Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 19 janvier 2021, n° 18/02665

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 1re ch., 19 janv. 2021, n° 18/02665
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 18/02665
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Niort, 24 juin 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°20

N° RG 18/02665 – N° Portalis DBV5-V-B7C-FREP

X

C/

S.A. MAAF ASSURANCES

Société RSI AUVERGNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1re Chambre Civile

ARRÊT DU 19 JANVIER 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/02665 – N° Portalis DBV5-V-B7C-FREP

Décision déférée à la Cour : jugement du 25 juin 2018 rendu par le Tribunal de Grande Instance de NIORT.

APPELANTE :

Madame B X

née le […] à […]

23 A du Moulin de la Ville

[…]

ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Sylvie VERNASSIERE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

S.A. MAAF ASSURANCES

[…]

[…]

ayant pour avocat Me Sébastien FOUCHERAULT de la SAS AVODES, avocat au barreau de DEUX-SEVRES

Société RSI AUVERGNE

[…]

63063 CLERMONT-FERRAND CEDEX

défaillante bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Novembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Thierry MONGE, Président de Chambre qui a présenté son rapporat

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ :

B X a été blessée le 12 août 2010 dans un accident de la circulation, lorsque le véhicule Citroën assuré auprès d’Allianz qu’elle conduisait sur l’autoroute A11 a été percuté sur le territoire de la commune de Beaumont-les-Autels, dans l’Eure, par un véhicule Peugeot assuré à la MAAF conduit par C D.

Elle a été admise en urgence au centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou où ont été diagnostiqués un traumatisme crânien, une fracture des os propres du nez, une douleur sternale et une gonalgie gauche avec hématome. Une semaine plus tard, un scanner a révélé une fracture au niveau du bassin.

Au vu de l’évolution péjorative de sa fracture du nez, elle a subi une intervention chirurgicale pour rhinoplastie le 9 octobre 2012.

Mme X a obtenu le 2 avril 2013 en référé devant le président du tribunal de grande instance de Niort au contradictoire de la MAAF l’institution d’une expertise qui a été confiée au docteur Y, lequel a déposé son rapport définitif le 16 juin 2014.

Mme X, faute d’accord sur l’indemnisation de son préjudice, a ensuite fait assigner la MAAF devant le tribunal de grande instance de Niort pour voir liquider son préjudice en présence du RSI Auvergne.

La MAAF n’a pas contesté le principe de son obligation de réparer les conséquences de l’accident, et

a discuté les prétentions de la victime, formulant des offres moindres qu’elle a demandé de voir juger satisfactoires.

Par jugement du 25 juin 2018, prononcé sous exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Niort, a

.rejeté la demande tendant à ce qu’il soit sursis à statuer sur les pertes de gains professionnels actuels et futurs et l’incidence professionnelle

.liquidé ainsi le préjudice de Mme X :

[…]

* temporaires :

— dépenses de santé actuelles (débours tiers payeur) : 733,45 euros

— frais divers : 1.683,95 euros

— perte de gains professionnels actuels : Z (faute de justificatifs)

— assistance temporaire par tierce personne : 1.984 euros

* permanents :

— perte de gains professionnels futurs : Z

— incidence professionnelle : Z

¤ PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

* temporaires :

— déficit fonctionnel temporaire : 1.043,75 euros

— souffrances endurées : 4.200 euros

— préjudice esthétique temporaire : 1.000 euros

* permanent :

— déficit fonctionnel permanent : 7.200 euros

— préjudice esthétique permanent : 3.030 euros

— préjudice sexuel : Z

— préjudice d’agrément : 8.000 euros

.condamné la MAAF Assurance à payer à B X compte-tenu de la provision de 10.800 euros à déduire, la somme de 17.341,70 euros

.débouté Mme X du surplus de ses demandes indemnitaires

.rejeté la demande en doublement du taux des intérêts

.condamné la MAAF aux dépens ainsi qu’à payer 4.000 euros à Mme X en application de l’article 700 du code de procédure civile

.déclaré la décision commune au RSI Auvergne.

