Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 21 novembre 2019, n° 17/01586

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. civ. et com., 21 nov. 2019, n° 17/01586
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 17/01586
Décision précédente : Tribunal de commerce de Le Havre, 23 janvier 2014, N° 2010/04936
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 17/01586 – N° Portalis DBV2-V-B7B-HOFH

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 21 NOVEMBRE 2019

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

2010/04936

TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 24 Janvier 2014

APPELANTE :

SA CONCEPT MARKETING TRADING – CMT

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Guillaume DES ACRES DE L’AIGLE de la SCP BONIFACE – DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

SAS TRANSPORTS ACHILLE

[…]

[…]

représentée et assistée par Me Anita MALLET de la SCP MALLET DUTEIL, avocat au barreau de l’EURE

MMA IARD Assurances Mutuelles, société d’assurances mutuelles,

[…], dont le siège social est situé […], agissant par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

MMA IARD S.A., […], dont le siège social est situé […],

agissant par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

venant aux droits de la Société COVEA FLEET

[…]

[…]

Assureurs de la SAS Transports Achille

représentées et assistées par Me Pierre VARGUES de la SELARL VARGUES ET ASSOCIES, avocat au barreau du HAVRE substitué par Me Nicolas DESMEULLES, avocat au barreau du HAVRE

ASSIGNEES SUR APPELS PROVOQUES

SA A ASSURANCES SA à conseil d’administration,

immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro B 339 489 379, dont le siège social est situé […], […], compagnie apéritrice

La Compagnie d’Assurances NATEUS ASSURANCES, Société étrangère dont le siège social est situé Frankrijklei 79, […], domiciliée chez la Compagnie de Gestion & d’Assurances, […], […], 76235 BOIS-GUILLAUME Cedex,

Compagnie d’Assurances SIAT (Societa Italiana Assicuraziuoni E Riassicurazioni P.A.), société de droit étranger, immatriculée au Registre de Commerce de […] sous le numéro 00522430107,

dont le siège social est situé […]

[…],

domiciliée chez la Compagnie de Gestion & d’Assurances, Espace Leader,

[…], […], 76235 BOIS-GUILLAUME Cedex,

Compagnie MMA IARD venant aux droits de COVEA FLEET, société

anonyme immatriculée au RCS du MANS sous le numéro 440 048 882, dont le siège social est situé […],

Compagnie d’Assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de COVEA FLEET, société d’assurances mutuelles immatriculée au RCS du MANS sous le numéro 775 652 126,

dont le siège social est situé […]

[…],

La Compagnie d’Assurances GENERALI IARD, SA à conseil d’administration au capital de 59.493.775 €, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro B 552 062 663, dont le siège social est situé […],

Compagnie d’assurances CATLIN INSURANCE COMPANY venant aux droits de CATLIN FRANCE société de droit étranger dont le siège social est situé […],

domiciliée chez la société CATLIN EUROPE SE French Branch,

[…], […],

Assureurs de la SA Concept Marketing Trading – CMT

représentées et assistées par Me Franck GUENOUX, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 11 Juin 2019 sans opposition des avocats devant Madame MANTION, Conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BRYLINSKI, Président

Madame BERTOUX, Conseiller

Madame MANTION, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame X,

DEBATS :

A l’audience publique du 11 Juin 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 Octobre 2019, délibéré prorogé ce jour.

ARRET :

contradictoire

Prononcé publiquement le 21 novembre 2019, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BRYLINSKI, Président et par Monsieur GUYOT, greffier lors du délibéré.

*

* *

FAITS ET PROCEDURE

La société Concept Marketing Trading CMT-Windfield se présente comme une entreprise de négoce de vêtements qu’elle fait fabriquer principalement en Asie pour le compte de la grande distribution.

Les marchandises confectionnées transitent par le port du Havre où elles sont entreposées dans les bâtiments de la société Transports Achille, avant la livraison aux clients.

Dans la soirée du 18 novembre 2009, un violent incendie a détruit le bâtiment de stockage de la société Transports Achille ; toutes les marchandises entreposées pour le compte de la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield ont alors été perdues.

