Cour d'appel de Rouen, 31 mars 2016, n° 14/05839

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, 31 mars 2016, n° 14/05839
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 14/05839
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Le Havre, 5 novembre 2014, N° 12/01295

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 14/05839

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 31 MARS 2016

DÉCISION DÉFÉRÉE :

12/01295

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE du 06 Novembre 2014

APPELANT :

Monsieur X C

né le XXX à XXX

XXX

XXX

représenté et assisté de Me Elisa HAUSSETETE, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

Société d’Economie Mixte LA FRANCAISE DES JEUX

XXX

XXX

représentée de Me Bernard PRESCHEZ de la SCP DUBOSC PRESCHEZ CHANSON MISSOTY MOREL, avocat au barreau du HAVRE, postulant

assistée de Me BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 11 février 2016 sans opposition des avocats devant Monsieur FARINA, Président, en présence de Madame BERTOUX, Conseiller,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur FARINA, Président

Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller

Madame BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme JEHASSE, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 11 février 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 mars 2016

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 31 Mars 2016, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur FARINA, Président et par Mme NOEL-DAZY, Greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 26 août 2010 M. M X C a déposé plainte contre X.pour le vol de reçus gagnants de bulletins de jeux « Parions sport » représentant des gains d’un montant total de 29'810 euros .

Sur demande de M X C, la SA d’économie mixte La Française des jeux ( ci après appelée la Française des jeux ) a procédé le 26 août 2010 au blocage de l’encaissement des tickets visés dans la plainte pénale .

M. X C a demandé à la Française des jeux de lui régler les gains susvisés .

La Française des jeux s’y est opposée au motif que selon les dispositions de l’article 11. 1. 2 du réglement du jeu les gains ne sont payables que contre remise du reçu de jeu.

Le 19 avril 2012 M X C a assigné la Française des jeux en paiement notamment de la somme de 29'810 euros .

Par jugement du 6 novembre 2014 le tribunal de grande instance du Havre a :

— débouté M X C de ses demandes,

— débouté la Française des jeux de sa demande de dommages-intérêts,

— condamné M X C aux dépens et au paiement de la somme de 2500 euros formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

M X C a interjeté appel de ce jugement dont il poursuit l’infirmation.

Par conclusions du 30 juin 2015 il demande à la cour de :

— le déclarer recevable en son appel,

— débouter la Française des jeux de ses demandes,

— dire que l’article 11. 1. 2 du règlement relatif aux paris sportifs constitue une clause abusive au sens de l’article L 132 – 1 du code de la consommation,

— dire que le comportement de la Française des jeux est déloyal et contrevient aux dispositions de l’article 1134 du Code civil,

en conséquence,

— condamner la Française des jeux à lui payer les sommes de 29'810 euros au titre des gains, et de 2000 euros pour résistance abusive,

à titre subsidiaire, dire que la Française des jeux s’enrichit injustement au détriment de M X C

— condamner la Française des jeux à lui payer la somme de 29'810 euros correspondant à la valeur des bulletins volés, à tout le moins la somme de 20'000 euros correspondant à la mise en jeu

en tout état de cause,

— condamner la Française des jeux aux dépens et au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

Par conclusions du 28 août 2015 la Française des jeux demande à la cour de :

— sur l’application du contrat d’adhésion :

— dire que le règlement de la Française des jeux pour l’offre de paris sportifs à cotes proposée en points de vente est opposable à M X C,

— dire que l’article 11. 1. 2 de ce règlement ne constitue pas une clause abusive,

— dire qu’en l’absence de présentation des reçus de jeux, les prétendus gains de M X C ne peuvent pas être payables par la Française des jeux,

— dire que M X C ne démontre pas avoir été porteur des reçus de jeux dont il sollicite le paiement,

— en conséquence

— dire que la Française des jeux a respecté les dispositions du règlement de jeux applicable et n’a pas agi de mauvaise foi,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M X C de ses demandes,

