Cour d'appel de Reims, 1re chambre section jex, 26 avril 2022, n° 21/02053

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 1re ch. sect. jex, 26 avr. 2022, n° 21/02053
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 21/02053
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Reims, JEX, 7 novembre 2021
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 29 septembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

du 26 avril 2022

(B. P.)

N° RG 21/02053

N° Portalis

DBVQ-V-B7F-FCTO

Mme [M]

C/

S.A. MCS & ASSOCIES

Formule exécutoire + CCC

le 26 avril 2022

à :

— Me Jonathan PROTTE

— Me Jacques LEGAY

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE

CONTENTIEUX DE L’EXÉCUTION

ARRÊT DU 26 AVRIL 2022

Appelant :

d’un jugement rendu par le Juge de l’exécution de REIMS le 8 novembre 2021

Madame [C] [M]

[Adresse 5]

[Localité 2]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro 2021/005045 du 18/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de REIMS)

Comparant, concluant par Me Jonathan PROTTE, avocat au barreau de REIMS

Intimé :

S.A. MCS & ASSOCIES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant, concluant par Me Jacques LEGAY, avocat postulant au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

et par Me Stéphanie ARFEUILLERE, membre de la SELARL CREMER & ARFEUILLERE, avocat au barreau de l’ESSONNE

DÉBATS :

A l’audience publique du 8 mars 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 avril 2022, sans opposition de la part des conseils des parties et en application de l’article 786 du code de procédure civile, M. Benoît PETY, Président de chambre a entendu les conseils des parties en leurs conclusions et explications, puis ce magistrat en a rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Benoît PETY, Président de chambre

Mme Anne LEFEVRE, Conseiller

Madame Christel MAGNARD, Conseiller

GREFFIER lors des débats et du prononcé

Mme Sophie BALESTRE, Greffier

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour le 26 avril 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Anne LEFEVRE, conseiller en remplacement du président de chambre régulièrement empêché, et Mme Sophie BALESTRE, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Par ordonnance sur requête du 18 mars 2003, le président du tribunal d’instance de Reims a enjoint à Mme [C] [M] de payer à la société Cofidis la somme de 5 396,79 euros en principal avec intérêts au taux contractuel de 16,56 % sur la somme de 5 117,40 euros à compter du 8 octobre 2002. Cette ordonnance a été signifiée à la personne de Mme [M] le 22 mai 2003 et, en l’absence d’opposition, a été revêtue de la formule exécutoire.

La société Cofidis a cédé cette créance à la société DSO Interactive selon convention du 23 décembre 2008, laquelle a fait l’apport à la SASU DSO Capital de l’ensemble de ses actifs par acte publié au BODACC le 19 août 2016.

Par acte d’huissier du 28 novembre 2016, la SASU DSO Capital, venant aux droits de la société Cofidis, a signifié la cession de créance du 23 décembre 2008 à Mme [M] ainsi que l’ordonnance d’injonction de payer rendue exécutoire le 15 juillet 2003. Elle a ensuite fait procéder à deux saisies-attribution en vertu de cette ordonnance, les 2 janvier 2017 et 26 décembre 2019.

Le 31 décembre 2019 est intervenue la fusion-absorption de la SASU DSO Capital au profit de la société MCS & Associés.

Par acte de Me [K], huissier de justice à [Localité 6], en date du 28 mai 2020, la société MCS & Associés a fait pratiquer une saisie-attribution sur les sommes et titres détenus par Mme [M] auprès de la Banque Populaire Lorraine Champagne, en vertu de l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire rendue le 18 mars 2003, pour la somme totale de 13 197,86 euros, dont 7 253,16 euros d’intérêts, après déduction des versements opérés à hauteur de 1 507,64 euros. Cette saisie a été dénoncée à Mme [M] par acte du même huissier du 3 juin 2020.

