Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 10, 18 décembre 2023, n° 21/14898

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 10, 18 déc. 2023, n° 21/14898
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/14898
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Bobigny, 23 juin 2021, N° 19/06357
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 15 janvier 2024
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 10

ARRÊT DU 18 DECEMBRE 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/14898 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEG4H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2021 – TJ de Bobigny – RG n° 19/06357

APPELANT

DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS [Localité 3] FRET

agissant par son Directeur Régional domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Julien FOURNIER de la SELARL ASTORIA – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C315

Assistée de Me Nabil HARMACH, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.S. AUDIOVISUEL ASSISTANCE SERVICE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 2]

immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 411 021 637

Représentée par Me Alexandre CELSE, avocat au barreau de PARIS, toque P0582

PARTIE INTERVENANTE :

Etablissement Public DIRECTION REGIONALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECT S [Localité 3] FRET

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Alexandre CELSE, avocat au barreau de PARIS, toque P0582

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre,

MARINE BILLIAERT, Vice-Présidente placée,

Edouard LOOS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signée par Christine SIMON-ROSSENTHAL, et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Audiovisuel Assistance Service a importé en France des équipements audionumériques et notamment les appareils Omnia 1, Omnia 9 et Omnia 11.

Le 24 juillet 2014, le bureau des douanes de [Localité 3]-Sogaris a initié un contrôle ex-post sur quatre déclarations d’importation déposées par la société Audiovisuel Assistance Service au cours des mois de mars, avril et juin 2014 concernant ces trois types d’appareil qui faisaient état d’une position tarifaire 8517 62 00 90 « appareils pour la réception, la conversion et l’émission, la transmission ou régénération de la voix, d’images ou d’autres données, y compris les appareils de communication et de routage », exemptés de droits de douane.

L’administration des douanes a considéré que ces marchandises relevaient de la position 8543 70 90 00 correspondant aux « machines et appareil ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent chapitre » assorties de droits de douane de 3,7 %.

Par un avis de résultat de contrôle du 11 juin 2015, l’administration des douanes a informé la société Audiovisuel Assistance Service que ces faits étaient susceptibles de constituer une fausse déclaration d’espèce et de générer une dette de droits de douanes d’un montant de 8 154 euros ainsi qu’une dette de TVA d’un montant de 1 432 euros.

Par procès-verbal du 13 octobre 2015, les agents des douanes ont notifié à la société une infraction qualifiée de fausse déclaration d’espèce et lui ont transmis un avis de paiement de 9 586 euros (8 154 euros de droits de douane et 1 432 euros de TVA éludée).

La société a saisi la Commission de Conciliation et d’Expertise Douanière (CCED) le 7 décembre 2015 afin qu’elle se prononce sur le classement tarifaire à retenir. Celle-ci a, par avis du 27 mars 2018, indiqué que les marchandises soumises à son examen relevaient de la position tarifaire 8543 70 90 99.

Le 22 juin 2018, la société a déposé une demande de remboursement fondée sur l’article 117 du code des douanes de l’Union pour les sommes qu’elle considérait avoir payées à tort.

Par lettres des 14 février et 12 mars 2019, l’administration des douanes a informé la société que cette demande n’était pas recevable en ce qu’elle avait été déposée plus de trois ans après la date de communication des droits, conformément à l’article 236 du code des douanes communautaire en vigueur au moment de la naissance de la dette douanière.

Par exploit d’huissier du 19 juin 2020 la société Audiovisuel assistance service a assigné l’administration des douanes devant le tribunal judiciaire de Bobigny en annulation de la décision de rejet prise par la DRDDI de [Localité 3] Fret-[Localité 3] pôle gestion des procédures en date du 28 février 2020 de sa contestation du 18 octobre 2019 et de l’avis de mise en recouvrement n°783/19/S30 du 31juillet 2019 consécutif au procès-verbal de notification d’infraction du 17 juillet 2010.

Par jugement du 24 juin 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a statué comme suit :

— annule la décision de rejet de la DRDDI de [Localité 3] Fret du 12 mars 2019 relative à la demande de remboursement n°201800015126 ;

— condamne la DRDDI de [Localité 3] Fret à procéder au remboursement de la somme de 8154 euros correspondant au montant de droits de douane versés à tort par la société Audiovisuel Assistance Service ;

— condamne la DRDDI de [Localité 3] Fret à payer à la société Audiovisuel Assistance Service la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration du 29 juillet 2021, la DRDDI de [Localité 3] Fret a interjeté appel de ce jugement.

