Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 20 octobre 2020, n° 17/02212

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. soc., 20 oct. 2020, n° 17/02212
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 17/02212
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

20 OCTOBRE 2020

Arrêt n°

KV/NB/NS

Dossier N° RG 17/02212 – N° Portalis DBVU-V-B7B-E3OR

[…]

/

Z B-

Y

Arrêt rendu ce VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :

M. Christophe RUIN, Président

Mme Karine VALLEE, Conseiller

Mme Diane AMACKER, Conseiller

En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé

ENTRE :

[…]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

9, rue Jean-Philippe Rameau

[…]

Représenté par Me Antoine PORTAL, avocat de la SCP MARTIN-LAISNE DETHOOR-MARTIN PORTAL GALAND, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

APPELANT

ET :

Mme Z AY

[…]

[…]

Comparante, assistée de Me Jean-louis BORIE de la SCP BORIE & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

Mme VALLEE, Conseiller en son rapport, après avoir entendu, à l’audience publique du 14 septembre 2020, tenue en application de l’article 786 du code de procédure civile, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour,

par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme Z AY a été reconnue travailleur handicapé à compter de décembre 1980 en raison de ses difficultés importantes de déplacement.

Elle a été embauchée par la SNCF dans le cadre d’un contrat à temps partiel, à durée déterminée à compter du 1er septembre 1999, puis d’un contrat à durée indéterminée en date du 1er juillet 2003.

Elle travaillait à hauteur de 60,47 % en qualité d’agent administratif gestionnaire documentaire au siège de l’établissement maintenance et Traction Auvergne (EMT) avenue Jean Mermoz à Clermont-Ferrand.

En juillet 2011, le service documentation a été transféré dans l’immeuble Magellan, nouveaux locaux de l’établissement Auvergne Nivernais (ETAN).

Le 14 juin 2012, Mme AY a été victime d’un accident du travail ayant entraîné des lésions au membre supérieur droit et aux cervicales, suite à une chute en se rendant à une réunion, et a été placée en arrêt ininterrompu de travail pendant deux ans, soit jusqu’au 16 juin 2014, date de consolidation.

Le 17 juin 2014 Mme AY a passé une visite médicale de reprise. Les conclusions de la médecine du travail sont les suivantes :

'- Sur l’aptitude au poste du travail : Inapte au poste de travail

—  Proposition d’Aménagement de Poste : Pas de poste sur Magellan, pas d’escalier, pas de manutention, port de charge, élévation des bras, pas de déplacements, stationnement à proximité. Peut travailler sur informatique

- A revoir le 8 juillet 2014.'

Le 8 juillet 2014, suite à 'un examen occasionnel à la demande du médecin du travail,' Mme AY a été déclarée inapte temporairement à son poste de travail, ce médecin ayant fixé une nouvelle visite au 9 septembre suivant, précision étant faite, sous la rubrique relative à la proposition d’aménagement :

' Inapte temporaire au poste de travail, poursuite des restrictions précédentes pas de poste sur le bâtiment Magellan, pas d’escaliers, pas de port de charge, élévation des bras, pas de déplacements, stationnement à proximité. Peut travailler sur informatique.'

Mme AY a été placée en arrêt de travail par son médecin traitant du 2 au 17 septembre 2014.

Le 18 septembre 2014, la fiche d’aptitude de la médecine du travail suite à 'un examen occasionnel à la demande de l’entreprise' porte les conclusions ci-dessous :

'- Sur l’aptitude au poste du travail : Inapte au poste de travail

—  Proposition d’Aménagement de Poste : Apte selon 1034

- A revoir avant le 3 novembre 2014.'

La fiche de relevé des capacités mobilisables de l’agent du même jour comportait les indications essentielles ci-après, pour un reclassement après inaptitude définitive :

— l’agent ne peut avoir aucune contrainte posturale ( accroupi, torsion et rotation du tronc, penché en avant/ en arrière, bras levés, position statique debout, mouvements répétitifs des membres supérieurs

— pas de manutention

— organisation et rythme de travail : doit travailler en horaires de jours, en horaires réguliers de jour

— travail uniquement à l’intérieur, ( à évaluer dans un local bruyant), pas de déplacements , pas de travail en hauteur, pas de vibrations transmises au corps entier, montées ou descente d’engin

— pas de conduite de véhicule

— travail au contact du public, pas d’exposition au risque ferroviaire, peut travailler seule et envisager une formation 'si pas de déplacements'

— contre-indications -restrictions : pas d’escaliers

— liste des aménagements préconisés par le médecin du travail : ' envisager la possibilité d’un télétravail – possibilité de stationnement à proximité immédiate du lieu de travail .'

— autres préconisations du médecin du travail : 'pas de poste sur Magellan.'

Mme AY a été replacée en arrêt de travail du 20 septembre au 3 novembre 2014 par son médecin traitant.

Le 23 septembre 2014, le médecin du travail a adressé un courriel à la SNCF par lequel, suite à sa visite des locaux réalisée la veille, il confirmait que le local des RET était adapté aux préconisations médicales concernant Mme AY et que celle-ci pouvait donc travailler sur informatique dans ce local à sa reprise du travail.

Le 8 octobre 2014, Mme AY écrivait à la SNCF que :

— le 19 septembre, lors d’un entretien, il avait été question d’un poste de reclassement dans les locaux de l’ETC en gare, et qu’elle souhaitait que cette proposition lui soit reprécisée et formulée par courrier ou mail.

— elle demandait par mail séparé à poser les congés 2014 et la programmation de la visite avec le médecin du travail

— elle était à disposition pendant sa période de congés pour que quelqu’un vienne à son domicile, comme évoqué lors de la réunion du 17 septembre, pour étudier la faisabilité du télétravail.

Une nouvelle visite médicale a été planifiée le 6 novembre 2014 : 'Examen reprise après maladie’ avec les conclusions suivantes :

'- Sur l’aptitude au poste du travail : Inapte au poste de travail

—  Proposition d’Aménagement de Poste : relève de l’arrêt maladie, à revoir à la reprise.'

