Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 10 octobre 2017, n° 15/03608

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. soc., 10 oct. 2017, n° 15/03608
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 15/03608
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Rouen, 29 juin 2015
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

R.G. : 15/03608

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 10 OCTOBRE 2017

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 30 Juin 2015

APPELANTS :

Me Y B (SCP C Y) – Mandataire judiciaire de SARL YIN & YANG

[…]

[…]

[…]

représenté par Me Frédéric SUREL, avocat au barreau de l’EURE

SARL YIN & YANG

[…]

Centre Routier

[…]

représentée par Me Frédéric SUREL, avocat au barreau de l’EURE

INTIMES :

Monsieur D X

[…]

[…]

représenté par Me Karim BERBRA de la SELARL BAUDEU & ASSOCIES AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Sophie DEFRESNE, avocat au barreau de ROUEN

CGEA DE ROUEN

[…]

[…]

[…]

représenté par Me Jacqueline EMERY, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 29 Juin 2017 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseiller, magistrat chargé d’instruire l’affaire,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LORPHELIN, Président

Madame ROGER-MINNE, Conseiller

Madame DE SURIREY, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme LAKE, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 29 Juin 2017, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 Octobre 2017

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 10 Octobre 2017, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LORPHELIN, Président et par Madame HOURNON, Greffier présent à cette audience.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. X a été embauché en contrat à durée indéterminée à compter du 17 septembre 2001, par la société Sogecer, exploitant un restaurant, en qualité de directeur, statut cadre, niveau V, échelon 3 de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants. Son contrat de travail a été transféré à la société Ingess, puis à la société Yin & Yang (la société) le 15 octobre 2012. La convention collective applicable à la relation de travail est celle des hôtels, cafés, restaurants.

M. X a été placé en arrêt de travail à compter du 20 juin 2014. Il a effectué une déclaration d’accident du travail.

Il a été convoqué à un entretien préalable par lettre recommandée du 22 juillet 2014 pour le 1er août suivant.

Invoquant l’existence d’un licenciement verbal et divers manquements de l’employeur à ses obligations, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen le 26 septembre 2014.

Par jugement du 30 juin 2015, le conseil de prud’hommes a :

— dit que le licenciement verbal de M. X était sans cause réelle et sérieuse,

— condamné la société à payer à M. X les sommes suivantes au titre :

' de l’indemnité légale de licenciement : 12 412,40 euros,

' de l’indemnité compensatrice de préavis : 13 299 euros,

' des congés payés y afférents : 1 329,90 euros,

' des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 45 000 euros,

' des dommages et intérêts pour absence d’entretiens annuels : 500 euros,

' des compléments d’indemnités depuis le mois de juillet 2014 : 500 euros,

' des dommages et intérêts pour absence de portabilité de la mutuelle : 4 000 euros,

' de l’article 700 du code de procédure civile : 2 000 euros,

— ordonné à la société de régulariser la situation de M. X auprès du groupe Apicil sous astreinte de 50 euros par jour de retard, trois jours après la notification de la décision, le conseil se réservant la possibilité de liquider l’astreinte,

— débouté M. X du surplus de ses demandes,

— fixé à la somme de 4 433 euros la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. X pour application de l’article R.1454-28 du code du travail,

— condamné la société aux entiers dépens.

La société a interjeté appel de ce jugement par lettre recommandée du 17 juillet 2015. Elle a été placée en redressement judiciaire par jugement du 24 septembre 2015.

Par conclusions remises le 28 septembre 2016, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est référé pour l’exposé détaillé de ses moyens, la société et Maître Y en sa qualité de mandataire judiciaire, demandent à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes d’heures supplémentaires, de congés payés y afférents, de contrepartie obligatoire en repos,

— débouter M. X de ses demandes relatives au travail dissimulé,

— débouter M. X de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail du fait d’une rétrogradation,

— réformer le jugement pour le surplus,

— déclarer le jugement opposable au CGEA.

