Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 10 octobre 2019, n° 19/01398

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rouen, ch. de la proximité, 10 oct. 2019, n° 19/01398
Juridiction : Cour d'appel de Rouen
Numéro(s) : 19/01398
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Évreux, JEX, 7 mars 2019, N° 18/01370
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

N° RG 19/01398 – N° Portalis DBV2-V-B7D-IEPF

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE

ARRET DU 10 OCTOBRE 2019

DÉCISION

DÉFÉRÉE :

[…]

Jugement du JUGE DE L’EXECUTION D’EVREUX du 08 Mars 2019

APPELANTS :

Monsieur F Z

[…]

[…]

représenté par Me Sophie CHALLAN-BELVAL, avocat au barreau de ROUEN, postulant

assisté de Me CHAMOZZI, avocat au barreau de PARIS, plaidant

SARL COGEFI

[…]

[…]

représenté par Me Sophie CHALLAN-BELVAL, avocat au barreau de ROUEN, postulant

assisté de Me CHAMOZZI, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIME :

Monsieur N O P O N T U

Né le […] à […]

Elisant domicile au cabinet de Maître Pascal Brueder

[…]

Domicile HRH Q N O P O N T U Palace,

T Hada District – Alwadi Street

[…]

représenté par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN, postulant

assisté de Me Pascal BRUEDER, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 24 Juin 2019 sans opposition des avocats devant Madame DELAHAYE, Conseillère, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEPELTIER-DUREL, Présidente

Madame LABAYE, Conseillère

Madame DELAHAYE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame X,

DEBATS :

A l’audience publique du 24 Juin 2019, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 Octobre 2019

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 Octobre 2019, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEPELTIER-DUREL, Présidente et par Madame X, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Estimant être victime d’une spoliation par la société Cogefi avec la complicité de Me F Z lors de la vente du château Rotschild en 2016, le Q N O P O N T U a saisi le juge des référés sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile aux fins d’obtenir les documents intéressant cette cession.

Par ordonnance rendue le 9 février 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a notamment :

— désigné Me Marie-Josephe Bouvet, huissier de justice associée à Paris, aux fins de se faire remettre, sous astreinte provisoire de 5 000 € par jour de retard, dans un délai de huit jours à compter de la significatíon de la décision et pour une durée de trois mois les documents ou informations suivantes :

— par Me F Z

*l’entier dossier concernant la cession des actions de la sociétéJOGO BV au profit de la société NOVAXIA (offre de la société NOVAXIA, acte de cession, y compris ses annexes, pouvoirs des signataires, liste des personnes ayant participé à l’acte),

*les procès verbaux des décisions de la société GUPPY SA et des bilans des trois dernières années de cette société,

*l’entier dossier concernant les affaires fiscales en France du demandeur, de la société JOGO BV et de la société GUPPY SA (notamment déclaration 2746 pour les cinq dernières années, le cas échéant),

* certificat de dépôt des actions au porteur de la société GUPPY SA,

— par la société Cogefi ou Mme H Y en sa qualité de gérante de cette dernière :

*copie de l’entier dossier concernant la cession des actions de la société JOGO BV au profit de la société NOVAXIA (offre de la société NOVAXIA, acte de cession, y compris ses annexes, pouvoirs des signataires, liste des personnes ayant participé à l’acte),

*copie des procès verbaux des décisions de la société GUPPY SA et des bilans des trois dernières années de cette société,

— dit que l’huissier de justice désigné devrait transmettre au demandeur les documents remis et les informations consignées dans un délai de 3 mois à compter de sa désignation,

— fixé à 5 000 euros le montant de la provision à verser dans les mains de l’huissier de justice désigné, préalablement à sa mission et dans un délai de deux mois à compter de la décision, à peine de caducité de cette dernière,

— condamné M. F Z, la société Cogefi prise en la personne de sa gérante, Mme H Y, aux dépens,

— condamné M. F Z, la société Cogefi prise en la personne de sa gérante, Mme H Y, à payer au Q O S O N T U la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— rappelé que la décision était exécutoire de droit et par provision.

