Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 23 février 2021, n° 19/02139

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect.civ., 23 févr. 2021, n° 19/02139
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 19/02139
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Reims, 5 septembre 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 23 février 2021

R.G : N° RG 19/02139 – N° Portalis DBVQ-V-B7D-EYDC

A

A

A

A

A

c/

S.A.R.L. B

Formule exécutoire le :

à

 :

la SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS

la SELARL BQD AVOCATS

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 23 FEVRIER 2021

APPELANTS :

d’un jugement rendu le 06 septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de REIMS

Monsieur G A

[…]

[…]

Représenté par Me David ROLLAND de la SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS, avocat au barreau de REIMS

Madame F-S A

[…]

[…]

Représentée par Me David ROLLAND de la SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS, avocat au

barreau de REIMS

Madame H A épouse X

[…]

[…]

Représentée par Me David ROLLAND de la SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS, avocat au barreau de REIMS

Madame I A épouse Y

[…]

[…]

Représentée par Me David ROLLAND de la SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS, avocat au barreau de REIMS

Madame J A épouse Z

[…]

[…]

Représentée par Me David ROLLAND de la SELARL CABINET ROLLAND AVOCATS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.A.R.L. B

[…]

[…]

Représentée par Me Fanny QUENTIN de la SELARL BQD AVOCATS, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre

Monsieur Cédric LECLER, conseiller, rédacteur

Nadine DEL PIN, conseiller

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 19 janvier 2021 où l’affaire a été mise en délibéré au 23 février 2021

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 23 février 2021 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous-seing privé en date du 27 avril 2012, la société à responsabilité B, représentée par ses représentants légaux Monsieur K B et Madame L C, a acquis auprès de la société à responsabilité limitée LOUISA un fonds de commerce, exploitée sous l’enseigne « Chez Lui », sis […] à Reims, moyennant un prix de 155.000 €.

L’immeuble dans lequel ce fonds était exploité appartenait en indivision à Monsieur G A, Madame F-S A, Madame H A, Madame I A, Madame J A (les consorts A).

Selon acte sous-seing privé en date du 28 janvier 1992, renouvelé par acte notarié reçu le 27 avril 2012 pour une période de neuf ans, avec effet rétroactif à compter du 24 juin 2009, les consorts A ont donné cet immeuble à bail, moyennant un loyer annuel de 8.539 € hors charges, ledit bail comprenant notamment non seulement les locaux nécessaires à l’exercice d’une activité de restauration, mais également deux étages permettant aux gérants d’être logés.

La société à responsabilité limitée LOUISA était la précédente preneuse à bail de ce bien immobilier.

Suivant mandat conclu le 26 décembre 2003 , les consorts A ont confié la gestion de leur bien immobilier à la société anonyme SEFIC IMMOBILIER.

Après son entrée dans les lieux courant avril 2012, la société B a fait procéder à des travaux, au cours desquels elle a déclaré avoir découvert d’importants désordres :

— présence de plus de 850 kg de fientes de pigeons dissimulés derrière une porte camouflée ;

— infection de l’immeuble par la mérule.

Les deux représentants légaux de la société B se sont en outre plaints, en leur nom personnel, de ce que ce champignon avait causé des problèmes respiratoires à leurs deux enfants mineurs, M B et N O.

Le 2 août 2012, la société B a fait procéder sur les lieux à un constat par huissier.

À compter du 28 février 2013, les consorts A ont mis fin au mandat de gestion donné à la société SEFIC sur le bien immobilier.

Par ordonnance sur requête en date du 15 avril 2013, le président du tribunal de grande instance de Reims a autorisé la société B à assigner à jour fixe les consorts A, la caisse primaire d’assurance-maladie, et la société à responsabilité LOUISA à l’audience du 17 avril 2013.

Le 16 avril 1013, la société B a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims aux fins de voir ordonner des mesures d’expertise immobilière et médicale, et de voir condamner solidairement les consorts A et la société LOUISA à lui verser une somme de 5.000 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

Monsieur B et Madame C sont intervenus volontairement à cette instance.

Par ordonnance du 22 mai 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance a notamment:

— déclaré recevable l’intervention volontaire de Monsieur B et de Madame C;

— mis hors de cause la société LOUISA;

— ordonné une expertise immobilière et commis pour ce faire Monsieur P, et mis à la charge de la société B une provision de 1.500 € à valoir sur la rémunération d’expert ;

— ordonner une expertise médicale de M B et de N O, et commis pour ce faire le Docteur D ;

— débouté la société B, Monsieur B et Madame C de leurs demandes de provisions.

Le 16 septembre 2013, à l’occasion d’une première union d’expertise immobilière, l’expert a estimé qu’il convenait d’appeler la société LOUISA en la cause, en sa qualité d’ancien locataire au titre de son obligation d’entretien.

Par ordonnance en date du 16 octobre 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims, s’agissant de l’expertise médicale, a remplacé le Docteur D par le Docteur E.

Par ordonnance en date du 2 avril 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims, saisi par la société B, a déclaré les opérations de référé expertise ordonnées le 22 mai 2013 opposables à la société LOUISA.