Mme X a relevé appel le 9 août 2018.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique

* le 25 mars 2019 par Mme X

* le 9 septembre 2020 par la MAAF.

B X demande à la cour

* de liquider son préjudice dans les termes suivants

[…]

* temporaires :

— dépenses de santé actuelles : 2.717,11 euros

— frais divers (incluant les frais de médecin-conseil) : 3.826,,95 euros

— perte de gains professionnels actuels : 23.925 euros

— assistance temporaire par tierce personne : 2.480 euros

* permanents :

— incidence professionnelle : 49.782,23 euros

¤ PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

* temporaires :

— déficit fonctionnel temporaire : 1.282,50 euros

— souffrances endurées : 4.800 euros

— préjudice esthétique temporaire : 1.400 euros

* permanent :

— déficit fonctionnel permanent : 7.200 euros

— préjudice esthétique permanent : 3.500 euros

— préjudice sexuel : 10.000 euros

— préjudice d’agrément : 10.000 euros

* de condamner la MAAF à lui verser des intérêts du double du taux légal sur la période du 12 avril 2011 jusqu’à la date où le jugement (sic) à intervenir sera devenu définitif

* d’ordonner la capitalisation de ces intérêts

* de constater que le montant des provisions qu’elle a reçues s’élève à 5.000 euros

* de juger qu’elle a présenté des lombalgies post-traumatiques imputables à l’accident du 12 août 2010.

À titre subsidiaire, si la cour estimait ne pas disposer des éléments pour chiffrer ses pertes de gains professionnels actuels et futurs : d’ordonner alors une expertise comptable.

En toute hypothèse, elle réclame 4.000 euros d’indemnité de procédure.

La MAAF demande à la cour de liquider ainsi le préjudice de la victime :

[…]

* temporaires :

— dépenses de santé actuelles : 2.717,11 euros (infirmation)

— frais divers : 1.683,95 euros (confirmation)

— perte de gains professionnels actuels : Z (confirmation)

— assistance temporaire par tierce personne : 1.240 euros (infirmation)

* permanents :

— incidence professionnelle :

.à titre principal : Z (confirmation)

.subsidiairement : 5.000 euros

¤ PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

* temporaires :

— déficit fonctionnel temporaire : 918,50 euros (infirmation)

— souffrances endurées : 4.080 euros (infirmation)

— préjudice esthétique temporaire : Z (infirmation) ou 1.000 euros

* permanent :

— déficit fonctionnel permanent : 6.700 euros (infirmation)

— préjudice esthétique permanent : 3.030 euros (confirmation)

— préjudice sexuel : Z (confirmation)

— préjudice d’agrément : Z (infirmation)

* de confirmer

— la déduction de 10.800 euros au motif que c’est bien le montant des provisions qu’elle a versées

— le Z de la demande en doublement du taux d’intérêts

* de débouter Mme X de ses demandes plus amples ou contraires

* de lui allouer 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

* et de condamner l’appelante aux dépens de première instance et d’appel.

Le RSI Auvergne, assigné par acte délivré le 23 novembre 2018 à personne habilitée, ne comparaît pas.

La procédure a été clôturée le 5 mars 2020.

L’affaire, fixée à l’audience du 7 mai 2020, a fait l’objet d’un report en raison de la crise sanitaire due à la pandémie de Covid 19, et a été en définitive évoquée le 19 novembre 2020.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 9 septembre 2020, la société MAAF Assurances a sollicité le rabat de la clôture afin de rendre recevable la constitution de son nouveau conseil, sans modification aucune de ses écritures antérieures.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le retrait professionnel de l’avocat constitué pour la MAAF et la désignation d’un nouveau conseil le 3 septembre 2020 constituent une cause grave justifiant de rabattre l’ordonnance de clôture du 5 mars 2020 et de fixer la clôture au 4 septembre 2020.

B X, qui est née le […], était âgée de 46 ans à l’époque de l’accident, où elle exerçait la profession de coach en fitness-gymnastique-danse-remise en forme.

