Cour d'appel de Rouen, 10 novembre 2016, n° 15/04697

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 10 nov. 2016, n° 15/04697
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 15/04697
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Évreux, 24 août 2015, N° 13/02897

Texte intégral

R.G : 15/04697

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2016

DÉCISION DÉFÉRÉE :

13/02897

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’EVREUX du 25 Août 2015

APPELANTS :

Monsieur X Y

né le XXX à XXX)

XXX

XXX

Madame Z A épouse Y

née le XXX à XXX)

XXX

XXX

représentés et assistés de Me B C de la SELARL
DEBRE THOMAS
COURCEL C, avocat au barreau d’EURE substitué par Me COURCEL, avocat au barreau d’EURE

INTIMES :

Monsieur D E

né le XXX à XXX

XXX

XXX

XXX

représenté par Me Anne DESLANDES de la SCP SCP
SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau d’EURE,

assisté de Me Caroline DESCHASEAUX, avocat au barreau de
PARIS

SA DAS

XXX

XXX

représentée et assistée de Me Jean-michel EUDE de la SCP DOUCERAIN – EUDE -
SEBIRE, avocat au barreau d’EURE

SA MMA IARD

XXX

XXX

représentée et assistée de Me Michel BARON de la SCP MICHEL BARON-PASCAL
COSSE, avocat au barreau d’EURE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 15 Septembre 2016 sans opposition des avocats devant Monsieur FARINA, Président, et de Madame BERTOUX,
Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur FARINA, Président

Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

Madame BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Mme JEHASSE, Greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Septembre 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 03
Novembre 2016, délibéré prorogé au 10 novembre 2016.

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 Novembre 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la
Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur FARINA, Président et par Mme JEHASSE, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

En 2012 M.et.Mme Y ont déclaré à leur assureur la société MMA
Iard assurances l’incendie leur propriété ; ils ont mandaté un technicien, le Cabinet Galtier pour les assister dans le cadre de l’évaluation des dommages réalisée par un expert mandaté par l’assureur ; les honoraires du Cabinet Galtier se sont élevés à la somme de 21 200 euros .

Les 30 avril, 10 mai, et 23 mai 2013 M.et.Mme Y ont assigné :

— M. E, agent général d’assurance de la société MMA Iard assurances,

— la société M. M.F,

— et le Gie Civis assureur de protection juridique ( aux droits duquel se trouve la société DAS ),

devant le Tribunal de grande instance d’Evreux en exposant essentiellement que :

— l’intervention des deux experts a permis d’aboutir à un accord d’indemnisation,

— parallèlement ils avaient contacté la CIVIS pour obtenir le remboursement des honoraires de l’expert d’assuré;

— ils se sont heurtés à son refus,

— l’obligation pour eux de payer les honoraires du cabinet
Galtier est la conséquence d’une faute commise par l’agent général d’assurance de la société MMA, M. E, dans le contexte suivant :

— ils avaient souscrit en 1994 et 1995 auprès de la société Winterthur deux contrats d’assurance habitation ' primmo’ et ' logiclair',

— ces contrats comportaient une clause de garantie des frais et honoraires d’un expert choisi par l’assuré,

— sur le conseil de M. E agent général d’assurance de la société MMA Iard assurances ( qui vient aux droits de la société Winterthur ) les deux contrats ont été regroupés en un nouveau contrat qui, quant à lui, ne comporte pas cette garantie,

— la réduction de garantie qui en résulte est imputable à M. E,

Ils demandaient au tribunal de :

— à titre principal,

— condamner le Gie Civis aux droits duquel se trouve la société DAS, à leur payer la somme de 21 200 euros représentant le montant des honoraires de leur mandataire,

— et subsidiairement,

— condamner in solidum M. E et la société M. M.F au paiement de cette somme .

Par jugement du 25 août 2015 le Tribunal de grande instance d’Evreux a débouté M.et.Mme Y de leurs demandes .

M.et.Mme Y ont interjeté appel de ce jugement .