— sur l’inapplicabilité de la théorie de l’enrichissement sans cause,

— constater que le refus de règlement des gains en l’absence de présentation d’un reçu de jeu intact et entier trouve sa source dans le règlement de jeu pour l’offre de paris sportifs à cotes proposées en points de vente, lequel constitue la loi des parties,

— dire que la décision de la Française des jeux de ne pas régler les prétendus gains n’est pas « sans cause »,

en conséquence,

— débouter M X C de ces chefs de demandes,

en tout état de cause,

— dire que la Française des jeux n’a commis aucun abus de droit dans la défense de ses intérêts

— débouter M X C au titre de sa demande de condamnation au titre d’une prétendue résistance abusive,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M X C et à payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouter M X C de ses demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

— donner acte à la Française des jeux de ce qu’elle s’abstient de solliciter en cause d’appel une condamnation de M X C au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— laisser à la charge de chacune des parties ses frais et dépens.

Pour un exposé plus ample des faits , de la procédure , des prétentions et des moyens des parties , la cour se réfère à la décision déférée et aux conclusions susvisées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2015.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

I ) SUR LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Attendu qu’au soutien de sa demande en paiement M X C expose principalement que :

— le 29 juillet 2010 il a acheté dans un point de vente du Havre 100 bulletins de jeux « Parions Sport » à 100 euros l’ unité sur le match Nordsjaelland / Lisbonne,

— il a effectué cette prise de jeu en faisant valider les tickets gagnants afférents à de précédents matchs,

— les bulletins ainsi acquis le 29 juillet 2010 ont été déclarés gagnants, ce qui représente des gains de 15 500 euros,

— le 7 août 2010 dans un point de vente de Perpignan ( Laroque des Albares ) il a fait valider les gains de 23 de ces bulletins de jeu gagnants ( match Nordjaelland / Lisbonne ) ainsi que ceux de 39 bulletins de jeux gagnants afférents à un autre match,

— les gains ainsi validés lui ont alors permis d’acquérir pour la somme de 10 000 euros des bulletins de jeu pour le match ' PSG / Saint Etienne’ ;

— ces bulletins de jeux se sont avérés gagnants pour une valeur de 17 875 euros,

— le cumul des gains des 29 juillet et 7 août 2010 s’élève à 29 810 euros et correspond à 177 bulletins de jeu se décomposant ainsi :

—  77 tickets à 155 euros l’unité ( match Nordsjaelland / Lisbonne )

—  100 tickets provenant du match PSG / Saint Etienne : soit 75 tickets à 165 euros l’unité et 25 tickets à 220 euros l’unité ;

— si en raison du vol de ces 177 tickets il n’est pas en mesure de présenter les reçus de jeux, la clause du règlement de jeux qui exige la remise des reçus pour le paiement des gains, ne peut lui être opposée dans la mesure où elle constitue une clause abusive au sens de l’article L.132-1 du code de la consommation,

— l’enquête réalisée par la Francaise des jeux et les attestations qu’il produit aux débats prouvent qu’il est le propriétaire des bulletins gagnants issus des prises de jeu des 29 juillet et 7 août 2010,

— dans ce contexte l’absence de présentation des reçus de paiement n’est pas un obstacle à la perception des gains,

— la Française des jeux qui s’est enrichie sans cause doit lui payer les sommes qu’il a gagnées ;

Attendu que pour s’opposer à la demande en paiement de M X C la Française des jeux fait valoir principalement que :

— le règlement du jeu est un contrat d’adhésion opposable à M X C, et ne constitue pas une clause abusive,

— l’article 11.1.2 de ce réglement fait la loi des parties,

— son application ne crée aucun enrichissement sans cause,

— M X C qui s’est contredit dans ses différentes déclarations ne prouve pas la réalité du vol et la qualité de gagnant qu’il invoque ;

II ) SUR LE CARACTÈRE ABUSIF OU NON DE L’ARTICLE 11. 1 . 2 DU RÉGLEMENT DU JEU

Attendu que pour s’opposer à la demande en paiement formé par M X C La Française des jeux invoque principalement des dispositions de l’article 11. 1. 2 du règlement de jeu, selon lesquelles « les gains sont payés exclusivement contre remise de reçu intact, c’est-à-dire entier et non déchiré, après contrôle de son authenticité… » ;