Par dernière conclusion signifiées le 6 janvier 2023, la DRDDI de [Localité 3] Fret demande à la cour, au visa des articles 221 et 236 du code des douanes communautaires, 447 du code des douanes, 700 du code de procédure civile, des notes explicatives de la nomenclature combinée, des notes explicatives du système harmonisé, d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— annulé la décision de rejet de la DRDDI de [Localité 3]-Fret du 12 mars 2019 relative à la demande de remboursement n°201800015126 ;

— condamné la DRDDI de [Localité 3] Fret à procéder au remboursement de la somme de 8 154 euros correspondant au montant de droits de douane versés à tort par la société Audiovisuel Assistance Service ;condamné la DRDDI de [Localité 3] Fret à payer à la société Audiovisuel assistance service la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

et de le confirmer en ce qu’il a rejeté les prétentions de la société Audiovisuel assistance sur la violation alléguée du principe du contradictoire.

Statuant à nouveau,

A titre principal, juger que la demande de remboursement de la société Audiovisuel Assistance Service est prescrite et donc irrecevable pour avoir été déposée au-delà du délai de trois ans prévu par l’article 236 du code des douanes communautaires ;

A titre subsidiaire, juger que les marchandises litigieuses doivent être classées à la position 8543 70 90 99 et confirmer la décision de rejet de l’administration des douanes du 12 mars 2019 ;

En tout état de cause, débouter la société Audiovisuel assistance service de l’intégralité de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

Par dernière conclusions signifiées le 5 janvier 2023, la société Audiovisuel Assistance Service demande à la cour, au visa des articles 909 du code de procédure civile, 221 et 236 du code des douanes communautaire, 17 du code des douanes de l’Union, 67A du code des douanes nationales, du règlement d’exécution (UE) n° 1001/2013 de la Commission du 4 octobre 2013, des notes explicatives de la nomenclature combinée de l’Union européenne 2011/C 137/01 et des pièces produites, de :

— Déclarer recevable l’appel incident de la société ;

— Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il ne se prononce pas sur la violation du principe du contradictoire soutenue par la société,

— Confirmer ledit jugement pour le surplus en ce qu’il a :

— Annulé la décision de rejet de la DRDDI de [Localité 3] Fret du 12 mars 20019 relative à la demande de remboursement n°201800015126 ;

— Condamné la DRDDI de [Localité 3] Fret à procéder au remboursement de la somme de 8 154 euros correspondant au montant de droits de douane versés à tort par la société Audiovisuel Assistance Service ;

— Condamné la DRDDI de [Localité 3] Fret à payer à la société Audiovisuel Assistance Service la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

En conséquence,

— Débouter l’administration de l’ensemble de ses demandes ;

— Annuler la décision de rejet de la DRDDI de [Localité 3] Fret du 12 mars 2019 relative à la demande de remboursement n°201800015126 ;

— Condamner l’administration des douanes à procéder au remboursement de la somme de 8 154 euros correspondant au montant de droits de douanes versés à tort par la société Audiovisuel Assistance Service ;

— Condamner l’administration à payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande des droits de remboursement à l’importation

L’administration fiscale soutient, au visa des articles 236 et 221 paragraphe 1 du code des douanes communautaires que la demande de remboursement des droits à l’importation est irrecevable aux motifs qu’elle n’a pas été formée dans le délai de 3 ans à compter de la date de communication des droits au débiteur. Elle expose qu’une dette douanière peut tout à fait être communiquée à un redevable par un avis de résultat d’enquête ou de contrôle qui a pour effet de communiquer à celui qui reçoit le montant de la dette douanière, de sorte que la date à retenir ici est la date de réception de l’envoi de cet avis daté du 11 juin 2015, soit le 16 juin 2015 de sorte que la société Audiovisuel Assistance Service avait jusqu’au 16 juin 2018 pour déposer sa demande de remboursement et que la demande déposée le 22 juin 2018 est tardive et donc irrecevable.