Elle fait valoir que les relations avec le salarié se sont dégradées à la suite de la découverte de faits accablants, qui lui ont été dénoncés par les autres salariés, ces faits consistant notamment en un non respect des horaires de travail, en des vols de denrées alimentaires, de bouteilles d’alcool et d’argent dans la caisse. Elle indique que le gérant, par manque d’expérience, a licencié verbalement le salarié au cours de l’entretien préalable. Elle sollicite, compte tenu de ces éléments, la réduction du montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause. Elle conteste la réalisation d’heures supplémentaires, soutenant que M. X F, la semaine où il commençait le matin, une heure après le début de sa prise de poste, le quittant par ailleurs plus tôt le soir. Elle conteste en outre le fait d’avoir rétrogradé le salarié dans ses fonctions, dès lors qu’il a conservé l’intégralité de celles-ci. Elle soutient avoir remis au salarié les documents lui permettant de percevoir de l’organisme de prévoyance le complément des indemnités journalières lors de son arrêt de travail et avoir procédé aux formalités de portabilité de la mutuelle, reconnaissant que la régularisation a été tardive.

Par conclusions remises le 18 janvier 2016, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, M. X demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué des sommes au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

— réformer le jugement pour le surplus,

— fixer au passif de la société les sommes suivantes :

• dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 100 000 euros,

• dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (absence d’entretiens annuels) : 3 000 euros,

• dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de portabilité de la mutuelle : 5 000 euros,

• heures supplémentaires pour la période d’octobre 2012 jusqu’au 1er août 2014 : 28 654, 53 euros, et congés payés y afférents : 2 865,45 euros,

• contrepartie obligatoire en repos pour l’année 2013 : 17 766,87 euros,

• congés payés y afférents : 1 776,68 euros,

• indemnité pour travail dissimulé : 36 122,24 euros,

• dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail du fait de sa rétrogradation abusive : 10 000 euros,

• dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat : 15 000 euros,

• compléments d’indemnités dus depuis le mois de juillet 2014 : 13 650 euros,

• dommages et intérêts pour absence de remise des documents de fin de contrat : 3 000 euros,

• article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros,

— à titre subsidiaire, fixer au passif de la société la somme de 2 446,80 euros au titre des heures supplémentaires, outre la somme de 244,68 euros au titre des congés payés y afférents,

— en tout état de cause, ordonner à la société la remise des documents de fin de contrat conformes aux dispositions de l’arrêt à intervenir,

— condamner la société aux entiers dépens qui comprendront les éventuels frais et honoraires d’exécution du jugement à intervenir,

— déclarer le jugement opposable au CGEA représentant l’AGS.

Il fait valoir qu’il a subi un préjudice important du fait de son licenciement, au regard d’une ancienneté de 13 ans, de l’absence de versement d’allocations par Pôle emploi et du préjudice moral résultant du fait que son employeur a clamé l’avoir licencié pour vol. Il soutient qu’à la suite du rachat du restaurant par la société ses tâches et responsabilités ont été réduites, puisqu’il s’est vu retirer la comptabilité, la gestion et la remise en banque et qu’il ne gérait plus ni les inventaires, ni le bar, ni le quotidien du personnel. Il ajoute qu’à compter du 1er septembre 2013 le gérant l’a rétrogradé une seconde fois en lui ordonnant d’être à la cuisine le matin de 8 heures à 14h30 puis au bar. S’agissant des heures supplémentaires, il fait valoir que la clause de forfait jours insérée dans son contrat de travail est privée d’effet, en ce qu’il n’existe aucun contrôle du nombre de jours travaillés, ni suivi de l’organisation de son travail et de sa charge de travail, ni aucun entretien annuel. Il expose que du 15 octobre 2012 au 31 août 2013, il a travaillé une semaine sur deux de 10 heures à 23 heures et cumulait ainsi un total de 53,5 heures de travail et que l’autre semaine il travaillait de 9 heures à 16h30, soit 35 heures hebdomadaires ; qu’à compter du 1er septembre 2013, il travaillait une semaine sur deux de 8 heures à 16 heures soit un total de 40 heures et l’autre semaine de 8 heures à 23 heures, soit un total de 63,5 heures. Il fait remarquer, subsidiairement, que la société reconnaît qu’il travaillait de 10 heures à 14 heures et 19 heures à 23h une semaine sur deux soit 40 heures hebdomadaires. Il sollicite en conséquence de la réalisation de ces heures supplémentaires les contreparties obligatoires en repos ainsi que des dommages et intérêts pour travail dissimulé. Il considère que la société a manqué à son obligation de sécurité en ne respectant pas les durées maximales du travail et en ce qu’il a subi l’attitude déloyale et vexatoire de son employeur. Il affirme que pendant son arrêt maladie, la société a gardé l’attestation de salaire qui devait être transmise à la sécurité sociale et qu’elle a manqué à ses obligations en matière de portabilité, en résiliant la mutuelle, sans justification. Il indique, à l’audience, qu’il n’a toujours pas reçu son bulletin de paie de juillet 2014, son reçu pour solde de tout compte et son certificat de travail conformes.