La MAAF ne conteste pas le principe de son obligation de réparer son préjudice.

Le docteur Y a conclu en ces termes dans son rapport définitif du 16 décembre 2015, qui n’est ni contredit ni réfuté :

.consolidation

— orthopédique au 11 mars 2011

— ORL au 9 avril 2013

.DFP :

— de classe III du 12.10.au 12.01.2010

— de classe II du 13.10 au 12.11.2010

— de classe I du 13.11 au 12.12.2010

.frais d’assistance temporaire par tierce personne : 4h par jour du 12.08 au 12.10.2010

.déficit fonctionnel permanent : 5%

.frais d’assistance temporaire par tierce personne : 4h par jour du 12.08 au 12.10.2010

.retentissement professionnel

.souffrances endurées : 2,5/7

.préjudice esthétique : 2/7

.préjudice d’agrément : OUI.

Le préjudice corporel de Mme X, âgée de 49 ans lors de la consolidation ORL, sera évalué comme suit, dans la limite des appels, au regard de ces conclusions et des autres éléments contenus dans ce rapport, ainsi que des productions et explications des parties.

[…]

1.[…] TEMPORAIRES (avant consolidation) .

1.1.1. : dépenses de santé actuelles

Il n’existe pas de discussion sur ce poste, qui comprend :

— les débours du RSI Auvergne, justifiés pour les 733,45 euros retenus par le tribunal

— et les frais restés à charge de Mme X, à savoir 474,48euros de frais médicaux et 2.242,63 euros de rhinoplastie, soit au total une somme de 2.717,11 euros que le premier juge a pertinemment retenue dans les motifs de sa décision mais a omis de reprendre dans le dispositif, ainsi qu’en conviennent les parties, de sorte que le jugement sera complété de ce chef.

1.1.2. : frais divers

Il n’existe pas de discussion sur les deux postes retenus par le tribunal, soit 343,95 euros de frais justifiés de déplacement et 1.340 euros pour rémunérer le médecin-conseil assistant la victime durant l’expertise.

Mme X reprend devant la cour deux autres postes de demande écartés par la tribunal, l’un, pour 1.794 euros, de film adhésif personnalisant son véhicule ('covering'), l’autre, pour 349 euros, de remplacement d’un ordinateur portable qui aurait été cassé dans l’accident, en disant ne pas discerner pourquoi le premier juge lui en a refusé la prise en charge.

Le tribunal a toutefois expliqué sa décision, en indiquant (cf page 8 du jugement) que Mme X ne justifiait pas subir personnellement un préjudice à ce titre, alors que les factures de ces deux matériels sont libellées non pas à son nom mais à celui d’une société, et qu’elle ne démontre pas les avoir personnellement acquittées.

Cette motivation est pertinente, puisqu’il ressort en effet des pièces n°20 et 21 de l’appelante produites à l’appui de cette demande que la facture de Covering est libellée au nom d’une société 'Lady Moving’ et celle du PC au nom d’une société SIMAT domiciliée à la même adresse que la

précédente, et Mme X ne justifie pas plus en cause d’appel qu’en première instance avoir personnellement réglé ces factures, ni avoir dû supporter personnellement la charge financière du rachat de ces matériels qu’elle dit avoir été détériorés dans l’accident.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a chiffré ce poste à 1.683,95 euros.

1.1.3. : frais d’assistance temporaire par une tierce personne

Les parties acceptent l’évaluation du besoin en tierce personne avant la consolidation fixée par l’expert judiciaire à 4 heures hebdomadaires pendant 31 jours.

La discussion porte sur le taux horaire à appliquer, la victime sollicitant 20 euros motif pris des tarifs pratiqués en région parisienne où elle demeure et la concluante prônant 10 euros au motif qu’il s’agit d’une aide dépourvue de technicité.

Le tarif horaire de 16 euros retenu par le tribunal est adapté compte-tenu de la nature de l’aide considérée et de sa localisation, et le jugement, qui a chiffré sur cette base le poste de préjudice à 1.984 euros sera confirmé.

