Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 5 septembre 2011, n° 10/02626

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. de la proximité, 5 sept. 2011, n° 10/02626
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 10/02626
Décision précédente : Tribunal d'instance de Le Havre, 27 avril 2010
Dispositif : Expertise

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 10/02626

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

ARRET DU 24 FEVRIER 2011

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du TRIBUNAL D’INSTANCE DU HAVRE du 28 Avril 2010

APPELANT :

Monsieur F A

'L’Archelle'

XXX

XXX

représenté par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour

assisté de Me Thierry LEVESQUES, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Monsieur D Z

XXX

XXX

XXX

représenté par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour

assisté de Me Ghislaine VIRELIZIER, avocat au barreau du HAVRE

Madame H X

XXX

XXX

XXX

représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour

assistée de Me Ghislaine VIRELIZIER, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 27 Janvier 2011 sans opposition des avocats devant Madame PLANCHON, Président, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PLANCHON, Président

Madame PRUDHOMME, Conseiller

Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme NOEL-DAZY, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 27 Janvier 2011, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 Février 2011

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 Février 2011, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame PLANCHON, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.

*

* *

Monsieur D Z et Mademoiselle H X sont propriétaires d=un pavillon et d=un terrain situé XXX à HATTENVILLE dans le pays de CAUX.

Monsieur F A, leur voisin, possède un terrain sur lequel est implantée une hêtraie située en limite séparative des deux fonds.

En mars 2006, les consorts Z et X se sont plaints de divers désordres causés par les arbres de Monsieur A et ont sollicité du juge des référés de le condamner à procéder à l=élagage des arbres litigieux ainsi qu=à l=abattage d=un arbre mort.

Par ordonnance en date du 11 mai 2006, le juge des référés a enjoint Monsieur A de procéder ou faire procéder à l=élagage de ses arbres jouxtant la propriété de Monsieur Z et Madame X ainsi que de procéder ou faire procéder à l=abattage d=un arbre mort.

Par acte d=huissier de justice en date du 31 juillet 2009, Monsieur D Z et Madame H X ont fait délivrer assignation à Monsieur F A au visa des articles 544 et 1382 du code civil pour leur voir ordonner de :

procéder à l=abattage de l=ensemble des arbres situés en limite séparative dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir;

régler la somme de 299 i en réparation des désordres causés à un abri de jardin;

à titre infiniment subsidiaire, de voir désigner un expert qui devra dire à quelle distance se situent les plantations critiquées, quel est l=état de santé de celles-ci ainsi que leur dangerosité pour l=habitation voisine.

Par jugement contradictoire du 28 avril 2010, le tribunal d=instance du HAVRE a:

vu les articles 544, 671 et 1382 du code civil, la jurisprudence subséquente ainsi que les explications des parties et les pièces;

enjoint Monsieur F A de procéder ou de faire procéder à l=abattage de ses arbres situés en limite séparative de la propriété de Monsieur D Z et Madame H X, sur les talus sud et sud-est, et ce sous astreinte de 25 euros par jour de retard pendant un délai de 2 mois commençant à courir le 15e jour suivant celui de la signification de la décision;

dit que le tribunal pourra procéder à la liquidation de l’astreinte, à la requête de la partie qui y trouvera intérêt;

donné acte aux demandeurs de ce qu=ils ne sollicitent plus l’indemnisation du préjudice pour leur abri de jardin;

condamné Monsieur F A à payer Monsieur D Z et Madame H X la somme de 750 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

rejeté le surplus des demandes des parties;

condamné Monsieur F A aux dépens de l=instance.

Ordonné l’exécution provisoire.