Par conclusions du 6 janvier 2016 , ils demandent à la cour de :

— à titre principal, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil,

— condamner la société DAS à leur payer la somme de 21 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2013 et capitalisation des intérêts,

— condamner la société DAS aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— à titre subsidiaire, au visa des articles L.520-1 II 2, L.511-1 III et R.511-2 du code des assurances et 1384 du code civil,

— condamner solidairement M. E et la société MMA Iard à leur payer la somme de 24 200 euros à titre de dommages-intérêts,

— en tout état de cause,

— débouter les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles,

— condamner solidairement toutes parties succombantes aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

La société DAS demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner M.et.Mme Y aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

Par conclusions du 16 février 2016 la société
MMA Iard demande à la cour de :

— confirmer le jugement déféré,

— débouter M.et.Mme Y de leurs demandes,

— les condamner aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

Par conclusions du 8 février 2016 , M. E demande à la cour de :

— confirmer le jugement déféré,

— débouter M.et.Mme Y de leurs demandes dirigées contre lui,

— les condamner aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

Pour un exposé plus ample des faits , de la procédure , des prétentions et des moyens des parties , la cour se réfère à la décision déférée et aux conclusions susvisées .

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2016.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Sur la demande d’indemnité dirigée contre la société Das

Attendu qu’au soutien de leur demande en paiement des honoraires de leur mandataire M.et.Mme Y font valoir essentiellement que :

— selon les conditions particulières le contrat Civis ' les prestations garanties sont délivrées sans limitation de somme par litige ( toutefois les honoraires des mandataires sont pris en charge dans les conditions indiquées aux Conditions générales ),

— pour s’opposer à leur demande la société DAS fait valoir que le contrat prévoit comme condition d’application l’existence d’un litige, et fait valoir qu’il n’existait aucun litige avec la société MMA Iard, de nature à justifier de la part des assurés, le recours à une expert d’ assuré,

— les clauses contractuelles qui leur sont opposées par la société DAS ( articles 2, 4, 8- 3 ) ne peuvent cependant s’appliquer dans la mesure où elles ne sont pas conformes aux dispositions légales, l’article .L 127 – 1 du code des assurances n’exigeant pas pour l’application de l’assurance de protection juridique l’existence d’un litige mais celle d’un simple différend, lequel suppose seulement un conflit d’intérêts,

— en outre la protection juridique au sens des dispositions légales, s’applique en vue d’obtenir la réparation à l’amiable d’un dommage subi,

— tel est le cas en l’espèce dès lors que, pour pouvoir répondre aux demandes techniques de l’expert de la société MMA Iard assurances ils ont dû mandater de leur côté un expert et que l’évaluation des dommages résulte d’une discussion pendant plusieurs mois entre les deux experts,

— l’existence d’un désaccord entre leur assureur et eux quant au montant de l’indemnité d’assurance, constitue un différend au sens de l’article L 127 – 1 du code des assurances,

— la société DAS avait été informée par lettre du 27 mars 2012 de leur volonté de se faire assister par un expert ' assuré ',

— mais il leur a été opposé un refus de prise en charge des honoraires de leur expert,

— la société DAS aurait dû alors conformément à l’article L.127-5 du code des assurances les informer de leur possibilité de recourir à la procédure d’arbitrage de l’article L.127-4 du même code,

— l’article L.127-3 de ce code laisse à l’assuré le libre choix d’un expert pour l’assister sans avoir à recueillir au préalable l’accord de l’assureur ;

Attendu que pour s’opposer à la demande en paiement dirigée contre elle la société
DAS fait valoir essentiellement que :

— l’article 4-3 du contrat Civis de protection juridique ne prévoit la prise en charge des honoraires d’expert que si ceux-ci incombent directement à l’assuré pour ' faire reconnaître’ses ' droits et les faire exercer’ ;

— selon l’article 2 de ce contrat les prestations de protection juridique sont fournies à l’occasion d’événements donnant lieu à un litige,

— or ce texte ne s’applique pas, en l’espèce, dans la mesure où lorsque M et Mme Y ont

mandaté leur expert, il n’existait pas de désaccord et donc de litige entre assureur et assuré quant à la prise en charge des conséquences de l’incendie,

— en outre ils ont accepté la proposition indemnitaire, aucun contentieux n’existant à ce sujet ;

