Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 5 mai 2022, n° 19/03593

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Pau, ch. soc., 5 mai 2022, n° 19/03593
Juridiction : Cour d'appel de Pau
Numéro(s) : 19/03593
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Pau, 13 octobre 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

JPL/DD

Numéro 22/1779

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 05/05/2022

Dossier : N° RG 19/03593 – N°Portalis DBVV-V-B7D-HNI6

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

SELARL [E] [T] [R]

C/

[H] [V]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 05 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 02 Mars 2022, devant :

Madame CAUTRES, Présidente

Monsieur LAJOURNADE, Conseiller

Madame SORONDO, Conseiller

assistés de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

SELARL [E] [T] [R]

Prise en la personne de son représentant légal en exercice dûment domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU, et Maître BARTHES de la SELAS BARTHELEMY, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE :

Madame [H] [V]

[Adresse 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Maître PIAULT de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU, et Maître MORIN de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 14 OCTOBRE 2019

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F18/00192

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] [V] a été embauchée le 9 août 2001 par l’office notarial [P] [E] en qualité de clerc stagiaire, niveau T1, coefficient 125, suivant contrat à durée déterminée de deux ans régi par la convention collective nationale du notariat.

En août 2002, la selarl [E] [T] [R] est venue au droit de l’office notarial [P] [E] suite à l’intégration de deux nouveaux associés.

Le 30 novembre 2002, les parties ont prévu que le contrat de travail serait à durée indéterminée.

Depuis 2008, Mme [H] [V] a occupé le poste de notaire assistante, statut cadre, niveau C2, coefficient 270.

En dernier lieu, elle a travaillé exclusivement pour le compte de Me [R], qui est par ailleurs son conjoint.

À compter de 2013, la selarl [E] [T] [R] n’a plus remis à Mme [H] [V] de bulletin de salaire.

Cette année, Me [R] a décidé d’augmenter le salaire de Mme [H] [V]. En raison de l’opposition de Me [T], la salariée a renoncé à cette augmentation.

Le 23 juin 2015, Mme [H] [V] a mis en demeure la selarl [E] [T] [R] de lui remettre ses bulletins de salaire et de lui rémunérer ses heures supplémentaires.

En juillet 2015 elle a saisi la juridiction prud’homale en référé aux fins d’obtenir la remise de ses bulletins de salaire lesquels lui ont été remis par la selarl [E] [T] [R] le 12 août 2015.

Le 21 octobre 2015, elle a saisi à nouveau la juridiction prud’homale.

Du 23 avril 2017 au 7 septembre 2017, elle a été en congé maternité puis en congés payés.

Par jugement du 12 juin 2017, le conseil de prud’hommes de Pau a notamment condamné la selarl [E] [T] [R] à verser à Mme [H] [V] les sommes de 27 652 € au titre des heures supplémentaires, de 2 765,20 € au titre des congés payés y afférents, de 22.263 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ainsi que 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La selarl [E] [T] [R] a interjeté appel de ce jugement. Cet appel a été déclaré caduque par ordonnance du 14 juin 2018.

Le 23 novembre 2017, Mme [H] [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur notamment du refus délibéré de lui rémunérer ses heures supplémentaires et des allégations mensongères et diffamantes à son encontre.

Le 24 novembre 2017, la nomination de Mme [H] [V] en qualité de notaire associée de la selarl Apinot a été publiée au bulletin officiel.

Le 5 juillet 2018, elle a saisi la juridiction prud’homale.

Par jugement du 14 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Pau a notamment :

— dit que Mme [H] [V] a continué à effectuer de nombreuses heures supplémentaires entre le ler janvier et le 23 novembre 2017, que la selarl [E] [T] [R] a persisté obstinément à refuser de lui payer,

— dit que la selarl [E] [T] [R] s’est livrée volontairement à la dissimulation d’une partie du travail effectué par Mme [H] [V],

— dit que le licenciement de Mme [H] [V] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

— en conséquence,

— condamné la selarl [E] [T] [R] à verser à Mme [H] [V] les sommes de :

* 2 018,90 € au titre du paiement des heures supplémentaires,

* 201,89 € au titre des congés payés afférents,

* 26 814 € au titre du travail dissimulé,

* 20 482 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 13 407 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 340,70 € au titre des congés payés y afférents,

* 60 331 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— rappelé que l’exécution provisoire en matière prud’homale est de droit pour les remises de documents que l’employeur est tenu de délivrer ainsi que pour le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2 de l’article R. l454-14 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit 3 155,19 € (art. R. 1454-28 du code du travail),

— condamné la selarl [E] [T] [R] à verser à Mme [H] [V] la somme de l 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté la selarl [E] [T] [R] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné selarl [E] [T] [R] aux entiers dépens.