Par ordonnance en date du 4 mai 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Reims, saisi par les consorts A, a déclaré ses précédentes décisions communes à la société SEFIC.

Par ordonnance en date du 13 mars 2015, le juge chargé du contrôle des expertises a mis à la charge de la société B une consignation supplémentaire d’un montant de 2.630 €, à valoir sur la rémunération de l’expert immobilier.

Cette consignation supplémentaire n’a pas été versée.

Par correspondance en date du 10 septembre 2015 le juge chargé du contrôle des expertises a autorisé cet expert a déposé son rapport en l’état.

Le 18 septembre 2015, l’expert immobilier a déposé son rapport.

Le 28 octobre 2015, la société B a sollicité la reprise des opérations d’expertise.

Le juge chargé du contrôle des expertises a refusé cette demande.

Le 2 février 2017, la société B a assigné les consorts A devant le tribunal de grande instance de Reims en réparation de son préjudice.

Les consorts A ont fait assigner la société SEFIC aux fins d’intervention et de garantie devant ce même tribunal.

Par ordonnance du juge de la mise en état du 4 janvier 2008, la jonction des deux procédures a été rejetée.

Par acte authentique en date du 27 juin 2018, les consorts A ont cédé la propriété de l’immeuble litigieux à la société par actions simplifiées Compagnie Immobilière MIGNEAUX et Associés.

En dernier lieu, la société B a demandé la condamnation solidaire des consorts A aux entiers dépens ce compris les frais d’expertise judiciaire, avec distraction au profit de son conseil, et à lui payer les sommes de :

—  258.248,61 euros à titre de dommages-intérêts ;

—  5.000 € au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, les consorts A ont demandé :

A titre principal,

— de rejeter l’ensemble des prétentions de la société B;

à titre subsidiaire,

— de réduire de plus justes proportions l’indemnisation sollicitée.

En tout état de cause,

— la condamnation de tous succombants aux dépens avec distraction au profit de leur conseil, et à leur payer la somme de 3500 € au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 6 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Reims a:

— condamné solidairement les consorts A à payer à la société B la somme de 116.589,02 euros à titre de dommages-intérêts ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

— condamné solidairement les consorts A à payer à la société B la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles;

— condamné solidairement les consorts A aux entiers dépens, ce compris les frais d’expertise judiciaire immobilière, avec distraction au profit du conseil de la société B.

Le 18 octobre 2019, les consorts A ont relevé appel de ce jugement.

Le 31 décembre 2020, les consorts A ont déposé des conclusions n°3 et de nouvelles pièces n°25 et 26.

Le 4 janvier 2021 à 11 heures 08 et 11 heures 14, les consorts A ont déposé des conclusions n°4 et une nouvelle pièce n°27.

Le 4 janvier 2021, la société B a demandé le rejet des écritures n°3 et 4 et des pièces n°25 à 27 déposées les 31 décembre 2020 et 4 janvier 2021 par les consorts A.

Le 5 janvier 2021, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties :

— le 4 janvier 2021 par les consorts A, appelants;

— le 25 mars 2020 par la société B, intimée.

Par voie d’infirmation, les consorts A demandent à la cour de déclarer le rapport d’expertise judiciaire inopposable aux parties, de débouter la société B de l’ensemble de ses demandes, et de la condamner à lui payer une somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

La société B demande la confirmation du jugement en ce qu’il a fait droit à ses demandes indemnitaires au titre des travaux de l’installation électrique, menuiseries extérieures et escaliers, toiture et chaudières, déblaiement des encombrants du sous-sol, et sur les dépens.

La société B demande l’infirmation du jugement en ce qu’elle a été déboutée de ses demandes au titre des frais d’architecte, pertes d’exploitation, préjudice moral, et résistance abusive des bailleurs, pour réitérer à hauteur de cour ses demandes initiales de ces chefs.

La société B demande l’infirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué une somme de 20.000 euros en réparation de son trouble de jouissance, et réclame de ce chef une somme de 50.000 euros.

La société B demande la condamnation in solidum des consorts A à lui payer une somme de 30.860 euros au titre du coût des réparations des lucarnes donnant sur rue et de nettoyage des gouttières.

La société B demande encore 5.000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

MOTIVATION

Sur la demande de rejet des écritures et pièces déposées par l’appelante 5 jours avant la clôture et la veille de l’ordonnance de clôture.

L’article 15 du code de procédure civile impose aux parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les éléments de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent, et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 du même code fait obligation au juge d’observer et de faire observer le principe de contradiction en toutes circonstances, sans pouvoir retenir dans sa décision des éléments dont les parties n’auraient pas été en mesure de discuter contradictoirement.

Ces textes imposent de caractériser les circonstances particulières ayant porté atteinte au principe de la contradiction.

Il résulte de ces textes que pour écarter des écritures et pièces communiquées tardivement, y compris la veille de l’ordonnance de clôture, il convient de rechercher si celles-ci appelaient une réponse, notamment en soulevant des prétentions ou moyens nouveaux.

L’article 954 alinéa 2 du même code fait obligation aux parties, qui invoquent au soutien de leurs prétentions des moyens nouveaux par rapport à leurs précédentes écritures, de les présenter de manière formellement distincte.