En exécution de la police d’assurance de marchandises souscrite par la société Cmt Windfield, les compagnies d’assurances A et autres ont versé une indemnité de 158.655,43€, correspondant à la perte des marchandises stockées depuis moins de 60 jours, calculée sur la base du prix de revient,

majoré d’un coefficient 1,25 ou en valeur de remplacement.

Estimant que son préjudice n’était que partiellement compensé, la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield a adressé le 10 décembre 2009, à la société Transports Achille et son assureur responsabilité civile, la société Covea Fleet, un état provisoire de son préjudice global.

Aucune solution amiable n’ayant pu être trouvée entre les différentes parties, la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield a fait assigner la société Transports Achille, le 8 février 2010, devant le président du tribunal de commerce du Havre aux fins d’obtenir une mesure d’instruction contradictoire.

Suivant ordonnance en date du 24 mars 2010, M. Fabrice Levesque a été désigné en qualité d’expert et a déposé son rapport le 27 mars 2012.

***

Par jugement en date du 24 janvier 2014, le tribunal de commerce du Havre a:

— reçu les Compagnies d’Assurances A et autres en leurs demandes partiellement fondées ;

— reçu la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield en ses demandes partiellement fondées ;

— condamné la société Transports Achille à payer à la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield la somme de 76.921,36 €, outre les intérêts à compter du 14 janvier 2013, lesdits intérêts capitalisés par année entière ;

— condamné la société Transports Achille à payer aux compagnies d’assurances A et autres la somme de 158.655,43€, outre les intérêts à compter de l’assignation, lesdits intérêts capitalisés par année entière,

— donné acte à la société Covea Fleet de ce qu’elle engage sa garantie dans le cadre de la condamnation prononcée à l’encontre de la société Transports Achille ;

— condamné la société Covea Fleet à garantir la société Transports Achille des condamnations prononcées à son encontre en principal et intérêts,

— dit n’y avoir lieu à dommages et intérêts,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

— condamné la société Transports Achille aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise à hauteur de 2000€, ceux visés à l’article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 513,62 €,

— condamné la société Covea Fleet à relever et garantir la société Transports Achille de la condamnation prononcée à son encontre au titre des dépens,

— laissé à chaque partie la charge des frais exposés non compris dans les dépens.

***

La société Concept Marketing Trading CMT-Windfield a formé appel du jugement, intimant la société Transports Achille et la société Covea Fleet, par déclaration reçue le 25 février 2014, l’affaire a été enregistrée sous le n°14/00952.

La société Transports Achille a été placée sous sauvegarde par jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise le 3 mars 2014 désignant Maître Y en qualité d’administrateur ; la société CMT Windfield a déclaré sa créance au passif par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 avril 2014.

La société Transports Achille 'représentée par Maître Waldman administrateur judiciaire’ a conclu au fond, et par actes en date des 19 et 20 août 2014, a fait assigner en appel provoqué les compagnies d’assurance A, Nateus Assurances , SIAT, Generali Iard, Catlin France et Covea Fleet (ci-après A et autres) assureurs de la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield ; la société Covea Fleet en qualité d’assureur de la société Transports Achille a également fait assigner les mêmes assureurs en la même qualité en intervention forcée.

Ces dernières ont saisi le conseiller de la mise en état d’un incident d’irrecevabilité de cet appel provoqué, dont elles ont été déboutées par ordonnance en date du 23 avril 2015.

Le déféré formé par les assureurs a été rejeté par arrêt de cette cour en date du

21 janvier 2016 qui a été frappé de pourvoi ; la procédure a été radiée en l’attente de la décision de la cour de cassation.

La cour de cassation a déclaré le pourvoi irrecevable par arrêt du 16 mars 2017, et l’affaire a été ré-enrolée devant la cour de céans sous le n°17/01586.