Attendu que selon ces dispositions les gains ne peuvent être payés que contre remise du reçu de jeu ;

Attendu que M X C expose que :

— si, en raison du vol, il n’est pas en mesure de présenter les reçus de jeux il prouve néanmoins son droit de propriété sur les bulletins gagnants,

— en lui interdisant de faire cette preuve, et en permettant à la Française des jeux de refuser de lui payer ce qu’il a légitimement gagné, l’article 11. 1. 2 du règlement de jeu crée un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties au contrat de jeu,

— cette clause est donc abusive au sens de l’article L. 132 – 1 du code de la consommation ;

Attendu qu’en réponse la Française des jeux fait valoir principalement que :

— l’article 11. 1. 2 du règlement du jeu, qui prévoit que les gains ne peuvent être payés que contre remise des reçus de jeu, n’est pas une clause abusive,

— il trouve sa justification, dans la nécessité pour la Française des jeux, qui bénéficie à ce titre d’un monopole d’État, de garantir, dans l’intérêt des joueurs, l’intégrité, la fiabilité et la sécurité des opérations de jeux d’argent et de hasard, et de lutter contre les risques de blanchiment d’argent ;

— il fait partie des dispositions légales qui, au regard de ces enjeux d’ordre public, assurent un encadrement strict en ce domaine,

— il se justifie aussi par les modalités d’organisation du jeu :

— les données enregistrées informatiquement par la Française des jeux, sont anonymes, et ne peuvent servir qu’à justifier une prise de jeu,

— elles n’ont pas pour objet d’identifier personnellement un joueur gagnant,

— ainsi le système impose à la Française des jeux de ne payer le gain que sur présentation d’un reçu intact,

— s’il était permis aux joueurs de rapporter la preuve de leurs gains éventuels par tous moyens il serait aisé à n’importe qui d’établir de fausses attestations et de réclamer un gain qui n’est pas légitimement dû,

— la sécurité et la fiabilité des opérations de jeu ne seraient pas alors assurées, et les risques de fraude et de blanchiment d’argent en seraient augmentés,

— c’est la raison pour laquelle l’article L561 – 2 du code monétaire et financier impose aux opérateurs en matière de paris de s’assurer, par la présentation de tous documents écrits probants, de l’identité des joueurs gagnants,

— en exigeant la présentation d’un reçu de jeux la clause concernée prévoit un mode de preuve simple à mettre en oeuvre,

— elle n’inverse pas la charge de la preuve et ne crée pas pour le consommateur un obstacle probatoire difficilement surmontable,

— elle ne crée aucune disproportion entre les droits et les obligations des parties,

— elle ne porte pas atteinte au droit au recours effectif au juge,

— elle pose une règle de preuve nécessaire au fonctionnement du jeu et qui ne confère à la Française des jeux aucun avantage exclusif alors même qu’ au moment de la formation du contrat le joueur est informé de la nécessité de conserver le reçu de jeu,

— la clause concernée n’est pas donc pas abusive ;

Attendu cela exposé, que selon les dispositions de l’article L 132 – 1 du code de la consommation :

— « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat,

— en cas de litige concernant un contrat contenant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause,

— sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du Code civil le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent la conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat » ;

Attendu que l’article 11. 1. 2 dispose que « les gains sont payables exclusivement contre remise de reçu intact, c’est-à-dire entier et non déchiré après contrôle de son authenticité » ;

Attendu qu’en application des dispositions de l’article L. 132 – 1 du code de la consommation précitées, il appartient à la Française des jeux de démontrer qu’en cas de litige portant sur la qualité de gagnant, cette clause n’est pas abusive ;

Attendu que celle-ci ne vise qu’un seul mode de preuve de la qualité de gagnant;

Qu’elle ne prévoit aucune exception à la règle de preuve qu’elle pose ;