Ce même 6 novembre, le médecin du travail a adressé un courriel à la SNCF précisant que :

— l’état médical de Mme AY n’était pas compatible avec une reprise de travail, qu’elle était donc inapte et qu’elle l’avait orientée vers son médecin traitant pour prolongation de l’arrêt de travail, soit du 6 novembre au 7 décembre 2014

— elle demandait à la revoir à l’issue de son arrêt de travail

—  'la seule perspective de reprise éventuellement envisageable semblerait celle d’un télé-travail. Est-ce possible ''

Le 8 décembre 2014, lors de la 2e visite de reprise, Mme AY a été déclarée définitivement inapte au poste de travail dans les termes ci-après :

'Inapte définitif au poste de gestionnaire de documentation à l’ETAN, n’est pas en mesure d’occuper un quelconque poste au cadre d’organisation à Clermont-Ferrand.'

Lors de cette visite, Mme AY s’est vue remettre le formulaire de demande d’indemnité temporaire d’inaptitude qu’elle adressait au RRH et demandait en conséquence de reporter à une date ultérieure la totalité de ses congés 2014 planifiés.

Par courriel du 19 décembre 2014, elle était néanmoins informée que son absence à compter du 8 décembre 2014 serait décomptée en congés payés, comme cela avait été initialement planifié avant qu’elle ne soit déclarée inapte.

Par courrier du 11 décembre 2014, Mme AY a été convoquée à un entretien en vue de son reclassement qui s’est déroulé le 6 janvier 2015.

Le 14 janvier 2015, Mme X, conseillère Mobilité de l’Espace Mobilité Auvergne Nivernais informait le médecin du travail qu’un local était adapté à la mission proposée à l’agent situé au Brézet et l’invitait à se rendre sur place pour se rendre compte de la faisabilité du projet.

Le 20 janvier 2015, le médecin du travail, suite à la visite des locaux du frêt au Brezet e s t i m a i t e n c e s t e r m e s l e s l o c a u x a d a p t é s à l ' é t a t d e s a n t é d e M m e AY : 'le bureau libre que nous avons visité peut lui être attribué. On propose pour un aménagement optimal…'

Le 26 janvier 2015, la conseillère Mobilité informait le médecin que la personne à l’origine de la demande de mission pour l’infrapôle ne validait pas ce lieu trop éloigné de son entité.

Le 29 janvier 2015, le responsable ressources humaines ayant interrogé tous les établissements de la Région Auvergne Nivernais pour leur demander s’ils disposaient d’un poste en télétravail, n’a obtenu que des réponses négatives. (Pièce 8 sncf)

Le 9 février 2015, la conseillère Mobilité ayant interrogé tous les espaces mobilités de France, n’a également reçu que des réponses négatives.

L e 2 6 m a r s 2 0 1 5 , l ' i m p o s s i b i l i t é d e r e c l a s s e m e n t a é t é n o t i f i é e à M m e AY.

Le 16 avril 2015, Mme AY a été convoquée à un entretien préalable à licenciement fixé au 22 avril, qui sera annulé en raison du non respect de délais.

Le 22 avril 2015, par lettre recommandée avec accusé de réception annulant celle du 26 m a r s , l ' i m p o s s i b i l i t é d e r e c l a s s e m e n t a é t é d e n o u v e a u n o t i f i é e à M m e AY

Le 4 mai 2015, Mme AY a été de nouveau convoquée à un entretien préalable à licenciement prévu pour le 19 mai 2015.

P a r c o u r r i e l d u 1 e r j u i n 2 0 1 5 , l a c o n s e i l l è r e M o b i l i t é a d r e s s a i t à M m e AY une offre de poste de gestionnaire à l’agence Paie de Famille à Clermont-Ferrand. Elle répondait le 4 juin à Mme AY que l’avis médical était favorable et lui indiquait que pour les autres questions, une rencontre était prévue.

Le 30 juin 2015, Mme AY prenant connaissance d’un message téléphonique de la conseillère, notait que la formation pourrait être faite à Clermont-Ferrand et suite à son appel téléphonique du même jour, la conseillère l’informait que le temps partiel de 50% qu’elle souhaitait ne posait pas de problème, précisant par contre que pour le télétravail, comme il lui avait été expliqué, lors du RV du 15 juin dernier : 'cette procédure ne peut être ouverte qu’à un agent maîtrisant son poste. Dans un 1er temps vous serez en poste sur le lieu de travail…'

Le 2 juillet 2015, Mme AY a refusé le poste dans les termes ci-dessous rapportés :

'En raison des réponses apportées concernant la possibilité de la mise en place d’un télétravail pour ce poste, en lien avec une fragilité physique suite à l’accident du travail du 14/06/2012, je me vois dans l’impossibilité de répondre favorablement à cette proposition.'

L e 8 j u i l l e t 2 0 1 5 l ' i m p o s s i b i l i t é d e r e c l a s s e m e n t a é t é n o t i f i é e à M m e AY.

Le 16 juillet 2015 Mme AY a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour inaptitude en l’absence de possibilité de reclassement.

Elle a été licenciée pour inaptitude par courrier en date du 10 août 2015. La lettre de licenciement énonce les motifs suivants :

'Madame,

Vous avez été victime d’un accident du travail le 14 juin 2012. A l’issue de l’arrêt de travail qui s’en est suivi, vous avez rencontré le médecin du travail, Docteur H I-J, les 17 juin 2014, 8 juillet 2014, 18 septembre 2014. Le 8 décembre 2014, ce dernier vous a déclaré 'inapte définitif au poste de gestionnaire de documentation à l’ETAN', fonctions que vous exerciez auparavant et a précisé que vous n’étiez 'pas en mesure d’occuper un quelconque poste au cadre d’organisation à Clermont-Ferrand'.

Comme nous vous en avions informé lors de notre entretien du mardi 19 mai 2015 les recherches menées pour votre reclassement et tenant compte des conclusions du médecin du travail on été vaines. C’est pourquoi, après consultation des délégués du personnel, nous avons décidé de vous licencier.

