Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 25 novembre 2021, n° 19/03573

  • Paie·
  • Sociétés·
  • Données·
  • Référence·
  • Paramétrage·
  • Logiciel·
  • Prestataire·
  • Expertise·
  • Transfert·
  • Préjudice

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Stéphane Astier · Haas avocats · 14 novembre 2022

Par Stéphane Astier et Hugues Payen La fin des contrats informatiques est une source de nombreux litiges opposant clients et prestataires. D'un côté les clients se trouvent parfois confrontés à des situations de dépendance technologique et de grandes difficultés dans la récupération de données exploitables rendant la reprise des prestations extrêmement coûteuse et consommatrice de ressources. De l'autre les prestataires informatiques se voient régulièrement placés dans des cas où la fin de contrat suppose la mise en œuvre de prestations complémentaires non budgétées avec des demandes …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Pau, 2e ch - sect. 1, 25 nov. 2021, n° 19/03573
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 19/03573
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

JLG/ND

Numéro 21/4332

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRÊT DU 25/11/2021

Dossier : N° RG 19/03573 – N° Portalis DBVV-V-B7D-HNHZ

Nature affaire :

Demande en dommages-intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exécution

Affaire :

SAS BIASON

C/

SARL PAIE & RH SOLUTIONS

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 25 Novembre 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 27 Septembre 2021, devant :

Monsieur D-E F, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame B C, greffière présente à l’appel des causes,

D-E F, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur D-E F, Vice-Président placé par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 01 juillet 2021

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

SAS BIASON

immatriculée au RCS de Pau sous le […]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

Représentée par Me Christophe DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

SARL PAIE & RH SOLUTIONS

immatriculée au RCS de Pau sous le […]

[…]

[…]

Représentée par Me Grégory DEL REGNO de la SELARL MONTAGNÉ – DEL REGNO ASSOCIÉS, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 15 OCTOBRE 2019

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU

Exposé des faits et procédure :

La société Biason a confié à compter du 05 décembre 2008 à la société Paie & RH Solutions, le traitement des salaires, des déclarations sociales, ainsi que la gestion administrative du personnel avec d’autres prestations associées. Ce contrat a été renouvelé par tacite reconduction, puis un nouveau contrat a été signé le 10 octobre 2014 pour exclure des missions initiales des interventions ponctuelles en gestion sociale et en droit du travail. Pour l’exécution de ses prestations, la société Paie & RH Solutions utilise le logiciel de paie intitulé X.

A la suite d’un contrôle de l’Urssaf, la société Biason a fait l’objet d’un redressement d’un montant de 67.000 euros en raison de l’absence de dépôt auprès de la DIRECCTE d’un accord de participation que l’entreprise a signé avec ses salariés le 28 octobre 2010, et que la société Paie & RH Solutions a certifié avoir déposé auprès de cette administration. Une instance distincte est en cours concernant ce litige existant entre la société Biason et la société Paie &RH Solutions.

Par courrier du 5 août 2016, la société Paie & RH Solutions qui réfutait un quelconque manquement de sa part et refusait de faire une déclaration de sinistre dans le cadre de cet autre litige, a mis fin aux relations contractuelles liant les parties avec effet au 31 décembre 2016.

Se voyant contrainte d’un point de vue informatique de contracter avec un nouveau prestataire utilisant le même logiciel X, la société Biason a demandé à la société Paie & RH Solutions le transfert vers le cabinet BSF de toutes les données appartenant à ses différentes sociétés logées chez la société Paie & RH Solutions, sur la période allant de 2008 à 2016.

Estimant que la société Paie & RH Solutions n’avait pas restitué toutes les données qu’elle se devait de transmettre en application de la clause de réversibilité, et ce malgré une mise en demeure en ce sens de la société Biason, celle-ci a saisi le juge des référés afin d’obtenir la désignation d’un expert en informatique chargé d’évaluer l’incidence de la livraison partielle des données de paramétrage de la paie et ses conséquences, ainsi que de chiffrer le préjudice immatériel en résultant.

Selon une ordonnance de référé du 04 avril 2017, le Président du tribunal de commerce de Pau a ordonné une expertise et désigné Monsieur Z Y, expert, dont le rapport définitif a été déposé le 10 février 2018.