Le 07 juin 2010, Monsieur F A a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 14 janvier 2011 auxquelles il convient expressément de se référer pour l=exposé des moyens et des prétentions soulevés, Monsieur F A demande à la cour de:

dire et juger que la cour d=appel, juridiction d=ordre judiciaire est incompétente pour statuer sur l=abattage des arbres en raison du classement en espace boisé de ces derniers, leur abattage étant soumis à autorisation du maire;

en tout état de cause, infirmer le jugement de première instance;

débouter Monsieur Z et Madame X de l=ensemble de leurs demandes;

à titre subsidiaire, ordonner une expertise afin de déterminer:

Quels sont les arbres qui provoquent le plus d=ombre dans la maison de Monsieur Z et de Madame X alors que celle-ci est entourée d=une haie de thuyas;

Dire et juger si les arbres présentent une dangerosité pour Monsieur Z et de Madame X compte tenu de leur état et de leur entretien;

lui donner acte de ce qu=il n=est pas opposé à l=expertise demandée en première instance par la partie adverse;

si la Cour croyait devoir confirmer la décision de première instance sur l=abattage desdits arbres :

subordonner l=exécution de l=arrêt à intervenir à l=obtention par Monsieur A de l=autorisation du maire et dire et juger qu=une fois l=autorisation obtenue par ce dernier, il aura jusqu=à l=hiver suivant pour procéder à l=abattage;

débouter Monsieur Z et de Madame X de leur demande d=astreinte;

condamner Monsieur Z et de Madame X à régler la somme de 1.500 euros en application de l=article 700 du code de procédure civile ainsi qu=aux entiers dépens de première instance et d=appel.

À l=appui de ses demandes, Monsieur F A fait valoir que:

la hêtraie est protégée compte tenu du plan local d=urbanisme qui intègre la protection d=alignements d=arbres sur tout le territoire communal et tout abattage concernant de tels alignements protégés est soumis à une demande d=autorisation administrative; ainsi, l=abattage doit faire l=objet d=une demande en mairie conformément aux dispositions des articles L.123-7 1 de la réglementation générale du PLU et R.421-23 du code de l=urbanisme; dans ces conditions, le juge judiciaire n=est pas compétent pour ordonner un abattage d=arbres relevant de la décision du maire;

le premier juge a fondé l=action sur l=empiétement sur le terrain d=autrui alors qu=il s=agit d=un moyen d=office en violation du principe du contradictoire lequel n=a jamais été soutenu;

Monsieur Z et Madame X ont acheté leur maison en parfaite connaissance de cause puisque elle était déjà entourée des hêtres bicentenaires;

il est permis de douter de l=absence d=ensoleillement de la maison puisque Monsieur Z et Madame X ont planté des hauts thuyas à proximité de leur habitation et qui les privent certainement de luminosité; en outre, les arbres litigieux ne se situent pas à la même distance de la maison des intimés et ne peuvent gêner de la même façon l=ensoleillement de leur maison;

Monsieur F A entretient ses arbres par un élagage régulier conforme aux usages en laissant intacte une cime ou coupeau du tiers au moins de la hauteur de l=arbre; de surcroît, l=entrepreneur réalisant l=élagage des arbres précise que l=entretien de la hêtraie a toujours été effectué avec attention;

ce dernier est un professionnel plus qualifié pour juger de l=état d=entretien des arbres que l=huissier de justice qui dans son constat du 08 mars 2009 porte plus une appréciation sur l=entretien des arbres qu=il ne procède à des constatations;

en outre, Monsieur A a fait venir le 07 janvier 2011 un huissier qui souligne dans son constat que les arbres sont entretenus corroborant les témoignages de Monsieur C et Monsieur Y;

si l=appelant a accepté d=indemniser un dommage de 299 euros sur un abris, cela ne saurait justifier l=abattage de toute la hêtraie;

par ailleurs, la maison de Monsieur Z et Madame X se trouve en contrebas du terrain de Monsieur A; un talus sépare les deux fonds avec les hêtres et derrière le talus et les hêtres, sur le terrain de Monsieur A, se trouve une mare temporaire; ainsi, en cas d=abattage des hêtres, il y a un risque non négligeable lors des fortes pluies de glissement du talus qui ne sera plus tenu par les arbres, sur le fonds des intimés;

' si la Cour confirmait la décision de première instance, elle devra définir la période d=abattage en fonction de l=autorisation délivrée par le maire et de la montée de la sève qui rend difficile et dangereuse l=opération d=abattage.