Le 14 novembre 2019, la selarl [E] [T] [R] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 22 décembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la selarl [E] [T] [R] demande à la cour de :

— rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou infondées :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

* a constaté que Mme [H] [V] a continué à effectuer de nombreuses heures supplémentaires entre le ler janvier et le 23 novembre 2017, qu’elle a persisté obstinément à refuser de lui payer,

* a constaté qu’elle s’est livrée volontairement à la dissimulation d’une partie du travail effectué par Mme [H] [V],

* a jugé que le licenciement de Mme [H] [V] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

* l’a condamnée à verser à Mme [H] [V] les sommes de :

o 2 018,90 € au titre du paiement des heures supplémentaires,

o 201,89 € au titre des congés payés afférents,

o 26 814 € au titre du travail dissimulé,

o 20 482 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

o 13 407 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

o 1 340,70 € au titre des congés payés afférents,

o 60 331 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* l’a condamnée à verser à Mme [H] [V] la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’a condamnée aux entiers dépens,

— statuant à nouveau,

— juger que Mme [H] [V] ne rapporte la preuve d’aucun manquement grave de son employeur à ses obligations contractuelles de nature à justifier de sa prise d’acte,

— juger que Mme [H] [V] est impuissante à rapporter la preuve des heures supplémentaires alléguées,

— juger que la prise d’acte de rupture du contrat de travail à l’initiative de Mme [H] [V] doit produire les effets d’une démission,

— en conséquence,

— débouter Mme [H] [V] de l’ensemble de ses prétentions,

— condamner Mme [H] [V] à lui verser la somme de 13 455 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

— condamner Mme [H] [V] à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens dont distraction au profit de la selarl DLB avocats conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 19 janvier 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Mme [H] [V] demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu qu’elle a continué à effectuer de nombreuses heures supplémentaires entre le 1er janvier et 23 novembre 2017, que la selarl [E] [T] [R] a persisté obstinément à refuser de lui payer,

— en conséquence, confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la selarl [E] [T] [R] au paiement de 2 139,53 € bruts de rappel d’heures supplémentaires, outre 213 € de congés payés afférents,

— confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que la prise d’acte de la rupture du 23 novembre 2017 doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— en conséquence, confirmer les condamnations prononcées par le conseil de prud’hommes de Pau à l’encontre de la selarl [E] [T] [R] à savoir :

* indemnité légale de licenciement (1/4 de mois par année d’ancienneté pour les 10 premières années, puis 1/3 au-delà) : 20 482 € nets,

* indemnité compensatrice de préavis (3 mois) : 13 407 € bruts, outre 1 340 € bruts de congés payés afférents,

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 60 331 €,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la selarl [E] [T] [R] à lui verser la somme de 26 814 € au titre du travail dissimulé, en application de l’article L. 8223-1 du code du travail,

— condamner la selarl [E] [T] [R] à la remise des documents de fin de contrat rectifiés, au paiement des intérêts légaux et à la remise d’un bulletin de paie sur lequel figurera l’ensemble des condamnations versées, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir,

— en toute hypothèse, débouter la selarl [E] [T] [R] de la demande qu’elle formule au titre de l’indemnité compensatrice de préavis dont elle serait redevable,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la selarl [E] [T] [R] à lui payer 1 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure prud’homale,

— condamner la selarl [E] [T] [R] à lui payer 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d’appel,

— in fine, débouter la selarl [E] [T] [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires.

Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Après analyse des pièces produites par l’une ou l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, la salariée fait valoir que postérieurement à l’audience de jugement du 30 janvier 2017 et en dehors de la période du 23 avril au 7 septembre 2017 pendant laquelle elle était en congé maternité puis en congés payés, elle a continué à effectuer de nombreuses heures supplémentaires que l’employeur persiste à refuser de lui payer. Elle soutient que sur cette période elle a réalisé 71 heures supplémentaires, qui, après application des taux de majoration afférents, justifient un rappel de salaire de 2.139,53 € bruts.

Elle produit, outre ses bulletins de salaire des mois de janvier à novembre 2017 :

— la copie des payes d’un agenda de l’année 2017 comportant pour chaque jour travaillé les horaires de travail qu’elle revendique avoir effectués,

— plusieurs courriels adressés en dehors des horaires d’ouverture de l’étude à des clients,

— un décompte mentionnant le nombre d’heures de travail hebdomadaires qu’elle soutient avoir effectués sur les semaines 1 à 16 puis 36 à 47,

La salariée présente des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en produisant ses propres éléments.

Pour sa part l’employeur fait valoir que :

— les décomptes produits sont erronés dans la mesure où les heures supplémentaires alléguées sont déterminées par journée travaillée et non sur une base hebdomadaire,

— le temps de travail effectif de la salariée était de 36h30 par semaine compensé par l’attribution dans un cadre annuel de jours de RTT dont elle pouvait disposer comme elle l’entendait,

— la salariée savait que les associés de l’étude, hormis son conjoint, s’opposaient à la réalisation d’heures supplémentaires, et malgré les instructions qui lui ont été données, elle a pris l’initiative de rester régulièrement à son poste de travail après son horaire normal pour répondre à des demandes qui ne présentaient aucune urgence,

— pendant son absence, la salariée a été remplacée par une personne qui a travaillé selon les horaires habituels sans faire la moindre déclaration d’heures supplémentaires et sans que Me [R] ne sollicite pour son compte le paiement de la moindre heure supplémentaire.

Il produit les courriels de réclamation que la salariée lui a adressés les 17 février, 12 avril, 20 juin 2017 comportant le détail des horaires qu’elle revendique avoir effectués chaque jour travaillé pour les mois de janvier, février, mars et jusqu’au 23 avril 2017.

Cela étant, l’employeur ne produit aucun élément permettant de justifier des heures de travail effectivement accomplies par la salariée.

Les horaires mentionnés sur les courriels de Mme [V] qu’il verse aux débats et auxquels il ne justifie pas avoir répondu, sont conformes à ceux notés par la salariée dans l’agenda qu’elle produit de son côté.

Ses allégations selon lesquelles certains des associés se sont opposés à la réalisation par la salariée d’heures supplémentaires ne sont justifiées par aucun élément ni celles selon lesquelles la charge de travail de la salariée pouvait être accomplie pendant les horaires fixés par son contrat. Il ne peut non plus se prévaloir de ce que cette charge aurait été déterminée par Me [R] seul, alors qu’il est constant que ce dernier est associé de la Selarl [E]-[T]-[R] qui a la qualité d’employeur.

Au regard de ces éléments, la cour considère que la salariée est bien fondée à se prévaloir d’une créance de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies pour un montant de 2.139,53 € bruts, outre 213 € au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris sera réformé de ce chef.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est un mode de rupture du contrat de travail par l’effet duquel le salarié met un terme au lien salarial en se fondant sur des griefs qu’il impute à son employeur. Elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements reprochés à l’employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; à l’inverse, elle produit les effets d’une démission si les manquements de l’employeur ne sont pas caractérisés ou suffisamment graves.

Il incombe au salarié d’établir la matérialité des faits qu’il invoque.

En l’espèce, Mme [V] fait valoir que :

— elle a été contrainte de saisir un huissier pour obtenir le paiement des condamnations dont elle pouvait prétendre au titre de l’exécution provisoire du jugement du 12 juin 2017 ; elle reste toujours dans l’attente du paiement des intérêts au taux légal ;

— postérieurement à l’audience de jugement du 30 janvier 2017 et en dehors de la période du 23 avril au 7 septembre 2017 pendant laquelle elle était en congé maternité puis en congés payés, elle a continué à effectuer de nombreuses heures supplémentaires que l’employeur persiste à refuser de lui payer ;

— l’employeur a persisté également à proférer des allégations mensongères et diffamantes à son encontre, continuant à affirmer publiquement que les heures supplémentaires revendiquées résulteraient d’un concert frauduleux entre elle et M. [I] [R], ou encore que ces heures supplémentaires seraient effectuées en réalité pour son propre compte ou pour le compte de son compagnon en dehors des actes de l’étude.