L’absence de présentation, de manière formellement distincte, des moyens nouveaux figurant dans de nouvelles écritures n’est en soit assortie d’aucune sanction, de telle sorte que la société B est mal fondée à solliciter de ce chef le rejet des écritures et pièces des consorts A.

Le 10 septembre 2020, il a été adressé aux parties un calendrier de procédure prévoyant que l’ordonnance de clôture serait prise le 5 janvier 2021, pour une audience de plaidoirie le 19 janvier 2021.

Ce calendrier avait invité les parties à saisir le magistrat chargé de la mise en état sous délai de quinzaine en cas de difficulté, et avait précisé qu’une fois passé ce délai, ce calendrier deviendrait impératif.

Dans le délai de quinzaine susdit, aucune partie n’a saisi le magistrat chargé de la mise en état d’une quelconque difficulté.

Le 31 décembre 2020, les consorts A ont déposé des conclusions n°3 et de nouvelles pièces n°25 et 26.

Le 4 janvier 2021 à 11 heures 08 et 11 heures 14, les consorts A ont déposé des conclusions n°4 et une nouvelle pièce n°27.

Le 4 janvier 2021, la société B a demandé le rejet des écritures n°3 et 4 et des pièces n°25 à 27 déposées les 31 décembre 2020 et 4 janvier 2021 par les consorts A.

Le 5 janvier 2021, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.

Dans ses écritures aux fins de rejet des écritures et pièces adverses tardives, la société B n’a pas caractérisé en fait en quoi il lui était impossible de répondre aux écritures et pièces de son adversaire, se bornant sur ce point à évoquer leur dépôt rapproché de la date de la clôture.

Il conviendra d’observer, que comparées aux écritures du 3 juillet 2020, les écritures du 31 décembre 2020 des consorts A comportent, par des traits verticaux figurant en marge, l’indication formellement distincte des modifications apportées aux précédentes écritures (en page 16, 17,18, 19,20 et 22).

De plus il ne résulte de ces écritures du 31 décembre 2020 aucun moyen nouveau, puisque les consorts A se contentent de répéter que les demandes adverses en indemnités ne sont pas suffisamment justifiées, en critiquant le caractère exorbitant des devis présentés par la société B, conduisant non pas à une remise en état des lieux, mais à leur amélioration, notamment s’agissant de:

— la rénovation de la menuiserie,

pour laquelle ils présentent leurs propres devis proposé le 3 février 2015, objet de leur pièce numéro 25 ;

— et en faisant valoir les nombreux travaux qu’ils ont réalisés dans les lieux depuis l’entrée de la société B, objet de leur pièce numéro 26.

En substance, ils se bornent à réitérer leur moyen selon lequel leur adversaire, auquel incombe la charge de la preuve du principe et de l’étendue du préjudice dont il réclame réparation, se trouve à cet égard défaillant.

Il ne résulte de ces éléments la formulation d’aucun moyen nouveau.

En tout état de cause, il n’apparaît pas en quoi la société B se serait trouvée dans l’impossibilité de répliquer avant le mardi 5 janvier 2021, date de la clôture, aux nouveaux arguments et pièces présentés le jeudi 31 décembre 2020 par les consorts A.

Il n’est ainsi caractérisé aucune atteinte au principe de la contradiction.

Il conviendra donc de débouter la société B de sa demande tendant à rejeter les écritures numéro trois et les pièces numéro 25 et 26, déposées le 31 décembre 2020 par les consorts A.

* * * * *

Un examen attentif des écritures déposées le 4 janvier 2021 par les consorts A montre que ceux-ci reprochent encore une fois la société B de ne pas avoir versé la consignation supplémentaire demandée par l’expert immobilier, ce dont il résulterait à leur sens un rapport d’expertise tronqué. Cette critique avait déjà été développée dans toutes leurs précédentes écritures.

Dans les écritures du 4 janvier 2021, les consorts A font grief à la société B d’avoir prétendu le 16 septembre 2013 ne pas disposer des moyens financiers pour verser le supplément de consignation, alors qu’elle lui avait adressé courant juin 2013 sa première proposition d’achat des murs, objet de sa nouvelle pièce numéro 27 (page 20).

En outre il conviendra d’observer que dans leurs précédentes écritures, les consorts A avaient déjà indiqué que la société B avait tenté à plusieurs reprises d’acquérir ce bien, en leur présentant des propositions d’achat des 11 mai 2013 et 20 juin 2016.

Dès lors il ne résulte pas des modifications apportées aux écritures déposées le 4 janvier 2021 par les consorts A l’énoncé d’un quelconque moyen nouveau.

Il n’est ainsi caractérisé aucune atteinte au principe de la contradiction.

Il conviendra donc de débouter la société B de sa demande tendant à rejeter les écritures numéro 4 et la pièce numéro 27 déposées le 4 janvier 2021 par les consorts A.

Sur le caractère contradictoire du rapport d’expertise judiciaire :

Il résulte de l’article 16 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, que le juge doit observer et faire observer, en toute circonstance le principe de la contradiction, et qu’il ne peut retenir dans sa décision les moyens ou pièces présentés par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

L’article 271 du même code dispose que le défaut de consignation dans les délais et modalités impartis, rend caduc la désignation de l’expert.

