l’employeur, et le plus souvent du salarié lui-même.

M. X ne saurait davantage soutenir qu’il aurait été tenu de compter la caisse après sa journée de travail alors que cela est précisément démenti par l’ancien gérant ainsi que plusieurs salariés de la société (pièces 26, et 29 à 31).


Le manquement tiré de l’amplitude de la journée de travail ne saurait donc être retenu.


Le deuxième manquement reproché concerne le non-paiement d’heures supplémentaires formulé dans les termes suivants': «'D’autre part, je suis contraint d’effectuer de très nombreuses heures supplémentaires en raison de la charge de travail et du manque de personnel mais ces heures ne sont pas rémunérées ni inscrites par toi sur le planning alors que tu sais parfaitement que ces heures sont ou ont été effectuées.

o En effet, à compter du mois d’octobre 2016, tu m’as attribué de nouvelles fonctions notamment gestion du téléphone portable et des mails de la PENA FESTAYRE, afin de gérer notamment les demandes de devis et les réservations des clients, sans pour autant modifier mon contrat de travail.

Dans ces conditions, j’étais contraint de travailler environ 3 heures par jour du lundi au mercredi, alors que j’étais en repos, étant précisé que je continuais à réaliser en outre les 41 heures de travail entre le jeudi et le dimanche de chaque semaine.

Je travaillais ainsi 9 heures par semaine, heures qui n’ont jamais été rémunérées, et ce malgré mes multiples relances en ce sens. Au mois de juillet 2018, tu as décidé de me retirer ces nouvelles fonctions, sans explication, en reprenant notamment le téléphone portable de la PENA FESTAYRE.

Aussi, j’ai réalisé 858 heures supplémentaires entre le mois d’octobre 2016 et le mois de juillet 2017 pour la gestion du téléphone et des mails, et qui n’ont jamais été payées.

o En outre, je te rappelle que je termine mon service les samedis et dimanches matin à 5 h 30 et non à 5 heures, comme je te l’ai déjà expliqué, ce qui ouvre droit au paiement d’heures supplémentaires que tu ne m’as jamais payées malgré mes demandes répétées.'»

M. X expose avoir travaillé en moyenne 9 heures supplémentaires par semaine (du lundi au mercredi), soit 51 heures hebdomadaires et produit aux débats les mails envoyés pendant ses jours de repos ainsi que des textos échangés avec les clients ou le gérant de la SARL La Pena Festayre.


Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.


Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

M. X expose avoir travaillé en moyenne 9 heures supplémentaires par semaine (du lundi au mercredi), soit 51 heures hebdomadaires. Il ajoute qu’il aurait réalisé 858 heures supplémentaires entre le mois d’octobre 2016 et le mois de juillet 2017, mais outre le fait qu’il s’agisse de faits anciens, il ne produit aucun décompte à cet égard et ses demandes restent donc très vagues.


Il produit aux débats les mails envoyés pendant ses jours de repos ainsi que des textos échangés avec les clients ou le gérant de la SARL La Pena Festayre pendant ses jours de repos et en dehors de ses heures de travail (ses pièces 8 et 17).


Force est de relever que ces éléments sont dénués de toute précision, s’agissant de messages très brefs, dépourvus de toute cohérence d’ensemble et qui ne permettent manifestement pas de rendre compte d’un travail pour le compte de la société. Il est encore moins permis d’en conclure qu’il se serait agi d’heures de travail non rémunérées.


Ici encore ce moyen devra être rejeté.


Sur le troisième grief tiré des pressions subies, M. X écrivait': «' c’est avec les plus grandes surprise et déconvenue que j’ai reçu ta lettre en date du 18 octobre 2018, que tu m’as remise en mains propres, par laquelle tu m’indiquais que tu me dispensais de tout travail jusqu’au 31 octobre 2018, date de la cession des tes parts de la PENA FESTAYRE sans d’avantage étayer tes propos et sans que cette dispense ne soit assimilable à une sanction ou à une prise de congés payés.