L’ordonnance de référé a été signifiée à Me F Z, à la société Cogefi et à Mme Y le 13 février 2017.

Elle a été confirmée par arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 9 novembre 2018.

Se plaignant de l’inéxécution de l’ordonnance et souhaitant faire liquider l’astreinte ordonnée, le Q O S O N T U a saisi le juge d’exécution du tribunal de grande instance d’Orléans, lequel, par jugement du 20 décembre 2017 s’est déclaré incompétent au bénéfice du juge de l’exécution d’Evreux.

Par jugement du 8 mars 2019, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Evreux a :

— déclaré irrecevable l’action du Q O S O N T U en liquidation d’astreinte en ce qu’elle est formulée à l’égard de Mme Y,

— rejeté l’ensemble des demandes formulées par Me F Z et la société Cogefi,

— condamné Me F Z à payer au Q O S O N T U la somme de 450 000 € au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire fixée par l’ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris du 9 février 2017, pour la période allant du 22 février 2017 au 22 mai 2017,

— condamné la société Cogefi à payer au Q O S O N T U la somme de 450 000 € au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire,

— condamné Me F Z et la société Cogefi à exécuter entièrement les dispositions de l’ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris du 9 février 2017 sous astreinte définitive de 5 000 euros par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification de la décision et ce pour une durée de trois mois,

— condamné Me F Z et la société Cogefi à payer au Q O S O N T U la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Me F Z et la société Cogefi aux dépens,

— rappelé que la décision était assortie de plein droit de l’exécution provisoire.

Par déclaration au greffe du 29 mars 2019, Me Z et la SARL Cogefi ont formé appel de cette décision, critiquant l’ensemble de ses dispositions sauf celle ayant déclaré irrecevable l’action en liquidation d’astreinte formée contre Mme Y.

Par conclusions enregistrées au greffe le 3 mai 2019, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, Me Z demande à la cour de :

— recevoir son appel et le déclarer bien fondé,

— déclarer recevables et bien fondées les exceptions de nullité et de procédure soulevées in limine litis,

— déclarer nulles les conclusions déposées au nom du Q N O P O N T U au regard de son décès ou de son absence,

— écarter le document dactylographié émis par le soi disant Docteur I J K,

— subsidiairement sur le sursis à statuer et les mesures d’instruction nécessaires, ordonner la comparution personnelle du Q N O P O N T U à une prochaine audience et surseoir à statuer dans l’attente des résultats de cette comparution,

— faire délivrer une commission rogatoire aux autorités diplomatiques ou consulaires françaises à Ryad afin qu’elles procèdent à l’audition et à la convocation du Q N O P O N T U, avec pour mission de vérifier son identité, s’assurer de son état de santé, de son domicile et lui demander s’il a donné son accord à la présente procédure, avec l’aide en tant que de besoin de tout sapiteur de leur choix, utile au bon déroulement de cette mesure d’instruction,

— surseoir à statuer dans l’attente du résultat de ladite commission rogatoire,

— surseoir à statuer dans l’attente de la procédure pénale en cours,

— à titre infiniment subsidiaire, sur le rejet des demandes de liquidation des astreintes dire qu’il justifie de causes étrangères justifiant la suppression de l’astreinte devenue définitive,

— dire qu’il justifie d’un motif légitime tiré de la nécessaire protection du secret professionnel qui lui a été opposé par la société Guppy SA,

— déclarer sans objet l’astreinte devenue définitive, la mettre à néant, et à défaut, au regard de son caractère manifestement excessif et disproportionné, la réduire à une somme qui ne saurait être supérieure à 5 euros par jour,

— condamner le Q N O P O N T U à payer à Me F Z la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner le Q N O P O N T U aux dépens.