Nous vous rappelons très précisément les démarches qui ont été menées à l’issue de votre déclaration d’inaptitude et les raisons pour lesquelles l’entreprise doit se séparer de vous.

Le 6 janvier 2015, vous avez été reçue en entretien par le responsable ressources humaines, en présence du secrétaire CHSCT. L’espace initiative mobilité présent à cet entretien, a été sollicité pour vous accompagner et trouver un poste correspondant aux préconisations du médecin du travail : pas d’escaliers, envisager la possibilité d’un télétravail, possibilité de stationnement à proximité immédiate du lieu de travail, pas de poste à Magellan.

Aucun poste correspondant à votre profil et vos aptitudes n’était disponible à cette date, la possibilité d’une mission temporaire à l’infrapôle a alors été évoquée.

Le 14 janvier 2015, le médecin du travail, le RRH et le conseiller mobilité se sont réunis dans le but d’étudier la possibilité de vous proposer la mission à l’infrapôle Auvergne Nivernais. Cependant, après visite des locaux, le médecin du travail a conclu que ceux-ci n’étaient pas adaptés pour vos déplacements.

Le 16 janvier 2015, vous avez rencontré votre conseiller mobilité à Magellan afin de travailler sur votre parcours professionnel et vous avez été informée de la procédure d’accompagnement professionnel.

Le 19 janvier 2015, une visite des locaux du Fret au BREZET a été organisée. Le médecin du travail a estimé qu’ils étaient adaptés à vos déplacements. Cependant, le responsable de la mission a précisé que le lieu de travail n’était pas compatible avec la mission de l’infrapôle proposée, car trop éloigné de son service.

De plus, le 26 janvier 2015, nous avons été informés que cette mission n’était finalement plus d’actualité (échéances dépassée).

Le 29 janvier 2015, le RRH a interrogé tous les établissements de la région Auvergne Nivernais pour leur demander s’ils disposaient d’un poste en télétravail. Leurs réponses ont toutes été négatives.

Le 9 février 2015, l’EIM de notre région a interrogé tous les EIM de France en leur demandant s’ils avaient connaissance d’un poste pouvant être adapté au télétravail. Les réponses ont également été négatives.

Le 28 avril 2015, l’EIM de notre région a sollicité les filiales présentes sur la région Auvergne, KEOLIS, EFFIA, GEODIS en leur demandant si elles disposaient d’un poste en télétravail. KEOLIS a répondu par la négative. EFFIA a proposé un poste basé sur la région de Lyon, mais le médecin du travail émet un avis négatif (port de charge).

Le 1er juin 2015, votre conseiller mobilité vous a proposé un poste de gestionnaire à l’agence Paie et Famille de Clermont-Ferrand, poste pour lequel vous avez manifesté de l’intérêt par courrier du 3 juin 2015.

Après avoir interrogé le médecin du travail sur ce poste, celui ci a transmis un avis favorable.

Le 15 juin 2015, vous êtes alors allée découvrir le poste et les locaux de travail, accompagnée du président, du secrétaire du CHSCT Auvergne et de la RRH de l’établissement.

A l’issue de cette visite, l’EIM vous a proposé le poste, après avoir répondu à vos interrogations, concernant notamment :

- le lieu de formation, celle-ci étant initialement prévue à Paris ou Aix-les-Bains, nous avons demandé à ce qu’elle soit délocalisée à Clermont-Ferrand, ce qui a été accepté ;

- la possibilité d’un travail à temps partiel à 50%, à la place de votre temps de travail actuel qui est de 60,47%, tel que vous en aviez exprimé le souhait ;

- la possibilité d’un télétravail, qui serait compatible avec le poste proposé une fois ce dernier maîtrisé,

Le 2 juillet 2015, vous avez répondu par courrier que vous ne souhaitiez pas faire acte de candidature sur ce poste de gestionnaire à l’Agence Paie et Famille de Clermont-Ferrand.

Compte tenu de ces éléments, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de vous proposer un autre emploi approprié à vos capacités et validé par le médecin du travail.

Nous vous précisons par ailleurs que votre contrat de travail prend fin à la date d’envoi de cette lettre de licenciement, soit le 10 août 2015.

Votre préavis, que nous vous dispensons d’effectuer, commencera le jour de la réception de la présente lettre et s’achèvera à l’issue d’un délai de deux mois, date à laquelle vous cesserez de faire partie de nos effectifs. Vous percevrez une indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu’une indemnité de licenciement…..'

Contestant le bien fondé de cette mesure, Madame B- Y a saisi le conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand par requête en date du 8 mars 2016 aux fins de :

— voir dire et juger abusif son licenciement pour inaptitude ;

— obtenir les sommes de :

—  35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

—  1.260,73 euros à titre de complément d’indemnité compensatrice de préavis ;

—  2.601,34 euros à titre de rappel de congés payés ;

—  597,94 euros à titre de rappel de repos non pris au delà du 08.01.2015 ;

—  2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

outre les intérêt de droit à compter de la demande, la capitalisation des intérêts conformément aux règles de droit et la condamnation de son employeur aux dépens.

En l’absence de conciliation, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.