Qu’ainsi, même en cas de vol du reçu de jeu, elle écarte pour le joueur la possibilité de démontrer, par les moyens de preuve admissibles, qu’il est le gagnant du jeu concerné ;

Qu’elle crée en conséquence, pour le gagnant, victime d’un vol, un obstacle insurmontable à la possibilité de démontrer sa qualité de gagnant et donc de percevoir les gains correspondant à sa prise de jeu ;

Que cette impossibilité présente un caractère absolu dès lors qu’en ne prévoyant aucune exception, la clause concernée empêche le joueur de démontrer, dans le cadre d’un procès, la réalité de son droit ;

Qu’ en ce sens elle le prive de son droit d’accès effectif au juge ;

Qu’elle aboutit à écarter, par une règle de preuve, l’exécution par la Française des jeux de son obligation essentielle au paiement des gains attachés à la prise de jeu effectuée par son cocontractant ;

Qu’elle a donc pour effet de créer, en cas de litige portant sur la preuve de la prise de jeu, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat ;

Qu’elle présente en conséquence, en elle-même, un caractère abusif au sens de l’article L. 132 – 1 du code de la consommation ;

Qu’il n’est pas démontré qu’en cas de vol du reçu de jeu, le fait pour un joueur de disposer du droit de prouver que sa prise de jeu correspond aux tickets gagnants, soit de nature à porter atteinte aux règles de sécurité, de fiabilité, et d’intégrité du jeu que la Française des jeux à la charge de faire respecter ; qu’il n’est pas davantage démontré que l’exercice d’un tel droit soit impossible à organiser ;

Attendu que compte tenu de ce qui précède la Française des jeux n’apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère non abusif de la clause concernée,

Que celle-ci doit en conséquence être réputée non écrite ;

Attendu qu’ il y a lieu dès lors de rechercher si en l’espèce M X C établit être le gagnant des jeux concernés ;

III ) SUR LA PREUVE DE LA QUALITÉ DE GAGNANT DES JEUX

Attendu que pour établir la qualité de gagnant alléguée, M X C fait valoir principalement que :

— la preuve de son droit de propriété sur les bulletins de jeu gagnants, résulte :

— d’une part des indications figurant dans le courrier du 9 août 2011 adressé par la Française des jeux aux enquêteurs,

— et d’autre part des attestations qu’il verse aux débats ;

— s’agissant de la lettre du 9 août 2011, celle -ci vient confirmer les déclarations qu’il a faites aux services de police sur le lieu de situation de chacun des deux points de vente où il a joué, sur les deux matchs concernés, ainsi que sur les gains provenant des prises de jeu effectuées à ces occasions ;

— s’agissant des attestations, les gérants de chacun des deux points de vente identifiés par la Française de jeux comme étant les lieux des prises de jeu gagnantes, attestent qu’il est l’acheteur des tickets gagnants,

— ces gérants se souviennent en particulier de sa façon de jouer et du montant élevé de ses prises de jeux ;

— en outre plusieurs témoins confirment, par attestation, sa façon particulière de jouer, consistant à ne pas acheter des tickets en espèces, mais à remettre en jeu les tickets gagnants ;

— par ailleurs, dans les jours qui ont suivi le vol, certains des bulletins ont été présentés dans des points de vente du Havre : 9 d’entre eux ont été payés ;

— depuis le blocage des gains auquel la Française des jeux a procédé personne n’a présenté de bulletins de jeux à l’encaissement et personne d’autre que lui n’en a revendiqué la propriété,

Attendu que pour contester ses prétentions, la Française des jeux fait valoir principalement que :

— la réalité du vol n’est pas démontrée alors en particulier que M X C s’est contredit dans ses déclarations successives,

— elle a fait vérifier l’activité des terminaux de jeu des deux détaillants auprès desquelles M X C affirme avoir joué, pour rechercher si les enregistrements informatiques corroborent ces affirmations;

— ces enregistrements qui n’indiquent aucun nom de joueur, permettent néanmoins de connaître les prises de jeu (avec les n° d’identification du reçu le jeu, la date et l’heure de la prise de jeu ) ;