Il est cependant admis qu’en cas de consignation partielle, le juge peut autoriser l’expert a déposer son rapport en l’état, et tirer tout enseignement utile du rapport ainsi remis.

Les consorts A soutiennent que le rapport d’expertise n’a pas observé le principe du contradictoire.

Ils rappellent que l’expert n’a pas été en mesure de mener la mesure d’instruction à son terme, compte tenu du défaut de versement du complément de consignation par la société B.

Ils en déduisent que l’homme de l’art n’a pas pu se prononcer sur l’importance des désordres, sur les responsabilités encourues, sur les mesures permettant de mettre un terme aux désordres, et sur le montant des réparations.

Ils en retiennent que ce rapport n’est pas exploitable en l’état, ni de nature à fonder les demandes indemnitaires adverses.

Ce faisant, les consorts A se bornent à mettre en cause la valeur probante de l’expertise, qu’il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement, alors qu’il n’est pas tenu à se conformer aux conclusions de l’expert : dès lors la critique ainsi formulée se trouve étrangère au respect du principe de la contradiction par l’expert judiciaire.

Les consorts A déplorent que le débat technique contradictoire, avant que le tribunal ne soit amené à statuer, n’a pas pu avoir lieu, en l’absence de chiffrage détaillé des devis régulièrement communiqués aux parties.

Ils ajoutent qu’en l’absence de dépôt de pré-rapport, les parties n’ont pas pu transmettre leurs observations à l’expert concernant la fixation des responsabilités et sur les mesures permettant de mettre un terme aux désordres.

Une nouvelle fois, ce moyen a trait pour partie à la valeur probante de l’expertise, notion étrangère au principe de la contradiction.

Pour le surplus, l’examen des deux notes d’étape rédigées par l’expert met en évidence que celui-ci a régulièrement convoqué les parties à l’occasion des deux réunions d’expertise organisées sur les lieux les 6 septembre 2013 et 6 octobre 2014, et qu’à chacune de ces réunions, certains des consorts A étaient présents, à chaque fois assistés par un conseil.

Au cours de sa deuxième réunion d’expertise, l’expert a entendu les parties et a consigné les positions respectives des parties.

Ces notes d’étape ont été transmises aux parties.

L’expert a donc parfaitement observé le principe de la contradiction lors de ces opérations.

Le juge chargé du contrôle des expertises a autorisé la production en l’état de ses deux notes d’étape.

Enfin il demeure loisible aux parties de discuter contradictoirement la teneur de ses mesures d’instruction devant le juge du fond.

Il conviendra donc de dire que le rapport d’expertise judiciaire respecte pleinement le principe du contradictoire, et de débouter les consorts A de leur demande tendant à voir celle-ci déclarer inopposable aux parties : le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité des consorts A :

Il résulte de l’article 1719 du code civil qu’il appartient au bailleur, sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer à son locataire une local conforme à la destination prévue par le bail, et de le maintenir en état de servir à l’usage auquel il est destiné, et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

L’article 1720 du même code fait obligation au bailleur de délivrer le bien en bon état de réparations de toutes espèces, et pendant la durée du bail, d’y faire toutes réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.

Pour constituer une cause étrangère ne pouvant être imputée au bailleur, le fait d’un tiers doit revêtir les caractères de la force majeure.

L’article 1721 du code civil prévoit qu’il est dû au preneur garantie pour tous les vices et défauts de la chose qui en empêchent l’usage, quand bien même le bailleur ne les aurait pas connus, et que s’il en résulte quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l’indemniser.

L’existence d’un vice caché ne saurait être assimilé à un cas de force majeure, lequel a nécessairement une origine extérieure à la chose louée.

La vétusté n’est un cas fortuit exonérant le bailleur que si elle ne résulte pas de la négligence ou du défaut

d’entretien imputable à celui-ci.

L’obligation de délivrance est l’obligation principale du bailleur, dont ce dernier ne peut pas se décharger, notamment par l’insertion dans le bail d’une clause stipulant que le locataire prend les lieux dans l’état où ils se trouvent.

Le bailleur ne peut pas se décharger de son obligation de délivrance par le biais d’une clause relative à l’exécution des travaux.

Toute dérogation contractuelle au principe mettant ces travaux à la charge du bailleur doit être interprétée restrictivement.

* * * * *

Il conviendra de rappeler que la cour n’a été saisie d’aucun moyen tiré de ce qu’une clause du contrat de bail mettrait de quelconques travaux à la charge du preneur.

* * * * *

En premier lieu, c’est de manière inopérante que les consorts A entendent mettre en cause tant le fait de leur précédent locataire la société LOUISA, que celui de la société SEFIC à laquelle ils avaient donné mandat de gestion locative du bien immobilier litigieux.

En effet, ils n’établissent ni même n’allèguent que les agissements de leurs cocontractants auraient revêtu les caractéristiques de la force majeure, alors que l’effet relatif des conventions leur interdit d’opposer celles-ci à la société B qui n’y est pas partie.

