Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 5 décembre 2017, n° 16/03061

  • Loi applicable·
  • Consommateur·
  • Règlement·
  • Pays·
  • Acompte·
  • Contrat de vente·
  • Sociétés·
  • Union européenne·
  • Magasin·
  • Etats membres

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 1re ch., 5 déc. 2017, n° 16/03061
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 16/03061
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Saintes, 25 février 2016
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N° 446

R.G : 16/03061

Société […]'

C/

Z ÉPOUSE X

X

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1re Chambre Civile

ARRÊT DU 05 DÉCEMBRE 2017

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/03061

Décision déférée à la Cour : jugement du 26 février 2016 rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINTES.

APPELANTE :

LA Société […]' société de droit Turc, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

ayant pour avocat Maître Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS – ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

INTIMES :

Madame Y Z épouse X

née le […] à Genève

[…]

[…]

ayant pour avocat Maître Jean-Michel SALOMON, avocat au barreau de POITIERS

Monsieur A X né le […] à […]

[…]

[…]

ayant pour avocat Maître Jean-Michel SALOMON, avocat au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Novembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Isabelle CHASSARD, Président, qui a présenté son rapport,

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur B C

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Madame Isabelle CHASSARD, Président et par Madame Sarah PECHER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Faisant valoir que par contrat en date du 21 décembre 2011, elle a vendu à M et Mme X divers bijoux pour un montant de 14.600 € sur lequel ils ont le même jour versé un acompte de 600 €,la société SENTALYA TURIZM a fait assigner Monsieur A X et son épouse née Y Z afin d’entendre le tribunal les condamner à lui payer la somme de 14.000 €, outre intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2014, date de la mise en demeure.

Par jugement réputé contradictoire en date du 26/02/2016, le Tribunal de Grande Instance de SAINTES a statué comme suit :

' Dit la société SETALYA TURIZM recevable en sa demande,

L’y déclare mal fondée et l’en déboute,

Laisse à sa charge les frais et dépens qu’elle a pu engager. '

Le premier juge a notamment retenu que :

— la société demanderesse ne produit, à l’appui de sa prétention, que des photocopies, certaines totalement illisibles (pièce n°1), d’autres non traduites (pièce n°5).

LA COUR

Vu l’appel général en date du 12/08/2016 interjeté par la société SENTALYA TURZIM AS EXPLOITANT LE MAGASIN PERGE JE WELS, société de droit turc,

Vu l’article 954 du code de procédure civile,

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 14/09/2016, la société SENTALYA TURZIM AS EXPLOITANT LE MAGASIN PERGE JE WELS a présenté les demandes suivantes :

'' Vu le Code des obligations turc, et notamment ses articles 1er, 112, 117, 118 et 125 :

' Subsidiairement, vu les articles 1134 et suivants du Code civil ancien :

DECLARER la Sté SENTALYA TURIZM A.S. recevable et bien fondée en son appel,

Y FAISANT DROIT,

INFIRMER le jugement entrepris ;

En tant que de besoin :

DONNER ACTE à l’appelante de ce qu’elle se désiste de l’exécution des sept autorisations de prélèvement qui lui ont été consenties par les intimés en date du 21 décembre 2011 ;

En tout état de cause :

CONDAMNER M. A X et Mme Y Z-X à payer à la société SENTALYA TURIZM A.S. la somme de 14.000 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2014, date de la première mise en demeure ;

LES DEBOUTER de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

CONDAMNER M. A X et Mme Y Z-X aux entiers dépens ;

CONDAMNER M. A X et Mme Y Z-X à payer à la société SENTALYA TURIZM A.S. la somme de 2.500 € par application de l’article 700 du CPC. '.

A l’appui de ses prétentions, elle soutient notamment que :

— Le contrat comportait un échéancier de règlement par virements bimestriels de 2.000 €

— La nouvelle adresse des intimés ayant pu être retrouvée, une nouvelle mise en demeure d’avocat leur a été adressée le 28 mai 2015, réceptionnée le 2 juin 2015.

— le contrat est produit un exemplaire lisible comportant la traduction française, le contrat de vente étant établi sur un formulaire trilingue français/anglais/turc.