1.1.4. : perte de gains professionnels actuels

Mme X demandait en première instance que ce poste soit réservé par voie de sursis à statuer dans l’attente de disposer des éléments comptables pour chiffrer son préjudice, et sollicitait subsidiairement 80.000 euros.

Elle soutenait que l’accident avait déclenché des lombalgies invalidantes qui l’avaient empêchée de poursuivre l’activité d’accompagnateur ('coach') sportif débutée le 2 janvier 2010, l’obligeant à embaucher du personnel pour la remplacer et affectant ses revenus.

La MAAF contestait le principe même d’un préjudice, comme non démontré.

Le tribunal a rejeté ce poste de demande au motif que Mme X n’établissait pas que l’accident aurait déclenché un état antérieur latent.

Devant la cour, Mme X fait valoir que l’expert judiciaire n’a pas répondu au dire que son conseil lui avait spécialement adressé sur cette question de la décompensation d’un état antérieur latent ; elle soutient que seul l’accident peut expliquer qu’elle se soit mise à souffrir de lombalgies qui étaient auparavant inexistantes ; elle expose avoir subi de ce fait une perte de revenu liée à la diminution du chiffre d’affaires de la société qu’elle venait de créer, et aux frais de rémunération du personnel qu’elle dut embaucher pour la remplacer ; elle réclame sur la base d’un préjudice correspondant aux 3/4 du chiffre d’affaires hors taxes perçu pour la première année d’activité, soit (31.900 x 31%) = 23.925 euros.

La MAAF s’y oppose et sollicite la confirmation du jugement, en soutenant que les conclusions de l’expert excluent tout lien entre l’accident et les lombalgies, et en observant que Mme X a elle-même déclaré à l’expert judiciaire ne subir aucune perte de revenus car son statut de créateur d’entreprise était rémunéré par Pôle Emploi, ce à quoi l’appelante réplique qu’elle n’a pas à justifier de ces allocations puisqu’il est de jurisprudence assurée que celles-ci ne s’imputent pas sur l’indemnité réparant l’atteinte à l’intégrité physique de la victime.

L’expert judiciaire, le docteur Y, a pris en considération les dires qu’il a régulièrement reçus des parties, et qu’il annexe à son rapport, dont la pagination les inclut, y compris les derniers, notamment celui daté du 11 juin 2014 émanant du conseil de Mme X, reçu bien au-delà de l’expiration du délai d’un mois expirant au 28 mai 2014, raisonnable et suffisant, qu’il avait

imparti le 28 avril aux plaideurs pour lui faire parvenir toutes observations sur son pré-rapport, et il indique y répondre. Étant ensuite dessaisi par le dépôt de son rapport définitif, en date du 16 juin 2014, il ne pouvait ni ne devait répondre à la correspondance du 2 juillet 2014 du docteur A, médecin-conseil de la victime.

Mme X soutient que l’arthrose lombaire basse qu’elle présente, et qui est en effet objectivée par divers actes médicaux et constatée à l’examen par l’expert judiciaire, a été déclenchée par l’accident, et qu’elle doit donc être prise en compte et indemnisée comme un poste de préjudice en lien de causalité avec les faits du 12 août 2010. Elle fait valoir que cet état n’était absolument pas symptomatique avant l’accident, qui lui seul peut expliquer qu’il le soit devenu, et que s’applique en conséquence la jurisprudence sur la décompensation d’un état antérieur silencieux.

De fait, si le docteur Y écrit que la demanderesse se plaint le jour de l’expertise de lombalgies sans qu’aucune lésion traumatique n’ait été occasionnée par l’accident à ce niveau, il emploie à deux reprises le terme de 'décompensation d’un état antérieur', en pages 18 et 29 de son rapport, pour analyser l’arthrose lombaire qu’il a constatée ; il n’indique à aucun moment que cet état antérieur a évolué pour son propre compte, de façon totalement autonome en devenant symptomatique après l’accident par pure coïncidence sans que cet accident ne l’ait déclenché ces symptômes d’un état jusqu’alors muet ; et il estime qu’un préjudice d’agrément peut être retenu en raison des lombalgies post-traumatiques dont se plaint Mme X.