— or :

— s’agissant du terminal informatique du détaillant du Havre aucun ticket de jeu Parions Sport , à 155 euros l’unité n’a été acquis le 29 juillet 2010 auprès de ce détaillant,

— s’agissant du terminal informatique du détaillant de Perpignan aucun ticket de jeu Parions Sport à 165 euros l’unité ou de 220 euros l’unité n’a été acquis auprès de ce détaillant le 7 août 2010,

— ce n’est qu’après avoir pris connaissance des relevés informatiques qui lui ont été communiqués en cours d’instance que M. X C a modifié sa version des faits en déclarant désormais un prix et un nombre de billets coïncidant avec les données figurant sur ces relevés,

— les attestations produites ne prouvent pas que M. X C, ait disposé des tickets gagnants,

— en particulier les attestations de M. Y et du frère de M. X C, ne relatent pas des faits auxquels ceux-ci auraient assisté,

— les attestations de M et Mme Z, gérants du point de vente du Havre, qui font état de l’achat le 29 juillet 2010, de tickets pour une somme de 10'000 euros, contredisent les déclarations initiales de M. X C, qui déclare avoir acquis des tickets pour la somme de 11'935 euros ;

— l’attestation de M. Z établie trois ans après les faits n’est pas crédible au regard du temps écoulé depuis la date de la prise de jeu alléguée, du nombre de joueurs ayant misé dans ce point de vente le 29 juillet 2010, et de l’importance du chiffre d’affaires réalisé par celui-ci ;

— l’attestation de Mme Z n’est pas conforme aux prescriptions de l’ article 202 du code de procédure civile, et contrairement à ce que M. X C soutient dans ses conclusions, aucune pièce d’identité n’est jointe à celle de M. Z,

— établie trois ans après les faits, l’attestation de M. A, gérant du point de vente de Perpignan, n’est pas probante au regard notamment du temps écoulé, du nombre de joueurs dans la seule journée du 7 août 2010, et au fait que M. X C, alors en vacances dans la région, n’était que de passage ;

Attendu cela exposé, qu’au soutien de ses prétentions M. X C, invoque le courrier de la Française des jeux du 9 août 2011 et produit aux débats, notamment les attestations des gérants du point de vente du Havre (76) et du gérant du point de vente de Laroque des Albares (66), points de vente dans lesquels ont été acquis les tickets gagnants concernés ;

Attendu que la Française des jeux a procédé dès le 26 août 2010 au blocage de tout encaissement des bulletins de jeu visés dans la plainte de M X C;

Qu’elle a effectué des recherches et vérifications d’ordre informatique relativement aux prises de jeu concernées ;

Que par courrier du 9 août 2011 elle a transmis aux enquêteurs les principaux éléments suivants :

— sur l’ensemble des prises de jeu enregistrées le 29 juillet 2010 sur le terminal correspondant au point de vente du Havre :

—  71 prises de jeu représentant un total de gains de 11'005 euros ont été bloquées,

— sur l’ensemble des prises de jeu enregistré le 7 août 2010 sur le terminal correspondant au point de vente de Laroque des Albères :

—  96 prises de jeu représentant un total de gains de 17'160 euros ont été bloquées ;

Attendu que le cumul des prises de jeux bloquées représente des gains de 28'165 euros ;

Que compte tenu du nombre de tickets présentés frauduleusement à l’encaissement ( cf ci après : procès-verbal d’enquête ) les éléments ci-dessus ne contredisent pas les déclarations de M. X C ;

Attendu que la Française des jeux fait valoir que dans sa plainte pénale M X C avait fait état d’un nombre et de prix de tickets différents de ceux qu’il allègue désormais avoir acheté ;

Qu’elle fait valoir en outre que ce n’est qu’après qu’elle ait communiqué, en première instance, le courrier du 9 août 2011 et les informations techniques qu’il contient que M. X C a modifié sa présentation des faits pour la faire coïncider avec les données techniques recueillies ;