La société Audiovisuel Assistance Service soutient, au visa des articles 236 et 221 paragraphe 1 du code des douanes communautaires, que la demande est recevable au motif qu’elle n’est pas prescrite. Elle expose que la communication du montant des droits doit avoir été précédée de sa prise en compte ; que l’avis de résultat du 11 juin 2015 mentionne expressément que le montant de la dette douanière lui sera communiqué par avis de paiement après rédaction d’un procès-verbal de notification d’infraction ; que la date de la notification de l’avis de paiement du montant de la dette douanière est le 13 octobre 2015 et qu’elle avait donc jusqu’au 13 octobre 2018 pour déposer sa demande de remboursement relative aux droits de douane. Elle soutient que sa demande de remboursement a été effectuée pour la première fois par courrier le 30 mai 2018 et transférée par le pôle d’action économique de la DRDDI de [Localité 3] Fret au service [Localité 3] Pôle gestion des procédures le 7 juin 2018 de sorte qu’elle est recevable.

Ceci étant exposé, en application des articles 236 et 221 du code des douanes communautaires, la demande de remboursement des droits à l’importation doit, à peine d’irrecevabilité, être formée dans le délai de trois ans à compter de la communication des droits à l’intéressé, cette communication des droits devant être précédée de sa prise en compte.

L’avis de résultat du contrôle du 11 juin 2015 mentionne expressément : « Je vous invite à communiquer au service vos observations écrites quant au résultat du contrôle. Celles-ci, ainsi que tout justificatif ou document probant, devront parvenir au service dans un délai de 30 jours à compter de la notification du présent avis afin de lui permettre de statuer sur les suites à réserver aux constatations du contrôle. A défaut de réponse satisfaisante de votre part ou en l’absence de production d’observations dans ce délai, le montant de cette dette douanière vous sera communiqué par avis de paiement après rédaction d’un procès-verbal de notification d’infraction susceptible d’engager votre responsabilité pénale dans cette affaire. » de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges ont noté que que l’administration considérait que la communication des droits n’était pas encore réalisée au 11 juin 2015.

Le tribunal a donc considéré que l’avis de résultat constituait la prise en compte préalable par l’administration des douanes et que la communication des droits n’avait été réalisée que le 13 octobre 2015 par la notification de l’avis en paiement, de sorte que la demande de remboursement formée le 27 juin 2018, soit moins de trois ans après cette communication est recevable.

Cependant il convient de souligner que l’établissement d’une dette douanière implique le calcul du montant des droits dus et l’inscription de ce montant dans les écritures comptables locales. La date d’inscription dans la comptabilité est donc considérée comme la date à laquelle la dette douanière est constatée. Elle est ensuite notifiée au débiteur. Cette prise en compte doit être préalable à la notification des droits au débiteur

Force est de constater qu’en l’espèce, l’administration des douanes ne justifie pas de la prise en compte de la dette douanière alléguée dans ses écritures comptables et encore moins que cette prise en compte serait préalable à la notification des droits à la société intimée.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a estimé la demande de remboursement recevable.

Sur le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire

La société Audiovisuel Assistance Service invoque la violation du principe du contradictoire au motif que la CCED a retenu que les appareils litigieux ne constituaient pas à eux seuls une unité fonctionnelle, argument contre lequel elle n’a pas pu faire valoir sa position et qui ne peut avoir été soutenu que par l’administration des douanes, le CCED n’ayant pas les moyens de réaliser des analyses des produits et n’ayant ordonné aucune expertise.

Elle verse aux débats une lettre adressée le 3 avril 2018 par son conseil à la CCED qui fait mention du fait qu’elle n’a pas été rendue destinataire du mémoire en réplique de l’administration à son mémoire en défense du 21 mars 2018.

Elle invoque l’article 67 A du code des douanes. Elle sollicite l’infirmation du jugement entrepris lui faisant grief de n’avoir pas répondu au moyen soulevé.

L’administration des douanes réplique qu’il n’y a eu aucune violation au principe du contradictoire au motif que l’intimée n’apporte pas la preuve que l’administration aurait développé un argument nouveau tenant à l’utilisation de la notion d’unité fonctionnelle devant la CCED contre lequel l’intimée n’aurait pas été en mesure de se défendre. Elle fait valoir que la CCED indique n’avoir reçu aucun argument nouveau de la part de l’administration des douanes et qu’il n’existe aucun mémoire occulte. Elle indique que le tribunal a bien répondu au moyen en soulignant qu’il n’appelait pas de réponse.