Cette pathologie lombaire, dans la mesure où elle n’était pas symptomatique avant l’accident et qu’elle l’est devenue de son fait, est en lien de causalité avec lui, et doit alors être prise en compte dans le cadre de l’indemnisation du préjudice.

Pour autant, l’indemnisation du poste de perte de gains professionnels actuels suppose, en l’état des contestations de la MAAF, la démonstration par la victime de la réalité d’une telle perte de salaires pour la période antérieure à la consolidation, c’est à dire la .preuve qu’elle a perçu des revenus moindres que ceux qu’elle aurait perçus si l’accident n’avait pas eu lieu.

Or cette preuve n’est pas rapportée, Mme X s’abstenant toujours en appel de fournir la moindre explication et le moindre justificatif -y compris déclaration fiscale-sur les revenus qu’elle se versait personnellement avant l’accident dans le cadre de l’activité qu’elle avait créée huit mois auparavant et sur ceux qu’elle a perçus après l’accident et jusqu’à sa consolidation, ce qui n’a rien à voir avec la question de ne pas déduire de son indemnisation les allocations de retour à l’emploi qu’elle pourrait avoir perçues.

Les éléments comptables afférents au chiffre d’affaires réalisés entre 2010 et 2014 par le fonds de commerce de salle de sport-soins-remise en forme qu’elle exploitait sous franchise de l’enseigne 'Moving’ ne tiennent pas lieu de preuve de la rémunération qu’elle se versait, si tant est qu’elle s’en versait une.

Le médecin-conseil qui l’assistait indique au demeurant dans sa lettre à l’expert judiciaire du 2 juillet 2014 (cf pièce n°15) que Mme X dispensait depuis 2010 des séances de coaching pour le fitness, aérobic et danse orientale et qu’elle 'signale avoir pu assurer toutes ces séances sans interruption'.

Le propre assureur de Mme X, Allianz, lui a rappelé qu’elle lui a déclaré lors de la déclaration de sinistre n’avoir subi aucune perte de revenus (cf pièce n°9 de l’appelante).

En l’absence persistante de preuve de la réalité d’une perte effective de gains professionnels actuels, le Z de ce poste de demande sera confirmé.

1.2. […]

1.2.1. Dépenses de santé futures

Il n’est rien sollicité de ce chef.

1.2.2. Incidence professionnelle

Le tribunal a rejeté ce poste de demande au motif que Mme X ne démontrait pas la réalité d’un préjudice subi à ce titre.

La MAAF conteste à titre principal l’existence même d’une incidence professionnelle au motif que l’arthrose lombaire invoquée comme justifiant l’indemnisation de ce préjudice est sans lien avec l’accident, et elle sollicite la confirmation du jugement. À titre très subsidiaire, elle estime que l’indemnisation de ce poste ne pourra excéder 5.000 euros.

Mme X soutient l’existence de ce poste de préjudice, en indiquant que ses douleurs lombaires l’empêchent de réaliser des mouvements fluides et précis lors des cours de démonstration en fitness, que ses douleurs la handicapent lors des démonstrations, et qu’elle ne peut effectuer en même temps que ses clientes l’intégralité des exercices afin de les motiver.

La cour a retenu que cette pathologie lombaire, devenue symptomatique du fait et à cause de l’accident, constituait un état séquellaire en lien avec ledit accident, et qu’elle entrait comme tel en ligne de compte pour déterminer les préjudices à indemniser.

L’expert judiciaire indique (cf rapport p.21) que les lésions arthrosiques constituent un élément péjoratif pour les capacités gymniques de Mme X, et retient l’existence d’un retentissement professionnel lié à l’accident de ce chef (cf page 29), et le sapiteur ORL qu’il s’est adjoint retient en outre l’incidence professionnelle de la déviation du nez subie du fait de l’accident par la victime, et qui reste apparente malgré la rhinoplastie, en notant l’importance de l’apparence physique dans un métier de coach en fitness féminin.

