Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 16 février 2017, n° 15/05851

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 16 févr. 2017, n° 15/05851
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 15/05851
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Évreux, 11 octobre 2015, N° 2015M00591
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

R.G : 15/05851

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 16 FEVRIER 2017

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2015M00591

TRIBUNAL DE COMMERCE D’EVREUX du 12 Octobre 2015

APPELANTES :

XXX

XXX

XXX

SA SOGEFIMUR

XXX

XXX

représentées et assistées de Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉES :

Me D C – Mandataire judiciaire de SARL TLS DEVELOPPEMENT

XXX

XXX

XXX

Me SELARL Y – Administrateur judiciaire de SARL TLS DEVELOPPEMENT

XXX

XXX

SARL TLS DEVELOPPEMENT

XXX

XXX

représentés par Me Patrice LEMIEGRE de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN GILLES LE BOUSSE & ASSOCI ES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 04 Janvier 2017 sans opposition des avocats devant Madame BERTOUX, Conseiller, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur FARINA, Président

Madame AUBLIN-A, Conseiller

Madame BERTOUX, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Madame POUGNET, Adjoint administratif principal faisant fonction de greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Janvier 2017, où l’affaire a été mise en délibéré au 16 Février 2017

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 Février 2017, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Monsieur FARINA, Président et par Mme JEHASSE, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte notarié en date du 26 octobre 2010, modifié et complété selon avenant en date du 15 mars 2012, les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement (alors dénommée Oseo Financement), agissant dans le cadre d’une indivision conventionnelle à hauteur de 50 % chacune ont consenti au bénéfice de la SCI Les Champs Chouette un contrat de crédit-bail immobilier d’une durée de 15 ans à compter de la date d’achèvement des travaux de construction, pour un montant de 4.000.000 € HT.

La société Tls Développement était propriétaire de parts sociales dans le capital de la SCI Les Champs Chouette.

En garantie des engagements souscrits par le contrat de crédit-bail, la société Tls Développement a consenti aux sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement le nantissement des 400 parts sociales lui appartenant.

Ce nantissement a été inscrit auprès du Tribunal de Commerce d’EVREUX, le 20 décembre 2010.

Par jugement en date du 21 octobre 2013, le Tribunal de Grande Instance d’Evreux a ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la SCI Les Champs Chouette.

Les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement ont déclaré au passif de la procédure collective du crédit preneur, les sommes impayées correspondant à la période d’occupation des locaux antérieurement à l’ouverture de la procédure collective de la société Les Champs Chouette, à hauteur de 207.080, 15 € TTC.

Par jugement en date du 4 novembre 2013, le Tribunal de Commerce de Toulon a prononcé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Tls Développement , la SELARL Y prise en la personne de Me HESS et Me Xavier HUERTAS, en qualité de co-administrateurs judiciaires et Me C D et A B, en qualité de co-mandataires judiciaires.

Les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement ont régulièrement déclaré leur créance au passif de la procédure collective de la société Tls Developpement, selon bordereau de déclaration en date du 8 janvier 2014, adressée par X de la même date, reçue le 10 janvier suivant, pour un montant de 5.203.888, 66 € TTC, dont 290.557, 78 € TTC à titre échu et 4.913.330, 88 € TTC à échoir.

Dans ce bordereau de déclaration, régularisé à titre de privilégié nanti, les sociétés Sogefimur et Bpifrance ont précisé que leur déclaration de créance était expressément limitée dans son principe et dans son montant quant aux effets du nantissement des parts sociales de la SCI Les Champs Chouette, détenues par la société Tls Développement.

Selon courrier recommandé avec accusé de réception en date du 14 octobre 2014 Me C D, es qualités, a contesté la créance déclarée par les concluantes, et envisagé d’en proposer le rejet intégral, au motif que la débitrice principale des sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement n’était pas la société Tls Développement, mais la SCI Les Champs Chouette, et que du fait de la déclaration effectuée au passif de cette dernière, à hauteur de 207.080, 15 € à titre échu, celle régularisée au passif de la société 'Ltd Logistique’ ferait « double emploi ».