— Le contrat précise qu’il est soumis au droit turc.

— elle produit la consultation d’un avocat turc, Me D E, portant sur les dispositions essentielles du droit turc de la vente (annexe n° 6), dont il résulte que la vente est régie par le Code des obligations turc, et que les dispositions principales sont similaires au droit français. – Il en est ainsi de la rencontre des volontés (article 1) ainsi que des conséquences de la défaillance de l’acquéreur (articles 112, 117, 118 et 125).

— Enfin, la prescription en droit turc est de dix ans.

=> sur l’application de la loi turque

Elle invoque l’application de la loi turque et conteste que les articles L 232-1 et suivants du Code de la consommation, postérieurs au contrat puissent être appliqués.

Elle soutient que :

— le Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 (dit « Règlement Rome I »), qui dispose en son article 4-1.a) qu’à défaut de choix exercé par les parties, la loi applicable au contrat de vente est celle du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle.

— Le Règlement a, du reste, un caractère universel, son article 2 disposant que la loi désignée par le Règlement s’applique même si cette loi n’est pas celle d’un Etat membre.

— les intimés ne s’expliquent pas sur la nature des dispositions protectrices dont l’application du droit turc les priverait.

=> sur le fond :

— le contrat de vente prévoit une délivrance des bijoux le 23 décembre 2011 à 17h00 à l’hôtel Vera Mare Otel Belek, un hôtel situé à Antalya.

— la délivrance des bijoux n’a pas donné lieu à un reçu mais un premier acompte de 600 euros a été versé.

— lors des différentes relances, ils n’ont jamais protesté.

— Pour des raisons techniques liées à la réglementation bancaire, ces autorisations de prélèvement n’ont pu être exécutées et ne pourront jamais l’être.

— M et Mme X ne justifient pas du paiement.

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 17/03/2017, M et Mme X ont présenté les demandes suivantes :

' Vu l’article 1342-8 du code civil,

Vu l’article L. 121-26 du code de la consommation,

Il est demandé à la Cour de :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté purement et simplement la société SANTAYA TURIZM AS de ses demandes,

Condamner la SANTAYA TURIZM AS à payer à M. X et Mme X la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d’instance. '.

A l’appui de leurs prétentions, M et Mme X soutiennent notamment que :

— Si l’article 3 du code de procédure civile permet d’affirmer qu’en matière contractuelle, les parties à un contrat international sont libres d’adopter la loi applicable à leur relation contractuelle, les dispositions des articles L. 232-1 et suivants du code de la consommation fixe le principe de la non privation pour les consommateurs des dispositions protectrices nonobstant la loi d’un État hors Union Européenne applicable.

— La législation turque produite par la partie adverse fait état de l’obligation du vendeur de justifier de la délivrance de la chose vendue.

— Si la preuve du paiement incombe au débiteur de l’obligation, cette dernière se rapporte par tout moyen, ainsi que le précise la Cour de Cassation selon un arrêt du 6 juin 2004 – n° 01.14-618, et les dispositions de l’article 1342-8 du code civil.

— il appartenait à la demanderesse de remettre les autorisations de prélèvements en temps utile.

— une autorisation de prélèvement bancaire, même si elle peut être révoquée par le signataire, doit être considérée, quelle que soit la suite donnée par les parties au contrat qui lui a servi de fondement, comme une contrepartie, au sens de l’article L. 121- 26 du Code de la consommation.

— la société SANTAYA TURIZM AS de justifier de l’intérêt de son action alors même qu’elle dispose de l’intégralité des éléments prévu au contrat pour assurer l’effectivité de l’obligation de paiement.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 12/10/2017.

SUR CE

Sur la loi applicable

Il résulte de l’article L 232-2 du code de la consommation que 'Lorsque la loi qui régit le contrat est celle d’un Etat n’appartenant pas à l’Union européenne, le consommateur ne peut être privé de la protection que lui assurent les dispositions prises par un Etat membre de l’Union européenne en application de la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation et qui ont un caractère impératif lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire de cet Etat membre.'.

Cette disposition résulte de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.

Elle n’est donc pas applicable à la convention objet du litige.