Par jugement contradictoire du 12 septembre 2017, le conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand, section commerce a :

— jugé recevables et en partie bien fondées les demandes formulées par Madame Z B- Y ;

— constaté que celle-ci n’a pas été remplie de la totalité de ses droits en ce qui concerne :

— le préavis sur une base de trois mois,

— les congés payés 2012 /2013 imposés,

— le solde de ses congés payés 2015 ;

— jugé que son licenciement est abusif car ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse ;

— condamné en conséquence l’EPIC SNCF mobilités, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer les sommes suivantes :

—  18'000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

—  1 260,73 euros à titre du complément d’indemnité compensatrice de préavis,

—  126,07 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

—  2601,34 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés imposés 2012 et 2013,

—  597,94 euros à titre d’indemnité compensatrice de solde de congés payés pour 2015,

—  700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

— ordonné l’exécution provisoire du jugement pour les sommes pour lesquelles elle est due de plein droit sur le fondement de l’article R 1454'28 du code du travail ;

— ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la demande pour les sommes à caractère indemnitaire ;

— jugé que les sommes supra à caractère salarial s’entendent comme brutes avant décompte des charges sociales et les sommes à caractère indemnitaire comme brutes de CSG et de CRDS

— ordonné le remboursement par L’EPIC SNCF mobilités à pôle emploi, des sommes versées à Mme B- Y au titre des indemnités de chômage du jour de la rupture de son contrat de travail au jour du prononcé du présent jugement dans la limite d’une durée de un mois au maximum sur le fondement de l’article L 1235'4 du code du travail, Mme B- G ayant plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 10 salariés à la date du licenciement ;

— en vertu dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, condamné l’EPIC SNCF mobilités qui succombe aux éventuels frais et dépens de l’ instance.

Le 4 octobre 2017, l’EPIC SNCF mobilités a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 14 septembre 2017.

Madame B- Y a constitué avocat le 17 octobre 2017.

Par ordonnance rendue en date du 25 novembre 2019, le président de la chambre sociale de la cour d’appel de RIOM a fixé l’affaire à l’audience du 20 janvier 2020 en application des dispositions de l’article 763 du code de procédure civile. L’affaire a été renvoyée à l’audience du 14 septembre 2020 en raison d’un mouvement de grève des avocats.

Vu les conclusions notifiées à la cour le 24 avril 2019 par l’EPIC SNCF Mobilités,

Vu les conclusions notifiées à la cour le 28 février 2019 par Madame B- Y ,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 23 décembre 2019,

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières écritures, l’EPIC SNCF Mobilité, par l’intermédiaire de son représentant légal, demande à la cour de :

— réformer les chefs du jugement critiqués ;

— juger que le licenciement de Madame AY repose sur une cause réelle et sérieuse ;

— la débouter de l’intégralité de ses demandes ;

— la condamner à restituer à SNCF mobilités les sommes versées au titre de l’exécution provisoire, soit la somme totale de 5686,08 euros ;

A titre subsidiaire,

— réduire le quantum des condamnations à de plus justes proportions ;

— juger que SNCF mobilités a trop versé la somme nette de 832,85 euros à Mme AY au titre de l’exécution provisoire;

— juger que cette créance de SNCF mobilités sera compensée avec les éventuelles condamnations prononcées au bénéfice de l’intimée ;

— condamner Mme AY à payer et porter à SNCF mobilités la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civil

Selon l’EPIC SNCF MOBILITÉS, le licenciement pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude est justifié car :

— l’inaptitude a été correctement déclarée, les deux examens médicaux étant espacés de deux semaines ;

— il a respecté son obligation en effectuant des recherches de reclassement loyales et sérieuses ;

— un accompagnement de Mme AY a immédiatement été mis en place afin de trouver un poste correspondant aux préconisations du médecin du travail;

— il ressort de l’historique des démarches effectuées que la SNCF a associé le médecin du travail ainsi que le secrétaire du CHSCT aux différentes recherches de postes de reclassement

— de surcroît, elle a cherché des postes disponibles en télétravail dans ses diverses filiales ainsi que dans différents établissements et les réponses ont été négatives ;

— elle n’était pas opposée à la mise en place d’un télétravail sur le poste de gestionnaire à l’Agence Paie et Famille ; il était simplement indiqué que le télétravail ne pourrait intervenir qu’une fois le poste maîtrisé ;

— en outre, le télétravail n’était pas imposé par le médecin du travail, il s’agissait d’une simple préconisation, et ce poste , même en l’absence de télétravail, correspondait aux aptitudes de Mme AY, laquelle a refusé ce poste sans raison valable, s’entêtant à demander uniquement un poste de télétravail immédiatement.

Sur le respect de la procédure de reclassement et du statut RH 00360 et la consultation du CHSCT, la SNCF précise notamment que :

— l’inaptitude a été définitivement constatée le 8 décembre 2014 et les délégués du personnel on été convoqués le 9 mars 2015 à une réunion en date du 19 mars 2015 afin d’être consultés sur les possibilités d’emplois. Les délégués du personnel ont été consultés conformément à la législation en vigueur au moment de la consultation ;

— la consultation du CHSCT n’est pas prévue dans le cadre de la procédure de reclassement d’un salarié déclaré inapte, seuls les délégués du personnel doivent être consultés sur les propositions de reclassement ( art L1226-10 et 2 du code du travail) ;

— en l’espèce, le CHSCT a parfaitement été associé au processus de reclassement ;

— en outre l’article 2.3.2 du RH 00360 prévoit qu’en de reclassement hors établissement, l’avis motivé du CHSCT doit être recueilli(annexes 1 et 3), et cette procédure a parfaitement été respectée puisque cette instance a exprimé son avis lors d’une réunion du 20 mars 2015 ;

— ainsi, la situation de Mme AY était suivie de près par le CHSCT, ce dernier s’impliquant régulièrement, se renseignant aussi bien auprès de l’employeur que du médecin du travail.

Sur les conséquences du licenciement pour impossibilité de reclassement suite à une inaptitude, elle rappelle que la salariée a fait preuve de mauvaise foi en refusant sans motif légitime un poste qui était compatible avec son état de santé et conforme aux préconisations du médecin du travail. Elle estime en conséquence qu’elle ne doit pas lui verser d’indemnité compensatrice.

Sur les rappels de salaire au titre des congés payés et autres repos, elle rappelle que l’octroi du paiement de repos périodiques sollicité par la salarié découle du travail effectif de l’agent. Or la salariée ne rapporte pas la preuve de l’absence de paiement des 8 RU.