Mais attendu que dans la plainte pénale du 25 août 2011 la relation des faits ne porte pas sur des tickets achetés mais sur le nombre et la valeur des tickets gagnants, soit 177 tickets gagnants représentant au total un gain de 29.810 euros ;

Attendu sur le reproche portant sur le changement dans la relation des faits, que par courriers des 2 septembre 2010 et 26 janvier 2011 ( antérieurs à la lettre aux enquêteurs du 9 août 2011 ) le conseil de M X C a indiqué à la Française des jeux que celui-ci s’était porté acquéreur de bulletins de jeu Parions Sport le 29 juillet 2010 au Havre pour une somme de 10'000 euros puis le 7 août 2010 à Perpignan pour la même somme, et que les reçus le jeu afférents à ces mises se sont avérés gagnants ;

Que par courrier en réponse du 18 février 2011 et donc antérieurement à la lettre adressée aux enquêteurs par la Française des jeux, le conseil de celle-ci a repris l’exposé des faits des courrier du 2 septembre 2010 et 26 janvier 2011 ;

Qu’il a été rappelé ci-dessus que les données déclarées dans la plainte pénale relativement au prix et au nombre de tickets, portaient sur les gains allégués et non sur les prises de jeu ;

Que compte tenu de ce qui précède le moyen n’est pas fondé ;

Attendu que la Française des jeux conteste la réalité du vol en faisant valoir principalement que :

— le classement sans suite de la plainte prouve que les enquêteurs n’ont pas identifié M X C, comme étant le légitime propriétaire des tickets gagnants,

— les déclarations faites aux services de police par M X C, relativement au vol comportent des contradictions qui tiennent :

— à la date et au lieu du vol,

— à l’emploi du temps déclaré, M. X C, ayant déclaré avoir séjourné à Perpignan jusqu’au 24 août 2010 alors qu’il a indiqué par ailleurs qu’il se trouvait au Havre le 23 août 2010 ;

Mais attendu que l’avis du 24 novembre 2011 énonce comme motif de classement : « la personne qui a commis l’infraction dont vous avez été victime n’a pas été identifiée » ;

Attendu au surplus que dans sa plainte du 26 août 2010 comme dans le procès-verbal d’audition du 17 mai 2011, M X C indique la même adresse et précise être domicilié chez son père ; qu’il ne se contredit donc pas lorsqu’il fait état de sa chambre ou de son logement ;

Attendu qu’au vu de ces éléments l’imprécision relevée dans les déclarations de M. X C, relativement au moment de la découverte proprement dite du vol (23 ou 24 août 2010) ne peut remettre en cause la réalité de celui-ci ;

Attendu en outre, sur la réalité du vol, que selon les énonciations du procès-verbal d’enquête du 7 septembre 2011 les services de police indiquent :

« avoir reçu télécopie de la Française des jeux, en réponse à notre réquisition judiciaire. Il s’avère que les tickets gagnants de M. X C, ont été présentés à l’encaissement de la façon suivante :

— concernant les tickets gagnants joués le 29 juillet 2010 (tabac presse du Havre) soit 100 prises de jeu :

—  23 tickets ont été présentés dans ce tabac presse le 7 août 2010,

—  5 tickets ont été présentés dans 4 bureaux tabac différents du Havre les 24 et 25 août 2010,

—  71 tickets gagnants ont été bloqués ;

— concernant les tickets gagnants joués le 7 août 2010 (tabac presse de Laroque des Albares ) : soit 100 prises de jeu :

—  4 tickets ont été frauduleusement présentés dans 4 bureaux tabac différents le 25 août 2010,

—  96 tickets ont été bloqués,

— par ailleurs des tickets présentés à l’encaissement les 26 et 28 août 2010 n’ont pas été payés en raison du blocage effectué par la Française des jeux ;

Attendu que ces éléments établissent la réalité du vol des reçus dont l’encaissement a ainsi été bloqué ;