La société est bénéficiaire d’un plan de redressement en vertu d’un jugement du 23 mars 2017.

Par conclusions remises le 16 juin 2017, soutenues oralement à l’audience, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses moyens, le CGEA de Rouen demande à la cour de :

— à titre préliminaire, avant toute défense au fond, constater que sa garantie ne saurait être recherchée qu’à défaut de fonds disponibles dans l’entreprise,

— sur le fond, lui donner acte de ce qu’il se réfère aux conclusions développées par la société tendant à la réformation du jugement entrepris, et notamment en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts pouvant être accordés à M. X,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes relatives au temps de travail et à l’indemnisation d’un travail dissimulé comme de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ou violation de l’obligation de sécurité de résultat,

— subsidiairement, exclure expressément de la garantie de l’AGS d’éventuels dommages et intérêts accordés à M. X pour non remise des documents sociaux ou retard dans l’accomplissement des formalités de portabilité de la mutuelle,

— très subsidiairement, pour ce qui concerne les condamnations pouvant intervenir, juger que la décision à intervenir ne pourra être déclarée opposable au CGEA, en qualité de gestionnaire de l’AGS, que dans les limites prévues aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D.3253-5 du code du travail,

— dire qu’il ne saurait être tenu à la remise de pièces, non plus qu’au paiement d’une astreinte, le demandeur devant être tenu de restituer toute somme indûment perçue dans le cadre des avances effectuées par lui,

— constater qu’il n’y a pas lieu de prononcer contre lui des condamnations, ni de mettre à sa charge les dépens ou une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Pour établir qu’il a subi une modification de son contrat de travail et une rétrogradation dans ses fonctions, le salarié ne produit qu’une lettre du 23 juin 2014 qu’il a adressée à son employeur dans laquelle il indique qu’il a été relégué à un poste de cuisinier.

C’est à juste titre que le conseil des prud’hommes a débouté le salarié de sa demande, au regard de ce seul élément insuffisant à démontrer les faits allégués.

Sur les heures supplémentaires, la contrepartie obligatoire en repos et les dommages et intérêts pour travail dissimulé :

En application de l’ancien article L. 212-15-3 du code du travail applicable au contrat de travail, la durée de travail d’un cadre peut être fixée par convention individuelle de forfait jours, prévue par une convention collective qui détermine notamment les modalités des jours de travail et de repos, les conditions de contrôle et les modalités de suivi de l’organisation du travail.

Le contrat de travail, en son article 5. 2 stipule qu’en contrepartie de son activité le salarié percevra une rémunération mensuelle de base de 16'000 francs, correspondant à l’horaire normalement défini dans l’accord d’entreprise sur l’aménagement et la réduction du temps de travail, soit 213 jours de travail par an, mais également à tout dépassement individuel ou collectif d’horaire qu’il serait amené à effectuer dans le cadre de ses fonctions, le salarié disposant de toute latitude en ce domaine.

La convention collective prévoit, s’agissant des conventions de forfait jours, que l’employeur tient un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours de repos ainsi que le nombre de jours de repos pris au titre de la réduction du temps de travail et ceux restant à prendre. Ce document indique par ailleurs si le temps de repos entre deux journées de travail a été respecté. Il est par ailleurs prévu que chaque année le salarié bénéficie d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées la charge de travail, l’amplitude des journées d’activité, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération.

C’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a jugé que la convention de forfait de M. X était privée d’effet, dès lors que l’employeur ne justifiait pas du respect de ses obligations découlant de la loi et de la convention collective et a dit que le salarié était soumis à la durée légale du travail et pouvait dès lors réclamer paiement d’heures supplémentaires.

