Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 11 août 2015, n° 14/04235

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 11 août 2015, n° 14/04235
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 14/04235
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Rouen, 23 juillet 2014
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G. : 14/04235

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 11 AOUT 2015

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 24 Juillet 2014

APPELANT :

Monsieur Y X

XXX

XXX

représenté par Me Amélina RENAULD, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Jean-Marc POINTEL, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

SAS GROUPON FRANCE

XXX

XXX

représentée par Me Laure CALICE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Aliénor CHALOT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 03 Mars 2015 sans opposition des parties devant Madame LECLERC-GARRET, Conseiller, magistrat chargé d’instruire seul l’affaire,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame PAMS-TATU, Président

Madame LECLERC-GARRET, Conseiller

Madame HAUDUIN, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame HOURNON, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 03 Mars 2015, où l’affaire a été mise en délibéré au 02 Juin 2015, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 23 Juin 2015 en raison de la surcharge de travail (décharge de 30 % d’un conseiller), puis au 11 Août 2015 (arrêt de travail d’un conseiller)

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 11 Août 2015, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame PAMS-TATU, Président et par M. GEFFROY, Greffier présent à cette audience.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 20 juillet 2014 le conseil de prud’hommes de Rouen, statuant dans le litige opposant M. Y X à son ancien employeur, la société SAS Groupon France a débouté celui-ci de l’ensemble de ses demandes portant pour l’essentiel sur la résiliation de son contrat de travail, l’employeur étant pareillement débouté de sa demande d’indemnité de procédure et le salarié condamné aux dépens.

M. X a interjeté appel le 27 août 2014 à l’encontre de cette décision dont la régularité de la notification n’est pas contestée.

Il est renvoyé aux dernières conclusions auxquelles les parties se réfèrent expressément et à leurs observations orales à l’audience des débats du 3 mars 2015 pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel.

Selon dernières conclusions enregistrées au greffe le 3 mars 2015, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, M. X salarié appelant, sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de dire que la prise d’acte de son contrat de travail doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que « d’ordonner la production du registre du personnel de la société », de condamner l’intimée au paiement des sommes mentionnées, à titre principal et subsidiaire, au dispositif de ses écritures à titre de rappel d’indemnité de congés payés (1.518,07 €), rappel sur primes de vacances (251,89 €), indemnité d’utilisation du domicile à titre professionnel (3.900 €), rappel de salaire(11.500 €), heures supplémentaires (9.373,71 €), indemnité compensatrice de préavis (8.333,33 € ou subsidiairement 6.921,20 €) et congés payés afférents à ces sommes, indemnité de licenciement (3.385,41 € ou subsidiairement 2811,74 €), dommages-intérêts pour rupture abusive (32.000 €), indemnité pour travail dissimulé (20.763,60 €), indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, reprenant à l’appui de sa demande de prise d’acte les différents manquements de l’employeur articulés au soutien de sa demande initiale de résiliation judiciaire, en substance, la modification unilatérale de la structure de sa rémunération et pas simplement des objectifs, de manière aléatoire à huit reprises, la réduction significative et sans son accord du portefeuille de partenaires initialement attribué, la modification de manière déloyale de la catégorie du véhicule de fonction mis à sa disposition, outre le fait qu’il n’a pas été rempli de ses droits concernant le calcul de ses congés payés et prime de vacances, heures supplémentaires effectuées, indemnité d’occupation à des fins professionnelles de son domicile, l’ensemble de ces éléments constituant selon lui des manquements d’une gravité suffisante pour justifier le prononcé de la rupture de son contrat aux torts exclusifs de l’employeur en tirant toute conséquence de droit de celle-ci.