Par acte d’huissier du 20 mai 2021, Mme [M] a fait assigner la société MCS & Associés devant le juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Reims aux fins de mainlevée de cette saisie, subsidiairement de cantonnement, et à titre infiniment subsidiaire en octroi de délais de paiement.

A l’audience, Mme [M] demandait au juge de l’exécution de :

— A titre principal, déclarer prescrit le titre exécutoire allégué par la société MCS & Associés,

— Ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 28 mai 2020,

— A titre subsidiaire, déclarer prescrits les intérêts antérieurs au 28 mai 2018, et à tout le moins au 26 décembre 2017,

— A titre infiniment subsidiaire, lui accorder des délais de paiement qui ne pourront pas être inférieurs à 24 mensualités,

— En tout état de cause, condamner la société MCS & Associés à la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— La condamner au entiers dépens de la procédure.

La société MCS & Associés pour sa part demandait au magistrat de :

— Déclarer irrecevable l’action formée par Mme [M],

— Subsidiairement, rejeter les moyens tirés de la prescription du titre exécutoire et de la nullité du procès-verbal de dénonciation de la saisie du 2 janvier 2015,

— Débouter Mme [M] de ses prétentions contraires,

— En conséquence, valider la saisie-attribution pratiquée le 28 mai 2020 et dire qu’elle est fondée à réclamer les intérêts depuis le 5 janvier 2010, la saisie engagée le 2 janvier 2018 ayant arrêté le cours de la prescription,

— Condamner Mme [M] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Par jugement du 8 novembre 2021, le juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Reims a notamment :

— déclaré Mme [M] irrecevable en sa contestation de la saisie-attribution pratiquée le 28 mai 2020 à la requête de la société MCS & Associés, par acte de Me [K], huissier de justice à [Localité 6], sur les sommes et titres détenus par Mme [M] auprès de la Banque Populaire Alsace Champagne,

— dit que Mme [M] pourra s’acquitter de sa dette en 23 mensualités de 250 euros chacune, le solde à la 24e mensualité,

— dit que ces versements devraient intervenir le 5 de chaque mois et pour la première fois, le 5 du mois suivant celui de la notification du jugement,

— dit que l’intégralité de la dette redeviendrait exigible à défaut de paiement d’une seule mensualité à son échéance,

— suspendu la procédure d’exécution diligentée à la requête de la société MCS & Associés pendant le cours des délais de paiement, sous réserve de leur respect,

— rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Mme [M] aux dépens.

Mme [M] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 novembre 2021, son recours portant sur l’irrecevabilité de sa contestation de la mesure d’exécution forcée.

Par conclusions signifiées par RPVA le 17 février 2022, l’appelante demande par voie d’infirmation à la cour de :

— La déclarer recevable en sa contestation,

— Déclarer prescrit le titre exécutoire allégué par la société MCS & Associés,

— Déclarer la cession de créance inopposable à sa personne,

— Ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 28 mai 2020,

— Condamner la société MCS & Associés à lui verser la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie abusive,

A titre subsidiaire,

— Déclarer prescrits les intérêts antérieurs au 28 mai 2018, et à tout le moins au 26 décembre 2017,

— Condamner la société MCS & Associés à lui verser la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement déloyal,

En tout état de cause,

— Confirmer le jugement pour le surplus,

— Condamner la société MCS & Associés à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamner la personne morale poursuivante aux entiers dépens de la procédure.

* * * *

L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 22 février 2022.