Sur la réparation du préjudice subi, elle sollicite la réformation du jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 18.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, le licenciement étant fondé en réalité sur une cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le licenciement de Mme AY est sans cause réelle et sérieuse, elle sollicite la réduction du q u a n t u m d e s c o n d a m n a t i o n s p r o n o n c é e s à s o n e n c o n t r e . M m e AY percevait un salaire mensuel de 1.260,73 euros. Le montant qu’elle pourrait percevoir au titre de la réparation du préjudice subi en raison du défaut de consultation des délégués du personnel ou en cas d’absence de recherches de reclassement loyales et sérieuse ne pourrait excéder la somme de 15.129 euros.

Par ses dernières écritures, Madame AY conclut à :

— la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes de Clermont Ferrand du 12 septembre 2017, sauf en ce qu’il a fixé le montant des dommages et intérêts à la somme de 18000 euros en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau sur ce point,

— la condamnation de la SNCF mobilités à lui payer et porter la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts de droit à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus, et avec capitalisation des intérêts conformément aux règles légales.

Y ajoutant,

— la condamnation de la SNCF mobilités à lui payer et porter la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme AY fait valoir que son employeur a manqué à ses obligations légales en ne procédant pas à une recherche sérieuse et loyale de reclassement et en n’associant pas le CHSCT aux recherches de reclassement. Elle expose essentiellement que :

— les mesures prises par son employeur doivent être appréciées au regard de sa situation et de sa qualité de travailleur handicapé, d’accidenté du travail au regard de la loi mais également des textes propres à la SNCF concernant cette catégorie de personne et à cet égard les textes n’ont pas été respectés sur plusieurs aspects ;

— la SNCF n’a pas fait preuve d’anticipation au regard de sa situation ;

— le CHSCT n’a pas été consulté sur les mesures visant à favoriser son maintien dans l’emploi conformément à l’article 2.3.1 du RH 00360, alors même qu’elle a le statut de travailleur handicapé et celui d’accidentée du travail, et n’a été consulté que sur le licenciement le 20 mars 2015, émettant un avis négatif ;

— les délégués du personnel n’ont pas été consultés sur la proposition d’emploi formulée le 1er juin 2015 pas plus que le CHSCT ;

— le télétravail n’a jamais été sérieusement envisagé alors que l’accord sur l’emploi des personnes handicapées le présente comme une solution à privilégier ;

— à sa connaissance, le correspondant travailleur handicapé n’a à aucun moment été associé à la recherche de reclassement avec le conseiller mobilité de la SNCF ;

— la SNCF ne justifie pas que le courrier de convocation du 9 mars 2015 en vue d’une consultation sur le dossier de son reclassement, par ailleurs non signé, aurait été adressé aux délégués du personnel ;

— aucune mention n’est faite sur le compte rendu de la réunion des DP du 19 mars 2015 , dont la page 3 est étonnamment manuscrite, et l’objet de la consultation n’est même pas mentionné ; elle est donc en droit de s’interroger sur la réalité de cette consultation ;

— aucune étude de poste n’a été réalisée par le médecin du travail à l’issue du premier constat d’inaptitude ;

— son employeur n’a pas étudié la faisabilité d’un aménagement de poste en télétravail ;

— les postes proposés au titre du reclassement et évoqués dans la lettre de licenciement ont été abandonnés par la direction ;

— elle a été contrainte de refuser la proposition de poste à l’agence Paie et famille car son employeur n’a pas souhaité l’aménager en télétravail ;

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement d’une salariée handicapée a pour conséquence d’entraîner le versement d’un complément d’indemnité compensatrice de préavis plus longue. Son préavis aurait du être de trois mois, son salaire mensuel moyen était de 1.260,73 euros. Les règles de l’article L.5213-9 du code du travail trouvent à s’appliquer.

Sur la réparation du préjudice subi, elle entend faire valoir avoir subi un préjudice moral et financier du fait de son licenciement. Elle a toujours travaillé avec sérieux et c’est sur son lieu de travail qu’elle a été victime d’un accident du travail qui a conduit à son inaptitude ce qui rend d’autant plus fautif le non-respect par son employeur de l’obligation de reclassement.

Elle rencontre des difficultés à retrouver un emploi notamment en raison de son état de santé et de son invalidité. Elle a perdu au delà de son emploi, l’accès à une mutuelle d’entreprise l’obligeant a assumer le coût de sa mutuelle de frais de santé dans sa totalité ainsi que les facilités de circulation sur le réseau SNCF ce qui est important au regard de son handicap. Elle a perçu une pension d’invalidité et d’allocation de retour à l’emploi à hauteur de 24,43 euros par jour. Elle a ce jour épuisé ses droits à indemnisation pôle emploi sans avoir retrouvé d’emploi et sa demande d’ASS a été rejetée. Elle n’a pas encore atteint l’âge légal de départ à la retraite. Elle perçoit une rente de la caisse primaire d’assurance maladie compte tenu de son incapacité permanente à hauteur de 20%. Elle avait 58 ans au jour de son licenciement et comptait 16 ans d’ancienneté. Sa pension de retraite va être impactée par cet arrêt prématuré de sa carrière. Elle sollicite la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement.

Sur les rappels de salaires au titre des congés payés et autres repos, son employeur ne produit aucune pièce sur la question du paiement des 8 jours RU. Elle bénéficiait de 28 jours de congés annuels outre 18 jours de RTT prenant la forme de 10 jours de repos périodiques et 8 jours de repos supplémentaires. À la date de son accident du travail en juin 2012, le solde de congés était de 23 jours de congés annuels, 5 jours de RP et 4 jours de RU. Elle a continué a acquérir des jours des congés payés annuels durant son arrêt de travail. Elle s’est vu imposer la prise de congés payés. Elle est ainsi bien fondée solliciter le paiement de la somme de 2.601,36 euros bruts.

Elle était éligible au bénéfice de l’indemnité temporaire d’inaptitude, ce sur quoi l’inspecteur du travail est intervenu.

A compter du 8 janvier 2015, elle aurait dû bénéficier de droits à congés dans le cadre de la reprise du paiement des salaires jusqu’au terme de son licenciement.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées.