Ceci étant exposé, le tribunal a indiqué que l’existence d’un mémoire occulte n’était pas établie, que l’avis de la CCED n’attribuait pas l’argument litigieux à l’administration et que la société Audiovisuel Assistance Service ne tirait aucune conclusion juridique explicite du moyen soulevé ce qui n’appelait donc pas de réponse du tribunal.

Il résulte de la réponse apportée par la CCED le 16 avril 2018 au courrier que lui a adressé le conseil de la société Audiovisuel Assistance Service le 3 avril 2018, que « Les arguments de l’administration des douanes ont été exposés par oral devant la Commission, sans que vous fassiez valoir quelque exception que ce soit. »

Ainsi, l’existence d’un mémoire de l’administration qui n’aurait pas été communiqué au conseil de la société n’est pas établie, la lettre du conseil de l’intimée du 3 avril 2018 n’étant pas de nature à constituer une preuve dans la mesure où son auteur se contente d’affirmer, sans le prouver, que ce mémoire existe. Il est ajouté que la CCED n’a pas attribué à l’administration l’argument litigieux. En outre, l’article 67A du code des douanes n’est pas applicable en l’espèce dès lors qu’il concerne le droit d’être entendu pendant la procédure contradictoire préalable à l’émission d’un procès-verbal d’infraction qui, en l’espèce, a été notifié le 13 octobre 2015 alors que la CCED a été saisie postérieurement le 7 décembre 2015.

Enfin, l’intimée ne tire aucune conclusion juridique du moyen soulevé si ce n’est qu’elle forme une demande d’infirmation du jugement en une disposition inexistante puisqu’elle reproche au tribunal de n’avoir pas statué sur une demande qui ne constituait pas, en outre, une prétention au sens de l’article 954 du code de procédure civile.

Ce moyen sera dès lors écarté.

Sur la classification tarifaire

L’administration des douanes soutient qu’il y a erreur de classement des marchandises importés litigieux au motif que les appareils Omnia 1, Omnia 9 et Omnia 11 importés par la société Audiovisuel Assistance Service ont plusieurs fonctions de traitement des signaux de l’audio. Dès lors, par assimilation aux égaliseurs audio puisqu’ils ont tous deux pour fonction de traiter ou d’éditer le son, les appareils litigieux relèvent de la position tarifaire 8543. Ils sont des appareils de traitement du son. Elle fait valoir que les trois appareils sont configurés pour réaliser des traitements des signaux audio avant de les transmettre sur un réseau extérieur et ne contiennent ni récepteur, ni émetteur de radiodiffusion. La fonction de traitement audio va au-delà du triptyque réception/conversion/transmission des appareils de la position 8517 60 00 à partir des sources auxquelles les appareils sont connectés pour ensuite les transmettre à d’autre dispositifs externes. Ils ne sont donc pas destinés à être seulement utilisés comme interface pour la réception et/ou la transmission de données au sein d’un réseau. Par ailleurs l’appareil Omnia 1 présente une fonction de convertisseur de données. Elle fait valoir que les deux avis de classement de l’Organisation Mondiale des Douanes dont se prévaut l’intimée n’ont qu’une valeur indicative et ne sont pas transposables aux produits litigieux.

Elle fait valoir que le classement qu’elle a retenu a été confirmé par la Commission de Conciliation et d’Expertise Douanière. Elle invoque deux règlements UE qui ont force exécutoire et qui classent à la sous-position 8543 des appareils qui offrent des fonctions de reproduction, de mixage et d’édition du son. Elle fait valoir que le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 23 juin 2022 dont se prévaut l’intimée n’est pas définitif puisqu’un appel est en cours.

Elle fait valoir que les notes explicatives de la nomenclature combinée de la position 8517 62 00 indiquent expressément que cette position : « vise les appareils comprenant dans un même meuble ou coffret tous les éléments nécessaires à l’émission et à la réception ou s’ils se situent dans des meubles ou coffrets différents, les appareils constituant une unité fonctionnelle ». Or en l’espèce, les marchandises ne sont pas des unités fonctionnelles ce qui a pour effet de les exclure de la sous-position 8517 62 00.