Par lettre recommandée du 20 octobre 2014, les sociétés Sogefimur et Bpifrance ont maintenu les termes de leur déclaration de créance.

Par ordonnance en date du 12 octobre 2015, le juge-commissaire à la procédure collective de la société Tls Développement a débouté les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement de leur demande d’admission de créance au passif de la procédure de sauvegarde de la société Tls Développement, et ce aux motifs que :

— la déclaration de créance régularisée par les sociétés Sogefimur et Bpifrance faisait double emploi avec celle déclarée au passif de la SCI Les Champs Chouette,

— la société Tls Développement n’était débitrice à l’égard des sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement que d’une obligation réelle.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel en date du 07 décembre 2015, les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement ont interjeté appel de cette décision. Pour un exposé exhaustif des faits, procédure et moyens des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions du 26 février 2016 pour les appelantes, et du 12 février 2016 pour les intimés.

Les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement concluent à l’infirmation de la décision et demandent à la cour de :

— dire et juger que la déclaration de créance régularisée par les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement en date du 08 janvier 2014 est bien fondée;

— prononcer l’admission, à titre privilégié, de la créance des sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement au passif de la procédure de sauvegarde de la société Tls Développement, pour les sommes suivantes :

* total créance à échoir : 4.913.330,88 € TTC

* total créance échue : 290.557,78 € TTC

— condamner la société Tls Développement et Me Z, es-qualités, au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

— dire et juger que les dépens de la présente procédure constitueront des frais privilégiés de la procédure collective.

La société Tls Développement, la SELARL Y, représentée par Me Hess, es-qualités d’administrateur judiciaire et commissaire à l’exécution du plan, et Me Z, es-qualités de mandataire judiciaire, concluent à la confirmation de la décision, et au débouté des sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement de toutes leurs demandes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 avril 2016.

SUR CE

Au soutien de leur appel, les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement font valoir, pour l’essentiel, que :

— La créance déclarée à l’égard de la société Tls développement ne fait nullement double-emploi avec la créance dont les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement sont titulaires à l’égard de la SCI Les Champs Chouette;

— En effet, la créance déclarée trouve son origine dans la constitution d’une sûreté réelle et doit pouvoir être mobilisée dans la limite de la garantie constituée;

— En ce sens, cette créance repose sur un fondement juridique distinct de celle détenue à l’égard de la SCI Les Champs Chouette, débiteur principal;

— Il existe donc deux obligations juridiquement distinctes justifiant la déclaration de créance régularisée;

— A la date de l’ouverture de la procédure collective de la société Tls Développement, le 04 novembre 2013, les appelantes bénéficiaient du nantissement des parts sociales de la Sci Les Champs Chouette détenues par la société Tls Développement;

— Le montant de leur créance à l’égard de cette société était toutefois doublement limité par : * l’effet de la garantie susvisée, non déterminable puisque dépendant de la valeur des parts sociales nanties, lors de la mise en oeuvre de ladite garantie;

* le montant de la créance principale garantie, correspondant donc à l’intégralité des sommes susceptibles d’être dues par la SCI Les Champs Chouette, et couvertes par la garantie sus-décrite, jusqu’au terme de l’exécution de la convention de crédit-bail consentie par les appelantes;

— Elles ont donc été conduites à déclarer au passif dudit garant, titulaire de parts sociales nanties la somme de 290.557,78 € TTC à titre échu, en considération des impayés enregistrés du chef de la société Les Champs Chouette, exigibles à la date de l’ouverture de la procédure collective de la société Tls développement, et celle de 4.913.330,88 € TTC correspondant à l’intégralité des échéances de crédit-bail et des charges dont le montant pouvait être estimé, restant dues jusqu’au terme de la convention;