Par acte du 10 octobre 2018, la société Biason a assigné la société Paie & RH Solutions devant le tribunal de commerce de Pau aux fins de :

— condamner la société Paie & RH Solutions avec intérêts au taux légal au paiement d’une somme de 66.825 euros HT en réparation du préjudice subi par la société Biason ;

— condamner la société Paie & RH Solutions au paiement d’une somme de 9.000 euros sur la base de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société Paie & RH Solutions aux entiers dépens de l’instance, y compris l’intégralité des frais d’expertise, et de ses suites.

Par jugement du 15 octobre 2019, le tribunal de commerce de Pau a :

— condamné la société Paie & RH Solutions avec intérêts au taux légal au paiement d’une somme de 10.000 euros en réparation du préjudice immatériel subi par la société Biason et débouté la société Biason du surplus de sa demande de réparation ;

— débouté la société Paie & RH Solutions de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— condamné la société Paie & RH Solutions à payer à la société Biason la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions ;

— dit que les dépens y compris l’intégralité des frais d’expertise seront à la charge de la société Paie & RH Solutions dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 63,36 euros, en ce compris l’expédition du jugement.

Par déclaration en date du 08 novembre 2019, la société SAS Biason a relevé appel de ce jugement pour les dispositions ayant, d’une part, limité à 10.000 euros la réparation de son préjudice et l’ayant débouté du surplus de ses prétentions indemnitaires et, d’autre part, ayant fixé à la somme de 3.000 euros le montant des frais irrépétibles.

La clôture est intervenue le 09 juin 2021.

Prétentions et moyens des parties :

Par conclusions notifiées le 1er juillet 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de son argumentation, la société SAS Biason demande à la cour de :

— dire recevable et bien fondé l’appel interjeté par la société Biason ;

Y faisant droit, réformer la décision de première instance, et au visa des dispositions des articles 1103 et suivants, ensemble 1231-1 du Code Civil, des fautes commises par la société Paie & RH Solutions, et du rapport d’expertise en date du 10 février 2018 :

— condamner la société Paie & RH Solutions avec intérêts au taux légal au paiement d’une somme de 66.825 € HT en réparation du préjudice subi par la société Biason,

— débouter la Société Paie & RH Solutions de toutes demandes, fins ou conclusions contraires et de son appel incident,

— condamner la société Paie & RH Solutions au paiement d’une somme de 14.000 euros sur la base de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Paie & RH Solutions aux entiers dépens de première instance comme d’appel y compris l’intégralité des frais d’expertise.

*

Par conclusions notifiées le 29 avril 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de son argumentation, la société SARL Paie & RH Solutions demande à la cour de :

— déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée la société Biason en son appel,

— constater que la Société Paie & RH Solutions a parfaitement rempli son obligation de restitution des données sociales de la société Biason en application de la clause de réversibilité,

— dire et juger que la société Biason ne justifie d’aucun préjudice,

Sur appel incident de la société Paie & RH Solutions,

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pau le 15 octobre 2019,

— débouter en conséquence la société Biason de l’ensemble de ses demandes,

— condamner la société Biason à payer à la Société Paie & RH Solutions la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, y compris les frais d’expertise, qui seront recouvrés par la SCP Montagné Associés dans les formes de l’article 699 du code de procédure civile.

Faisant application en l’espèce des termes de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 – Sur la responsabilité de la société Paie & RH Solutions

La société Biason reproche à la société Paie & RH Solutions d’avoir fait obstacle à la transmission complète des données de paramétrage du logiciel X au cabinet BSF, empêchant une reprise en continu de la gestion des payes et entraînant une perte de l’historique. L’appelante estime que les données de la société dite de référence, en l’occurrence celle de la société Paie & RH Solutions, ne font l’objet d’aucun droit de propriété justifiant un refus de transmission au nouveau prestataire choisi par le client, la clause de réversibilité n’ayant pas prévu cette limitation.