Par conclusions enregistrées au greffe le 3 mai 2019, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la société Cogefi demande à la cour de :

— recevoir son appel et le déclarer bien fondé,

— déclarer recevables et bien fondées les exceptions de nullité et de procédure soulevées in limine litis,

— déclarer nulles les conclusions déposées au nom du Q N O P O N T U au regard de son décès ou de son absence,

— écarter le document dactylographié émis par le soi disant Docteur I J K,

— subsidiairement sur le sursis à statuer et les mesures d’instruction nécessaires, ordonner la comparution personnelle du Q N O P O N T U à une audience et surseoir à statuer dans l’attente des résultats de cette comparution,

— faire délivrer une commission rogatoire aux autorités diplomatiques ou consulaires françaises à Ryad afin qu’elles procèdent à l’auditíon et à la convocation du Q N O P O N T U, avec pour mission de vérifier son identité, s’assurer de son état de santé, de son domicile et lui demander s’il a donné son accord à la présente procédure, avec l’aide en tant que de besoin de tout sapiteur de leur choix, utile au bon déroulement de cette mesure d’instruction,

— surseoir à statuer dans l’attente du résultat de ladite commission rogatoire,

— surseoir à statuer dans l’attente de la procédure pénale en cours,

— à titre infiniment subsidiaire sur le rejet des demandes de liquidation des astreintes, dire que la société Cogefi justifie de causes étrangères justifiant la suppression de l’astreinte devenue définitive,

— déclarer sans objet l’astreinte devenue définitive, la mettre à néant, et à défaut, au regard de son caractère manifestement excessif et disproportionné, la réduire à une somme qui ne saurait être supérieure à 5 euros par jour,

— condamner le Q N O P O N T U à payer à la société Cogefi la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner le Q N O P O N T U aux dépens.

Par conclusions enregistrées au greffe le 29 mai 2019, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, le Q N O P O N T U demande à la cour de :

— débouter les appelants de leurs demandes,

— confirmer le jugement entrepris,

— condamner chacun des appelants à lui payer la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner solidairement les défendeurs aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés pour ceux la concernant par la SELARL Gray & Scolan conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Attendu que les appelants soutiennent que l’intimé est décédé le 5 novembre 2017, ce qui conduit à la nullité des conclusions prises en son nom, aux motifs, d’une part, qu’ aucun acte juridique ne peut être accompli au nom d’une personne décédée et, d’autre part, que le mandat de l’avocat de l’intimé a cessé par son décès ;

Que l’intimé conteste ce décès qui est une fausse nouvelle, qui a été démentie par les autorités saoudiennes ;

Attendu que les appelants produisent aux débats des copies d’extraits de sites étrangers datés des 6 et 7 novembre 2017 indiquant que la cour royale saoudienne a annoncé le mort du Q Abdul Aziz O S, 'au cours d’une fusillade contre les forces de sécurité qui tentaient de l’appréhender' ;

Que cependant, il est également produit d’autres extraits de sites internet (pièce n°14) par les appelants eux-mêmes faisant état que 'suite à la propagation rapide de la nouvelle du décès du Q, certains sites saoudiens ont nié sa mort', qu’un autre site d’information (pièce n°16) indique le 8 novembre 2017 que 'la nouvelle de la mort du Q saoudien Abdul Aziz ben P T U reste non confirmée par aucune source officielle saoudienne jusqu’à présent' ;

Que les appelants versent aux débats plusieurs autres extraits de sites internet rédigés en langue arabe dont ni l’origine ni le contenu n’ont fait l’objet d’une traduction, que l’attestation de Me Nedjari, avocate au barreau de Paris résumant l’ensemble de ces extraits 'en raison de sa parfaite maîtrise de la langue arabe', ne peut remplacer une telle traduction, son attestation contenant des analyses personnelles, notamment lorsqu’elle indique que le démenti du décès par les autorités saoudiennes est apparu peu crédible ;