— Le montant de la créance devant être apprécié au jour de l’ouverture de la procédure collective, il importe peu que des sommes déclarées à échoir, soient depuis lors ou non devenues exigibles vis-à-vis de la SCI Les Champs Chouette; il importe ainsi peu de savoir, au stade de l’admission, si les garanties bénéficiant aux appelantes seront ou non mises en oeuvre, dans un avenir plus ou moins proche;

— La créance déclarée au passif de la société Tsl Développement ne fait ainsi nullement double emploi avec celle l’ayant été au passif de la SCI Les Champs Chouette, ces créances ayant une origine et une assiette parfaitement distinctes;

— Les conséquences de cette admission doivent être limitées aux effets du nantissement, supposant notamment la mise en oeuvre préalable de cette garantie; de la même manière, les sommes admises à échoir n’auront vocation à être réglées, dans le cadre du plan de sauvegarde, que si de telles sommes devaient être dues, et impayées, du chef de la SCI Les Champs Chouette;

— Les arrêts de la Cour de cassation cités par la société Tls Développement, au soutien de son argumentation selon laquelle elle serait, en sa qualité de constituant du nantissement des parts sociales de la Sci Les Champs Chouette, uniquement débitrice d’une obligation réelle envers les appelantes, lesquelles ne bénéficieraient pas d’une créance personnelle, prononcées entre 2000 et 2002, ne sont pas transposables à l’espèce car ils concernent la dispense de déclaration de créance du titulaire d’une sûreté réelle, uniquement en ce qu’il exerce son droit de suite à l’encontre d’un tiers débiteur, en procédure collective, ayant acquis le bien grevé du constituant originel, nonobstant la garantie dont il était affecté;

— Or le cas présent est radicalement différent, les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement n’exercent pas un quelconque droit de suite, dont elles n’auraient vocation à disposer qu’en cas de cession des parts nanties à un tiers, en l’occurrence inexistante;

— La société Tls Développement est sans conteste le constituant originel de la sûreté réelle en cause, et les parts sociales nanties demeuraient dans son patrimoine à la date de l’ouverture de la procédure collective, et s’y trouvent d’ailleurs toujours, de sorte que les appelantes n’ont pas vocation à exercer un droit de suite qui ne peut en tout état de cause être mis en oeuvre à ce stade;

— La débitrice a donc la qualité de constituant d’une sûreté réelle pour le compte d’autrui, autrefois dénommée 'caution réelle', dont il a toujours été admis que le placement en procédure collective contraignait le créancier à déclarer sa créance, que celle-ci soit de nature personnelle ou réelle; – Il est parfaitement établi que le nantissement des parts sociales de la SCI Les Champs Chouette détenues par la société Tls développement s’analyse en une obligation réelle, constituant un cautionnement, au sens de l’article 2288 du code civil;

— C’est à tort que les intimés considèrent que la garantie contractuelle précitée ne s’analyserait pas en une créance détenue à l’encontre de la société Tls Développement et que cette dernière n’aurait pas la qualité de détentrice de parts sociales nanties, alors que l’affectation desdites parts en garantie, ayant pour objectif le règlement de dette éventuelle du crédit-preneur, constitue un cautionnement;

— L’obligation réelle du tiers constituant a pour objet le paiement de la dette garantie et constitue 'dès lors’ un cautionnement, selon la doctrine;

— Certes, lors de l’abandon de la notion de 'cautionnement réel’ par la Cour de cassation en 2005, un débat a pu exister sur l’opportunité de maintenir la nécessité, pour le créancier bénéficiant d’une telle sûreté, de déclarer sa créance au passif du constituant de celle-ci;

— Cependant, au delà de l’absence de remise en cause de cette obligation de déclaration par la jurisprudence, la doctrine a également opté en faveur de son maintien;

— cette solution ainsi dégagée s’explique par des considérations tant :

