Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 25 octobre 2019, n° 19/00310

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 2e ch., 25 oct. 2019, n° 19/00310
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 19/00310
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

2e Chambre

ARRÊT N° 595

N° RG 19/00310

N° Portalis DBVL-V-B7D-POU4

SARL LIPPI LA CLOTURE

C/

SA UGITECH

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me LE GOFF

Me CRESSARD

Me LIAUD-FAYET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Z A, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 05 Septembre 2019, devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Octobre 2019 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

SARL LIPPI LA CLOTURE

La Fouillouse

[…]

Représentée par Me Caroline LE GOFF de la SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU, avocat au barreau de SAINT-MALO

INTIMÉES :

SA UGITECH

[…]

[…]

Représentée par Me Bruno CRESSARD de la SELARL CRESSARD & LE GOFF, AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE

[…]

[…]

Représentée par Me Christine LIAUD-FAYET de la SELARL MOUREU ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NANTES

Assistée de Me Xavier LEBRASSEUR de la SELARL MOUREU ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

Courant 2007, les époux Le Bras ont confié à M. Le Y les travaux de couverture d’une maison

dont la déclaration d’achèvement des travaux est en date du 30 mai 2008.

Prétendant avoir constaté une dégradation anormale des crochets en inox de la toiture, ils ont, par acte du 8 août 2017, fait assigner le couvreur et la MAAF, assureur de responsabilité décennale de celui-ci, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc aux fins d’expertise judiciaire.

Les défendeurs ont appelé à la cause le fournisseur des crochets, la société Ziegler Big Mat, laquelle a à son tour appelé à la cause le fabricant, la société Lippi La clôture (la société Lippi).

Par ordonnance du 30 novembre 2017, le juge des référés a ordonné la mesure d’expertise sollicitée, en la confiant à M. X.

Faisant valoir que les opérations d’expertise avaient révélé que la dégradation des crochets résultait d’une sensibilité anormale à la corrosion du fil d’inox utilisé pour leur fabrication, la société Lippi a, par acte du 6 novembre 2018, fait assigner devant le juge des référés le fournisseur du fil d’inox utilisé, la société Ugitech, ainsi que l’assureur de responsabilité de celle-ci, la société Axa Corporate Solutions Assurance (la compagnie Axa), aux fins d’extension à leur égard des opérations d’expertise toujours en cours.

Estimant que la traçabilité des fils fournis à la société Lippi ne pouvait être établie, le juge des référés a, par ordonnance du 20 décembre 2018 :

• débouté la société Lippi de sa demande d’extension des opérations d’expertise,

• débouté la société Ugitech de sa demande d’application de l’article 700 du code de procédure civile,

• condamné la société Lippi aux dépens.

La société Lippi a relevé appel de cette décision le 16 janvier 2019, en demandant à la cour, par conclusions remises le 13 mai 2019, de :

• étendre à la société Ugitech et à la compagnie Axa les opérations d’expertise confiées à M. X par ordonnance de référé du 30 novembre 2017,

• débouter la société Ugitech et la compagnie Axa de leurs demandes,

• condamner in solidum la société Ugitech et la compagnie Axa au paiement d’une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société Ugitech conclut à titre principal à la confirmation de l’ordonnance attaquée.

À titre subsidiaire, elle demande à la cour de surseoir à statuer dans l’attente d’une décision d’un juge du fond sur l’implication de la société Lippi dans la chaîne contractuelle relative au chantier des époux Le Bras, ou, si l’expertise était ordonnée, de compléter la mission de l’expert en lui demandant son avis quant à la traçabilité du fil utilisé par la société Lippi dans la fabrication des crochets vendus à la société Ziegler puis à M. Y, ainsi que sur d’éventuels manquements de la société Lippi à ses obligation contractuelles ou aux règles de l’art.

Elle demande en toute hypothèse la condamnation de la société Lippi au paiement d’une indemnité de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La compagnie Axa conclut pareillement à la confirmation de l’ordonnance attaquée et à la condamnation de la société Lippi au paiement d’une indemnité de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées, avant l’ordonnance de clôture du 13 juin 2019, pour la société Lippi le 13 mai 2019, pour la société Ugitech le 27 mai 2019 et pour la compagnie Axa 12 avril 2019.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Faisant valoir que l’expert judiciaire avait déposé son rapport le 18 juin 2019 et qu’elle entendait modifier ses prétentions en conséquence, la société Lippi a, par note du 27 août 2019, sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture et a remis au greffe de nouvelles conclusions le 5 septembre

2019.

Cette circonstance est cependant sans influence sur l’appréciation que la cour doit porter relativement au caractère légitime de l’extension de la mesure d’instruction à des parties au contradictoire desquelles elle n’avait pas été initialement ordonnée.