Selon dernières conclusions enregistrées le 3 mars 2015, reprises oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, la société Groupon France, intimée, formant appel incident, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, aux motifs notamment que son ancien salarié ne démontre pas l’existence de manquements contractuels pouvant justifier la prise d’acte de la rupture à ses torts, qu’il s’agisse de la prétendue modification de son contrat de travail concernant la rémunération contractuelle et le portefeuille de clients, alors qu’aucun de ces éléments n’ayant été contractualisé, il lui était loisible de les modifier, notamment les objectifs de la part variable de rémunération, observant en outre que la baisse de rémunération dénoncée est en réalité corrélée à l’insuffisance d’activité du salarié qui ne s’investissait plus sur l’activité de prospection de clientèle, que les autres manquements allégués concernant ses congés payés, prime de vacances ou prétendues heures supplémentaires, ou encore la nature du véhicule de fonction proposé non contractualisé, l’occupation à des fins professionnelles de son domicile acceptée sans qu’il lui soit imposé d’aménager un bureau, la société fournissant le matériel de bureau et la connexion Internet, ne sont pas davantage établis, sollicite par conséquent la confirmation du jugement déféré et le débouté de M. X de l’ensemble de ses demandes ainsi que sa condamnation à lui verser une somme de 5.000 € au titre du préavis non effectué, outre une indemnité de procédure au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que M. X engagé le 3 janvier 2011 selon contrat à durée indéterminée par la société SAS Groupon France, en qualité de « partnership manager » statut agent de maîtrise, position 3.1, coefficient 400 de la convention collective nationale des bureaux techniques, estimant que son employeur avait gravement manqué à son égard à ses obligations contractuelles, légales, ou conventionnelles et invoquant notamment des « conditions anormales d’exécution de son contrat » et « une nette dégradation de ses conditions de travail » a saisi le conseil de prud’hommes le 3 octobre 2013 d’une demande tendant à voir prononcer la résiliation de son contrat de travail avec tous les effets attachés à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, puis par lettre recommandée du 18 avril 2014, postérieurement à l’audience de jugement du 17 avril 2014, a pris acte de la rupture de son contrat par une lettre ainsi rédigée :

'Engagé en qualité de partnership manager le 03 janvier 2011, j’ai été contraint de constater dans le courant de l’année 2013 une dégradation importante de mes conditions de travail qui m’ont conduit à solliciter la résolution judiciaire de mon contrat devant la juridiction prud’homale.

En effet, vos manquements étaient nombreux :

Calcul erroné de l’indemnité de congés payés,

Heures supplémentaires non-rémunérées,

Absence d’indemnisation de l’utilisation de mon domicile à des fins professionnelles,

Remplacement d’un véhicule de fonction de catégorie C par un véhicule de catégorie A.

A ces irrégularités se sont ajoutés différents événements ayant eu un impact important sur ma rémunération puisqu’au début de l’année 2013, vous avez décidé de créer la page Travel et de supprimer aux différents commerciaux de terrain leur compte hôtel.

Vous m’avez alors proposé de rejoindre cette page Travel, ce que j’ai accepté « à l’essai ».

Cet essai étant loin d’être concluant, j’ai réintégré le secteur de ROUEN au sein duquel la quasi-totalité de mes comptes, qui avaient été redistribués entre d’autres commerciaux, ne m’ont pas été restitués.

Cela a donc entraîné une baisse extrêmement importante de ma rémunération.

Parallèlement à cela, j’ai dû subir depuis mon embauche d’incessants changements du mode de fixation de ma rémunération variable, ne me permettant pas d’avoir la moindre lisibilité sur mes objectifs et ma rémunération.

Bien plus, vous avez mis en place un nouveau système depuis le 1er avril, modifiant radicalement mes fonctions puisqu’une partie de mes attributions m’est en réalité retirée.

En effet, le commercial sédentaire « former » exploite désormais les comptes obtenus par les comerciaux terrrain 'unter'.

Vous avez d’ores et déjà demandé aux commerciaux de terrain de ne conserver que 30 comptes, ce chiffre devant bientôt passer à 20.

Ce nouveau changement, outre un impact important sur ma rémunération, change radicalement le contenu de mes fonctions.

Cette nouvelle modification s’oppose donc à la poursuite de mon contrat de travail et je suis contraint de prendre acte de la rupture du contrat qui nous lie.