***

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 22 mai 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield demande à la cour, au visa des articles 1148, 1315 et 1915 et suivants du code civil, de:

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Transports Achille, ainsi que la garantie solidaire de son assureur, la compagnie Covea Fleet ;

— infirmer le jugement quant aux montants retenus par le tribunal ;

En conséquence,

— fixer au passif de la société Transports Achille la créance de la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield aux sommes suivantes :

* 162.070,64 € au titre du préjudice subi pour la perte des marchandises et non

indemnisée par son assureur ;

* 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

* 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— fixer au passif de la société Transports Achille les entiers dépens de première instance et d’appel en ce compris les frais d’expertise s’élevant à la somme de 13.861,64€;

— condamner solidairement les compagnies MMA IARD aux entiers dépens de première instance et d’appel en ce compris les frais d’expertise s’élevant à 13.861,64€.

***

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 8 octobre 2018 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, les sociétés A Assurances SA, Nateus Assurances, SIAT, MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de Covea Fleet, Generali IARD, Catlin Insurance Company Ltd venant aux droits de Catlin France, (A et autres) assureurs de la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield demandent à la cour de :

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre en toutes ses dispositions et y ajoutant,

— condamner les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la société Covea Fleet à payer aux sociétés A Assurances et autres la somme de 158.655,43 € avec intérêts à compter de l’assignation, lesdits intérêts capitalisés ;

En tout état de cause,

— condamner chacune la société Transports Achille, d’une part, et MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, d’autre part, à payer aux compagnies d’assurances A Assurances SA et autres la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile ;

— les condamner solidairement aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Franck Guenoux, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 19 mai 2017 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, la société Transports Achille demande à la cour, au visa des dispositions des articles L. 622-7, L. 622-21 et L.622-22 du code de commerce, de réformer la décision entreprise, et statuant à nouveau, de:

— dire et juger que l’ensemble des demandes de la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield sont mal fondées ;

— condamner la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield à restituer l’intégralité des sommes versées en exécution du jugement prononcé par le tribunal de commerce du Havre le 24 janvier 2014 ;

Très subsidiairement, si la cour estimait devoir retenir la responsabilité de la société Transports Achille,

— dire et juger que la créance invoquée et la fixation au passif de la société Transports Achille ne peuvent excéder la somme de 76.921,36 € en ce qui concerne la demande de la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield, et la somme de 158.655,43 € en ce qui concerne la demande de son assureur;

— dire et juger que la société Covea Fleeet devra garantir la société Transports Achille de toutes condamnations qui seraient prononcées en principal, intérêts et frais ;

— condamner les compagnies demanderesses et la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield à payer à la société Transports Achille la somme de 7500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonner le partage des dépens.

***

Par conclusions en date du 21 mai 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, les sociétés MMA IARD SA et MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de Covea Fleet demandent à la cour, au visa des articles 1915 et suivants et 1929 du code civil, de

A titre principal

— recevant la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield en son appel, le déclarer mal fondé, l’en débouter ainsi que de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;

— recevant les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA venant toutes deux aux droits de la Compagnie d’Assurances Covea Fleet en leurs appels incident et provoqués du jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre le 24 janvier 2014 ;

— les déclarer bien fondés ;

Par conséquent,

— réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

— déclarer la société Transports Achille hors de cause conformément aux dispositions des articles 1915 et suivants du code civil ;

— condamner la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield à payer aux sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA venant toutes deux aux droits de la Compagnie d’Assurances Covea Fleet la somme de 76 957.95€, avec intérêts au taux légal courant à compter du jour du paiement, et ce au titre de la restitution des fonds verses du fait de l’exécution provisoire du jugement entrepris;

A titre subsidiaire

— recevant la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield en son appel ;

— le déclarer mal fondé ;

— l’en débouter ainsi que de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions;

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause

— rejeter en tant qu’irrecevable et subsidiairement mal fondée la demande formulée par les compagnies d’assurances A Assurances et autres aux fins de condamnation des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer aux sociétés A Assurances SA et autres la somme de 158.655,43 € avec intérêts à compter de l’assignation, lesdits intérêts capitalisés;

— condamner la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield au paiement d’une indemnité de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

SUR CE:

Sur son appel principal, la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield conteste le jugement frappé d’appel en ce qu’il ne l’aurait pas totalement indemnisée du dommage consécutif à l’incendie survenu le 18 novembre 2009 dans les locaux de la société Transports Achille qui assurait pour son compte le stockage et le transport de marchandises, essentiellement textiles, arrivant au port du Havre avant d’être livrées aux acheteurs, essentiellement des grandes enseignes de la distribution.