Elle soutient que, dans son avis du 27 mars 2018, la Commission de Conciliation et d’Expertise Douanière a constaté que les marchandises litigieuses n’étaient pas des unités fonctionnelles et que cette constatation matérielle lie le juge conformément aux dispositions de l’article 447 du code des douanes qui disposait que : « Les constatations matérielles et techniques faites par la commission, relatives à l’espèce ou l’origine des marchandises litigieuses ou servant à déterminer la valeur d’une marchandise, sont les seules qui peuvent être retenues par le tribunal. »

La société Audiovisuel Assistance Service soutient que le classement d’un produit sous la position 8543 n’est envisageable que s’il n’est pas possible de classer ce produit sous une autre position de ce chapitre 85. Selon les avis du classement de l’OMC, par application de la règles générales 1 et 6 pour l’interprétation de la nomenclature combinée, sont classés sous la sous-position tarifaire 8517 62 les multiplexeurs numériques et le démultiplexeur lorsque ces derniers réceptionnent, convertissent ou procèdent à l’encodage de signaux vidéos d’entrée en trains de signaux de sortie différents, puis les transmettent. En l’espèce les appareils Omnia 1, Omnia 9 et Omnia 11 ont pour fonction de réceptionner un signal audio, de convertir en signal MPX puis de le transmettre, permettant, ainsi la réception, la conversion puis la transmission de la voix et qu’en conséquence, ils doivent être classés sous la sous-position tarifaire 8517 62.

Elle fait valoir que lors de la séance du 27 mars 2016 devant la CCED, l’administration des douanes a reconnu que le traitement des données ne constituaient pas la fonction principale des produits litigieux, contrairement à ce qui avait été soutenu par cette dernière lors du contrôle. Les appareils concernés ont pour fonction la réalisation de l’encodage du signal MPX nécessaire à la diffusion des programmes radiophoniques et n’ont pas pour fonction unique le traitement du son.

Elle soutient que l’avis de la CCED n’est pas contraignant dans la mesure où celle-ci n’a pas été mise en possession des marchandises et n’a procédé à aucune constatation matérielle ou technique.

Ceci étant exposé, selon les règles générales pour l’interprétation de la nomenclature combinée du règlement d’exécution (UE) n° 1001/2013 de la Commission du 4 octobre 2013 applicable en l’espèce (ci-après dénommé NC 2014), le classement des marchandises dans la nomenclature combinée est effectué conformément aux principes ci-après :

« 1. Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.

(')

6. Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette règle, les notes de sections et de chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »

La position tarifaire 8517 recouvre :

« Postes téléphoniques d’usagers, y compris les téléphones pour réseaux cellulaires et pour autres réseaux sans fil ; autres appareils pour l’émission, la transmission ou la réception de la voix, d’images ou d’autres données, y compris les appareils pour la communication dans un réseau filaire ou sans fil (tel qu’un réseau local ou étendu), autres que ceux des n° 8443, 8525, 8527 ou 8528. »

La sous-position tarifaire 8517 62 00 recouvre :

« Appareils pour la réception, la conversion et l’émission, la transmission ou la régénération de la voix, d’images ou d’autres données, y compris les appareils de communication et de routage. »

Ils sont exonérés de droits de douanes.

Selon les notes explicatives de la nomenclature combinée de l’Union européenne de 2011 applicables en l’espèce (ci-après dénommée NENC 2011) relatives à la sous-position tarifaire 8517 62 00 9 :

« La présente sous-position couvre deux groupes de machines :

1. les machines pour la réception, la conversion et la transmission de la voix, des images ou d’autres données ;

2. les machines pour la régénération de la voix, des images ou d’autres données.