Cette rupture prend effet dès l’envoi du présent courrier et je vous remercie de bien vouloir m’adresser l’ensemble de mes documents de fin de contrat.

Je vous précise d’ores et déjà que je rends dès aujourd’hui ma voiture de location à l’agence SIXT et que je vous adresserai dans le courant de la semaine prochaine les différents éléments en ma possession : ordinateur, téléphone portable par Chronopost.'

Attendu que statuant par jugement du 24 juillet 2014, dont appel, le conseil de prud’hommes s’est prononcé comme indiqué précédemment estimant en substance que le salarié avait été rempli de ses droits et qu’aucun des manquements reprochés n’était établi ;

Attendu que lorsqu’un salarié, après avoir saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, prend acte, en cours d’instance, de la rupture de son contrat et cesse immédiatement son travail, la légitimité de la rupture et ses effets doivent être appréciés au regard de la seule prise d’acte qui met fin aux relations contractuelles, même si les faits invoqués à l’appui de la demande de résiliation judiciaire doivent être pris en compte, avec ceux spécifiquement avancés au soutien de la prise d’acte, pour apprécier la réalité et la gravité des manquements imputés à l’employeur ; qu’au cas d’espèce le salarié reprend dans sa lettre de prise d’acte et dans ses écritures les manquements contractuels invoqués à l’appui de la demande de résiliation judiciaire soumise aux premiers juges ;

Que concernant en premier lieu le manquement en rapport avec le non paiement d’heures supplémentaires, s’il résulte de l’article L.3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;

Que selon l’article 7 du contrat de travail, le salarié est soumis à un forfait hebdomadaire de 38,5 heures, incluant 3,5 heures supplémentaires hebdomadaires et que les horaires collectifs de l’entreprise, rappelés par l’employeur et non contestés, sont fixés du lundi au jeudi de 9 h à 18h ou de 9h 30 à 18h 30 avec une pause déjeuner de 1h (soit 8 heures par jour) et le vendredi de 9h à 16h 30 ou de 9h 30 à 17h (soit 6h 30) ; que M. X déclarant travailler de 9h à 13h et de 14h à 18h30 du lundi au vendredi, outre des déjeuners clients, des déjeuners d’équipe et du temps passé au travail administratif nécessaire à la fixation de la rémunération variable, ainsi que celui consacré à la réception et aux réponses à des mails tardifs, réclame un rappel d’heures supplémentaires sur la base d’un horaire moyen de 42 heures par semaines, soit 3,5 heures supplémentaires hebdomadaires à 125 % sur toute la durée de la relation contractuelle ; que pour étayer sa demande il produit quelques mails de ses collègues ou de ses supérieurs hiérarchiques en dehors des heures de travail, soit essentiellement sept mails en date des 9/09/2011,10/09/2012,20/09/202,1/10/2012 , 26/02/2013, 10/07/2013, 12/09/2013 et un mail de son supérieur hiérarchique du 17/01/2011 indiquant ne pas vouloir « voir d’administratif, de reporting ou de contrat rentré pendant la journée, la journée c’est pour les appels, la prospection, les rendez-vous » ; que le fait que M. X ait reçu des mails tardifs qu’il pouvait attendre de lire le lendemain et qui n’exigeaient pas dans l’ensemble de réponse immédiate, ainsi que le démontre l’employeur pour ceux des 9/09/11, 10/09/11 Liduena, 1/10/12, 26/02/13, 10/07 /13 ou qu’il avait lui-même décidé d’envoyer à cette heure (10/07/13), n’est pas déterminant dans la mesure où le salarié n’établit aucun décompte de ses heures de travail, ni des jours de travail précisément concernés par des heures supplémentaires et de l’amplitude réalisée, ni de ses activités, qu’aucun agenda de ses rendez-vous n’est produit et pas davantage l’indication de la fréquence et du temps passé hebdomadairement aux tâches administrative dont aucun exemple n’est produit, étant surabondamment observé que le mail de son supérieur hiérarchique en janvier 2011 peut s’entendre comme un temps de travail administratif entre 17h et 18h 30 pendant l’amplitude de la journée normale de travail ; que de surcroît le nombre d’heures supplémentaires réclamées, établi sur la base d’un horaire de travail moyen ne tient pas compte des périodes de congés payés, ni des absences pour maladie résultant des bulletins de salaire ; qu’il y a lieu dès lors de considérer que M. X ne produit pas d’éléments suffisamment précis et sérieux pour étayer sa demande et permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu’il sera débouté de celle-ci par confirmation du jugement sur ce point, ainsi que de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé dans la dépendance de celle relative aux heures supplémentaires ; qu’aucun manquement de l’employeur de ce chef ne peut être retenu ;