Le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 (dit « Règlement Rome I ») est applicable aux conflits de lois s’élevant au titre des contrats conclus à compter du 17 décembre 2009 et aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale. Il est donc applicable temporellement et matérielle au présent litige.

Au nom de principe de liberté contractuelle, le règlement consacre la liberté des parties de choisir la loi applicable fût-elle la loi d’un pays hors Union Européenne.

L’article 6 du règlement susvisé énonce en effet que :

'1. Sans préjudice des articles 5 et 7, un contrat conclu par une personne physique (ci-après «le consommateur»), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci-après «le professionnel»), agissant dans l’exercice de son activité professionnelle, est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel :

a) exerce son activité professionnelle dans le pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, ou

b) par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui-ci, et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.

2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les parties peuvent choisir la loi applicable à un contrat satisfaisant aux conditions du paragraphe 1, conformément à l’article 3. Ce choix ne peut cependant avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base du paragraphe 1.

3. Si les conditions établies au paragraphe 1, point a) ou b), ne sont pas remplies, la loi applicable à un contrat entre un consommateur et un professionnel est déterminée conformément aux articles 3 et 4.

4. Les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas:

(…)

e) au contrat conclu dans le cadre du type de système relevant du champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, point h). qui dispose en son article 4-1.a) qu’à défaut de choix exercé par les parties, la loi applicable au contrat de vente est celle du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle.

Le Règlement a, du reste, un caractère universel, son article 2 disposant que la loi désignée par le Règlement s’applique même si cette loi n’est pas celle d’un Etat membre'

Les règles de conflit de lois prévues par le règlement n’ont vocation à s’appliquer qu’en l’absence de choix des parties d’une loi.

En l’espèce, il résulte du contrat de vente que les parties ont désigné la loi turque.

Toute autre disposition est donc inopérante.

Sur la justification de la livraison

Les dispositions du droit des obligations turc (pièce 6) non contestées en leur contenu n’imposent pas à l’acheteur de démontrer la délivrance. Au contraire, si l’acheteur effectue un virement pour son achat, le vendeur doit prouver que le bien a été délivré.

Tel n’est pas le cas en l’espèce.

En effet, il n’est pas contesté par l’appelante que la livraison qu’elle prétend avoir fait n’a pas fait l’objet d’un reçu.

L’appelante ne peut pas plus arguer utilement du versement de 600 euros (100 euros en liquide et 500 euros par carte bancaire).

Le contrat démontre qu’un acompte a été versé. Pour autant, il ne s’en déduit pas que cet acompte était la contrepartie de la livraison . De plus, il était prévu une livraison le 23/12/2011 tandis que le premier acompte était mentionné comme fait le 21/12/2011.

Le second acompte est mentionné au '21/12/2012". L’année 2012 est une indication résultant à l’évidence d’une erreur matérielle dès lors que l’ensemble des règlements prévus sont énoncés de manière chronologique et que les suivants ( prévus et non versés) débutent au '30/02/2012" puis tous les deux mois jusqu’au 25/02/2013.

La somme de 600 euros n’est donc pas la contrepartie de la délivrance du bien et ne peut être analysée comme un paiement partiel simultanément fait au sens de l’arrêt de la cour de cassation turque du 28/02/2012 (cité dans la pièce 6).

L’appelante n’est pas fondée à soutenir que lors des différentes relances, ils n’ont jamais protesté puisque le silence ne vaut pas reconnaissance de livraison.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société SENTALYA TURZIM AS EXPLOITANT LE MAGASIN PERGE JEWELS de ses demandes.

Sur les autres demandes

Il est équitable de condamner l’appelante à payer à M et Mme X la somme fixée au dispositif sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la solution apportée au litige, les dépens d’appel seront fixés à la charge de l’appelante.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

DIT la loi turque applicable au présent litige.

CONDAMNE la société SENTALYA TURZIM AS EXPLOITANT LE MAGASIN PERGE JEWELS à payer à M et Mme X la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société SENTALYA TURZIM AS EXPLOITANT LE MAGASIN PERGE JEWELS aux dépens d’appel étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 5 décembre 2017, n° 16/03061