MOTIFS

SUR LE CARACTÈRE RÉEL ET SÉRIEUX DU LICENCIEMENT DE MME AY

Il convient tout d’abord de rappeler qu’ aux termes de l’article R4624-31 du code du travail alors en vigueur :

' Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu’après avoir réalisé :

* une étude de poste ;

* une étude des conditions de travail dans l’entreprise ;

* deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés le cas échéant, des examens complémentaires.'

En l’espèce, l’inaptitude de Mme AY a bien été constatée après deux examens médicaux espacés d’au moins deux semaines, le texte susvisé ne prévoyant pas un délai de 15 jours maximum : les 6 novembre et 8 décembre 2014.

Il y a bien eu une étude de poste puisque le projet de procès-verbal de la réunion du CHSCT du 20 mars 2015 produit par Mme AY mentionne notamment : 'Le médecin affirme qu’une étude de poste a été faite malheureusement avant son accident.' et aucun démenti n’est apporté.

Ainsi, s’il n’y a certes pas eu d’étude de poste juste avant la constatation de l’inaptitude par le médecin du travail, mais bien antérieurement, force est de constater que :

— d’une part, le texte susvisé impose seulement l’antériorité nécessaire de l’étude de poste à la constatation de l’inaptitude, sans autre précision

— d’autre part, le médecin connaissait en effet parfaitement le poste de Mme AY puisque dès le 2 août 2011, à l’occasion de l’examen périodique, il recommandait un aménagement de poste, à savoir la fourniture d’un tapis de sol PVC, sans que personne prétende que depuis l’accident du travail du 14 juin 2012, les conditions de travail de l’intéressée aient évolué puisqu’au contraire celle-ci le déplore. En outre, les mentions du relevé des capacités mobilisables de l’agent dressé par le médecin du travail témoignent aussi de sa connaissance du poste de l’intéressée . Enfin, cette dernière n’a pas contesté l’inaptitude constatée par le médecin du travail.

L’inaptitude de Mme AY est donc acquise.

Ensuite, l’article L 1226-10 du code du travail alors en vigueur disposait:

'Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

'Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise.

'L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail'.

Il en résulte que l’inaptitude physique du salarié ne peut justifier son licenciement que si aucun emploi approprié à ses capacités ne peut lui être proposé.

Il appartient à l’employeur de rechercher s’il existe des possibilités de reclassement au sein de l’entreprise ou au sein du groupe et parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer au salarié un emploi compatible avec ses capacités compte tenu des indications fournies par le médecin du travail

En outre, quelles que soient les démarches ayant pu être effectuées auparavant, l’obligation qui pèse sur l’employeur en application de l’article précité doit être observée à compter de la date à laquelle le médecin du travail a émis l’avis d’inaptitude, c’est-à-dire à la date de la seconde visite de reprise, soit en l’espèce à compter du 8 décembre 2014.

L’EPIC SNCF MOBILITÉS a bien respecté son obligation en effectuant des recherches de reclassement loyales et sérieuses.

En effet, comme l’a rappelé la SNCF et comme elle en justifie :

— un accompagnement de Mme AY a été mis en place afin de trouver un poste correspondant aux préconisations du médecin du travail ;

— dès le 6 janvier 2015, elle a été reçue en entretien par le responsable Ressources Humaines, en présence du secrétaire du CHSCT ;

— ne pouvant lui proposer un poste pérenne, elle a recherché des missions temporaires dans l’attente d’un reclassement définitif, d’une part en associant le médecin du travail dans chaque phase de recherche d’un reclassement, et, d’autre part, en respectant toutes les indications de ce dernier ;

- ainsi, le 14 janvier 2015, le médecin du travail, le responsable des RH et le conseiller Mobilité se sont réunis afin d’étudier la possibilité d’une mission temporaire à l’infrapôle, mais le médecin, après visite des locaux a conclu que ces derniers n’étaient pas adaptés aux déplacements de l’agent ;

— l e 1 8 j a n v i e r 2 0 1 5 , u n e n o u v e l l e r e n c o n t r e a e u l i e u e n t r e M m e AY et le conseiller Mobilités afin de travailler sur son parcours professionnel et de l’informer sur la procédure d’accompagnement professionnel ;

— après une visite organisée du Fret au BREZET le 19 janvier 2015, le médecin a estimé que les lieux étaient adaptés aux déplacements de l’agent, mais le responsable de la mission a précisé que le lieu de travail n’était pas compatible avec la mission proposée, car trop éloignée de son service et de plus, la SNCF MOBILITÉS a été informée que cette mission n’était finalement plus d’actualité ;

— le 29 janvier 2015, le responsable des RH a interrogé tous les établissements de la région Auvergne Nivernais pour leur demander s’ils disposaient d’un poste en télétravail conformément aux préconisations du médecin du travail, étant relevé que si, effectivement dans le courrier concerné, il n’est fait état que de la recherche d’un emploi en télétravail sans autre précision, il s’agissait d’une 2e demande, puisqu’il est indiqué ' je reviens vers vous une nouvelle fois au sujet du télétravail', et il y est en outre rappelé que l’Espace Initiative Mobilité (EIM) les a également tous sollicités mais sans résultat jusqu’à présent; – or, le 9

février 2015, L’EIM a interrogé tous les EIM de France afin de connaître les postes disponibles pouvant correspondre au cas de Mme AY, en donnant toutes les précisons nécessaires sur le poste recherché puisque joignant le CV de Mme AY ainsi que les '1033 et 1034" et ajoutant que cet agent est contractuel et a un contrat à durée indéterminée 60,47%, et toutes les réponses ont été négatives ;

— le 28 avril 2015, l’EIM, avec les mêmes éléments, a sollicité les filiales présentes sur la région Auvergne en leur demandant si elles disposaient d’un poste en télétravail, à savoir KEOLIS qui a répondu par la négative, EFFIA qui a proposé un poste basé sur la région de LYON mais pour lequel le médecin du travail a émis un avis négatif compte tenu du port de charges imposé par ce poste, et GEODIS ;