* juridiques, liées à l’existence d’un droit de créance réel, posé par la Cour de cassation en 1998 (Cass Com 27 octobre 1998 pourvoi n°96-14037) et non remis en cause depuis lors, ce droit n’ayant vocation à être exercé qu’en cas de défaillance du débiteur principal, et étant par ailleurs limité aux biens affectés à la garantie de l’engagement;

* que pratiques, liées à la nécessité, pour le créancier titulaire d’une sûreté réelle, de faire connaître ses droits dans le cadre de la procédure collective du constituant de ladite garantie;

— Cette distinction entre, d’une part, le créancier exerçant un droit de suite contre un tiers acquéreur, dispensé de déclarer sa créance à l’égard de ce dernier, et, d’autre part, le créancier s’étant vu consentir une garantie réelle par un constituant placé en procédure collective, qui est tenu d’opérer une telle déclaration, est consacrée par le législateur (articles R.626-36 et R.643-5 du code de Commerce;

— En effet, en matière de vente sur adjudication d’un immeuble en procédure collective, seul le premier est tenu de faire connaître le montant de sa créance, non déclarée au passif, au stade de la distribution du prix de vente;

— Si les créanciers titulaires d’une sûreté réelle, constituée par le débiteur en procédure collective en garantie de la dette d’un tiers (anciennement dénommé 'caution réelle') n’ont pas à faire connaître le montant de leur créance à ce stade, c’est nécessairement parce qu’ils ont dû la déclarer au passif, comme tous les autres créanciers inscrits du chef du propriétaire actuel, placé en procédure collective;

— Il n’y a naturellement pas lieu de raisonner différemment en présence d’autres sûretés réelles, tel que le nantissement de parts sociales;

— En tout état de cause, il ressort de la jurisprudence et de la doctrine, que les appelantes versent aux débats, qu’aucune dispense pour les créanciers de déclarer leur créance au passif d’une procédure collective du tiers constituant de la garantie n’a été consacrée.

— Dès lors, le créancier titulaire d’une sûreté réelle doit pouvoir être en mesure de régulariser une déclaration de créance, afin que les droits et garanties dont il bénéficie puissent être préservés.

La société TLS Développement, la SELARL Y représentée par Me Hess, es-qualités d’administrateur judiciaire et commissaire à l’exécution du plan, et Me Z, es-qualités de mandataire judiciaire, soutiennent, essentiellement que :

— seule la SCI Les Champs Chouette est débitrice à l’égard des sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement au titre du contrat de crédit-bail;

— De son côté Tls développement n’est pas débitrice des sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement car ces dernières ne détiennent aucune créance à son encontre;

— Tls Développement a consenti une garantie réelle sur un bien qu’elle possède, en l’espèce les parts sociales de la SCI Les Champs Chouette;

— L’obligation réelle peut être définie comme une obligation passant à chaque propriétaire d’un bien, lequel détermine l’identité du sujet passif de sorte que tout se passe comme si c’était la chose et non la personne qui devait;

— L’obligation réelle se transmet de plein droit à l’ayant-cause, en même temps que le droit réel qu’elle accompagne; la Cour de cassation parle de charge réelle pesant sur le fonds lui-même et suivant le bien en quelques mains qu’il passe;

— le bénéficiaire de la sûreté bénéficie d’un droit de suite sur le bien et non sur la personne qui a donné la garantie;

— Ainsi, en matière d’hypothèque, du fait du droit de suite, le détenteur de l’immeuble hypothéqué dévient détenteur hypothécaire; de même le détenteur d’un bien nanti devient détenteur nanti;

— Ces derniers ne deviennent ni créancières ni débitrices à la place du débiteur; le créancier ne peut pas agir en paiement contre le détenteur envers lequel il n’a pas de titre ou créance, mais il peut faire valoir son droit de suite sur les biens donnés en nantissement;

— L’obligation réelle que détient le créancier nanti à l’encontre du détenteur qui n’est pas son débiteur principal n’est pas une action en paiement; pour cette raison, il ne peut pas inscrire une créance au passif du détenteur du bien sur lequel il existe un nantissement;