* * * *

Motifs de la décision :

— Sur la recevabilité de la contestation par Mme [M] de la mesure d’exécution forcée :

Attendu que l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d’exécution dispose en son premier alinéa qu’à peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie ;

Attendu que Mme [M], contrairement à ce qui a été décidé par le premier juge, expose que son action en contestation de la saisie-attribution est parfaitement recevable dans la mesure où elle a présenté une demande d’aide juridictionnelle dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la voie d’exécution, demande qui interrompt ledit délai, lequel ne court à nouveau pour un mois qu’à compter de la désignation d’huissier, laquelle a été effective seulement le 27 avril 2021, l’assignation devant le juge de l’exécution étant survenue dans les temps le 20 mai 2021 ;

Que la société MCS & Associés conteste cette présentation en ce que la désignation de Me [E] était déjà effective le 7 septembre 2020 comme il résulte de la décision du bureau d’aide juridictionnelle de Reims versée au dossier du premier juge ;

Attendu que la décision du bureau d’aide juridictionnelle du 7 septembre 2020, qui accorde à Mme [M] le bénéfice de l’aide juridictionnelle à 25 %, désigne Me [L] comme conseil de l’intéressée et Me [E] comme huissier, est communiquée avec le dossier du tribunal judiciaire de Reims, Mme [M] versant aux débats une décision du même bureau d’aide juridictionnelle du 7 septembre 2020 lui accordant également l’aide juridictionnelle partielle (25 %) et disant qu’elle sera assistée de Me [L], avocat au barreau de Reims, l’huissier devant être désigné par le président de la chambre départementale des huissiers de Paris ;

Qu’à l’évidence, ces deux décisions sont contradictoires, seule celle communiquée par Mme [M] portant la signature du vice-présent et de la secrétaire du bureau d’aide juridictionnelle, ce qui conduit la cour à la faire prévaloir sur celle présente dans le dossier du tribunal judiciaire de Reims, le représentant de la chambre des huissiers de la Marne participant aux réunions du bureau d’aide juridictionnelle de Reims n’ayant pas compétence pour désigner un huissier devant instrumenter en région parisienne ;

Qu’en outre, Mme [M] communique l’avis de notification de la désignation de Me [E], document en date du 27 avril 2021, de telle sorte que le délai d’un mois pour contester la saisie-attribution est bien réputé avoir été interrompu et reprendre un nouveau cours à compter de cette date au sens de l’article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Qu’en faisant assigner la société MCS & Associés devant le juge de l’exécution par acte d’huissier du 20 mai 2021, Mme [M] a bien agi utilement dans le délai d’un mois de sorte que son action en contestation de saisie est recevable, la décision dont appel étant en cela infirmée ;

— Sur la prescription alléguée du titre exécutoire fondant la saisie :

Attendu que l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose en son premier alinéa, en sa version en vigueur à compter du 19 juin 2008, que l’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ;

Qu’il n’est toutefois pas discutable que la loi du 17 juin 2008, en son article 26 II, relatif aux dispositions transitoires, énonce que les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Attendu que Mme [M] soutient ainsi que la société MCS & Associés disposait d’un délai de 10 ans à compter du 17 juin 2008 pour faire exécuter l’ordonnance d’injonction de payer dont elle se prévaut, soit jusqu’au 17 juin 2018, alors qu’elle n’a engagé les mesures d’exécution qu’à compter de l’année 2020 de telle sorte que le titre exécutoire est prescrit ;

Qu’elle précise à ce sujet que la saisie-attribution du 2 janvier 2017 ne lui a pas été dénoncée régulièrement à son adresse et qu’elle n’a jamais reçu d’acte à ce titre compte tenu de l’erreur de numéro d’appartement, la signification du 5 janvier 2017 étant nulle et ne pouvant avoir interrompu le délai de prescription ;

Que la partie intimée réfute cette présentation, rappelant qu’elle a mis en oeuvre des voies d’exécution forcée dont celle dénoncée le 5 janvier 2017 à l’adresse de la débitrice, soit au n°[Adresse 4], l’huissier ayant pris le soin de sonner à l’appartement portant le nom de Mme [M] (appartement 114), l’exception de nullité invoquée n’étant pas fondée ;