— par ailleurs, selon l’article 8 du contrat Civis l’assuré doit, préalablement à la décision de se faire assister d’un expert, en informer l’assureur de protection juridique, ce qui n’a été fait qu’ après coup ; l’initiative prise par les assurés doit donc rester à leur charge,

— les assurés n’ont pas demandé l’arbitrage prévu à l’article 8- 3 du contrat Civis et L.127-4 du code des assurances,

— aucune faute de la société DAS n’est établie ni alléguée ;

Attendu cela exposé que l’article 2 du contrat de protection juridique Civis définit ainsi l’objet de cette protection ' à l’occasion d’événements survenus au cours de votre vie privée ou salariée et donnant lieu à un litige vous opposant à une personne n’ayant pas la qualité d’assurée, nous vous garantissons la mise en oeuvre des moyens nécessaires pour :

—  1 ) vous défendre chaque fois que vous êtes cité à comparaître et en matière non pénale, pour vous défendre contre toute réclamation,

—  2 ) exercer vos recours ;

Que selon l’article 4 de ce contrat : 'Nous nous engageons à vous procurer tous renseignements sur l’étendue de vos droits et la manière de les faire valoir et à mettre en oeuvre toutes interventions demandées et moyens juridiques tendant à mettre fin au différend’ ;

Que M.et.Mme Y fondent leur demande de garantie sur les dispositions de l’article 4 – 3 du contrat Civis ainsi rédigé : ' l’assureur de protection juridique s’engage à prendre en charge les honoraires des mandataires ( avocat, huissier, expert ) et tous autres frais nécessaires dans la mesure où ces frais vous incombent directement pour faire reconnaître vos droits et les faire exécuter’ ;

Mais attendu ' les honoraires des mandataires’ visés à l’article 4 – 3 du contrat correspondent à des honoraires engagés à l’occasion des situations prévues à l’article 2 précité ;

Que de l’article 2 du contrat Civis il résulte que la garantie de protection juridique Civis n’est due qu’ à l’occasion d’événements donnant lieu à un litige ;

Que le terme ' litige’ s’entend d’un différend opposant l’assuré de protection juridique à une personne n’ayant pas la qualité d’assurée ;

Attendu qu’en l’espèce que M et Mme Y ne démontrent pas qu’au moment où ils ont décidé unilatéralement de saisir un expert, il existait un litige entre la société MMA Iard et eux ;

Attendu en outre que l’article 8-3 du contrat impose à l’assuré de recueillir de l’assureur l’accord préalable de prise en charge pour ce qui concerne ' la conduite du dossier, les saisines de mandataires et les actions à entreprendre’ ;
que ce texte prévoit à ce titre ' un commun accord’ entre l’assuré et Civis ;

Que s’agissant de la saisine d’un 'expert d’assuré’ l’article 8- 3 du contrat Civis prévoit

expressément et en caractères très apparents l’accord préalable de l’assureur sous peine pour l’assuré de conserver la charge du coût des initiatives prises unilatéralement par lui ;

Que l’article 8 3 alinéa 3 dispose que les initiatives de l’assuré ' sans accord préalable de
Civis’ restent à la charge de l’assuré, sauf s’il s’agit de mesures conservatoires réellement urgentes ;

Qu’il a été retenu ci-dessus que M.et.Mme Y ne justifient pas avoir, avant d’avoir mandaté le cabinet Galtier, recueilli l’avis de la société Civis ou même l’avoir informé au préalable de leur décision de le faire intervenir ; qu’il n’est pas établi ni allégué que la saisine d’un expert d’assuré ait constitué une mesure conservatoire ou urgente ;

Attendu que M.et.Mme Y invoquent en vain les dispositions de l’article .L.127-1 du code des assurances dès lors que, définissant l’opération de protection juridique, ce texte dispose que ' cette opération consiste à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d’assurance en cas de différend ou de litige opposant l’assuré à un tiers, en vue de défendre ou représenter en demande l’assuré dans une procédure …, ou contre une réclamation dont il est l’objet ou obtenir réparation à l’amiable du dommage’ ;

Que de l’article .L.127-1 du code des assurances il ressort en effet que l’opération de protection juridique suppose qu’à la date où est demandée la mise en oeuvre de cette garantie, il existe un différend ou un litige ou au moins une divergence de vues ;