Pour leur part, la société Transports Achille ainsi que son assureur MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA venant aux droits de la société Covea Fleet qui ont formé appel incident contestent la responsabilité de la société Transports Achille, de telle sorte qu’il y a lieu d’examiner en premier lieu la question de la responsabilité, étant rappelé que la qualité de dépositaire de la société Transports Achille l’oblige à la fois à conserver la chose mais également à la restituer dans l’état où elle lui a été remise ainsi qu’il résulte des articles 1921 et suivants du code civil.

La société Transports Achille et son assureur MMA IARD SA et MMA IARD Assurances Mutuelles critiquent les dispositions du jugement en ce qu’il fait peser sur elles les conséquences de l’incendie en retenant que la société Transports Achille a ignoré la sécurité de l’installation électrique dans l’entrepôt; qu’elle ne s’est pas préoccupée de savoir si l’installation était conforme aux règles de sécurité et qu’elle n’a pas rapporté la preuve des dispositions prises pour éviter le risque incendie, ce qu’elles contestent.

Il ressort des débats et des pièces que les services de sécurité et d’incendie ont été avisés le 18 novembre 2009 à 18 h 59 d’un début d’incendie dans les locaux exploités par la société Transports Achille situés […], propriété de la SCI Marea.

La propagation rapide du feu est attestée par le capitaine Z, responsable des pompiers qui indique, dans son audition par les services de police, qu’il est personnellement arrivé sur les lieux vers 19h10 et qu’il a constaté dès son arrivée que l’entrepôt était entièrement embrassé, sans qu’il ait pu constater la présence d’un seul ou de plusieurs départs de feu, la rapidité de l’embrassement étant attribuée par

M. Z à la nature des marchandises présentes dans l’entrepôt à savoir des tissus mais surtout des vanneries.

Il ajoute, s’agissant de la présence d’un chariot à gaz à l’entrée du bâtiment, qu’il ne pense pas que celui-ci soit à l’origine du sinistre car il était peu brûlé lors de son arrivée sur les lieux et parfaitement reconnaissable.

Ainsi la cour considère, comme l’ont fait les services de police à l’issue de l’enquête qui a conclu à un incendie de cause indéterminée, que l’on ne peut retenir la responsabilité d’un prestataire extérieur intervenu le jour même du sinistre sur le chariot élévateur pour opérer un changement de flexibles, intervention qui n’a pas nécessité le recours à du matériel thermique ou électrique.

De même, la présence de bouteilles de gaz sur le site ne semble par avoir été déterminante, même si l’explosion de quatre d’entre elles sur une vingtaine a pu ralentir l’intervention des pompiers.

Enfin, la responsabilité d’un salarié de l’entreprise n’est pas plus établie, l’incendie étant survenu après les heures de fermeture de l’entrepôt, le dernier salarié ayant quitté les lieux vers 18h30 et le début de l’incendie ayant été déclaré peu avant 19h, les salariés entendus ayant indiqué que la direction n’autorisait pas à ses salariés de fumer dans les locaux.

Toutefois, il est notable que la propagation du feu a été particulièrement rapide ainsi qu’il ressort notamment de l’audition du responsable des pompiers confirmée par les éléments de

vidéo-surveillance saisis dans le cadre de l’enquête de police, qui démontrent qu’à 18h55mn40s des fumées commencent à s’échapper du toit, plutôt dans la partie sud-ouest de l’entrepôt, à 18h55mn55s les premières flammes commencent à s’échapper du toit coté sud- ouest, à 18h58mn les flammes se développent franchement de la partie sud et à 18h58mn30s la toiture côté nord s’embrasse, l’embrassement total de l’entrepôt étant constaté à 19h03mn, soit avant même l’arrivée des pompiers à 19h07mn.