* * * * *

L’entrée dans les lieux d’un preneur en connaissant le mauvais état n’équivaut pas à une renonciation de sa part à se prévaloir, ensuite, de ses droits, concernant l’obligation du bailleur d’entretenir les lieux en état de servir à l’usage pour lequel ils ont été loués, dès lors que le bailleur n’en a pas été déchargé par la convention.

Les consorts A soutiennent qu’il appartenait à la société B de s’assurer de l’état des lieux avant d’y entrer, de telle sorte qu’elle ne pourrait plus ultérieurement venir lui en reprocher l’état insalubre. En particulier, elle fait observer qu’il n’est pas sérieusement envisageable que la pièce prétendument dérobée, derrière laquelle la société B prétend avoir découvert 850 kg de fientes de pigeons, outre divers encombrants et détritus, aurait pu échapper à la vigilance de la preneuse avant son entrée dans les lieux.

Alors que les consorts A ne viennent invoquer aucune clause du contrat de bail qui les délieraient sur ce point précis de leur obligation de délivrance, c’est de manière inopérante qu’ils entendent ainsi de manière générale être totalement déchargés de celle-ci par la seule circonstance que les consorts A seraient entrés dans les lieux en l’état.

* * * * *

A défaut de dérogation expresse et non équivoque, le bailleur doit garantie au locataire contre les vices non apparents de la chose louée.

Alors que sa détection nécessite un certain degré d’expertise, les consorts A ne peuvent pas venir soutenir que la présence de la mérule aurait constitué un vice apparent pour la société B.

De même, alors que lors des opérations d’expertise judiciaire, la société LOUISA, ancienne preneuse, avait elle-même admis avoir mis en place des panneaux isolants devant la porte donnant accès à l’escalier du

grenier, il ne peut pas être fait grief à la société B de ne pas avoir décelé la présence d’une importante quantité de déjections de pigeons sur les sols et menuiseries du grenier.

* * * * *

Le constat d’huissier du 2 août 2012 établit la présence, dans le grenier d’une quantité importante de déjections de pigeons sur le plancher, sur les poutres, ainsi que dans l’espace inter- solives au niveau du plancher, également rempli de fientes. Ce constat relève l’existence, au deuxième étage, de plafonds formant par endroits des ventres. Il relève que d’une manière générale, les murs et plafonds présentent de nombreuses marques d’eau et de moisissures. Il rapporte que l’installation électrique est vétuste et que les escaliers sont en mauvais état.

L’expertise judiciaire vient corroborer ces constatations, en relevant notamment une forte humidité dans les caves, une installation électrique vétuste et dangereuse, des traces de fientes de pigeons au niveau des planchers et de la charpente, et des infiltrations d’eau sous les fenêtres du deuxième étage.

S’agissant de la mérule, le constat d’huissier rapporte la présence, sur le sous-sol en terre battue du restaurant, mais également sur les murs d’un champignon diaphane, de faible épaisseur, couvrant plus de 2 mètres carrés.

Après avoir examiné les photos prises lors du constat d’huissier, l’expert judiciaire a conclu à l’existence de très forts soupçons concernant la mérule, tout en indiquant qu’il n’a pas pu constater l’existence de ce champignon, compte tenu de la réalisation d’une intervention curative en urgence par les consorts A. Cependant l’expert a observé la présence d’un coniophore des caves, champignon lignifore pouvant causer des dégâts aussi importants que la mérule.

Il est constant que les consorts A ont fait procéder à l’enlèvement et à la mise en décharge des encombrants et détritus salis par les fientes de pigeons, ainsi qu’au nettoyage et à la désinfection du grenier le 14 mai 2012 par l’entreprise PRO IMPEC, dont ils ont produit la facture, peu après que la société B soit entrée dans les lieux le 27 avril 2012.

Il résulte en outre de l’expertise judiciaire qu’avant la tenue de la première réunion d’expertise le 16 septembre 2013, les consorts A ont fait procéder à une action curative en sous-sol vis-à-vis de la mérule.

Cependant, les constatations sus rapportées, émanant tant de l’huissier que de l’expert judiciaire, réalisées après exécution successive de chacune de ces prestations, démontrent suffisamment la persistance d’un trouble à la jouissance paisible des lieux par la société B, et le préjudice à elle causé par un vice caché.

En particulier, l’expert judiciaire a observé que nonobstant, l’immeuble restait encore encombré par un important volume de débris au sous-sol et que le grenier, dont les ouvertures permettant l’entrée aux pigeons avaient été rebouchées, devait encore être nettoyé pour en permettre une utilisation normale.

Il conviendra donc de retenir du tout que les consorts A ont manqué à leur obligation de délivrance, à leur obligation d’entretien, et à leur obligation de garantir la preneuse contre les vices cachés de la chose louée.

Sur les demandes de dommages-intérêts présentées par la société B:

*Sur les travaux de réparation:

Lorsqu’un dommage en matière immobilière trouve sa source dans l’état du bien, et dès lors que sa reconstruction ou sa remise en état est techniquement possible, le principe de réparation intégrale consiste à mettre le coût de cette reconstruction ou de cette remise en état à la charge du responsable, pour replacer le plus exactement possible la victime dans la situation où elle se serait trouvée si le dommage ne s’était pas réalisé.