— Pour autant, son nantissement est attaché au bien nanti et non à la personne du détenteur qui n’est pas son débiteur personnel;

— Sans atteinte au droit de suite du créancier qui bénéficie d’un nantissement, ce créancier n’a pas de créance directe à l’égard du détenteur et ne peut donc pas déclarer son passif;

— La Cour de cassation a clairement exclu la possibilité de déclarer son passif à l’égard du détenteur, faute de lien de créancier à débiteur (Cass. Com 06 juin 2000 n°97-16696, Cass.com 11 juin 2002 n°00-20982 Cass. Com 17 décembre 2002 n°99-20928);

— L’arrêt du 27 octobre 1998 est un arrêt isolé qui ne parle que de cautionnement réel, ce qui n’est pas le cas d’espèce; en effet, dans le cas présent il est question d’un nantissement sur titres et non d’un cautionnement réel qui a été abandonné en 2005 par la Cour de Cassation);

— Cet arrêt est donc antérieur à l’abandon de cette notion et le fascicule n°2382 Jurisclasseur procédures collectives au 30 avril 2015 précise bien que 'le créancier ne devrait être alors tenu à déclaration que si l’on admet qu’il est titulaire envers le tiers garant d’une créance personnelle ou, à tout le moins d’une créance réelle', ce qui n’est pas le cas en l’espèce;

— Le nantissement de titres est une sûreté réelle mais n’apparaît pas comme une créance à l’égard du débiteur de la sûreté qui a uniquement donné un bien en garantie de la dette d’un tiers;

— Il n’existe pas de créance personnelle liant les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement à la société Tls Développement;

— La société Tls Développement est détentrice des parts sur lesquelles un nantissement a été inscrit au profit des appelantes;

— La sûreté accordée est attachée aux parts sociales données en nantissement et non à la personne de la société TLS Développement qui n’a aucune dette envers le créancier nanti ;

— Le créancier nanti n’a aucune créance à l’encontre de la société Tls Développement qui n’est que détenteur;

— Au terme de la jurisprudence, la nature de la sûreté consentie ainsi que l’absence de créance personnelle à l’encontre de la société Tls Développement doit conduire au rejet de la déclaration de créance des sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement à l’égard de la société Tls Développement.

CECI EXPOSE

L’article L.622-24 du code de commerce dispose qu''à partir de la publication du jugement tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture à l’exception des salariés adressent la déclaration de leur créance au mandataire judiciaire dans les délais fixés par décret en conseil d’État. »… -

' les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés aux débiteurs par un contrat publiés sont avertis personnellement s’il y a lieu à domicile élu’ .

Les créances visées par l’application de l’article L. 622-24 du code de commerce supposent l’existence d’un engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, le créancier devant déclarer une créance sur la personne physique ou morale, objet de la procédure collective .

En application des dispositions ci-dessus rappelées, le crédit-bailleur titulaire d’un nantissement de parts sociales consenti en garantie du remboursement de sa créance sur le crédit preneur, doit déclarer celle-ci au passif de la procédure collective du crédit preneur, débiteur de la créance, et mentionner à cette occasion l’existence du nantissement .

Les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement soutiennent qu’outre cette déclaration de créance elles étaient tenues, comme elle l’ont fait, de déclarer au passif de la procédure collective de la société TLS Développement, qui a constitué la sûreté, une créance représentant les sommes dues par le crédit preneur.

Elles font valoir pour ce faire, en résumé, que :

— un cautionnement réel, est soumis, en tant que tel, à déclaration de créance,

— l’affectation des parts sociales en garantie de la dette éventuelle du crédit preneur est un cautionnement, car il a pour objet le paiement de la dette garantie ;

— le nantissement de parts sociales est donc soumis à déclaration de créance.

Toutefois, il résulte des dispositions légales issues de la réforme des droits des sûretés opérée par l’ordonnance du 23 mars 2006, que le nantissement de parts sociales ne constitue pas un cautionnement ( sûreté personnelle ), mais une sûreté réelle.