Un préjudice d’incidence professionnelle est donc bien caractérisé pour Mme X, du fait de l’augmentation liée à l’accident de la fatigabilité au travail -qui est un facteur de fragilisation de l’emploi- et d’une certaine limitation à exercer sa profession, mais aussi d’autres métiers requérant des aptitudes physiques et une station debout prolongée, ce qui la dévalorise sur le marché de l’emploi.

Ce préjudice sera valablement indemnisé par l’allocation d’une somme de 25.000 euros.

2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

2.1. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

2.1.1. Déficit fonctionnel temporaire

La discussion porte sur le taux horaire à retenir pour indemniser ce poste, avéré et non contesté, de préjudice, Mme X sollicitant réparation sur la base de 30 euros de l’heure et l’assureur prônant 20 euros.

Le tribunal a pertinemment retenu un taux horaire de 25 euros qui est usuel, et adapté, et le jugement, qui a alloué 1.043,75 euros sur cette base, sera confirmé de ce chef.

2.1.2. Souffrances endurées

Sur la base non contestée et convaincante de 2,5/7 retenue par l’expert au vu des douleurs lors du choc initial et de la convalescence ainsi que de la souffrance morale à voir son nez moins harmonieux, le tribunal a pertinemment alloué 4.200 euros, et le jugement sera confirmé de ce chef.

2.1.3. Préjudice esthétique temporaire

Bien que l’expert judiciaire n’en parle pas, la réalité d’un préjudice esthétique temporaire est certaine, puisque Mme X a présenté une fracture des os propres du nez, et c’est à bon droit que le tribunal -quoiqu’en se méprenant sur un accord des parties sur ce point- a alloué à ce titre une indemnisation de 1.000 euros, le jugement étant confirmé de ce chef.

2.2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX PERMANENTS

2.2.1. Déficit fonctionnel permanent

L’expert judiciaire retient sans contestation et de façon convaincante un taux de DFP de 5% en raison de douleurs au niveau de la partie haute du sillon interfessier et du sacrum.

Au vu de l’âge de la victime, la somme de 7.200 euros allouée par le premier juge est adaptée, et le jugement sera confirmé de ce chef.

2.2.2. Préjudice esthétique permanent

Sur la base de 2/7 retenue par expert et sapiteur en raison d’une déviation de la pyramide nasale, la somme allouée de 3.030 euros est adaptée, et ce chef de décision sera confirmé.

2.2.3. préjudice d’agrément

L’expert judiciaire retient comme établie la réalité d’un préjudice d’agrément du fait de l’accident (cf rapport p.18 et 29

) en raison des douleurs lombaires.

La cour a dit que ces douleurs étaient en lien de causalité avec l’accident.

Mme X sollicite 10.000 euros en raison de la difficulté qu’elle éprouve à pratiquer désormais fitness, aérobic et sport en salle.

La MAAF conclut au Z de cette demande en considérant que la preuve d’un tel préjudice n’est pas rapportée.

Retenant à bon droit que Mme X pratiquait intensément le fitness, dont elle venait de faire son métier peu avant l’accident, le tribunal a pertinemment alloué à la victime 8.000 euros pour indemniser la difficulté et la pénibilité de cette pratique désormais installées, et le jugement sera confirmé de ce chef.

2.2.4. préjudice sexuel

Mme X sollicite une indemnisation de 10.000 euros à ce titre, en affirmant que l’accident a altéré sa libido.

L’expert judiciaire consigne cette allégation, tout en indiquant qu’aucun élément ne justifie l’impossibilité de rapports sexuels.

Mme X précise que ses douleurs lombaires rendent les rapports intimes compliqués voire douloureux.

La MAAF conclut au Z de ce poste faute de preuve de sa réalité.

La description des douleurs lombaires faite par l’expert n’est pas de nature à accréditer leur incidence significative lors de rapports intimes.