En application de l’article L. 3171-4 du code du travail, le salarié doit étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire.

Le salarié produit deux tableaux comportant, pour le premier, un planning du 15 octobre 2012 au 31 août 2013 et pour le second, un planning du 1er septembre 2013 au 30 juin 2014, mentionnant ses horaires de début et de fin de poste, ainsi que la pause journalière d’une demi-heure, les horaires variant une semaine sur deux. Il en résulte que pour la première période, en semaine un il effectuait 53,5 heures et en semaine deux 35 heures, tandis que pour la seconde période, il effectuait en semaine un 63,5 heures et en semaine deux, 40 heures. Ces éléments sont suffisamment précis pour étaye la demande.

La société, quant à elle, indique que le salarié travaillait la semaine un de 8h à 14h, soit 30 heures et la semaine deux de 10 à 14h et de 19 à 23h, soit 40 heures. Elle ne verse pas aux débats de planning ou de document de contrôle du temps de travail. Elle communique en revanche cinq attestations de salariés, dont il ressort que lorsque M. X n’assurait pas la fermeture de l’établissement, il terminait son travail vers 14 heures et que les semaines où il assurait la fermeture, il devait terminer à 23 heures, ce qu’il ne respectait pas, quittant son poste vers 21h30.

Ces éléments, peu circonstanciés, sont insuffisants pour établir les horaires du salarié tels que présentés par l’employeur. Il en ressort au contraire que M. X était soumis à des horaires fixes, variant une semaine sur deux.

Il sera en conséquence fait droit à la demande, étant précisé que le montant réclamé n’est pas contesté à titre subsidiaire.

S’agissant des contreparties obligatoires en repos, M. X indique que le contingent d’heures supplémentaires fixé par la convention collective est de 360 heures par an. Il rappelle à juste titre que les heures accomplies au-delà du contingent ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos fixée à 50 % des heures effectuées au-delà de la durée légale, pour les entreprises de 20 salariés au plus, en application de l’article 18 IV de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.

Le salarié ayant effectué 501,5 heures supplémentaires en 2013, ainsi qu’il l’indique, soit 201,5 heures au-delà du contingent, il aurait dû bénéficier de contreparties obligatoires en repos égale à 50% de ces heures (soit 201,5 X 21,43 X 50 % = 2 159,07€).

Le salarié qui n’a pu bénéficier de ses contreparties obligatoires en repos a droit à une indemnité équivalente aux repos non pris et aux congés payés afférents. La créance de M. X s’établit donc à 2 374,98 euros.

S’agissant du travail dissimulé, l’intention de fraude de la société n’est pas établie compte tenu de l’existence d’une clause de forfait jours dans le contrat de travail, sa validité n’ayant été examinée que dans le cadre de la présente instance. M. X sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts fondée sur les articles L. 8221-5 et L. 8823-1 du code du travail.

Sur les dommages et intérêts pour absence d’entretiens annuels :

Le salarié qui a été privé d’entretiens annuels, alors qu’il a effectué un nombre d’heures supplémentaires important, sans contrôle de sa charge de travail, a subi un préjudice justement évalué par le conseil de prud’hommes. Il convient cependant de fixer la somme de 500 euros au passif de la société.

Sur le non-respect de l’obligation de sécurité :

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité.

M. X soutient que le comportement de l’employeur l’a conduit à son arrêt de travail pour dépression nerveuse grave constatée médicalement. Il évoque à nouveau sa rétrogradation et explique en outre avoir été insulté au téléphone par le gérant de fait de la société, le 19 juin 2014, alors que ce dernier lui demandait de payer le salaire de Mme Z en liquide, le chèque de règlement étant revenu impayé. Il prétend que son interlocuteur l’a menacé de lui envoyer son beau-fils, gérant de droit. Si M. X a mentionné ces éléments au médecin qui l’a rencontré dans le cadre d’une consultation de pathologie professionnelle, ainsi qu’à la caisse primaire d’assurance-maladie, dans sa déclaration d’accident du travail, il convient de constater que les témoins qu’il cite ne confirment pas l’agression verbale alléguée.