— e n f i n , l e 1 e r j u i n 2 0 1 5 , l ' E P I C S N C F M O B I L I T É S a p r o p o s é à M m e AY un poste de gestionnaire à l’Agence Paie et Famille de CLERMONT-FERRAND, Mme AY ayant manifesté son intérêt pour ce poste. La conseillère Mobilité, sur sa question, lui a d’abord indiqué que l’avis médical était favorable, étant observé qu’à la lecture du projet de procès-verbal du CHSCT du 28 septembre 2015 produit par Mme AY, les membres du comité n’émettent aucun démenti sur l’existence de cet avis du médecin mais posent seulement la question de l’absence d’entretien sur la proposition de ce poste, pour réévaluation des capacités et incapacités, entre l’agent et ledit médecin, lequel explique alors qu’il n’a qu’un avis consultatif et non obligatoire, que c’est à l’agent de faire la demande de réévaluation et que pour prendre position sur l’aptitude, il faut d’abord que l’agent accepte le poste ;

— puis, le 9 juin 2015, il a été proposé à Mme AY de découvrir le poste concerné lui indiquant que seraient présents, notamment le RRH, M. C D et M. E F du CHSCT, qui, au vu du projet de procès-verbal du CHSCT du 28 septembre 2015, en sont respectivement le président et le secrétaire ;

— suite à cette visite effectuée le 15 juin, Mme AY a posé plusieurs questions auxquelles il a été répondu:

* initialement la formation devait se dérouler à PARIS ou AIX-LES-BAINS et il a été demandé à ce qu’elle soit délocalisée à CLERMONT-FERRAND en raison des déplacements que cela impliquerait, ce qui a été accepté

* le temps partiel à hauteur de 50% a été accepté

* concernant la possibilité de télétravail, il lui a été précisé que ce dernier pouvait être envisagé une fois le poste maîtrisé.

De plus, si le médecin du travail a bien adressé le courriel du 6 novembre 2014 rappelé ci-dessus en indiquant : '… La seule perspective de reprise éventuellement envisageable semblerait celle d’un télé-travail. Est-ce possible '', le télétravail envisagé était à priori sur son poste à reprendre éventuellement, ce qui n’est plus d’actualité puisque la dernière visite de décembre 2014 l’a déclarée inapte définitive au poste de gestionnaire occupé, sans commentaire sur une éventuelle nécessité d’un télétravail.

D’ailleurs, le 20 janvier 2015, le médecin du travail, suite à la visite des locaux du fret au Brezet où un emploi était envisagé estimait les locaux adaptés à l’état de santé de Mme AY, sans faire état d’un télétravail.

Le télétravail ne peut donc qu’être considéré comme une préconisation.

Il n’est en outre pas formellement contesté que ce poste offert en juin 2015 était adapté puisque la SNCF affirme, sans être contredite par l’intéressée, qu’il lui était possible de stationner à proximité des locaux de l’entreprise, qu’il n’y avait pas d’escalier et pas de port de charge.

Cependant le 2 juillet 2015, l’intéressée a refusé ce poste alors que le télétravail était bien envisagé à terme après maîtrise du poste, ce qui n’est pas en infraction avec la prise en compte du statut de personne handicapée et d’accidentée du travail revendiqué par Mme AY, telle que préconisée par les RH 00360et RH 00393 (directive Référentiel Ressources humaines) produits par cette dernière, et ce d’autant plus que son refus n’était pas motivé par son handicap initial, mais ' en lien avec une fragilité physique suite à l’accident du travail…', selon son courrier rappelé plus haut.

En outre, l’inaptitude ayant été définitivement constatée le 8 décembre 2014, les délégués du personnel ont été convoqués le 9 mars 2015 à une réunion en date du 19 mars 2015 afin d’être consultés sur les possibilités d’emplois.

A ce courrier étaient joints les avis d’inaptitude établis par le médecin du travail (1033) et le relevé des capacités mobilisables (1034) ainsi que le déroulé des démarches entreprises pour les reclassements de l’agent.

Le compte rendu de la réunion du 19 mars fait état en page 2 de la consultation des délégués du personnel et des avis portés par la CGT, la CFDT et de l’absence d’avis de Sud-Rail.

Mme AY semble douter de la réalité de la convocation et de la consultation, en faisant remarquer que la pagination du compte rendu relatif à la consultation contestée est manuscrite. Cependant il lui appartient d’apporter la preuve d’une éventuelle fraude à ce sujet, laissant supposer que la pagination manuscrite des pages 3 et 4 aurait pour but de remplacer deux autres pages correspondant à d’autres consultations pour insérer après coup le texte relatif à son cas, ce qu’elle ne fait absolument pas.

Par ailleurs, il est constant, conformément aux dispositions de l’article L1226-10 susvisé, que l’avis des délégués du personnel doit être recueilli après que l’inaptitude du salarié a été constaté et avant la proposition à l’intéressé d’un poste de reclassement approprié à ses capacités, et il n’y a pas lieu à plusieurs consultations.

La consultation des délégués du personnel a donc été régulièrement faite.

Enfin, concernant la procédure de reclassement au visa du statut RH 00360 et la consultation du CHSCT, il convient de rappeler tout d’abord que :

— l’article L4612-11 du code du travail alors en vigueur disposait :

'Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté sur les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise ou le maintien au travail des accidentés du travail, des invalides de guerre, des invalides civils et des travailleurs handicapés, notamment sur l’aménagement des postes de travail.'

— il est constant que dans le cadre de la mise en oeuvre de l’obligation de reclassement

prévue par l’article L1226-10 précité, l’employeur n’est pas tenu de consulter le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

— en l’espèce, l’article 2.2. du RH 00360 dispose notamment

'Les acteurs du processus de reclassement sont le responsable des ressources humaines, le médecin du travail, le dirigeant, le CHSCT…'

Force est de constater, au vu de l''historique des démarches entreprises par la SNCF, que le CHSCT a été informé de la situation de Mme AY, a participé à plusieurs reprises aux propositions envisagées à l’égard de cette dernière et a été à même de donner son avis comme il l’a fait lors de sa réunion du 20 mars 2015.