Que la définition de l’objet du contrat Civis que donne l’article 2 de ce contrat correspond ainsi à la définition légale ;

Qu’il a été relevé ci-dessus que M et Mme Y n’établissait pas qu’au moment de la saisine du Cabinet Galtier, il existait un litige entre la société MMA Iard et eux ;

Que M et Mme Y invoquent également en vain les dispositions de l’article L.127-2-1 du code des assurances aux termes duquel ' est considéré comme un sinistre au sens du présent chapitre le refus qui est opposé à une réclamation dont l’assuré est l’auteur ou le destinataire’ ;

Qu’ils ne justifient pas en effet de l’existence d’un refus que leur aurait opposé l’assureur et qui les aurait conduits à saisir un expert pour les assister ;

Attendu que compte tenu de ces éléments les demandes en paiement formées contre la société DAS ne sont pas justifiées ; qu’elles ne peuvent aboutir ;

Sur les demandes en paiement d’indemnités dirigées contre M. E et la société mma iard assurances

Attendu qu’au soutien de leur demande en paiement formée contre M. E et la société MMA Iard assurances M.et.Mme Y font valoir essentiellement que :

— sur le fondement de l’article L.520-1 II 2 ° du code des assurances l’agent d’assurance est soumis à un devoir de conseil qui l’oblige à vérifier que les garanties souscrites sont conformes aux volontés de l’assuré et à informer celui-ci si les garanties souscrites sont insuffisantes, ou ne couvrent pas certaines situations ;

— à la différence des deux précédents contrats d’assurance habitation le contrat conclu ultérieurement ne garantit pas la prise en charge des frais d’expert d’assuré;

— en ne les informant pas de la réduction de garantie qui résultait du regroupement des deux contrats d’habitation M. E a commis une faute à l’origine de leur préjudice,

— les compétences et les connaissances personnelles du client ne libèrent pas le professionnel de son devoir de conseil ;

— M.et.Mme Y ont souscrit la police d’assurance dans un cadre personnel en dehors de toute activité professionnelle,

— en application de l’article L.511-1 III du code des assurances, la responsabilité de l’agent d’assurance engage celle de l’assureur, civilement responsable du mandataire ;

— la société MMA Iard assurances invoque en vain l’existence d’une transaction qui les empêcherait d’agir en responsabilité contre l’agent d’assurance,

— la lettre d’acceptation du montant de l’indemnisation ne constitue pas une transaction ;

— en effet :

— d’une part l’accord qu’elle constate n’a pu porter sur la question juridique de la garantie des honoraires de l’expert d’assuré puisqu’il s’agit d’un préjudice non garanti,

— et d’autre part ce document ne fait que constater l’accord des parties sur le montant des dommages retenu par les deux experts ne comporte pas de concessions réciproques ;

Attendu que pour s’opposer à la demande d’indemnisation la société MMA Iard assurances fait valoir principalement que :

— dés lors que par le biais d’une transaction au sens de l’article 2052 du code civil ils ont accepté l’offre d’indemnité M.et.Mme Y sont irrecevables, faute d’intérêt, à agir en responsabilité contre l’assureur,

— la lettre d’acceptation du 31 juillet 2012 signée entre M.et.Mme Y et la société MMA
Iard contient un accord sur le versement d’une indemnité contractuelle de 530 000 euros à titre définitif et sans réserve, sous déduction d’un acompte de 24 280 euros et de la délégation
Galtier de 21 200 euros à déduire,

— il est précisé dans la lettre d’acceptation que la somme versée constitue une indemnité transactionnelle arrêtée pour solde de tous comptes,

— par cette formulation ils ont expressément accepté de ne pas réclamer les frais d’expertise de la société Galtier à la société MMA
Iard,

— et au moyen des fonds reçus ils ont règlé les honoraires du Cabinet Galtier,

— la transaction fait échec à toute demande en justice postérieure,

— M.et.Mme Y sont irrecevables à réclamer à la société MMA Iard assurances le paiement des honoraires de leur expert ;

— en outre M.et.Mme Y n’ont pas subi de préjudice puisque les honoraires de leur expert sont censés être pris en charge par leur assureur de protection juridique,