Dans ses dernières écritures en réponse signifiées le 14 décembre 2010 auxquelles il convient également de se référer pour l=exposé des moyens en réponse des intimés, Monsieur D Z et Madame H X sollicitent la confirmation du jugement entrepris et la condamnation supplémentaire de Monsieur F A à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l=article 700 du code de procédure civile ainsi qu=aux entiers dépens de première instance et d=appel.

Monsieur D Z et Madame H X exposent au soutien de leurs demandes que:

peu importe les décisions prises par l=autorité administrative, les juridictions judiciaires conservent leur entière compétence pour statuer dans un litige opposant des personnes privées et il lui appartient d=ordonner toute mesure propre à faire cesser le dommage subi par les demandeurs;

selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, il ne peut être institué une restriction au droit imprescriptible du propriétaire sur le fonds duquel s=étendent les branches des arbres du voisin de contraindre ce dernier à les couper;

s=il est constant que les intimés n=ont pas fondé leur action sur les dispositions de l=article 671 du code civil et donc du chef d=un empiétement sur leur terrain, il n=en demeure pas moins que l=action de ces derniers est fondée sur le trouble anormal de voisinage occasionné par la présence de ces grands arbres;

Monsieur D Z et Madame H X justifient que l=ombre portée sur leur terrain du chef de la hêtraie est de près de 90 % du terrain, soit 1.700 m5 alors que les thuyas mesure 2,60 m de haut et 90 cm de large et n’entourent que 700 m5 de terrain;

il résulte du constat d=huissier du 18 mars 2009 que les arbres n=étaient ni élagués, ni entretenus de sorte que de nombreuses branches mortes tombent sur la propriété des requérants, soit dans l=herbage, soit sur les toits des dépendances appartenant aux intimés; dans ces conditions, ces derniers craignent pour la sécurité de leurs enfants et de toute personne pouvant se trouver dans le jardin;

les factures d=entretien versées aux débats correspondent à des travaux ponctuels qui ne concernent pas l=ensemble de la hêtraie;

de surcroît, malgré l=ordonnance de référé en date du 11 mai 2006 ayant enjoint Monsieur F A de procéder à l=élagage de ses arbres selon les usages locaux rappelés par l=arrêté municipal du 15 janvier 2005, il n=en demeure pas moins que les doléances des intimés persistent puisque l=élagage n=a pas été suffisamment réalisé en exécution de cette ordonnance

' par ailleurs, si l=élagage des arbres est plus propice hors de la période de montée de sève afin de ne pas les blesser, il résulte des pièces versées aux débats que l=abattage des arbres peut intervenir à toute période de l=année.

L=ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2011.

SUR CE,

Sur la compétence du juge judiciaire :

Attendu que le juge judiciaire est compétent pour statuer sur les litiges privés en l’espèce relatifs aux troubles anormaux du voisinage engageant la responsabilité de l’autre partie et pour prononcer toute mesure de nature à faire cesser le dommage en résultant ;

Que M. A sera débouté de son exception d’incompétence ;

Sur l’existence d’un trouble anormal du voisinage :

Attendu qu’il est constant que les hêtres litigieux, de haut jet, constituent une haie plantée sur un talus formant « clos masure », configuration traditionnelle en pays cauchois et qui a reçu une protection spécifique au titre du plan local d’urbanisme adopté le 27 février 2008 comme le fait ressortir l’attestation du maire de la commune d’HATTENVILLE en date du 11 juin 2010 lequel précise que lors de l’enquête publique personne ne s’est manifesté pour en demander l’abattage ;