La société Paie & RH Solutions lui rétorque avoir procédé à un transfert intégral de ses données sociales pour les années 2008 à 2016, et lui oppose qu’elle ne peut venir rechercher sa responsabilité sur les seules modalités de ce transfert. Ce serait le prestataire qui lui a succédé qui n’aurait pas établi la liaison par la réintégration dans sa propre société de référence des données enregistrées par la société Paie & RH Solutions du temps de son intervention. L’intimée soutient qu’il lui était impossible, essentiellement pour des raisons de confidentialité vis-à-vis de ses autres clients, de communiquer son paramétrage des rubriques, l’enrichissement de la société de référence fournie par l’éditeur du logiciel X relevant de l’office de chacun des cabinets de gestion. Pour cette raison, la société Paie & RH Solutions précise que la transmission des paramètres de sa société de référence à un nouveau prestataire utilisateur du logiciel X aurait pour effet d’écraser la propre société de référence de celui-ci. Ainsi, la société Paie &RH Solutions estime ne pas avoir engagé sa responsabilité.

Formulée de manière identique dans les contrats conclus les 05 décembre 2008 et le 10 octobre 2014, la clause intitulée « Propriété des données » est ainsi formulée :

« Les informations contenues dans la base de données restent la propriété de votre entreprise qui pourra, dans le cas d’une rupture de contrat conforme à nos engagements contractuels, récupérer les données contenues dans nos systèmes par voie de réversibilité ».

Dans son rapport, l’expert judiciaire confirme que sur un plan strictement technique la société de référence permet de faire le lien entre les codifications normalisées des rubriques comptables et celles apparaissant sur les fiches de paie.

Chaque société comptable utilise les numéros de rubriques de son choix sur les fiches de paie mais ils doivent être reliés avec les codifications normalisées dans sa société de référence. Ainsi, si les données du client sont transmises d’un cabinet de gestion à un autre, sans communication de la relation entre les numéros de rubriques utilisés et cette codification normalisée, les données ne sont alors que partiellement exploitables par le nouveau prestataire.

Cette constatation rejoint la documentation technique spécifique au logiciel X produite devant la cour par la société Paie & RH Solutions.

L’expert relève que cette circonstance propre à ce logiciel a entraîné pour la société Biason plusieurs incidences :

« – Impossibilité de bénéficier des historiques des salariés,

- les états FILLON sont faussés,

- les trop perçus sur la paie d’un salarié ne sont pas reportés d’un mois sur l’autre,

- impossibilité d’imprimer certains documents,

- les journaux des OD de paie sont erronés,

- disparition de certaines charges sociales. »

Pour l’interprétation de la « clause de propriété », le litige se résume à savoir si « les données contenues » dans le système de la société Paie & RH Solutions doivent être entendues comme comprenant le paramétrage des rubriques, nécessaire à un nouveau prestataire pour lier les informations afin qu’elles soient restituées à l’identique, ou si elles se résument aux données purement comptables et sociales de la société Biason.

L’expert estime que les données contenues dans la société de référence du logiciel X doivent être considérées comme étant des données appartenant également à la société Biason. Cependant, l’expert fonde uniquement son analyse sur l’absence de distinction opérée par la clause de propriété entre les données de base fournies par la société Biason, les données obtenues après calcul par le cabinet de gestion, et les données de la société de référence de la société Paie &RH Solutions permettant d’exploiter les données communiquées par le client.

Cette analyse s’avère de la part de l’expert plus juridique que technique, celui-ci n’ayant pas véritablement répondu au point de sa mission qui l’interrogeait sur le fait de savoir si une restriction dans la restitution des données au client peut s’expliquer par la préservation d’un savoir-faire technique, et si elle est d’usage chez les prestataires de paie.

Au demeurant, il n’est pas contestable que la restitution de données que la société Paie & RH Solutions a opérée auprès de la société Biason a été à l’origine d’erreurs comptables. Ces erreurs se sont manifestées lors de l’exploitation des données transférées, l’exploitation de ces données, sans les données de la société de référence de la société Paie & RH Solutions, ayant entraîné leur altération.

Ces altérations apparaissent dans le tableau des charges sociales édité pour la période du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2016, mais également dans les journaux des opérations diverses de paie pour le mois de mai 2016. Les attestations à destination du Pôle emploi ne reprenaient pas non plus les données antérieures au mois de janvier 2017, obligeant à les compléter manuellement.