Attendu que M. X C, produit aux débats les attestations établies les 14 avril 2014 et 26 juin 2013 d’une part par M. Z , et d’autre part par M. A, dont les noms figurent dans l’enquête réalisée par la Française des jeux comme étant les gérants respectivement du bureau de tabac, où ont été vendus, le 29 juillet 2010, les tickets gagnants et du bureau de tabac où ont été vendus, le 7 août 2010, les tickets gagnants ;

Attendu qu’il produit également l’attestation en date du 17 novembre 2010 par laquelle de Mme Z se présente comme associée de son mari M. Z dans la gestion du bureau tabac du Havre ;

Attendu que dans son attestation M. Z, certifie que M. X C « est bien la personne qui a joué les 10'000 euros et qu’il a rejoué sur le match Nordjaelland – Lisbonne le 29 juillet 2010. Je précise que M. X C était un très bon client et qu’il jouait régulièrement à mon mag presse de gros gains en jeux » ;

Attendu que cette déclaration correspond à celle faite sous forme de lettre le 17 novembre 2010 par Mme Z qui, précisant être associée avec son mari dans la gestion du point de vente, « certifie que M. X C a joué la somme de 10'000 euros le 29 juillet 2010 au Parions Sport sur le match Nord jaelland contre Lisbonne » ;

Attendu que les modes de preuve ne se limitant pas aux attestations, ce document ne peut être rejeté au motif qu’il ne répond pas aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile lesquelles, ne sont pas prescrites à peine de nullité ; que ce document constitue un élément d’appréciation à prendre en considération ;

Attendu qu’à l’attestation de M. Z est jointe la copie de la carte nationale d’identité de M. Z ; que la Française des jeux conteste la communication de ce justificatif d’identité ;

Attendu qu’à supposer que sur ce point l’attestation de M. Z ne soit pas conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, il reste néanmoins que par les garanties qu’elle présente, elle constitue un élément d’appréciation à prendre en considération ;

Attendu que dans son attestation M. A déclare « M. X C m’a fait valider le 7 août 2010 10'000 euros de tickets Parions Sport qu’il m’a fait remettre en jeu sur le match PSG contre Saint-Étienne » ;

Que cette attestation est conforme aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile ;

Attendu que compte tenu de l’importance de la somme mise en jeu ainsi que des précisions de date, de montant et de modalités de jeu figurant dans l’attestation de M. A, le fait qu’elle ait été établie près de trois ans après le vol ne suffit pas à en retirer la force probante ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que depuis le 28 août 2010 après blocage des gains, personne ne s’est présenté dans des bureaux de tabac pour solliciter le paiement des tickets gagnants concernés ;

Attendu que jointes aux données apportées par l’enquête réalisée par les services de police et en particulier les tentatives de présentation de tickets gagnants entre le 24 et le 28 août 2010, ainsi qu’aux attestations de témoins relatives au mode habituel de prise de jeu de M X C, les déclarations susvisées qui émanent des gérants de chacun des deux bureaux de tabac concernés, établissent que M X C est la personne qui a misé les 29 juillet et 7 août 2010 les sommes correspondant aux tickets gagnants enregistrés dans les bureaux de tabac gérés par M. et Mme Z d’une part M. A d’autre part ;

Attendu que compte tenu de ces éléments la demande en paiement formée par M X C est fondée ; qu’il y sera fait droit ;

Attendu que l’équité commande d’allouer à M X C, une indemnité de 1500 € pour frais non répétitibles et de rejeter la demande formée au titre des frais hors dépens par la Française des jeux ;

III ) SUR LES AUTRES DEMANDES

Attendu qu’en l’absence de preuve d’une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de se défendre justice la demande en paiement d’indemnité pour résistance abusive n’est pas fondée ;

Attendu qu’en application de l’article 699 du code de procédure civile les dépens seront mis à la charge de la société Française des jeux ;

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant contradictoirement et par décision mise à disposition au greffe,

Infirme la décision déférée ;

Condamne la société d’économie mixte la Française des jeux à payer à M X C :

— la somme de 29 810 euros,

— la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société d’économie mixte la Française des jeux aux dépens de première instance et d’appel..

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Rouen, 31 mars 2016, n° 14/05839