La victime dispose librement de l’indemnité afférente au coût des travaux, et son versement ne peut pas être subordonné à la justification de leur réalisation.

L’indemnité allouée à une société commerciale l’est hors taxes, dès lors que celle-ci ne démontre pas que ses activités bénéficient de l’exonération de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. (Cass. 3e civ., 6 décembre 2006, n°05-17.553, Bull. 2006, III, n°240).

La société B, société commerciale exerçant une activité de restauration, ne démontre pas qu’elle ne peut pas récupérer la dite taxe.

Il conviendra donc de retenir que les sommes indemnitaires susceptibles de lui être allouées, notamment s’agissant des travaux, seront retenues pour leur valeur hors taxes.

*Sur l’installation électrique:

Le transfert de propriété de la chose emporte transfert des risques y afférents, sauf clause contraire.

Par acte authentique en date du 27 juin 2018 les consorts A ont procédé à la vente de l’immeuble litigieux.

Toutefois le contrat de vente prévoit que cette vente n’aura aucune conséquence sur le contentieux en cours avec le locataire, et que la procédure en cours ne sera pas transmise à l’acquéreur, à l’exception de ce qui est dit ci-après.

Ce contrat de vente porte une stipulation claire et précise selon laquelle:

— le litige se poursuivra avec le vendeur, puisque les requêtes de la société B concernent les faits ayant eu lieu pour la période jusqu’à ce jour, période pendant laquelle l’indivision A était propriétaire de l’immeuble;

— mais qu’en revanche l’acquéreur est également informé que par suite de l’acquisition du bien objet des présentes, la société B pourrait lui dénoncer la procédure en cours, et qu’aucune procédure nouvelle ne pourrait être engagée à son encontre pour des faits postérieurs à la vente définitive.

Dans cet acte, les consorts A se sont engagés à garantir l’acquéreur contre toute condamnation relative au coût des travaux et de remise en état qui serait prononcée à son encontre dans le cadre de la procédure en cours.

S’agissant de l’état de l’installation intérieure d’électricité, le contrat de vente prévoit une clause selon laquelle «les installations intérieures d’électricité comportent des anomalies, il est recommandé aux propriétaires de les supprimer en consultant dans les meilleurs délais un installateur électricien qualifié afin d’éliminer les dangers qu’elles présentent ; certaines installations font également l’objet de constatations diverses».

Les consorts A entendent voir déduire de cette dernière clause qu’ils ne sont plus concernés par les frais de remise en état de l’installation électrique.

Cependant, cette clause, qui se borne à informer l’acquéreur sur l’état de l’installation électrique, n’a pas pour objet ou pour effet de déroger à la clause selon laquelle les vendeurs conserveraient par-devers eux le risque afférent au procès déjà engagé à leur encontre par le locataire pour la période antérieure à la vente.

* * * * *

L’expert judiciaire a observé que l’installation électrique était vétuste et parfois dangereuse (première note d’étape).

Il a noté qu’il semblerait qu’aucune entreprise d’électricité ne veuille intervenir sur une partie seulement de l’installation, compte tenu de sa vétusté et des ajouts successifs qu’elle a subis.

Au titre des travaux devant être effectué, il a préconisé le contrôle de l’installation et sa remise en conformité (deuxième note d’étape).

La société B a présenté un devis d’un électricien Egdi pour des travaux de remise en conformité, dont il y a lieu de constater qu’il répond parfaitement aux prescriptions de l’expert.

Dès lors, les consorts A sont mal fondés à soutenir que loin de se borner à une simple mise en conformité, ce devis aboutirait à la réfection complète de l’installation électrique, alors que l’expert judiciaire a retenu qu’il ne pouvait être mis aux fins aux désordres que par une réfection intégrale de l’installation électrique.

Le coût de la réalisation de ces travaux viendra réparer le préjudice des preneurs résultant du manquement à l’obligation de délivrance et au défaut d’entretien à la charge du bailleur.

Il y aura donc lieu de retenir le devis Egdi présenté par la société B à hauteur de 36.019,65 euros hors taxes.

Menuiseries extérieures et escalier :

L’expert a relevé que les marches de l’escalier menant au grenier étaient dangereuses, ou à réviser, car relativement instables.

Il a observé que certaines zones du plancher du grenier étaient dangereuses, que certaines lames devaient être remplacées, et que le plancher devait être révisé car il présentait des points de faiblesse.

Au premier et deuxième étage, l’expert a observé que de nombreuses marches de l’escalier, dans la hauteur des deux niveaux, étaient très instables, et présentaient un risque de chute réelle : il a estimé que la réparation totale des deux volées de marches s’imposait.

L’expert observe que l’immeuble, ni par ses murs, ni par sa toiture, n’était isolé, et que les fenêtres en bois sont vétustes, et à simple vitrage. Cependant, ces circonstances sont insuffisantes pour en déduire que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance ou à son obligation d’entretien.

Il a donc préconisé la vérification et la mise aux normes de tous les gardes corps, le remplacement des fenêtres des premier et deuxième étages pour des raisons d’isolation thermique, et la réparation de la totalité des deux escaliers, ainsi que, pour le grenier, le remplacement de certaines lames et la révision complète du plancher.