En définitive, en raison de sa rédaction imprécise, la « clause de propriété » insérée par la société Paie & RH Solutions dans le contrat n’était pas de nature à garantir, la réversibilité de données justes, intègres et exploitables en l’état.

Par cette seule mention contractuelle, la société Biason ne pouvait être alertée des difficultés qui apparaîtraient lors de l’exploitation des données récupérées à l’issue du contrat conclu

avec la société Paie & RH Solutions.

Le rapport d’expertise privée du 08 février 2017, versé par la société Biason, souligne que le véritable problème provient du silence du contrat sur le caractère nécessairement partiel de la réversibilité des données, ce silence n’ayant pas permis à l’appelante d’anticiper les inévitables conséquences techniques du transfert de la prestation de gestion à un autre opérateur.

Le rapport d’expertise judiciaire conclut également à « un défaut de conseil » de la société Paie & RH Solutions concernant les solutions à adopter pour restaurer avec succès les données dans son propre logiciel.

Si la cour entend les motifs techniques et de confidentialité qui empêchaient la société Paie & RH Solutions de transmettre les éléments relevant de sa propre société de référence, force est de constater qu’elle a failli à l’engagement pris dans la « clause de propriété », rédigée sans opérer cette précision, en restituant à la société Biason des données partiellement inexploitables en l’état.

Sa responsabilité contractuelle se trouve dès lors engagée.

2 ' Sur les préjudices de la société Biason

La société Biason soutient que le manquement de la société Paie & RH Solutions a entraîné une désorganisation de la société se traduisant par des bilans comptables faussés pour la période du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017, des contrôles systématiques des documents et données transmis, un risque d’exposition à de nouveaux redressements sans disposer des éléments de preuves utiles, une perte de crédibilité des services administratifs de la société Biason vis-à-vis de ses salariés, l’embauche d’un salarié en contrat de travail à durée déterminée pour répondre au surplus de travail généré par ce manquement, les documents issus de X ayant perdu de leur fiabilité, avec un risque de reproduction d’erreurs. Dès lors, l’appelante estime que son préjudice ne saurait être réduit au seul coût du paramétrage du logiciel induit par le transfert de données. Elle verse un tableau détaillé des coûts qu’elle estime découler du refus de la société Paie & RH Solutions de lui transmettre sa société de référence pour fixer son préjudice à la somme de 66.825 € HT.

Sur appel incident, la société Paie & RH Solutions réfute l’existence de ces préjudices, lesquels ne seraient pas justifiés et reproche au jugement querellé d’avoir retenu un préjudice immatériel à la somme de 10.000 euros, par une appréciation jugée forfaitaire.

L’expert judiciaire le souligne dans son rapport, ce litige est alimenté par un manque de communication des parties en lien avec l’instance dans laquelle elles s’opposent au sujet du redressement établi par l’Urssaf à l’encontre de la société Biason, laquelle estime que la société Paie & RH Solutions en est responsable.

Le rapport d’expertise judiciaire n’a pas évalué de manière contradictoire le préjudice de la société Biason à la somme de 66.825 € HT (63.105 € + 3.720 €) mais n’a fait que se référer aux tableaux produits en ce sens par l’appelante. Cette référence à ces tableaux n’équivaut pas à une approbation par l’expert de ces estimations, Monsieur Y précisant littéralement dans la réponse à un dire (p.20) : « J’ai bien noté que vous estimez avoir subi un préjudice conséquent au temps passé, valorisé pour un montant de 63.105 € H.T ».

L’expert ne se livre à aucune analyse personnelle des sommes sollicitées et adopte, sans aucune discussion critique de cette évaluation, les prétentions financières émises par la société Biason. Aussi, la reprise littérale, sans évaluation propre, du chiffrage de ce préjudice

dans les conclusions d’expertise ne peut être décisive.

D’ailleurs, à la question concernant l’évaluation « du coût d’une prestation de paramétrage du dossier de paie de la société Biason afin de rendre l’historique des données réutilisable comme si la relations avec le prestataire Paie & RH Solutions avait été maintenue », l’expert répond qu’une intervention sur le logiciel de l’appelante permettrait de paramétrer les rubriques dans l’entreprise de référence de la société Biason et de faire le lien avec les données restaurées.