Attendu que si la lecture du procès-verbal de saisie-attribution du 2 janvier 2017 mentionne effectivement le numéro 117 au titre de l’appartement de Mme [M] au [Adresse 4], la dénonciation de cette mesure d’exécution forcée le 5 janvier suivant à la débitrice porte bien la correction du numéro d’appartement 114, l’acte ayant été délivré à l’étude d’huissier pour absence de Mme [M] de son domicile après que l’officier ministériel y a mentionné ses diligences consistant à relever le nom de l’intéressée au tableau des occupants ainsi que sur les boîtes à lettres ;

Que cet acte de dénonciation de saisie-attribution du 5 janvier 2017 est parfaitement régulier si bien que le délai décennal de prescription courant depuis le 17 juin 2008 a été dûment interrompu en janvier 2017, un nouveau délai courant jusqu’au 5 janvier 2027 ;

Qu’aucune prescription du titre exécutoire n’est donc opposable à la société MCS & Associés, ce moyen étant écarté ;

— Sur l’opposabilité contestée de la cession de créance :

Attendu que Mme [M] entend voir qualifier la pratique de la société MCS & Associés de déloyale en ce qu’elle consiste à réclamer, sur la base d’un titre exécutoire depuis presque 20 ans, le paiement d’une créance principalement constituée d’intérêts ;

Que la personne morale intimée conteste cette qualification en ce qu’elle a mis en oeuvre des mesures d’exécution forcée sur plusieurs années, cependant en vain, ce qui démontre l’absence de toute volonté réelle de la débitrice de régler amiablement sa dette, aucun comportement déloyal ne lui étant ainsi opposable ;

Attendu, dans un premier temps, que si les écritures récapitulatives de Mme [M] développées devant le juge de l’exécution n’évoquent pas cette question du comportement déloyal et abusif de la société cessionnaire de la créance, il n’est pas discutable que la demande d’inopposabilité de cette cession à son encontre tend à faire écarter les prétentions de la société MCS & Associés au sens de l’article 564 du code de procédure civile et conforte sa demande initiale de mainlevée de la saisie-attribution contestée, ce qui la rend parfaitement recevable ;

Attendu que Mme [M] a vu saisir le 28 mai 2020 ses comptes ouverts à la Banque Populaire Lorraine Champagne, agence de [Localité 6], l’un étant créditeur de 1 287,06 euros, l’autre (LDD) étant créditeur de 15,58 euros, l’intéressée ne disposant d’aucun compte titres ;

Qu’il est constant que le titre exécutoire en vertu duquel cette saisie-attribution a été pratiquée correspond à une ordonnance d’injonction de payer rendue le 22 mai 2003 par le président du tribunal d’instance de Reims, décision revêtue le 15 juillet 2003 de la formule exécutoire ;

Qu’il est donc acquis que le cessionnaire de la créance a fait pratiquer cette mesure d’exécution près de 17 ans après l’obtention du titre par le créancier initial, sans qu’il soit précisé les démarches que le prêteur a pu mettre en oeuvre avant la cession de créance pour obtenir le recouvrement de son dû ;

Qu’il sera rappelé que la directive européenne du 11 mai 2005 interdit les pratiques commerciales déloyales au sens où elles sont contraires à la diligence professionnelle et où elles altèrent ou peuvent altérer le comportement économique du consommateur moyen ;

Qu’il n’apparaît pas que Mme [M] ait été avisée par la société Cofidis qu’en cas d’impayé, elle pourrait être l’objet de poursuites après de premières tentatives de recouvrement, près de 17 années en l’espèce, par une société entièrement dévouée à la poursuite des recouvrements de créances rachetées auprès d’organismes prêteurs ;

Que la Cour de Justice de l’Union Européenne, par arrêt du 20 juillet 2017 (arrêt Gelvora UAB), a jugé que la cession spéculative de contrats de crédit à la consommation aux fins de recouvrement forcé contre des débiteurs défaillants devait être considérée comme une pratique commerciale déloyale prohibée au sens de la directive 2005/29/CE même en dehors de toute relation contractuelle entre le cessionnaire et le consommateur et même si la cession a porté sur un titre exécutoire ;