Le devis Bressan, présenté par la société B, comporte certains postes de travaux étrangers aux préconisations de l’expert :

— fourniture et pose de deux blocs portes coupe-feu ;

— fourniture d’un ensemble de portes d’entrée à un vantail plein, avec châssis latéral oscillo- battant ;

— mise aux normes incendie du plafond de la salle de restaurant et du plafond de la cuisine ;

— fourniture d’un faux plafond ;

— démontage de l’ancien plafond et enlèvement à la décharge.

De plus, le poste relatif à l’isolation des combles par laine de verre est étranger aux obligations du bailleur : il

n’y a donc pas lieu d’intégrer ce poste à l’assiette de la réparation.

Pour le surplus, les autres postes figurant à ce devis répondent pleinement aux préconisations de l’expert.

Le coût de réalisations des dits travaux viendra donc réparer le préjudice du preneur, résultant du manquement à l’obligation de délivrance et du défaut d’entretien à la charge du bailleur.

Il y aura donc lieu de retenir comme plus haut précisés certains postes de travaux figurant au devis Bressan à hauteur de 18.048,20 euros hors taxes.

Toiture et chaudière :

S’agissant du chauffage, l’expert précise ne pas avoir examiné la chaudière à condensation : il a déclaré toutefois prendre note des déclarations des représentants légaux de la société B, selon lesquelles la puissance de la chaudière serait insuffisante ; l’expert a relevé que les corps de chauffe étaient d’anciens radiateurs en fonte.

L’expert précise que ce point particulier du chauffage mériterait des études complémentaires, tout en considérant comme possible que la puissance de la chaudière et des radiateurs ne soit pas adaptée (note d’étape numéro 2).

Sans autre explication ou constatation, l’expert préconise la vérification de la puissance des corps de chauffe, des tracés de canalisations, et de O générale, de la bonne conception et réalisation de l’installation.

En l’état de ces constatations, qui ne sont pas complétées par d’autres éléments de preuve, il n’est pas suffisamment établi un quelconque manquement du bailleur à son obligation de délivrance ou à son obligation d’entretien s’agissant de la chaudière l’installation de chauffage.

Dès lors, aucune somme ne sera allouée s’agissant des postes de chauffage et gaz naturel figurant dans le devis Q R.

* * * * *

S’agissant des toitures, l’expert a observé la nécessité de la révision et du nettoyage de la toiture de la cuisine.

S’agissant des toitures, l’expert a préconisé:

— la réparation des lucarnes donnant sur rue;

— le nettoyage des gouttières;

— la révision de la toiture sur cuisine.

S’agissant de la révision de la toiture sur cuisine, la société B a présenté un devis Q R, portant sur la rénovation totale de la toiture : le coût y afférent n’entretient aucun rapport avec le défaut d’entretien de l’immeuble: aucune somme ne sera allouée de ce chef.

Si l’expert avait préconisé la réparation des deux lucarnes du grenier donnant sur rue (car présentant des traces de fuite), il n’en a pas pour autant demandé le remplacement.

Or, la société B vient présenter de ce chef un devis de la société JOBERTY pour 11.448 € toutes taxe comprises, correspondant à la fourniture et la pose de 12 fenêtres.

Il n’est pas démontré que les caractéristiques et dimensions de ces huisseries, tel que figurant à ce devis,

correspondraient aux deux lucarnes du grenier.

De plus, les consorts A ont produit les factures attestant de la réparation des toitures courant 2018.

Aucune somme ne sera donc allouée de ce chef.

S’agissant du nettoyage des gouttières, il n’a été produit par la société B aucun devis pour cette prestation, tandis que la facture du 22 mars 2018 produite par les consorts A met en évidence la pose d’une nouvelle gouttière, susceptible de rendre sans objet la nécessité de son nettoyage, dont la persistance n’est pas suffisamment démontrée.

Aucune somme ne sera allouée de ce chef.

Déblaiement des encombrants du sous-sol :

Au sous-sol, l’expert a constaté la présence de désordres et d’encombrants laissés par le précédent locataire ; il en a préconisé le déblaiement et le nettoyage.

La société B a présenté un devis Pro Impec pour ces prestations, d’un montant de 1.026 € hors taxes, ou de 1.231,20 euros toutes taxes comprises.

Il conviendra donc de dire que le coût y afférent viendra réparer le manquement à l’obligation de délivrance et le défaut d’entretien à charge du bailleur.

Sur les frais d’architecte :

L’expert judiciaire n’a pas retenu la nécessité de recourir aux services d’un architecte.

La société B soutient que la lourdeur des travaux de réparation, échappant à sa compétence limitée à une activité de restauration, et nécessitant une coordination des divers corps de métiers, résultant inévitablement de l’importance des désordres constatés par l’expert judiciaire, rend indispensable le recours à un architecte.

Cependant, elle n’apporte sur ce point aucun avis technique permettant de contredire l’expertise judiciaire, qui n’a pas retenu un tel poste.

Aucune somme ne sera allouée de ce chef.

Evalué hors taxes, le préjudice de la société B au titre des travaux de reprise s’élève à 55.093,85 euros.