Que concernant le solde d’ indemnité compensatrice de congés payés réclamé et s’agissant notamment du calcul de l’assiette, la prime correspondant à la part variable de la rémunération du salarié, assise sur des résultats produits par le travail personnel de celui-ci, nécessairement affectés pendant la période de congés, doit y être incluse ; qu’il ne résulte pas de l’analyse des pièces produites par l’employeur, notamment du document « évolutions du système de commission en date d’avril 2013 (pièce 14 de l’employeur), ni du courrier d’observation adressé au salarié en janvier 2014 (pièce 17 ) que la prise de congés n’affecte pas le montant de la part variable de la rémunération ; qu’en effet cette partie variable n’étant pas allouée globalement pour l’année, périodes de travail et de congés payés confondues, son inclusion dans l’assiette de l’indemnité de congés payés en application de l’article L.3141-22 du code du travail ne conduit pas à la faire payer une seconde fois par l’employeur, contrairement à ce qu’il soutient ; qu’en tout état de cause la société Groupon à l’issue du conflit collectif à ce sujet a régularisé partiellement le paiement des congés payés en tenant précisément compte de la rémunération variable et en versant au salarié une somme de 2.422,85 € en avril 2014 ; qu’enfin la prime de vacances prévue par l’article 31 de la convention collective applicable est d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés ;

Attendu qu’il y a lieu dès lors de comparer, sur chaque période de référence, la somme perçue par M. X au titre des congés payés et prime de vacances et celle qu’il aurait dû percevoir en application des dispositions ci-dessus exposées, en rappelant que selon l’article L.3141-22 (I) du code du travail, si l’indemnité de congés payés est égale au 10e de la rémunération totale perçue par le salarié entre le 1er juin de l’année précédente et le 31 mai de l’année en cours, l’indemnité se calcule proportionnellement à la durée du congé effectivement dû si le salarié bénéficie d’une durée de congé différente de la durée légale ; que celle -ci est de 25 jours ; qu’ainsi, sur la période du 3 janvier 2011 au 31 mai 2011 le salarié n’avait acquis que 10,33 jours de congés (indemnité de congés à proratiser en conséquence : 1/10 * (rémunération globale )/25*10, 33), sur celles du 1er juin 2011 au 31 mai 2012 et du 1er juin 2012 au 31 mai 2013, 25 jours légaux et sur celle du 1er juin 2013 au 18 avril 2014 23 jours à proratiser également selon la formule ci-dessus ; qu’en considération de ce qui précède M. X a touché globalement au titre des indemnités de congés payés un montant de 13.915,47 €, étant observé qu’il ne résulte pas du bulletin de salaire d’avril 2014 que le salarié a un pris un jour de congé sans solde rémunéré à tort qu’il conviendrait de prendre en compte comme l’affirme l’employeur, la seule période sans solde mentionnée en avril 2014 et déduite du salaire d’avril étant celle du 18 au 22 avril 2014, alors qu’il aurait dû percevoir en tenant compte des périodes proratisées une somme de 14.058 €, soit une différence en sa faveur de 142,53 € que l’employeur sera condamné à lui régler ;