Or, la société Transports Achille, tenue en qualité de dépositaire d’apporter aux marchandises en dépôt les soins qu’elle apporterait si celles-ci lui appartenaient, ainsi qu’il résulte des dispositions de l’article 1927 du code civil, a la charge de démontrer qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour préserver lesdites marchandises des conséquences d’un incendie.

Sur ce point, il est notable que tant devant l’expert que dans le cadre de la présente instance, la société Transports Achille a fourni la photocopie des différentes factures d’intervention pour la vérification du matériel de lutte contre l’incendie (factures Bosquet Sa) ainsi que la copie d’une facture et la déclaration en date du

8 février 2011 de la société Actif Sécurité relative au système de télésurveillance ainsi libellée: ' Suite à votre demande, nous vous confirmons qu’il n’y pas eu d’intrusion sur votre site en date du 18 novembre 2009, les informations reçues de notre centre de télésurveillancecorrespondent au départ d’incendie'.

Toutefois, la société Transports Achille ne produit pas les conventions passées avec ces sociétés de services, ni de plan de sécurité faisant apparaître l’installation de systèmes de détection de fumées ou de chaleur avec dispositifs de nature à ralentir la progression de l’incendie, la société Bosquet ayant attesté le

7 février 2011 de l’existence d’un simple alarme d’évacuation de type 4 permettant de prévenir la personnel et le public en vue de son évacuation.

Transports Achille ne rapporte pas la preuve dont la charge lui incombe de ce que l’incendie lui serait étranger et de ce qu’elle aurait pris les dispositions suffisantes pour en prévenir la survenance, en limiter la propagation et les conséquences, et ainsi assurer la bonne conservation des marchandises confiées.

Ainsi, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en que le tribunal a jugé la société Transports Achille responsable en application des dispositions des articles 1927 et 1928 du code civil.

***

S’agissant de l’indemnisation des préjudices, la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield fait valoir que le tribunal a pris en compte le montant total du préjudice évalué par l’expert à la somme de 235.576,79 €, dont il a déduit l’intégralité des sommes réglées par le société A Assurances, son assureur, soit la somme de 158.655,43 €, alors que le montant total des états N°2 et 2 bis s’élevait à 101.590,76€ correspondant aux frais de re-fabrication des articles pour 98.651,71€ outre les frais de préparation de livraison pour un montant de 2939,05€ dont il a dores et déjà déduit le prix de revient versé par A, soit la somme de 85.149,28 €.

Ainsi, la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield estime que cette somme ne peut être déduite deux fois et demande que son préjudice non indemnisé soit fixé comme suit:

— évaluation du préjudice par l’expert 235.576,79€

— à déduire le versement reçu de A 158.655,43€

— à ajouter, le montant de la déduction déjà opérée 85.149,28€

RESTE DU 162.070,64€

La société Transports Achille estime que cette présentation est fallacieuse et que la cour ne pourra allouer une somme supérieure à 76.921,36€, soit la différence entre la demande de la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield (235.576,79€) et la sommes versées par Helvatia Assurances (158.655,43€).

Or, il ressort du rapport d’expertise que la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield a fourni un état chiffré de stock sous forme de quatre sous-états:

* l’état N°1 se rapportant à 21.595 pièces de marchandises détruites dont les ventes ont été annulées par les clients qui ont refusé le remplacement

* l’état N°2 se rapportant à 27.429 pièces de marchandises détruites mais remplacées dont le délai d’entreposage était de moins de 60 jours

* l’état 2 bis concernant les même pièces mais dont le prix de revient et de la re-fabrication a été calculé

* l’état N°3 se rapportant à 10.619 pièces concernant des marchandises stockées depuis plus de 60 jours

chacun des états présentant une date d’entrée, ainsi que le détail des marchandises par référence et l’identification du client, outre la facture d’achat et les droits de douanes, de logistique et les factures justificatives.

