Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 19 décembre 2019, n° 17/01580

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 4e ch., 19 déc. 2019, n° 17/01580
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 17/01580
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

4e Chambre

ARRÊT N° 425

N° RG 17/01580

N°Portalis DBVL-V-B7B-NX7R

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Andrée GEORGEAULT, Conseillère,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame A B, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Novembre 2019

devant Madame Hélène RAULINE, magistrat rapporteur, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Décembre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur C Z

[…]

[…]

Représenté par Me Sophie RAITIF de la SELARL ALEO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Madame I-J X

[…]

[…]

Représentée par Me Sophie RAITIF de la SELARL ALEO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Madame G Y H

née le […] à NANTES

[…]

[…]

Représentée par Me Yohan VIAUD de la SCP PARTHEMA 3, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Monsieur E Y

né le […] à NANTES

[…]

[…]

Représenté par Me Yohan VIAUD de la SCP PARTHEMA 3, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCÉDURE

Mme G-J X et M. C Z (les consorts X) sont propriétaires d’un ensemble immobilier situé […] à Nantes constitué d’une maison d’habitation et d’un jardin séparé par un mur mitoyen de la parcelle voisine acquise en 2013 par M. et Mme E Y.

M. et Mme Y ont fait réaliser une terrasse à 2,35 mètres du sol, 30 centimètres au-dessus du mur mitoyen. Les consorts X s’étant plaints d’une vue sur leur propriété, les époux Y ont installé un pare-vue.

Par acte d’huissier en date du 30 décembre 2014, les consorts X ont fait assigner M. et Mme Y devant le tribunal de grande instance de Nantes sur le fondement des articles 544 et 678 du code civil.

Le tribunal les a déboutés de l’intégralité de leurs demandes et les a condamnés à payer à M. et Mme

Y la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens par un jugement en date du 10 janvier 2017 dont les consorts X ont interjeté appel par déclaration du 6 mars 2017.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2019.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions en date du 17 mai 2018, au visa des articles 544 et 678 du code civil, Mme X et M. Z demandent à la cour de :

— dire et juger que le tribunal a fait une mauvaise appréciation des faits ;

— infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

— dire que la construction de la terrasse et l’installation du pare-vue constituent un trouble anormal de voisinage en raison de la perte d’ensoleillement et créent une vue directe illicite sur leur fonds des consorts X ;

— à titre principal, enjoindre à M. et Mme Y de procéder à la démolition de la terrasse et du pare-vue sous astreinte de 150 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir à l’expiration d’un délai de 2 mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir et à verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

— subsidiairement, condamner in solidum M. et Mme Y à verser aux consorts X la somme de 30 000 euros à titre de dommages- intérêts pour trouble de jouissance et 20 000 euros au titre de la dépréciation de leur bien ;

— en tout état de cause, condamner in solidum M. et Mme Y à verser aux consorts X une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi que les entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions en date du 26 février 2018, au visa des articles 678, 690 et 544 du code civil, ainsi que des articles 122 et 564 du code de procédure civile, M. et Mme Y demandent à la cour de :

— à titre principal, confirmer le jugement en toutes ses dispositions ; débouter les consorts X-Z de l’ensemble de leurs demandes ; dire que les demandes subsidiaires formulées pour le cas où la cour ne ferait pas droit à leur demande de démolition par les consorts X visant à l’octroi de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour troubles de jouissance, outre 20 000 euros au titre de la prétendue dépréciation de leur bien, sont irrecevables;

— à titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions leurs demandes indemnitaires ;

— dans tous les cas, condamner in solidum les consorts X à payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

Les appelants soutiennent que la terrasse crée une vue directe sur leur fonds, qu’ils se sont opposés à la pose d’un pare-vue, même translucide, parce qu’il allait réduire la lumière et l’ensoleillement et générer un sentiment d’enfermement, que les époux Y ont installé un pare-vue en PVC gris de deux mètres de haut qui a confirmé que leurs craintes étaient fondées.

Les intimés répondent que la vue n’existe que parce que les consorts X ont supprimé la végétation

qui existait à cet endroit et qu’ils y ont remédié en posant un pare-vue. Ils critiquent les mesures de perte d’ensoleillement en observant qu’elles ont été réalisées non contradictoirement. Ils concluent à la prescription de la servitude de vue compte tenu de l’existence d’un balcon depuis la construction de la maison dans les années 40.

L’article 678 du code civil dispose : 'On ne peut avoir de vues droites ou fenêtres d’aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l’héritage clos ou non clos de son voisin s’il n’y a 19 décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s’exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d’une servitude de passage faisant obstacle à l’édification de constructions'.