Que concernant la prime de vacances, il déclare dans ses écritures avoir perçu la somme globale de 1.212, 81 € alors qu’il aurait dû percevoir celle de 1.405,80 €, soit une différence en sa faveur de 192,99 € que l’employeur sera condamné à lui verser ; qu’après régularisation partielle en avril 2014 comme mentionnée plus haut, le manquement de l’employeur à la date de la saisine en résiliation judiciaire concerne une somme globale de 335,52 € au lieu de celle de 1.769,96 € réclamée ;

Attendu ensuite, s’agissant de l’indemnisation de la sujétion née de l’utilisation du domicile à des fins professionnelles, que l’article 5 du contrat prévoit que « le salarié exerce ses fonctions à titre principal en tournée dans la région de Rouen et ses alentours » et que « dans ce contexte son lieu de travail est rattaché à son domicile », « le salarié reconnaissant que les dispositions du présent contrat ont un caractère déterminant pour la société qui n’aurait pas signé le contrat en l’absence de telles dispositions » ; qu’il résulte ainsi précisément des dispositions contractuelles qu’aucun local professionnel n’a été mis à disposition du salarié d’une part, que d’autre part celui-ci ayant accepté de travailler à son domicile à la demande de l’employeur il doit être indemnisé de cette sujétion particulière caractérisant une immixtion dans la sphère privée, peu important par ailleurs que l’employeur ait effectivement fourni l’intégralité du matériel nécessaire à l’exercice de ses fonctions puisque les frais engendrés dans ce contexte doivent nécessairement être supportés par lui ; que cette sujétion particulière est financièrement compensée en tenant compte du taux d’occupation du domicile en termes de temps et d’espace et qu’à cet égard, compte tenu des circonstances particulières d’exercice des fonctions de commercial et de la nécessité de rendre compte de la journée de travail, la somme de 100 € par mois (soit environ 4 € par jour ouvrable) sur une période de 39 mois, constitue une juste indemnisation à laquelle l’employeur sera condamné ; qu’il doit être à cet égard constaté que ce dernier a manqué à ses obligations en imposant au salarié de « rattacher son lieu de travail à son domicile » sans prévoir aucune indemnisation ;

Attendu encore que le contrat de travail prévoit une rémunération fixe d’un montant annuel brut de 30. 000 € payable en 12 mensualités de 2.500 € par mois et une rémunération variable définie à l’article 6. 2 du contrat en ces termes : « outre la rémunération fixe visée à l’article 6.1 ci-dessus, le salarié pourra percevoir mensuellement une rémunération variable, payable le dernier jour du mois suivant celui au titre duquel elle est due. Cette rémunération est calculée en fonction des éléments figurant dans le document remis au salarié par la société à la date de son embauche. Les objectifs pourront être modifiés par la société à l’issue de chacune des périodes de référence sans que cette circonstance puisse constituer une modification du présent contrat. La société s’engage à remettre au salarié tous documents utiles permettant d’apprécier les modalités de calcul de sa rémunération variable. » ; que M. X reconnaît s’être vu remettre à l’embauche en janvier 2011 un document de 9 pages expliquant le fonctionnement des commissions des commerciaux (pièce 9 du salarié ) ; qu’il ressort de ce document que la rémunération variable y était fixée sur la base d’un système de « contrats Gold, Silver ou Bronze », le « scoring des contrats » étant sous la responsabilité du management », qu’une « Gold List » comprenant un certain nombre de critères permettait de classer les « deals » dans une des trois catégories selon les conditions du contrat ou le chiffre d’affaires rapporté par celui-ci, ces « deals » faisant gagner ou perdre des points d’une valeur de 40 € selon un système de bonus- malus, système auquel s’ajoutaient des « Turbo » correspondant à une majoration de points au-delà d’un certain nombre de contrats signés ;