Quant à l’incidence alléguée des séquelles de l’accident sur la libido, elle est invérifiable, et il peut simplement être relevé que la nature et l’intensité de ces séquelles, ainsi que la modicité du taux du DFP, ne sont pas de nature à corroborer l’évidence d’une imputabilité à l’accident des troubles allégués.

Le jugement, qui a rejeté ce chef de demande, serai ainsi confirmé.

* récapitulation

La somme totale due à Mme X par la MAAF Assurances s’établit donc à (2.717,11 + 1.683,95 + 1984 + 25.000 + 1.043,75 + 4.200 + 1.000 + 7.200 + 3.030 + 8.000) = 55.858,81 euros.

La créance du RSI Auvergne s’élève à 733,45 euros.

* sur le doublement du taux de l’intérêt

Mme X demande à la cour d’assortir les sommes allouées d’intérêts au double du taux légal par application des articles L.211-9 et suivants du code des assurances, aux motifs que l’offre d’indemnisation de la MAAF était irrégulière, car adressée à son assureur Allianz et non à elle-même; tardive, car formulée le 22 août 2014 alors que l’accident datant du 12 août 2010 elle devait l’être avant le 12 avril 2011 ; et incomplète, car elle ne formulait aucune offre au titre de la perte de gains professionnels actuels et futurs, de l’incidence professionnelle, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice d’agrément et du préjudice sexuel.

En vertu de l’article L.211-9, une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident. L’offre comprend tous les éléments indemnisables du préjudice.

Conformément à ce que prévoit le second alinéa de ce texte légal, cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime.

En l’espèce, il est constant que la compagnie Allianz a formulé une offre à Mme X le 22 août 2014.

Le fait que l’offre émise émanait de l’assureur de Mme X et non de la MAAF n’est pas de nature à entraîner l’application de la pénalité légale, l’article L.211-9 in fine prévoyant en cas de pluralité de véhicules, et s’il y a plusieurs assureurs, que l’offre soit faite par l’assureur mandaté par les autres, et la MAAF indiquant sans être démentie qu’Allianz était mandatée pour formuler l’offre dans le cadre du mandat dit 'ARCA', ce que confirme la pièce n°9 de l’appelante dans laquelle Allianz indique avoir été mandatée.

Mais il n’est justifié d’aucune offre provisionnelle avant cette offre, alors qu’en l’absence -avérée- d’information dans les trois mois de l’accident sur la consolidation, il fallait en formuler une.

Le tribunal a retenu que le fait que Mme X a reçu 5.000 euros de provisions de la MAAF démontre que celle-ci a formulé une offre provisionnelle, mais le paiement d’une provision, au surplus forfaitaire, n’équivaut pas à la formulation d’une offre provisionnelle, d’autant que celle-ci doit détailler poste par poste l’ensemble des préjudices indemnisables.

Il n’est justifié d’une offre formalisée qu’au 22 août 2014, soit après l’expiration du délai pour la formuler.

Et lorsqu’elle a été émise, cette offre était nécessairement incomplète, puisque même si elle n’est pas produite -seul le courrier de transmission l’étant- la société MAAF Assurances reconnaît qu’aucune offre ne fut alors formulée au titre du retentissement professionnel de l’accident, qu’il s’agisse du poste des pertes de gains professionnels futurs ou de celui de l’incidence professionnelle, alors qu’il s’agissait là, soit cumulativement, soit alternativement selon le raisonnement adopté, d’un poste de préjudice indemnisable au sens du texte invoqué, d’autant que l’expert judiciaire concluait expressément : 'il existe par ailleurs un retentissement professionnel' (cf rapport Y page 29). Il en va de même pour le préjudice d’agrément.

Par infirmation du jugement déféré, il sera donc fait droit à la demande de la victime tendant à obtenir des intérêts du double du taux légal et ce, conformément à ce que prévoit l’article L.211-13 du code des assurances, à compter de l’expiration du délai et jusqu’à l’offre, soit donc du 11 avril 2011 au 14 avril 2017, date de transmission des conclusions de première instance dans lesquelles la MAAF a formulé des offres sur tous les postes de préjudice indemnisables.