Au surplus, les dispositions de l’articles 2.3.1 relatives au lien avec le correspondant travailleurs handicapés ne visent que des propositions de prestations spécifiques, n’ayant pas de caractère obligatoire et Mme AY ne met pas en évidence des prestations qui auraient pu modifier sa réponse au poste proposé, étant aussi noté que les différents projets de CHSCT, notamment celui du 28 septembre 2015 postérieur à la proposition de poste de juin 2015, n’évoque nullement une faille dans l’absence de consultation du correspondant travailleurs handicapés..

Dans ces conditions, le licenciement de Mme AY repose sur une cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé de ce chef.

SUR LES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES

Le salaire moyen de Mme AY était de 1 260,73 euros.

Sur le préavis et congés payées afférents

Le conseil de prud’hommes, au motif que Mme AY avait le statut de travailleur handicapé lui a alloué la somme de 1 260,73 euros au titre de complément de préavis ainsi que 126,07 euros pour les congés payés afférents.

L’EPIC SNCF MOBILITÉS estime ne pas avoir à verser d’indemnité compensatrice à Mme AY au motif que c’est de mauvaise foi que cette dernière a refusé le poste proposé en juin 2015, au visa de l’article L1226-14 du code du travail

Cependant la mauvaise foi de l’intéressée n’est pas suffisamment caractérisée et son refus ne peut donc être considéré comme abusif.

En tout état de cause, il est constant que l’article L5213-9 du code du travail qui a pour but de doubler la durée du délai-congé en faveur des salariés handicapés, n’est pas applicable à l’indemnité compensatrice de préavis, prévue à l’article L1226-14 du code du travail, qui doit être versée par l’employeur au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l’emploi occupé précédemment et dont le contrat a été rompu.

Mme AY argue alors que ce n’est pas une indemnité compensatrice qui a été accordée mais un complément d’indemnité compensatrice de préavis et fondée sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement d’une personne handicapée.

Or le licenciement de l’intéressée ayant une cause réelle et sérieuse, elle ne peut qu’être déboutée de sa demande et le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les rappels de salaire au titre des congés payés et autres repos

Le conseil de prud’hommes, visant ses bulletins de salaires, a alloué à Mme AY la somme de 2 601,34 euros au titre de congés imposés en 2012 et 2013 ainsi que 597,94 euros à titre d’indemnité compensatrice de solde de congés payés pour 2015, en jugeant que :

— Mme AY s’est vue imposer la prise de son solde de congés payés alors qu’elle venait d’être déclarée inapte à son poste de travail ;

— du 8 janvier au 11 octobre 2015, elle a acquis de nouveaux jours de repos dont 8RP et 6 RU.

L’EPIC SNCF MOBILITÉS prétend que :

— l’octroi du paiement de repos périodiques sollicité par la salariée découle du travail effectif de l’agent ;

— Mme AY ne remplit pas ces conditions et c’est pourquoi le paiement de ses RP ne lui était pas dû ;

— concernant le paiement des 8 RU correspondant à des repos qualifiés de supplémentaires qu’elle aurait prétendument acquis, elle ne rapporte aucunement la preuve de leur absence de paiement.

Force est de constater que :

— tout d’abord, concernant la somme de 2 601,34 euros allouée au titre de congés imposés en 2012 et 2013, l’EPIC SNCF MOBILITÉS n’émet aucune observation, et le jugement qui l’a condamnée à payer cette somme sera donc confirmé de ce chef.

— si les repos périodiques sont normalement consécutifs à des périodes effectivement travaillées, l’EPIC SNCF MOBILITÉS, de façon à priori contradictoire et en tout cas sans explication ni référence à un texte applicable à la SNCF, ne conteste pas l’octroi de RU pour son agent sur la même période non travaillée, mais soumet la preuve de leur versement à l’agent lui-même, alors qu’en application de l’article 1353 du code civil c’est à celui qui se prétend libéré de justifier du paiement, ne donnant au surplus aucune distinction chiffrée entre RP et RU.

Dans ces conditions la réclamation de ce chef de Mme AY sera considérée fondée et le jugement sera confirmé de ce chef.

SUR LES RESTITUTIONS DES SOMMES VERSÉES AU TITRE DE L’EXÉCUTION PROVISOIRE

Mme AY devra restituer à l’EPIC SNCF MOBILITÉS

les sommes trop versées au titre de l’exécution provisoire du jugement déféré.

SUR LES DÉPENS ET L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, l’une et l’autre conserveront la charge de leurs entiers dépens sans qu’il y ait lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement déféré du 12 septembre 2017 du conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand, sauf en ce qu’il a :

1° constaté que Mme Z AY n’a pas été remplie de la totalité de ses pleins droits en ce qui concerne :

— les congés payés 2012 2013 imposés,

— le solde de ses congés payés 2015 ;

2° condamné l’EPIC SNCF mobilités, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme Z AY les sommes suivantes :

—  2601,34 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés imposés 2012 et 2013,

—  597,94 euros à titre d’indemnité compensatrice de solde de congés payés pour 2015 ;

3°- jugé que les sommes supra à caractère salarial s’entendent comme brutes avant décompte des charges sociales et les sommes à caractère indemnitaire comme brutes de CSG et de CRDS ;

Statuant à nouveau sur les autres chefs infirmés :

— Dit que le licenciement de Mme Z AY repose sur une cause réelle et sérieuse ;

— En conséquence déboute Mme Z AY de sa demande

de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

— Dit que Mme Z AY devra restituer à l’EPIC SNCF MOBILITÉS les sommes trop versées au titre de l’exécution provisoire du jugement déféré ;

Ajoutant au jugement déféré :

— Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Dit que chacune des parties conservera la charge de ses entiers dépens de première instance et d’appel ;

— Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

Le greffier, Le Président,

N. BELAROUI C. RUIN

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Cour d'appel de Riom, Chambre sociale, 20 octobre 2020, n° 17/02212