Attendu que s’il est exact qu’en matière de rémunération variable des objectifs peuvent être définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction et peuvent être modifiés dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice, il n’en demeure pas moins que dans les circonstances de l’espèce, le document annexé au contrat de travail, définissant les modalités de détermination de la rémunération variable du salarié selon un certain nombre de critères ne se réduit pas à la fixation d’ objectifs chiffrés, au demeurant sur une période non définie, ni dans le contrat, ni dans le document annexé, mais s’analyse comme une définition précise des modalités et du calcul de la part variable et doit à ce titre, dès lors qu’il est prévu et annexé au contrat être considéré comme compris dans la sphère contractuelle ; que l’employeur en modifiant ce document dès le mois de mars 2011 (pièce 10 du salarié), notamment en changeant les conditions d’attribution du point pour chaque « deal », le seuil de déclenchement du « turbo » et prévoyant l’évaluation qualitative de chaque « deal » pouvant donner lieu à un retrait de points sur décision finale du « City Manager », puis en juillet 2011(pièce 11) en indiquant maintenir les concepts de Bronze, Silver et Gold mais en annonçant introduire plusieurs changements, notamment un seuil de six nouveaux partenaires en deçà duquel le commercial sur un mois donné ne touchera plus aucune prime ainsi que la création d’ un nouveau concept le « Need » et d’une quatrième catégorie de « deal » les moins performants ne donnant lieu à aucune prime de diffusion, la suppression du « turbo » remplacé par une prime additionnelle, le maintien d’un système de malus pénalisant certains « deals » par une retenue sur primes et une pénalité de 100 € après un premier avertissement pour les contrats mal rédigés, a effectivement modifié la structure de la rémunération sans l’accord du salarié ; que ce système a encore été modifié à de multiples reprises en septembre 2011, janvier 2012, février 2012, octobre 2012 et avril 2013 (pièces 12 à 16 du salarié) avec modification à chaque changement de la définition et de la structure de certains objectifs (création du Gross Profit selon les villes ), des seuils de déclenchement pour les atteindre ou des seuils de paiement en fonction du pourcentage de l’objectif dépassé, de la création de nouveaux concepts impactant la rémunération ( le « refund » en février 2012 ) ;

Qu’en définitive la fréquence de ces modifications ( huit fois entre janvier 2011 et avril 2013), sans aucune prévisibilité (2 mois après la signature du contrat, puis 4 mois plus tard, 2 mois, 4 mois, 1 mois, 8 mois, 6 mois), sans renvoi à une période de référence connue d’avance par le salarié, dans le contrat ou dans chacun des documents successivement remis, la société Groupon ne pouvant sérieusement soutenir à cet égard que la période de référence contractuellement définie est mensuelle puisqu’il s’agit d’une part variable mensuelle , l’indétermination permanente des modalités de calcul des primes et non pas simplement des objectifs chiffrés imposés au salarié, les modalités de définition des éléments permettant le calcul de la part variable confinant à l’incompréhension ou s’apparentant à des sanctions pécuniaires illicites (refund et retrait de primes, avertissement tarifés) permettent d’affirmer que l’employeur en modifiant unilatéralement de façon aléatoire, permanente et fréquente, sans aucune prévisibilité pour le salarié à défaut de période de référence, la structure de la rémunération contractuelle, a gravement manqué à ses obligations contractuelles et légales, peu important le caractère prétendument plus avantageux des modifications intervenues, sans qu’il soit nécessaire d’examiner à ce stade le surplus des manquements allégués ; que la décision déférée qui a statué en sens contraire en déboutant le salarié de sa demande de résiliation judiciaire sera infirmée ;

Que M. X a pu légitimement déduire de ces circonstances l’existence de manquements de son employeur, s’agissant de la modification de la structure de la rémunération et de l’absence totale d’indemnisation de la sujétion liée à l’utilisation du domicile, d’une gravité suffisante et de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, justifiant dès lors une prise d’acte de la rupture des relations de travail devant produire tous les effets d’un licenciement illégitime ;

Attendu que le salarié est par conséquent en droit de prétendre aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés afférents, indemnité conventionnelle de licenciement) mais aussi à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des articles L.1235-2 et L.1235-3 du code du travail, en raison d’une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés ;