Ainsi, l’état N°2 et 2 bis portant sur les mêmes marchandises, l’expert a retenu un préjudice global de 101.590,76€ soit 98.651,71€ au titre du coût de re-fabrication et 2939,05€ au titre du coût de livraison, dont il a déduit la somme de 85.149€ au titre du prix de revient total des marchandises d’origine soit 85.149,28 €.

Or, il est constant que la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield a dû régler une première fois le prix de marchandises et une seconde fois le prix de remplacement de telle sorte qu’elle est bien fondée à faire valoir que l’expert ne pouvait déduire du préjudice global le montant correspondant versé par A Assurances.

Ainsi, il y a lieu de dire que le préjudice s’élève à :

* état N°1 116.612,20€

* état N°2 et 2bis 101.590,76€

* état N°3 102.523,11€

SOUS TOTAL 320.726,07€

à déduire sommes revenant à A 158.655,43€

et autres

RESTE DU 162.670,64€

En conséquence, il y a lieu de fixer la créance de la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield à l’encontre de la société Transports Achille à la somme de 162.670,64 € au titre de son préjudice non indemnisé, et de condamner les sociétés MMA IARD Mutuelles et MMA IARD venant aux droits de la société Covea Fleet à garantir la société Transports Achille de ce chef.

Par ailleurs, faisant droit à l’action de la société A et autres assureurs, il y a lieu de fixer leur créance à l’encontre de la société Transports Achille à la somme de 158.655,43€ et de condamner les sociétés MMA IARD Mutuelles et MMA IARD venant aux droits de la société Covea Fleet au paiement de cette somme.

***

Il n’est pas démontré qu’en s’opposant aux demandes d’indemnisation, la société Transports Achille et ses assureurs ont agit de mauvaise foi ou avec l’intention de nuire, de telle sorte qu’il y a lieu de débouter la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield et de ses assureurs partiellement subrogés les sommes qu’ils ont dû exposer tant en première instance qu’en appel qui seront évalués pour la première à la somme de 5000€ et pour les société A et autres au même montant.

Enfin, il y a lieu de dire que la société Transports Achille et les société MMA IARD Mutuelles et MMA IARD venant aux droits de la société Covea Fleet, in solidum, supporteront les dépens de première instance comprenant les frais d’expertise soit la somme de 13.861,64€ ainsi que ceux d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par décision rendue contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Transports Achille ainsi que la garantie solidaire de son assureur, la compagnie Covea Fleet et débouté la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive,

Infirme le jugement entrepris en ce que le tribunal a

— condamné la société Transports Achille à payer à la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield la somme de 76.921,36 €, outre les intérêts à compter du 14 janvier 2013, lesdits intérêts capitalisés par année entière,

— condamné la société Transports Achille à payer aux compagnies d’assurances A et autres la somme de 158.655,43€, outre les intérêts à compter de l’assignation, lesdits intérêts capitalisés par année entière,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et, y ajoutant

Fixe la créance de la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield au passif de la société Transports Achille à la somme de 162.670,64 € au titre de son préjudice non indemnisé ,

Fixe la créance de la société A et autres assureurs au passif de la société Transports Achille à la somme de 158.655,43€ ;

Condamne les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA venant aux droits de la société Covea Fleet à payer aux sociétés A et autres assureurs la somme de 158.655,43€ ;

Déboute la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamne les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SAvenant aux droits de la société Covea Fleet à garantir la société Transports Achille de toutes les sommes mises à sa charge en principal, intérêts, frais et dépens ;

Condamne la société Transports Achille à payer à la société Concept Marketing Trading CMT-Windfield la somme de 5 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Transports Achille et les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA venant aux droits de Covea Fleet in solidum à payer aux sociétés A et autres la somme de 5000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Transports Achille et les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA venant aux droits de Covea Fleet, in solidum, aux entiers dépens de première instance incluant la totalité des frais et honoraires d’expertise judiciaire, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel, dont recouvrement direct par Maître Franck Guenoux, avocat qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l’article 699 code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 21 novembre 2019, n° 17/01586