J’ai, comme tu le sais, immédiatement contesté cette dispense de travail mais tu n’as pas cru bon de devoir y faire suite. Je suis actuellement toujours dispensé de tout travail.

Par ailleurs, je subi des pressions depuis quelques mois au sein de la PENA FESTAYRE de ta part me plaçant dans une situation particulièrement pénible (') A cause de la pression exercée par la PENA FESTAYRE et les nombreux manquements à son obligation de sécurité de résultat en tant qu’employeur, je suis aujourd’hui physiquement et moralement à bout. »

M. X expose que la dispense de travail est injustifiée et ne peut s’analyser ni comme une sanction, ni comme des congés payés, de sorte que la société La Pena Festayre aurait manqué à son obligation fondamentale de fournir à son salarié une prestation de travail suffisante.


Il est constant que l’obligation première de l’employeur est de fournir du travail à son salarié et qu’il ne peut unilatéralement le dispenser d’activité sauf disposition légale.


Néanmoins, il convient d’observer en l’espèce que cette dispense, dont il n’est pas discuté qu’elle s’est appliquée sur une courte durée, s’est accompagnée d’un maintien du salaire et des avantages sociaux, n’a pas été prononcée à titre de sanction, et s’est inscrite dans un contexte de cession de l’entreprise au profit d’un repreneur'; le salarié ayant indiqué dans son courrier du 26 octobre 2018 qu’il se présenterait comme convenu sur son «'lieu de travail'» le 1er novembre suivant à 11h.


Ces éléments contextuels ôtent tout caractère de gravité aux faits, qui sont au demeurant apparus complètement isolés dans le déroulement de la relation contractuelle. Ils ne peuvent donc en tant que tels justifier une prise d’acte.


Enfin, M. X ne détaille pas les pressions qu’il aurait subies aux termes de ce troisième grief, étant précisé que les moyens tirés du défaut de respect de l’amplitude horaire et des heures supplémentaires non rémunérées se sont révélés infondés, ainsi que développé ci-dessus.


Aux termes d’un quatrième grief, M. X reproche à son employeur un retard dans le paiement des salaires.


L’examen des pièces versées aux débats faisant apparaître les dates de virement des salaires de M. X ainsi que les bulletins de paie (pièces 15 et 23 de l’employeur) démontrent que le salarire a toujours été versé mensuellement, en conformité avec les dispositions tirées de l’article L. 3242-1 du code du travail.


Ce moyen sera donc également rejeté.


Il résulte abondamment de tout ce qui précède que les éléments invoqués par M. X au soutien de sa prise d’acte se révèlent injustifiés et dès lors celle-ci doit s’analyser comme étant une démission. Ce dernier sera donc débouté de ses moyens contraires ainsi que de l’intégralité de ses prétentions financières, le jugement entrepris étant confirmé de ces chefs.


La prise d’acte de la rupture du contrat qui n’est pas justifiée produit les effets d’une démission et il en résulte que le salarié doit à l’employeur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis résultant de l’application de l’article L. 1237-1 du code du travail.


En application de articles L. 1234-1 et L. 1234-2 du code du travail, la durée du délai congé varie en fonction de l’ancienneté du salarié et avec une ancienneté supérieure à 2 ans, comme tel est le cas en l’espèce, cette durée est de 2 mois.


Le salaire mensuel brut de M. X doit être fixé à la somme de 3.685,73 euros.


Celui-ci est redevable envers la société de deux mois de préavis et sera condamné à lui verser de ce chef le montant correspondant soit 7.371 euros (2 X 3.685,73 euros).


Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.


En revanche, il n’est pas démontré que M. X ait manqué à son obligation de loyauté et dès lors la demande indemnitaire formée de ce chef sera rejetée.


Il sera condamné au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande de la société La Pena Festayre au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.

Statuant à nouveau de ce seul chef,

CONDAMNE M. X à payer à la SARL La Pena Festayre la somme de 7.371 euros.


Y ajoutant,

CONDAMNE M. X à payer à la SARL La Pena Festayre la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. X aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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