Attendu que M. X réclame un manque à gagner résultant des différentes modifications de sa rémunération variable, chiffré à 11.500 € sur la base d’un salaire moyen annuel de 50.000 €, étant tenu compte d’un salaire de 50.987,64 € en 2011, de 49.946,44 € en 2012 et de 38.504, 36 € en 2013 ; que toutefois M. X ne produit aucun élément objectif de nature à comparer le salaire effectivement perçu en 2012 et 2013 essentiellement, avec celui qu’il aurait perçu, en fonction de ses résultats de prospection et des contrats obtenus, si la structure de sa rémunération variable n’avait pas été modifiée ; qu’il ressort en outre des pièces du dossier, au nombre desquelles le courrier de la responsable RRH du 14 janvier 2014 qu’au cours du second trimestre 2013 l’activité de M. X était la plus faible de la ville de Rouen, que son chiffre d’affaires était nettement en retrait par rapport aux objectifs mensuels, la société lui ayant demandé de se reprendre et expliquant ses défaillances principalement par un manque d’activité et de prospection ; que la baisse de la rémunération variable ne peut, en l’absence d’éléments pertinents de comparaison, être imputée à la seule modification de la rémunération, si bien qu’il y a lieu de débouter M. X de sa demande ;

Que s’agissant du préavis de deux mois auquel il peut prétendre, il doit être tenu compte du salaire, commissions incluses, que M. X aurait perçu s’il avait travaillé pendant cette période, sans inclure le rappel de salaire dont il a été ci-dessus débouté ; que sur cette base et au vu des bulletins de salaire produits pour l’année 2014, la cour dispose des éléments nécessaires pour condamner l’employeur à lui régler la somme mentionnée au dispositif ci-après ;

Que pour le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à 0,25 mois par année de présence, eu égard à l’ancienneté du salarié comprise entre 2 et 20 ans, tel que prévu par l’article 19 de la convention collective applicable, il convient de prendre en compte 1/12 de la rémunération des 12 derniers mois précédant la notification de la rupture, cette rémunération incluant les primes contractuelles et excluant les majorations pour heures supplémentaires au-delà de l’horaire normal de l’entreprise ; qu’au vu des bulletins de salaire produits sur la période ci-dessus définie, l’employeur sera condamné à régler à M. X la somme précisée au dispositif ;

Qu’en considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l’ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, ce qui a été effectif dès le mois suivant la rupture en mai 2014, compte tenu du salaire brut perçu sur les six derniers mois, l’employeur sera condamné à lui régler la somme indiquée au dispositif ;

Attendu qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail à raison de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’organisme concerné les indemnités de chômage versées à l’intéressé depuis son licenciement dans la limite d’un mois de prestations ;

Attendu que la solution apportée au litige rend sans objet la demande du salarié de production du registre du personnel de la société Groupon France, ainsi que la demande d’indemnité compensatrice de préavis non effectué en raison d’une démission, formulée par l’employeur ;

Qu’il y a lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur du salarié et d’allouer à celui-ci, pour l’ensemble de la procédure, une indemnité dont le montant sera précisé ci-après ; que la demande indemnitaire présentée sur ce même fondement par l’employeur, qui succombe, sera en revanche rejetée ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement rendu le 24 juillet 2014 par le conseil de prud’hommes de Rouen, à l’exception des dispositions relatives aux heures supplémentaires et indemnité pour travail dissimulé ,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Dit justifié la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur par M. X, laquelle doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société SAS Groupon France à régler à M. X les sommes suivantes :

rappel d’indemnités de congés payés : 142,53 €

rappel de primes de vacances : 192,99 €

indemnité d’utilisation du domicile à titre professionnel : 3.900 €

solde d’indemnité compensatrice de préavis: 6.157,58 €

congés payés afférents : 615,75 €

indemnité conventionnelle de licenciement: : 2.501,52 €

Rappelle que ces sommes emportent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20.000 €

indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour l’ensemble de la procédure de première instance et d’appel : 2.000 €

Rappelle que ces sommes emportent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ,

Ordonne le remboursement par la société SAS Groupon France aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. X du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite d’un mois d’indemnités,

Rejette toute autre demande des parties,

Condamne la société SAS Groupon France aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 11 août 2015, n° 14/04235