Attendu que la question se pose de savoir si la perte d’ensoleillement ou plutôt l’absence d’ensoleillement du fait de la présence de cette haie de hêtres peut être invoquée comme trouble anormal du voisinage par M. Z et Mme X et peut motiver leur demande d’abattage des arbres dès lors qu’ils ont fait en 2003 l’acquisition de leur maison en connaissance de cause et alors que, par définition, cette haie plus que centenaire et correspondant à une configuration propre au patrimoine régional, existait déjà dans son état ;

Attendu que la question du danger présenté par cette haie pour la sécurité des personnes doit être prise en considération ;

Que M. A avait été enjoint par ordonnance de référé du 11 mai 2006 de procéder à l’élagage des hêtres ; que les constats d’huissier de justice versés aux débats font état de chutes de branches mortes sur la propriété de M. Z et Mme X, de dommages causés à un abri de jardin ; que par ailleurs, ces constats font état d’une privation importante d’ensoleillement ;

Attendu que M. A prétend avoir satisfait aux injonctions de l’ordonnance de référé et procéder de manière régulière à l’élagage par un spécialiste de la haie de haut jet ; qu’il produit des factures d’élagage ;

Attendu que ces seules factures, d’un montant relativement peu importants et dont il est affirmé par les parties adverses qu’elles ne s’appliqueraient pas toutes aux arbres litigieux sont insuffisantes à démontrer que M. A a satisfait aux prescriptions de l’ordonnance de référé ;

Qu’en outre, la Cour n’a pas les compétences techniques pour apprécier la dangerosité desdits arbres, les seuls éléments produits apparaissant insuffisants pour le démontrer ; qu’il convient en conséquence de recourir à une expertise pour évaluer la situation ;

Attendu qu’il y a lieu en conséquence de surseoir à statuer sur les demandes et d’ordonner une expertise ;

Que les dépens et autres demandes seront réservés ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déboute M. A de son exception d’incompétence.

Surseoit à statuer sur les autres demandes.

Avant dire droit :

Ordonne une mesure d’expertise et désigne à cet effet M. B, 740 LE QUESNAY ' XXX- expert inscrit sur la liste de la Cour d’appel de ROUEN avec mission de :

se rendre sur place après avoir convoqué les parties et leurs Conseils,

se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, entendre les parties ainsi que tout sachant si nécessaire,

examiner les arbres litigieux, les décrire, donner une indication sur leur hauteur moyenne, la hauteur par rapport aux arbres des branches dépassant sur la propriété de M. Z et Mme X et la longueur moyenne de leur empiètement,

préciser l’état de santé de ces arbres et donner un avis sur leur dangerosité éventuelle pour la propriété voisine et ses occupants ;

dire s’ils bénéficient d’un entretien régulier, approprié et suffisant ou dire si au contraire, ils doivent être abattus ;

donner toute indication permettant de déterminer approximativement la surface et la durée de l’ombre portée journellement par cette haie sur la propriété voisine.

faire toute préconisation utile permettant la conservation de la haie et la préservation de la sécurité et du bien-être des M. Z et Mme X ;

fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre le de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et préjudice causés ;

indiquer et évaluer les travaux éventuellement nécessaires pour supprimer les désordres et chiffrer, le cas échéant, le coût de remise en état.

Établir un pré-rapport qui sera soumis à chacune des parties en leur impartissant un délai pour présenter leurs dires et y répondre.

Dit que l’expert effectuera sa mission dans les conditions des articles 263 et suivants du Code de Procédure Civile, déposera son rapport dans les quatre mois de sa saisine et le déposera au greffe de la Cour de céans.

Fixe à la somme de 800 € le montant de la consignation que M. A devra verser à titre d’avance sur la rémunération de l’expert dans le délai d’un mois à dater de la mise à disposition au greffe du présent arrêt.

Dit qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l’expert pourra être déclarée caduque et l’instance se poursuivre sur les seuls éléments produits.

Désigne Madame PLANCHON, Présidente de chambre, pour suivre les opérations d’expertise.

Renvoie l’affaire à la conférence de la mise en état de septembre 2011.

Réserve les dépens.

Le Greffier Le Président

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