Il ressort du dossier que la maison de M. et Mme Y comporte quatre niveaux (R+3), qu’après l’avoir acquise en 2013, ils ont entrepris de construire une terrasse en bois au niveau du premier étage en ouvrant deux porte-fenêtres aux lieu et place des deux fenêtres existantes, que, d’une profondeur de 3,50 mètres, la terrasse longe le mur mitoyen en le surplombant d’environ 30 cm.

L’existence d’une vue directe sur le jardin des appelants est établie, ce qui n’est pas contesté.

La circonstance que la taille de la végétation l’aurait aggravée est indifférente, la servitude de vue bénéficiant au fonds dominant indépendamment de ses conditions d’occupation.

L’action des consorts X n’est pas prescrite parce que le balcon est situé au deuxième étage de sorte que les époux Y ne peuvent s’en prévaloir.

Enfin, l’existence d’une vue réciproque entre les jardins ne saurait être démontrée par la photographie d’un homme dans le jardin des époux Y dépassant le mur mitoyen d’environ 30 cm. En outre, il résulte de la comparaison des photographies prises avant et après les travaux et de la hauteur de la terrasse (2,35 mètres) que, si cette vue existe, c’est du fait de la surélévation d’une partie de leur terrain par les époux Y pour créer un jardin.

C’est donc à juste titre que les appelants fondent leur demande sur l’article 678 du code civil.

Les époux Y répondent qu’ils ont remédié à la vue en posant des claustras.

Si les photographies prises de leur terrasse confirment la suppression de la vue, celles prises du côté du fonds des consorts X font apparaître que la solution mise en oeuvre se traduit par une paroi de 4 mètres de haut sur une longueur de 3,50 mètres. La superficie de leur jardin étant de 30 mètres carrés, ils sont fondés à arguer qu’il en résulte un phénomène d’encaissement générant un sentiment de confinement.

S’agissant de la perte d’ensoleillement, la cour ne retiendra pas les mesures prises par l’expert amiable car elles n’ont pas été établies contradictoirement et sont contestées.

Les intimés sont fondés à objecter qu’il existait avant la construction de la terrasse un saule pleureur qui débordait largement sur leur propriété restée longtemps inhabitée. Néanmoins, la perte d’ensoleillement existe à tout le moins pendant la période hivernale, lorsque la végétation a perdu ses feuilles.

En tout état de cause, le fait pour les consorts X d’avoir privilégié sa présence par rapport à celle du soleil sur leur terrasse, situation à laquelle il leur était loisible de mettre fin à tout moment, ne peut être mis sur le même plan que la réduction d’ensoleillement provenant du pare-vue dont l’expert amiable souligne à juste titre le défaut d’harmonisation avec l’ensemble des bâtis existants.

L’allégation de dépréciation de leur propriété par les appelants n’est étayée par aucune pièce mais

paraît difficilement contestable au regard de ce qui vient d’être exposé.

Il suit de là que la mesure prise par les époux Y pour remédier à la vue directe créée sur le jardin des consorts X n’est pas satisfaisante.

Il n’est pas allégué ni démontré qu’un pare-vue translucide serait une mesure adéquate.

Il convient, dans ces conditions, d’ordonner la démolition de la partie de la terrasse située au-delà de la distance légale.

Les consorts X sont également fondés à arguer d’un préjudice résultant du comportement fautif des époux Y qui ont érigé la terrasse sans solliciter leur autorisation alors que les photographies montrent qu’ils pouvaient concilier leur souci légitime d’améliorer l’agrément de leur maison et le respect des droits de leurs voisins, puis, une fois connues leurs doléances, ont fait le choix d’installer un pare-vue en PVC alors qu’ils pouvaient en poser un translucide qui aurait diminué les inconvénients de la situation nouvellement créée, étant précisé que le refus des consorts X exprimé dans leur courrier du 20 avril 2014 ne portait pas sur le caractère translucide mais sur l’existence même de la terrasse et de tout aménagement ne respectant pas la distance légale.

Il leur sera alloué une somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts.

Succombant en leurs prétentions, les intimés seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel et à payer la somme de 5 000 € aux appelants au titre de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement :

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE les époux Y à démolir la partie de la terrasse attenante à leur maison située au-delà de la distance prévue par l’article 678 du code civil dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine d’une astreinte de 150 € passé ce délai, pendant deux mois,

CONDAMNE M. et Mme Y à payer à M. Z et Mme X les sommes suivantes:

—  5 000 € à titre de dommages-intérêts,

—  5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. et Mme Y aux dépens de première instance et aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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