Selon l’article 2287-1 du Code civil ' les sûretés personnelles… sont le cautionnement, la garantie autonome et la lettre d’intention .

L’article 2329 du même code dispose que : 'Les sûretés sur les meubles sont : 3 ° le nantissement de meubles incorporels'.

Aux termes de l’article 2355 du code civil ' Le nantissement est l’affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs

Il est conventionnel ou judiciaire.

Le nantissement conventionnel qui porte sur les créances est régi, à défaut de dispositions spéciales, par le présent chapitre.

Celui qui porte sur d’autres meubles incorporels est soumis, à défaut de dispositions spéciales, aux règles prévues pour le gage des biens corporels’ .

L’article 2333 du Code civil dispose que’le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels’ .

Selon les dispositions de l’article 2337 du code civil, le gage est opposable aux tiers par la publicité qui en est faite ( cf : arrêté du 1er février 2007 qui classe en Catégorie 12 : les parts sociales affectées en garantie ).

L’article 2334 du code prévoit que « le gage peut être consenti par le débiteur ou par un tiers ; dans ce dernier cas le créancier n’a d’action que sur le bien affecté en

garantie ».

Une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’implique aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui ( Cass Chambre mixte 2 décembre 2005 ).

La sûreté réelle ne peut en conséquence s’analyser en un cautionnement, lequel ne se présume pas.

Le créancier titulaire du nantissement de parts sociales, qualifié par le législateur de sûreté réelle, ne détient donc pas un droit personnel sur celui qui a constitué le nantissement.

Le nantissement de parts sociales ne peut dès lors, en tant que tel, donner lieu à une déclaration de créance entre les mains du mandataire judiciaire à la procédure collective du constituant de cette garantie.

En l’espèce les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement ont régulièrement déclaré leur créance au passif de la procédure collective de la la SCI Les Champs Chouette, crédit-preneur, en indiquant être titulaire à ce titre d’un nantissement de parts sociales.

La société TLS Développement, tout en constituant ses parts sociales en garantie, ne s’est pas engagée à payer les sommes dues par le crédit-preneur en cas de défaillance de celui-ci.

Elle n’est pas caution personnelle des dettes de la SCI Les Champs Chouette; elle n’a ainsi souscrit aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation de la SCI Les Champs Chouette ; les droits issus du nantissement ne sont pas soumis à déclaration au passif de la procédure collective de la société Tls Développement.

Les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement soutiennent également qu’elles avaient intérêt à procéder à une telle déclaration pour faire valoir leurs droits dans cette procédure collective.

Toutefois le nantissement a été inscrit auprès du tribunal de commerce d’Évreux le 20 février 2006; par l’effet de cette publicité il est opposable aux tiers.

Sur le moyen pris de la rédaction des articles R.626-36 et R.613-5 du code de Commerce, applicables en matière de vente sur adjudication d’un immeuble en procédure collective, ces dispositions sont sans influence sur le principe retenu ci-dessus selon lequel une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’implique, de la part du constituant, aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui ( ch.mixte 2 décembre 2005 précité), le créancier n’étant pas en ce cas titulaire d’un droit personnel à faire valoir à l’encontre du constituant de la garantie.

Pour l’ensemble de ces développements, les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement n’étaient pas fondées à procéder à une déclaration de créance au passif de la société TLS Développement, la précision apportée quant au caractère limité de cette déclaration étant sans incidence sur la solution du litige.

C’est donc à bon droit que le juge-commissaire a refusé d’admettre cette créance au passif de la société TLS Développement.

L’ordonnance déférée sera donc confirmée.

Les dépens seront laissés à la charge des sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement qui, au sens de l’article 696 du code de procédure civile, succombent en leurs prétentions.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision déférée,

Y ajoutant,

Déboute les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement de leur demande en paiement d’une indemnité de procédure;

Condamne les sociétés Sogefimur et Bpifrance Financement aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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