Sur le préjudice de jouissance :

L’ensemble des désordres relevés plus haut, continûment subis par la société B, caractérise suffisamment un préjudice de jouissance.

Il sera en particulier relevé le caractère dangereux de certaines menuiseries, et surtout la dangerosité de l’installation électrique, outre l’insalubrité générale du bien loué.

En revanche, la nécessité de fermer l’établissement pendant plusieurs semaines lors de la réalisation des travaux, se rapporte non pas au préjudice de jouissance mais à la perte d’exploitation, qui sera examinée distinctement ci-après.

La société B fait observer que ses associés, habitant dans les lieux à elle donnés à bail, ont subi des

désagréments du fait de l’état de l’immeuble, et vont subir un préjudice car ils vont devoir quitter les lieux, et engager des frais de logement temporaire pendant la réalisation des travaux de remise en état.

Cependant, le préjudice ainsi invoqué n’est pas le préjudice direct et personnel de la société B, mais bien plutôt celui de ses associés, et encore pris en leur qualité de personnes physiques, qui ne sont pas parties à l’instance.

Il sera également observé que nonobstant l’état du bien loué, la société B s’est maintenue dans les lieux et a continué à y exercer son activité de restauration.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y aura donc lieu de dire que le préjudice de la société B pour perte de jouissance sera entièrement réparé par une indemnité de 10'000 €.

Sur la perte d’exploitation :

Il résulte des devis produits par la société B, en particulier celui de l’électricien Egdi, que l’exécution des travaux entraînerait la nécessité de fermer l’établissement pour une période de cinq semaines au moins.

Les comptes annuels la société B pour l’année 2019 mettent en évidence un chiffre d’affaires de 325'786,60 euros, et pour l’année 2018 de 312'240,50 euros.

Les manquements susdits de bailleurs entretiennent un lien de causalité avec la nécessité d’entreprendre les travaux, dont la durée et la nature entraîneront nécessairement une cessation d’exploitation, sans toutefois pouvoir considérer que la période d’exécution d’inactivité soit complément imputable à la période d’exécution des travaux, faute d’indication par la société B de la durée de sa ou ses périodes annuelles de fermeture.

Il conviendra donc de dire que le préjudice de la société B pour perte d’exploitation sera entièrement réparé par une indemnité de 10'000 €.

Sur le préjudice moral :

La société B soutient avoir subi un préjudice moral pour inexécution par le bailleur de ses obligations légales et contractuelles.

Elle rappelle que ses exploitants n’avaient pas d’autre choix que de vivre dans les conditions particulièrement dangereuses avec leurs enfants en bas âge.

Cependant, la société B n’a pas suffisamment caractérisé de son chef un préjudice moral, et se borne à faire état des préjudices personnels de ses associés personnes physiques.

La société B sera donc déboutée de sa demande indemnitaire pour préjudice moral.

Sur la résistance abusive des bailleurs:

La société B n’a pas suffisamment exposé en quoi l’inertie des bailleurs à exécuter certains travaux leur incombant aurait généré de son chef un préjudice distinct pour résistance abusive, qui n’aurait pas déjà été réparé par les indemnités sus allouées.

Aucune somme ne sera allouée de ce chef.

Sur le montant de la condamnation des consorts A:

Au regard des précédentes observations, il conviendra de condamner les consorts A à payer à la société B la somme de 75.093,85 euros à titre de dommages-intérêts, et le jugement sera infirmé de ce chef.

* * * * *

Il sera rappelé que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré.

Il conviendra de débouter les consorts A de leur demande au titre des frais irrépétibles et dépens, et de les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance comprenant les frais de l’expertise judiciaire, avec distraction au profit du conseil de la société B, et à payer à celle-ci une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance: le jugement sera confirmé de ces chefs.

Les consorts A seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles d’appel, et seront condamnés in solidum aux entiers dépens d’appel, et à payer à la société B la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déboute la société B de sa demande tendant au rejet des débats des écritures n°3 et 4 et des pièces n°25 à 27 déposées les 31 décembre 2020 et 4 janvier 2021 par Monsieur G A, Madame F-S A, Madame H A, Madame I A, Madame J A;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné solidairement Monsieur G A, Madame F-S A, Madame H A, Madame I A, Madame J A à payer à la société à responsabilité limitée B une somme de 116 589,02 euros à titre de dommages-intérêts;

Infirme le jugement de ce seul chef;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant:

Condamne solidairement Monsieur G A, Madame F-S A, Madame H A, Madame I A, Madame J A à payer à la société B la somme de 75 093,85 euros à titre de dommages-intérêts;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré;

Déboute Monsieur G A, Madame F-S A, Madame H A, Madame I A, Madame J A de leur demande au titre des frais irrépétibles d’appel;

Condamne solidairement Monsieur G A, Madame F-S A, Madame H A, Madame I A, Madame J A à payer à la société à responsabilité limitée B une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel;

Condamne solidairement Monsieur G A, Madame F-S A, Madame H A, Madame I A, Madame J A à payer à la société à responsabilité

limitée B aux entiers dépens d’appel.

Le greffier La présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 23 février 2021, n° 19/02139