Le salarié invoque par ailleurs le non-respect de la durée maximale du travail et des temps de repos obligatoires.

Il résulte des plannings du salarié qu’il n’a pas toujours bénéficié de 11 heures de repos consécutives, travaillait régulièrement au delà des limites conventionnelles de 11h30 par jour et de 48 heures hebdomadaires.

Compte tenu de ces éléments, il sera alloué à M. X une somme de 500 euros en réparation de son préjudice.

Sur les compléments d’indemnités journalières :

Le 8 juillet 2014 le salarié, qui était en arrêt de travail depuis le 20 juin, a écrit à son employeur que la caisse primaire d’assurance-maladie n’avait pas reçu l’attestation de salaire pour le règlement de ses indemnités journalières. Il le mettait alors en demeure de faire le nécessaire. Il lui demandait également de faire le nécessaire auprès de la caisse de prévoyance afin qu’il puisse faire valoir ses droits. Il ressort des bulletins de paie que des cotisations ont été prélevées mensuellement au titre de la prévoyance cadre pour l’organisme Klésia. Par courrier du 5 novembre 2014, le salarié a écrit à cet organisme, indiquant qu’il lui avait été précisé par téléphone qu’il n’était pas affilié pour la prise en charge de sa complémentaire indemnités journalières cadre, en raison d’un manque de déclaration de la part de son employeur.

M. X qui soutient qu’il pouvait prétendre à un complément d’indemnités journalières depuis le mois de juillet 2014, à hauteur de la somme de 13'650 euros, ne justifie pas de ce montant. En conséquence, le jugement a fait une juste évaluation du préjudice résultant du défaut d’affiliation malgré paiement des cotisations. Il convient de fixer à la somme de 500 euros la créance du salarié au passif de la société.

Sur le licenciement :

C’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement de M. X était dépourvu de cause réelle et sérieuse, dès lors qu’il n’était pas contesté qu’il avait été notifié verbalement, sans écrit comportant l’énonciation des motifs. Les raisons qui ont pu conduire l’employeur à prononcer ce licenciement sont en conséquence inopérantes. Les sommes allouées par le conseil de prud’hommes au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents seront fixées au passif de la société.

S’agissant de la réparation du préjudice du salarié, il est justifié que Pôle emploi a sollicité, afin d’étudier sa demande d’allocation, une copie de sa lettre de licenciement. M. X qui s’était plaint auprès de la société de ne s’être pas vu expliquer les motifs du licenciement lors de l’entretien préalable, a reçu un courrier daté du 16 septembre 2014, annulant cet entretien et le convoquant à un nouvel entretien le 26 septembre puis un courrier du 29 octobre le convoquant à un entretien préalable à un licenciement, prévu le 12 novembre. Or, il a appris que l’employeur avait bien mis fin à son contrat de travail. En effet, par lettre du 23 juillet 2014 celui-ci a écrit à la caisse primaire d’assurance-maladie de Rouen pour l’aviser qu’il avait signifié au salarié son licenciement après l’avoir surpris se servant dans la caisse. Par ailleurs une ex-salariée de la société atteste que son responsable a informé l’ensemble du personnel que le directeur était licencié début juillet pour vol.

Au regard de l’irrégularité de la procédure de licenciement, du préjudice moral résultant des accusations de vol portées à la connaissance des salariés et d’un organisme tiers, de l’ancienneté de 13 ans, d’un salaire moyen de 4 433 euros, de l’effectif de la société inférieur à 11 salariés, il convient de fixer les dommages et intérêts dus à M. X à la somme de 60'000 euros.

Sur la portabilité de la mutuelle :

Il résulte du courrier de l’institution de prévoyance Apicil, du 5 février 2015, que M. X a été affilié du 16 octobre 2012 au 30 juin 2014. Il lui a été demandé, pour régulariser son inscription en portabilité, de joindre un bulletin dit de déclaration de portabilité. Le salarié a demandé à la société, les 5 février et 4 mars 2015, d’informer l’organisme de mutuelle de son entrée en période de portabilité de ses droits. Faute de réponse, M. X a été contraint de saisir le conseil de prud’hommes en référé lequel, par ordonnance du 7 avril 2015, a ordonné à l’employeur de régulariser sa situation auprès de l’organisme de mutuelle et de prévoyance. Ce n’est que le 7 août 2015 que la société a adressé la déclaration de portabilité des droits.