— ils ne démontrent pas que l’agent d’assurance ait commis une faute dans l’accomplissement

de son devoir de conseil à l’occasion de la souscription de la nouvelle police d’assurance, dès lors que :

— de son côté, la société MMA Iard assurances avait mandaté un expert dans l’intérêt de M.et.Mme Y sans que ceux-ci ne démontrent en quoi ils auraient eu besoin de se faire assister de leur propre expert, et ce d’autant plus qu’aucun litige n’existait alors entre l’assureur et eux,

— il ne peut être reproché à l’agent d’assurance un défaut de souscription d’une garantie optionnelle,

— l’agent d’assurance n’avait pas en effet à se substituer à eux pour les garanties souscrites,

— de par sa profession d’huissier de justice, M Y était à même d’apprécier les termes du contrat d’assurance et l’ampleur des garanties souscrites,

— M.et.Mme Y qui reprochent à l’agent d’assurance de ne pas les avoir prévenus de la réduction de garantie résultant du regroupement des contrats d’habitation ne démontrent pas que si cette information leur avait été donnée ils auraient sollicité l’ajout de cette garantie, alors que leur contrat Civis prenait en charge les honoraires d’expert, car ils auraient alors bénéficié d’un cumul de garanties,

— ils n’avaient aucun intérêt à souscrire à un ajout de garantie car la police Civis contenait la garantie de prise en charge des honoraires de ' l’expert d’assuré’ ;

— il n’y a donc pas de perte de chance, en sorte qu’aucune indemnité n’est

due ;

Attendu que M. E fait valoir essentiellement que :

— sur la responsabilité

— il appartient à M.et.Mme Y de prouver que :

— la police d’assurance de protection juridique Civis n’est pas mobilisable pour la prise en charge des frais ' d’expert d’assuré',

— les précédents contrats d’habitation auraient permis un remboursement,

— le dernier contrat d’assurance habitation n’est pas mobilisable et ne permet pas la prise en charge des frais d’expert d’assuré,

— sur le premier point : le contrat Civis prévoit expressément le garantie des frais d’expert ; il la subordonne seulement à l’existence d’un litige ;

— il ne peut être reproché à M. E de ne pas avoir proposé la couverture des frais d’expert dès lors que cette garantie existait déjà au titre du contrat de protection juridique Civis,

— sur le second point :

— les clauses du contrat souscrit en 2007 excluent de façon claire et précise la garantie des frais d’expert d’assuré, car il y est mentionné : ' chacun paie les frais et les honoraires de son expert et la moitié du 3e expert',

— sur la faute alléguée : le devoir de conseil s’apprécie en fonction des compétences de l’assuré,

— or M. Y exerçait alors la profession d’huissier de justice;

— assuré juriste M. Y n’est pas fondé à invoquer un manquement de l’agent d’assurance qui n’est que le mandataire de l’assureur et qui n’est pas quant à lui un professionnel du droit,

— ce n’est qu’en cas de désaccord entre assureur et assuré que celui-ci peut recourir à un ' expert d’assuré',

— or le seul différend qui existait portait sur les délais de règlement, aucun désaccord quant à l’évaluation du dommage n’ayant existé,

— en outre M.et.Mme Y n’ont pas prévenu au préalable l’assureur de protection juridique de ce qu’ils envisageaient de mandater un expert,

— ils n’ont pas mis en oeuvre la procédure d’arbitrage prévue en cas de désaccord entre l’assureur et l’assuré,

— sur le préjudice :

— le seul préjudice dont il pourrait être demandé réparation serait la perte de chance d’avoir pu souscrire une autre garantie d’assurance prévoyant l’indemnisation sans condition des frais d’expertise,

— or ils ne prouvent pas qu’ils auraient souscrit un autre contrat offrant une prise en charge des frais d’expertise sans la condition de l’existence d’un litige,

— ils ne prouvent pas avoir émis auprès de M. E le souhait de souscrire une garantie au titre de la prise en charge de ces frais ;

Attendu cela exposé, sur la responsabilité de M. E, qu’aux termes de l’article L.520 1 II 2 ° du code des assurances : ' avant la conclusion de tout contrat, l’intermédiaire doit préciser les exigences et le besoin du souscripteur éventuel ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un produit d’assurance déterminé . Ces précisions, qui reposent en particulier sur les éléments d’information fournis par le souscripteur éventuel, sont adaptées à la complexité du contrat d’assurance proposé ;