(') Relèvent également de ces sous-positions les ensembles dont les éléments émetteur et récepteur se trouvent dans des meubles ou coffrets différents, à la condition que ces ensembles constituent une unité fonctionnelle. Pour être considérés comme constituant une unité fonctionnelle, les appareils émetteurs-récepteurs doivent notamment être installés à proximité l’un de l’autre (par exemple dans un même immeuble ou à bord d’un même véhicule) et avoir certains éléments communs, par exemple l’antenne. »

Les notes explicatives du système harmonisé de la position 8543 précisent que :

« La présente position englobe, sous réserve qu’ils ne soient pas exclus par les notes de la section ou du présent chapitre, l’ensemble des machines et appareils électriques qui ne sont ni dénommés ni compris dans d’autres positions du chapitre, ni couverts plus spécifiquement par une position quelconque d’un autre chapitre. Sont à considérer comme des machines ou des appareils au sens de la présente position, les dispositifs électriques ayant une fonction propre ».

Elles précisent que sont spécifiquement inclus dans cette position : « 4) les appareils mélangeurs et égaliseurs audiophoniques ».

La sous-position tarifaire 8543 70 90 correspond aux « machines et appareil ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent chapitre » assortis de droits de douane de 3,7 %.

Les notes explicatives du système harmonisé de la position 8517 précisent que :

« Cette position couvre les appareils de communication pour l’émission, la transmission ou la réception de paroles ou d’autres sons, d’images ou d’autres données, entre deux points, par modulation d’un courant électrique ou d’une onde optique circulant dans un support filaire ou par ondes électromagnétiques dans un réseau sans fils ».

Il s’agit de déterminer si les appareils litigieux ont une fonction principale de réception, conversion et transmission de la voix relevant de la position tarifaire 8517 comme le soutient l’intimée ou de traitement de signaux audiophoniques relevant de la position tarifaire 8543, classification résiduelle à défaut de classification propre à la fonctionnalité, comme le soutient l’administration des douanes. Le classement d’un produit sous la position 8543 n’est envisageable que s’il n’est pas possible de classer ce produit sous une autre position de ce chapitre 85.

C’est pas des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a estimé que les appareils litigieux étaient insérés dans un processus global de réception, conversion et transmission de la voix et relevaient donc de la position tarifaire 8717 62 et que l’administration des douanes ne produisait aucun document technique susceptible d’établir que, nonobstant leur fonctionnalité globale de réception, conversion et transmission, leurs caractéristiques techniques justifieraient que leur seule fonction de traitement soit considérée comme principale et donc exclusive de la positon 8517.

Il est ajouté que les appareils litigieux n’ont pas pour fonction principale le traitement du son mais celle de réceptionner un signal audio, de le convertir en signal MPX puis de le transmettre, permettant ainsi la réception, la conversion puis la transmission de la voix. Aucun élément n’établit que la seule fonction de traitement soit considérée comme principale et exclusive de la position 8517. L’administration des douanes n’explique pas et n’établit pas en quoi les appareils litigieux ne constitueraient pas une unité fonctionnelle de nature à les exclure de la position 8517.

L’avis de la CCED ne peut, en l’espèce, revêtir un caractère contraignant dans la mesure où il ne résulte pas de cette décision que cette dernière aurait procédé à une constatation matérielle ou technique des produits ce dont il résulte qu’elle n’a fondé son avis que sur les arguments développés et les pièces produites aux débats par les parties.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a annulé la décision de rejet de l’administration des douanes et condamné celle-ci à rembourser à la société Audiovisuel Assistance Service la somme 8 154 euros correspondant aux droits de douane versés à tort par cette dernière.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’article 367 du code des douanes a été abrogé par la loi du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Le tribunal et la cour d’appel ayant été saisis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, il sera statué sur les dépens en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’administration des douanes qui succombe en ses demandes et en son appel, sera dès lors condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Le jugement déféré sera confirmé en sa disposition relative à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’administration des douanes sera déboutée de sa demande d’indemnité de procédure et condamnée, sur ce même fondement, à payer à la société intimée une indemnité de procédure de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la Direction régionale des douanes et des droits indirects de [Localité 3] Fret aux dépens de première instance et d’appel ;

DÉBOUTE la Direction régionale des douanes et des droits indirects de [Localité 3] Fret de sa demande d’indemnité de procédure,

CONDAMNE la Direction régionale des douanes et des droits indirects de [Localité 3] Fret à payer à la société Audiovisuel Assistance Service la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE

S.MOLLÉ C.SIMON-ROSSENTHAL

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 10, 18 décembre 2023, n° 21/14898