Il résulte de ces éléments que le salarié a subi un préjudice qui doit être réparé à hauteur de 2 000 euros. Il convient de fixer cette somme au passif de la société.

Sur les documents de fin de contrat :

L’employeur soutient avoir remis ces documents, ce qu’a contesté M. X lors de l’audience devant la cour. Le salarié avait été contraint de saisir en référé le conseil de prud’hommes qui, par décision du 13 janvier 2015, avait ordonné la remise des documents de fin de contrat ainsi que le bulletin de salaire de juillet 2014. Par courrier du 1er avril 2015, le conseil du salarié indiquait à son adversaire que la société n’avait toujours pas exécuté l’ordonnance de référé.

La société produit aux débats une attestation ASSEDIC mentionnant une durée d’emploi du 16 octobre 2012 au 23 juin 2014 ainsi qu’un licenciement pour faute grave. Le dernier bulletin de salaire établi est celui de juin, comportant une date de sortie au 23, alors que le salarié a été licencié le 1er août 2014. Le reçu pour solde de tout compte ne contient pas l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l’indemnité de licenciement.

Il y a lieu en conséquence d’ordonner à la société de remettre à M. X un bulletin de salaire pour juillet 2014, une attestation destinée à Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision. L’absence de remise de ces documents, alors que la société reconnaissait avoir licencié verbalement le salarié au 1er août 2014 sans en tirer les conséquences quant aux modifications à apporter aux documents de fin de contrat, a causé à M. X un préjudice qui sera évalué à la somme de 1 000 euros, qui sera fixée au passif de la société.

Sur les autres demandes :

En application de l’article L. 3253-8 du code du travail, l’AGS garantit les dommages et intérêts dus au salarié en raison de l’inexécution par l’employeur d’une obligation résultant du contrat de travail. Il en résulte qu’il n’y a pas lieu d’exclure de la garantie de l’organisme les dommages et intérêts pour non remise des documents sociaux, ni ceux alloués à raison du retard dans l’accomplissement des formalités de portabilité de la mutuelle, qui constituent des manquements de l’employeur à ses obligations nées du contrat de travail.

En l’absence de fonds disponibles, l’AGS est tenue de garantir dans les limites prévues aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, le paiement des indemnités résultant de la rupture du contrat de travail.

Conformément aux dispositions de l’article L. 622-28 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations.

La société qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens. Il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié l’intégralité de ses frais non compris dans les dépens. Il y a lieu de rappeler que la garantie de l’AGS ne couvre ni les dépens ni l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail du fait de la rétrogradation et de dommages et intérêts pour travail dissimulé, enfin s’agissant des dépens et de l’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Fixe les créances de M. X dans la procédure collective de la société Yin et Yang aux sommes de :

• 28 654,53 euros en rappel d’heures supplémentaires,

• 2 865,45 euros en congés payés afférents,

• 2 374,98 euros à titre d’indemnité pour contreparties obligatoires en repos non prises,

• 500 euros de dommages et intérêts pour non respect des durées maximales de travail et de la durée minimale de repos,

• 12'412,40 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

• 13'299 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

• 1 329,90 euros au titre des congés payés afférents,

• 60'000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

• 500 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d’entretiens annuels,

• 500 euros à titre de complément d’indemnités journalières depuis juillet 2014,

• 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans l’exécution des formalités de portabilité de la mutuelle,

• 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de remise des documents de fin de contrat,

Déclare la présente décision opposable à l’AGS (CGEA de Rouen) qui sera tenue à garantie dans les limites des articles L. 3253-6 et suivants et les plafonds des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, à défaut de fonds disponibles dans l’entreprise,

Rappelle que le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations,

Ordonne à la société de remettre à M. X un bulletin de salaire pour juillet 2014, une attestation destinée à Pôle Emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision,

Condamne la société et Maître Y ès qualités à payer à M. X la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société et Maître Y ès qualités aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 10 octobre 2017, n° 15/03608