Que selon l’article . L 511 1 III du code des assurances ' pour cette activité d’intermédiation, l’employeur ou mandant est civilement responsable dans les termes de l’article 1384 du code civil, du dommage causé par la faute, l’imprudence, ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette qualité, lesquels sont considérés, pour l’application du présent article, comme des préposés, nonobstant toute clause contraire’ ;

Attendu que le renvoi fait par l’article L.511- 1 III de ce code à l’article 1384 du code civil a pour seul objet de faire bénéficier le client du mandataire d’un assureur, de la garantie de ce dernier et non d’exonérer ce mandataire de sa responsabilité personnelle à l’égard des tiers au contrat de mandat ( cass . 2e civ. 7 juillet 2011 ) ;

Attendu qu’un agent est tenu à un devoir de conseil à l’égard de l’assuré ; qu’il doit vérifier que les garanties souscrites sont conformes à la volonté de l’assuré et informer celui-ci lorsque les garanties souscrites sont insuffisantes ou qu’elles ne couvrent pas certaines situations ;

Attendu en l’espèce, que sans la refonte des deux contrats d’habitation, M.et.Mme Y auraient bénéficié, pour le sinistre incendie, de la garantie de remboursement des honoraires de leur expert ;

Attendu que dans ce contexte il appartenait à M
E en sa qualité d’agent général d’assurance d’appeler spécialement l’attention des assurés sur la réduction de garantie qui relativement aux frais d’un expert choisi, résultait de la souscription du nouveau contrat ;

Qu’il n’établit ni n’allégue avoir informé M.et.Mme Y de cette réduction de garantie résultant de la refonte des contrats d’habitation qu’il leur proposait de conclure ;

Qu’il s’agit là d’un manquement de l’agent d’assurance à son devoir de conseil ;

Attendu que le fait que M. Y exerçait à l’époque de la souscription du contrat du 19 mars 2007 la profession d’huissier de justice ne saurait exonérer M. E de la responsabilité encourue à raison de ce manquement ;

Que M. Y a conclu avec son épouse un contrat d’assurance à titre privé en dehors de toute activité professionnelle ;

Que dans ce contexte les connaissances personnelles que M. Y pouvait avoir en matière de contrat d’assurance ne libérait pas M. E de son devoir de conseil ;

Que le fait que le contrat d’assurance du 19 mars 2007 dispose ( p . 22 ) que chacun paie les honoraires de son expert ne dispensait pas M. E de son obligation d’appeler spécialement l’attention des assurés, jusqu’alors garantis au titre de ces honoraires, de la réduction de garantie susvisée ;

Attendu que de même l’existence du contrat Civis ne saurait exonérer M. E de sa responsabilité dès lors qu’il a été retenu ci-dessus que ce contrat ne couvrait pas les honoraires de l’expert de l’assuré, lorsque (contrairement aux polices d’assurance regroupées) celui-ci en dehors de tout litige décide de se faire assister d’un expert pour la procédure d’évaluation du dommage ;

Attendu sur la responsabilité de la société
MMA Iard assurances, que selon les dispositions de l’article . L 511 1 III du code des assurances, l’ activité d’intermédiation le mandant est civilement responsable du dommage causé par la faute, l’imprudence, ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette qualité ;

Qu’en application de ce texte la société MMA Iard assurances, est civilement responsable du dommage causé par M E ;

Attendu sur l’exception d’irrecevabilité tirée de la signature de la lettre d’acceptation de l’indemnité d’assurance, que ce document comporte les principales énonciations suivantes :

— ' Nous soussignés M et Mme Y déclar( ons ) être d’accord sur le montant de l’indemnité contractuelle déterminée après expertise et arrêtée à la somme de 530 000 euros à titre définitif et sans réserve,

— ( acomptes et/ ou délégation de paiement venant en déduction de l’indemnité immédiate ou unique ) Acomptes : 24 280 euros et délégation GALTIER :
21 200 euros à déduire,

Indemnité transactionnelle arrêtée pour solde de tout compte’ ;