Dès le 17 novembre 2016, la société Biason était alertée par un courriel de la société Paie & RH Solutions de ce qu’elle ne serait pas destinataire de la société de référence « qui contient des paramétrages et données confidentielles qui concerne un périmètre beaucoup plus élargi » que les dossiers de la société Biason.

La société Paie & RH Solutions verse une note de l’éditeur du logiciel X qui précise que lors de sa livraison, ce logiciel contient une société de référence «pauvre » qu’il appartient à chaque client d’enrichir en fonction de ses besoins et d’utiliser comme bon lui semble. Cette note indique que chaque société de référence est dès lors différente et qu’il est impossible de la restaurer dans une autre installation X sans détruire cet hôte. La restauration ne peut intervenir que dans une installation X neuve, ce qui emporte l’achat d’une nouvelle licence spécifique.

Cette note précise qu’en cas de transmission de la société de référence, l’ensemble de son paramétrage est transmis, en ce compris les données qui ne sont pas la propriété du client, lequel bénéficierait alors du travail d’enrichissement du cabinet de gestion qu’il pourrait utiliser à sa guise. Le client, en l’espèce la société Biason, aurait alors eu accès à des données confidentielles, notamment les noms d’autres clients de la société de gestion qui apparaissent à certains endroits de la société de référence de la société Paie & RH Solutions.

Ni l’intimé, ni l’expert judiciaire ne contestent cet élément constant, purement informatique, qui rendait impossible le transfert de la société de référence de la société Paie & RH Solutions. Par ailleurs, il n’est ni allégué, ni démontré, que cette société de référence pouvait être matériellement scindée aux seules données de la société Biason.

En définitive, alors que les parties se sont arc-boutées sur la question du transfert à la société Biason de la société de référence de la société Paie & RH Solutions, le rapport d’expertise fixe comme seule solution envisageable, et compatible avec les droits de propriété respectifs des parties sur leurs propres données, le paramétrage préconisé par l’expert.

Ainsi, le préjudice avancé par la société Biason ne peut être admis en ce qu’il se heurte non pas à un manquement de la société Paie & RH Solutions dans le transfert de la société de référence, mais, comme les experts judiciaire et privé l’ont souligné, à un défaut d’information du client, lors de la conclusion du contrat, sur les méthodes à employer pour réintégrer les données restituées dans un environnement informatique permettant leur exploitation, sans dégradation de ces informations.

Dès lors, si la désorganisation des services administratifs et comptables de la société Biason est avérée, cette situation ne découle pas d’un manquement de la société Paie & RH Solutions à une obligation de transfert de sa société de référence, impossible d’un point de vue tant technique que juridique, mais de son défaut d’information et de conseil à l’égard de sa cliente sur les procédés à employer pour paramétrer dans sa propre société de référence les données transmises.

Le préjudice résultant du coût de ce nécessaire paramétrage sera retenu à la somme de 2.500

euros H.T, comme préconisé par l’expert sur la base d’un devis du 02 octobre 2017, établi à partir d’un cahier des charges rédigé contradictoirement dans le cadre de l’expertise judiciaire et reprenant la liste des désordres constatés.

Le jugement querellé sera ici infirmé.

3 ' Sur les demandes accessoires

Partie succombante, la société Paie & RH Solutions sera condamnée aux entiers dépens d’appel, le premier jugement devant être confirmé en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance et aux frais d’expertise judiciaire.

La société Paie & RH Solutions sera également condamnée à verser à la société Biason la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du 15 octobre 2019 du tribunal de commerce de Pau, seulement en ce qu’il a fixé à la somme de 10.000 euros la réparation d’un préjudice immatériel de la société Biason,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Paie & RH Solutions à payer à la société Biason la somme de 2.500 euros H.T à titre de dommages et intérêts,

Le confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Déboute la société Biason de sa demande de dommages et intérêts formulée à hauteur de 66.825 euros H.T.,

Condamne la société Paie & RH Solutions aux entiers dépens d’appel,

Condamne la société Paie & RH Solutions à payer à la société Biason la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, conseiller, suite à l’empêchement de Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame B C, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, Le Président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 25 novembre 2021, n° 19/03573