L’employeur pour sa part soutient que la salariée ne justifie pas de manquements graves de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail dans la mesure où il a exécuté le jugement du 12 juin 2017, la preuve d’heures supplémentaires effectuées postérieurement n’étant par ailleurs pas rapportée.

Cela étant, il résulte des développements précédents que la réalisation par la salariée d’heures supplémentaires restées non rémunérées sur la période de janvier à novembre 2017 est établie.

Il est constant que l’employeur a été condamné par jugement du 12 juin 2017 au paiement d’une somme de 27.652 € au titre des heures supplémentaires accomplies par la salariée sur les années 2012 à 2016.

La persistance de l’employeur à s’opposer aux réclamations de la salariée alors qu’il lui appartient d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées, constitue un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il est inopérant pour l’employeur de se prévaloir de ce que la prise d’acte de la rupture par la salariée serait concomitante à sa nomination le 24 novembre 2017 en qualité de notaire associée d’une autre étude.

Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce qu’il a dit que la prise d’acte par la salariée de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L 1235-3 du code du travail : « Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous »

Pour un salarié ayant 16 ans d’ancienneté, l’indemnité minimale correspond à 3 mois de salaires brut et d’indemnité maximale à 13,5 mois de salaire brut.

En l’espèce, il n’est pas contesté que, compte tenu des rappels de salaire accordés au titre des heures supplémentaires accomplies, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 4.469 € bruts. A la date du licenciement, elle avait 39 ans et bénéficiait d’une ancienneté de 16 ans et 3 mois. Il est constant qu’elle a été nommée le 24 novembre 2017 en qualité de notaire associée de la selarl Apinot et a prêté serment le 6 décembre 2017.

Les premiers juges doivent être confirmés en ce qu’ils ont fixé à la somme de 60.331 € le montant de l’indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3 du code du travail.

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer une indemnité légale de licenciement (1/4 de mois par année d’ancienneté pour les 10 premières années, puis 1/3 au-delà) d’un montant non critiqué de 20.482 € nets, ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis (3 mois) d’un montant non critiqué de 13.407 € bruts, outre 1.340,70 € bruts des congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé.

Aux termes de l’article L 8221-5 du code du travail : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie. »

La dissimulation d’emploi prévue par ces dispositions n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

En l’espèce, les premiers juges ont relevé à juste titre que l’employeur avait déjà été condamné pour les mêmes faits à l’encontre de la salarié, et que son refus répété pendant une période de 11 mois de payer les heures supplémentaires, en dépit des relances de la salariée, démontre le caractère intentionnel de ce refus.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer une somme de 26 814 € au titre du travail dissimulé.

Sur les demandes accessoires.

Les sommes dues au titre des créances salariales et l’indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud’hommes à l’employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe.

La Selarl [E]-[T]-[R] sera condamnée à remettre à Mme [V] des documents de fin de contrat et un bulletin de paie conforme aux dispositions du présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.

La Selarl [E]-[T]-[R] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens en ce compris ceux de première instance, ainsi qu’à verser à Mme [V] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée par les premiers juges sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par mise à disposition au greffe, publiquement contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant du rappel de salaire pour heures supplémentaires et les congés payés afférents,

Le réformant sur ce point et statuant de nouveau de ce chef,

Condamne la Selarl [E]-[T]-[R] à payer à Mme [V] la somme de 2.139,53 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période de janvier à novembre 2017 outre celle de 213 € au titre des congés payés afférents,

Y ajoutant,

Dit que les sommes dues au titre des créances salariales et l’indemnité de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud’hommes à l’employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe,

Condamne la Selarl [E]-[T]-[R] à remettre à Mme [V] des documents de fin de contrat et un bulletin de paie conforme aux dispositions du présent arrêt,

La condamne aux entiers dépens ainsi qu’à verser à Mme [V] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 5 mai 2022, n° 19/03593