Il n’existe donc pas de cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture ordonnée en application des articles 760 et 905 du code de procédure civile, et les conclusions remises par la société Lippi le 5 septembre 2019, postérieurement à l’ordonnance de clôture rendue par le président de la chambre le 13 juin 2019, ne pourront qu’être déclarées irrecevables en application de l’article 783 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée avant tout procès au fond que s’il existe des motifs légitimes de la mettre en oeuvre, notamment si la procédure susceptible d’être engagée devant le juge du fond contre les parties concernées par cette mesure n’est pas manifestement vouée à l’échec.

Or, l’action au fond de la société Lippi contre la société Ugitech et la compagnie Axa est de toute évidence prescrite.

En effet, la société Lippi déclare qu’elle pourrait agir sur les fondements de la garantie des vices cachés de la chose vendue, du défaut de conformité ou de la responsabilité du fait des produits défectueux.

Elle indique aussi avoir cessé toute commande du fil d’inox litigieux auprès de la société Ugitech postérieurement au 31 décembre 2004, et toute fabrication de crochets de couverture avec ce fil après juillet 2005, la dernière facture de livraison de crochets en faveur de la société la société Ziegler Big Mat étant en toute hypothèse du 21 mai 2007, et que les époux Le Bras ont découvert les dégradations affectant les crochets en juin 2017 puis les ont dénoncées au couvreur par assignation en référé du 8 août 2017.

Sur le fondement de la garantie des vices cachés, l’action de l’acquéreur devait être exercée dans le bref délai de l’article 1648 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 17 février 2006 ou dans le délai de deux ans du même texte dans sa rédaction actuellement en vigueur, selon que le contrat de vente a été formé avant ou après le 18 février 2006, ces délais courant à compter de la découverte du vice ou, en cas d’action récursoire du vendeur intermédiaire, à compter de son assignation par un sous-acquéreur.

Toutefois, il est de principe que cette action en garantie des vices cachés est aussi enfermée dans le délai de prescription de l’article L. 110-4 du code de commerce, de dix ans ramené à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 commençant à courir à compter de la vente initiale.

Cette dernière ayant eu lieu, de l’aveu même de la société Lippi, au plus tard en décembre 2004, et, en toute hypothèse, nécessairement avant son ultime livraison de crochets de mai 2007, la prescription de l’article L. 110-4 du code de commerce était donc, dans tous les cas, acquise le 18 juin 2013.

Au surplus, à supposer même que ce délai puisse, comme le soutient la société Lippi, faire l’objet d’une suspension jusqu’à ce que les maîtres de l’ouvrage recherchent la responsabilité du couvreur, la cour ne peut qu’observer qu’en l’espèce, il était déjà expiré lors de la découverte du vice en juin 2017 et de sa dénonciation en août 2017, de sorte qu’il ne pouvait plus être suspendu.

La société Lippi invoque un défaut de fabrication du fil livré et ne caractérise aucune non-conformité de celui-ci aux stipulations contractuelles, de sorte que l’action en garantie des vices cachés est le

seul fondement possible de son action, à l’exclusion de la garantie de délivrance conforme de la chose vendue.

Au surplus, l’action fondée sur la non-conformité des matériaux livrés se prescrit également, en application de l’article L. 110-4 du code de commerce, par un délai de dix ans ramené à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 commençant à courir à compter de la livraison, de sorte qu’en l’espèce, la prescription est acquise depuis le 18 juin 2013.

Enfin, la cour n’aperçoit pas comment la garantie des produits défectueux des articles 1386-1 et suivants devenus 1245 et suivants du code civil pourrait trouver légalement à s’appliquer à l’action récursoire exercée par la société Lippi, fabricant des crochets défectueux, contre son fournisseur de matériaux, la société Ugitech, alors cette action n’est ouverte qu’à la victime d’un dommage causé à sa personne ou à ses biens contre le fabricant du produit.

Au surplus, une telle action doit, aux termes de l’article 1245-15 du code civil, être exercée dans le délai butoir de dix ans après la mise en circulation du produit, de sorte que, même à supposer que le 'produit’ en cause soit le fil d’inox fourni par la société Ugitech à la société Lippi et que celui-ci souffre d’un défaut de sécurité, la responsabilité de la société Ugitech était éteinte depuis décembre 2014, ou en tous cas nécessairement avant mai 2017.

Il résulte de ce qui précède que, quelque soit le fondement invoqué, l’action de la société Lippi contre la société Ugitech et son assureur est manifestement vouée à l’échec.

Il convient donc, pour ces motifs et, le cas échéant, ceux non contraires du premier juge, de confirmer l’ordonnance attaquée.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la société Ugitech et de la compagnie Axa l’intégralité des frais exposés par elle à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il leur sera alloué une somme de 1 500 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture ;

Déclare les conclusions remises par la société Lippi La clôture le 5 septembre 2019 irrecevables ;

Confirme l’ordonnance rendue le 20 décembre 2018 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en toutes ses dispositions ;

Condamne la société Lippi La clôture à payer à la société Ugitech et à la société Axa Corporate Solutions Assurance une somme de 1 500 euros chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Lippi La clôture aux dépens d’appel ;

Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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