Qu’il a encore été jugé que la directive sur les pratiques commerciales déloyales devait être interprétée en ce sens que relève de son champ d’application matériel la relation juridique entre une société de recouvrement de créances et le débiteur défaillant d’un contrat de crédit à la consommation dont la dette a été cédée ;

Que relèvent de la notion de 'produit’ au sens de l’article 2, sous c) de cette directive les pratiques auxquelles une telle société se livre en vue de procéder au recouvrement de sa créance, étant à cet égard sans incidence la circonstance que la dette ait été confirmée par une décision de justice et que cette décision ait été transmise à un huissier de justice pour exécution ;

Qu’en l’état de ressources modestes (1 541 euros de pensions de retraite par mois selon déclaration de revenus 2019) perçues par la débitrice, la reprise du recouvrement forcé d’un contrat de crédit à la consommation près de 17 années après l’obtention par le créancier initial d’un titre exécutoire, reprise opérée par le cessionnaire ayant acquis le titre dans le contexte spéculatif d’une suite de cessions successives de la même créance, s’apparente à une pratique déloyale prohibée qui doit être qualifiée d’abusive au sens de l’abus de droit sanctionné par l’article 1240 du code civil et l’article L. 121-2 du code des procédures civiles l’exécution ;

Que cet abus de droit sera sanctionné par l’inopposabilité à Mme [M] de la cession de créance, la mainlevée de la saisie-attribution contestée étant ordonnée ;

Que les autres moyens développés par Mme [M] et tenant à la créance même, aux intérêts et aux délais de paiement deviennent par là sans objet ;

— Sur les dommages et intérêts pour pratique déloyale et abusive :

Attendu que si le fait générateur de la responsabilité de la société MCS & Associés est établi comme précédemment développé du chef de pratiques déloyales et abusives, le préjudice en lien avec ce fait générateur ne peut consister qu’en l’indisponibilité pour Mme [M] de bénéficier depuis le 28 mai 2020 des fonds sur ses comptes comme du fonctionnement de ceux-ci ;

Qu’en cela, la somme de 7 500 euros réclamée par l’intéressée est manifestement très excessive, le dommage étant réparé à sa juste mesure par la fixation en sa faveur d’une créance indemnitaire de 1 000 euros ;

— Sur les dépens et frais irrépétibles :

Attendu que le sens du présent arrêt conduit à laisser à l’entière charge de la société MCS & Associés les dépens tant d’appel que de première instance, le jugement déféré étant en cela infirmé ;

Que l’équité commande d’arrêter en faveur de Mme [M], qui ne bénéficie que d’une aide juridictionnelle partielle de 25 %, une indemnité de procédure de 1 500 euros, la personne morale débitrice de cette somme étant déboutée de sa prétention indemnitaire exprimée au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

— Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l’exception de celle rejetant les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, disposition qui est confirmée ;

Prononçant à nouveau,

— Déclare Mme [C] [M] recevable en sa contestation de la saisie-attribution pratiquée le 28 mai 2020 à la requête de la société MCS & Associés sur les sommes et titres détenus sur ses comptes ouverts dans les livres de la Banque Populaire Lorraine Champagne ;

— Dit non prescrit le titre exécutoire invoqué par la société de recouvrement ;

— Ordonne la mainlevée de cette saisie-attribution pour pratique déloyale et abusive de la société MCS & Associés ;

— Constate que les dispositions du jugement entrepris sur les délais de paiement accordés à la débitrice sont désormais sans objet ;

— Condamne la société MCS & Associés à verser à titre de dommages et intérêts à Mme [C] [M] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice financier ;

— Condamne la société MCS & Associés aux entiers dépens tant d’appel que de première instance ainsi qu’à verser à hauteur de cour à Mme [C] [M] une indemnité pour frais irrépétibles de 1 500 euros ;

— Déboute la société MCS & Associés de sa propre prétention indemnitaire exprimée au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier. P/ Le Président empêché,

Le Conseiller.

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