Lorsque l’offre émise est incomplète, comme en l’espèce, ce qui équivaut à une absence d’offre, la pénalité du doublement des intérêts a pour assiette non pas, comme le prétend la société MAAF Assurances, le montant des sommes offertes, mais celui des indemnités allouées et ce, avant déduction des provisions versées (ainsi Cass. Civ 2° 12.05.2011 P n°10-17148).

* sur la demande de capitalisation des intérêts

L'anatocisme est de droit lorsqu’il est sollicité en justice, et les articles L.211-1 et L.211-3 du code des assurances ne dérogent pas aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil relatives à l’anatocisme, de sorte que cette capitalisation a été ordonnée à bon droit.

Elle opère à compter du 3 avril 2017, date de l’assignation dans laquelle elle a été sollicitée.

* sur le montant des provisions à déduire

Mme X E n’avoir reçu de la MAAF que pour 5.000 euros de provisions au total, objectant que la preuve que l’assureur prétend rapporter de ce qu’il lui aurait versé davantage, soit 10.800 euros, résulte de captures d’écrans qui ne sont pas un mode de preuve admissible en vertu de l’article 1341 ancien, devenu 1359, du code civil.

Il incombe à la MAAF de rapporter la preuve du paiement qu’elle allègue, Mme X ne pouvant se voir imposer de rapporter la preuve, négative et donc impossible, qu’elle n’aurait pas reçu les sommes litigieuses.

La photocopie noirâtre et quasiment illisible d’une capture d’écran dont l’origine et la teneur sont invérifiables ne constitue pas une preuve de ce que la MAAF aurait payé à Mme X 5.800 euros de plus que les 5.000 euros que celle-ci admet avoir reçus d’elle.

Le jugement sera ainsi réformé en ce qu’il a chiffré le montant des provisions à déduire à 10.800 euros, seule la somme de 5.000 euros pouvant être retenue.

* sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Mme X obtient sur plusieurs points l’infirmation du jugement en sa faveur, et la MAAF doit être regardée ainsi comme succombant en cause d’appel.

La compagnie d’assurances supportera donc les dépens d’appel, et versera à la victime une indemnité de procédure en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, dans les limites de l’appel :

ORDONNE le rabat de l’ordonnance de clôture du 5 mars 2020 et FIXE la clôture au 4 septembre 2020.

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il rejette la demande de sursis à statuer et en ses dispositions afférentes aux dépens et à l’indemnité de procédure allouée à Mme X

L’INFIRME pour le surplus

statuant à nouveau de ces chefs :

FIXE ainsi l’indemnisation du préjudice subi par B X consécutivement à l’accident dont elle a été victime le 12 août 2010

[…]

[…]

* dépenses de santé actuelles : 3.450,56 euros, soit

— déboursées par le RSI Auvergne : 733,45 euros

— supportées par Mme X : 2.717,11 euros

* frais divers : 1.683,95 euros

* assistance tierce personne avant consolidation : 1.984 euros

[…]

* incidence professionnelle : 25.000 euros

2. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX TEMPORAIRES

* déficit fonctionnel temporaire : 1.043,75 euros

* souffrances endurées : 4.200 euros

* préjudice esthétique temporaire : 1.000 euros

PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX PERMANENTS

* déficit fonctionnel permanent : 7.200 euros

* préjudice esthétique permanent : 3.030 euros

* préjudice d’agrément : 8.000 euros

DIT que la créance du RSI Auvergne s’élève à 733,45 euros

CONDAMNE la société MAAF Assurances à payer à Mme X la somme de totale de 50.858,81 euros après déduction des provisions déjà versées soit 5.000 euros

DIT que cette somme produit intérêt au double du taux légal à compter du 11 avril 2011 jusqu’au 14 avril 2017

DIT que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, à compter du 3 avril 2017

DÉBOUTE les parties de leurs prétentions autres ou contraires

CONDAMNE la société MAAF Assurances aux dépens d’appel

LA CONDAMNE à payer à Mme X 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Poitiers, 1ère chambre, 19 janvier 2021, n° 18/02665