Attendu que des termes ainsi employés il résulte que c’est l’indemnité contractuelle calculée selon les conclusions de l’expert et en application des dispositions du contrat d’assurance qui a été acceptée à titre définitif par M.et.Mme Y ;

Que la mention des honoraires du Cabinet Galtier, ( qui constitue la réponse à la rubrique pré-imprimée relative à l’existence d’une délégation de

paiement ) n’est faite qu’au titre d’une délégation de paiement, ces honoraires étant à déduire de l’indemnité contractuelle;

Attendu en outre que le contrat d’assurance habitation applicable au sinistre ne prévoit pas la prise en charge par l’assureur des honoraires de ' l’expert d’assuré’ ;

Qu’il n’existait donc pas de discussion entre les parties sur une garantie contractuelle au titre de ces honoraires ;

Qu’il ne peut être utilement soutenu qu’une transaction portant sur la question de ces honoraires serait intervenue entre les parties ;

Attendu que compte tenu de ce qui précède la lettre d’acceptation du 31 juillet 2012 ne peut s’analyser en une renonciation des assurés à exercer une action en responsabilité contre l’assureur ;

Attendu qu’en conséquence, la société MMA Iard ,en sa qualité de civilement responsable, doit répondre des conséquences dommageables de la faute commise par M. E ;

Attendu sur le préjudice que faute d’avoir appelé l’attention des assurés sur la disparition de la garantie contractuelle relative à la prise en charge des honoraires d’un expert choisi, l’agent d’assurance a fait perdre à M.et.Mme Y une chance de souscrire une garantie couvrant ces frais ;

Attendu que le préjudice en résultant ne peut être égal à l’avantage qu’ aurait été procuré cette chance si elle s’était réalisée ; que contenu des éléments exposés ci-dessus la cour dispose des données d’appréciation suffisants, eu égard à la nature et à l’importance de la réduction de garantie concernée, pour fixer à la somme de 10 000 euros l’indemnité destinée à réparer la perte de chance subie ;

Attendu que compte tenu des développements qui précédent il convient de condamner in solidum M. E et la société
MMA Iard au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt qui fixe dans son principe et son montant la créance d’indemnité ;

Sur les autres demandes

Attendu qu’en l’absence de preuve d’un préjudice distinct de celui que répare l’indemnité susvisée, la demande de dommages- intérêts pour préjudice financier, formé contre M. E et la société MMA Iard n’est pas fondée ; qu’elle ne peut aboutir

Attendu que l’équité commande de :

— d’allouer à M.et.Mme Y une indemnité de 3000 euros pour frais hors dépens,

— de condamner in solidum M.et.Mme Y à payer à la société
DAS une indemnité de 1 500 euros pour frais hors dépens,

— et de rejeter la demande en paiement d’indemnité de procédure formée par M. E et par la société MMA Iard assurances ;

Attendu qu’en application de l’article 696 du code de procédure civile M. E et la société
MMA Iard assurances qui succombent en leurs prétentions au sens de ce texte supporteront la charge des dépens, à l’exception des dépens afférents à l’instance dirigée contre la société
DAS qui seront mis à la charge de M.et Mme Y ;

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant contradictoirement par décision mise à disposition au greffe,

Infirme la décision déférée, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande en paiement formée par M.et.Mme Y contre la société DAS,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne in solidum M. D
E et la société MMA Iard assurances à payer à M.et.Mme Y une indemnité de 10 000 euros en indemnisation du préjudice subi, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision,

Condamne in solidum M. D
E et la société MMA Iard à payer à M.et.Mme Y une indemnité de 3 000 euros pour frais hors dépens d’appel,

Condamne M.et.Mme Y à payer à la société DAS une indemnité de 1 500 euros pour frais non répétibles d’appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif,

Condamne in solidum M. D
E et la société MMA Iard aux dépens de première instance et d’appel, à l’exception des dépens afférents à l’instance engagée contre la société
DAS .

Condamne M. et Mme Y aux dépens de première instance et d’appel afférents à l’instance engagée contre la société DAS .

Autorise le recouvrement direct des dépens au profit des avocats de M.et.Mme Y et de la société DAS.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Rouen, 10 novembre 2016, n° 15/04697