Qu’effectivement, l’agence France Presse le 7 novembre 2017 a indiqué que l’Arabie Saoudite a fermement démenti les rumeurs selon lesquelles le Q aurait été tué, rapportant une déclaration du porte-parole du ministère de l’information ;

Qu’ainsi, les appelants ne versent aux débats aucun document officiel attestant du décès du Q ;

Qu’en outre, l’intimé produit aux débats un certificat médical du 13 mars 2018 du docteur L J M, médecin personnel du Q qui indique que le Q est en bonne santé à cette date ;

Que cette pièce ne peut être écartée des débats comme le soutiennent les appelants au seul motif que ce document ne comporte pas les exigences de l’article 202 du code de procédure civile, alors même que ce document est un certificat médical et non une attestation, étant rappelé que les modes de preuve ne se limitent pas aux attestations, et qu’en tout état de cause les formalités de l’article 202 précité ne sont pas prescrites à peine de nullité ;

Que les appelants critiquent la force probante de ce document en indiquant que ce médecin signataire n’existe pas, sans produire cependant d’éléments sérieux pour l’établir puisqu’ils se contentent de deux recherches internet avec des noms proches ;

Que l’intimé produit également une nouvelle procuration notariée du 31 mars 2019 confirmant le pouvoir donné par le Q à ses avocats dont Me Pierre Brueder, document légalisé par l’ambassade de France à Ryad le 24 avril 2019 et non utilement contredit ;

Que la nullité causée par le décès du Q invoquée par les appelants et dont ils ont la charge de la preuve n’est donc pas établie ;

Attendu que la nullité fondée sur l’absence du Q et de son impossibilité de manifester sa volonté n’est pas davantage caractérisée ;

Qu’en effet d’une part les éléments développés ci-avant, en particulier le certificat médical et la procuration, démontrent que le Q est vivant et en bonne santé ;

Que d’autre part les appelants ne produisent aucun élément ou pièce de nature à établir que le Q serait hors d’état de manifester sa volonté ; qu’ils se fondent pour l’essentiel sur le fait que le Q n’est plus présent sur les réseaux sociaux et sur l’instabilité de la situation intérieure du pays ; que pour autant, les extraits du compte twitter produits, non traduits, peu exploitables et concernant une période d’août à septembre (l’année n’est d’ailleurs pas indiquée) ne sont nullement probants pas plus que la situation instable du pays faute d’autres éléments concrets ; qu’enfin, le fait pour le Q de n’avoir pas retiré une lettre recommandée en janvier 2018 est également totalement insuffisant pour établir une absence durable et une impossibilité de manifester sa volonté, d’autant que la photocopie indiquant les motifs de l’absence de remise de la lettre est totalement illisible ;

Que dès lors, il convient par confirmation du jugement de débouter les appelants de leur demande de nullité des conclusions déposées au nom du Q N O P O N T U ;

Attendu que la demande de comparution personnelle du Q devant la cour n’est pas justifiée faute pour les appelants de produire des éléments ou pièces de nature à caractériser un probable décès ou une absence de l’intéressé, eu égard aux motifs retenus ci-avant ;

Attendu enfin que la demande tendant à faire délivrer une commission rogatoire aux autorités diplomatiques ou consulaires 'aux fins de recueillir tous éléments sur la situation actuelle du Q’ n’est pas, pour les mêmes motifs, davantage justifiée, étant en outre précisé que les mesures d’instruction ne sont pas destinées à suppléer la carence des parties dans l’administration de la preuve ;

Que la demande de sursis à statuer sera donc par confirmation du jugement rejetée ;

Attendu que selon l’article L.131-4 du code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter, ce dont il résulte que ce comportement doit s’apprécier à compter du prononcé de la décision fixant l’injonction ; que l’astreinte peut être supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère ;

Qu’il convient également de rappeler que selon l’article R.121-1 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution ne peut modifier le dispositif de la décision qui sert de fondement aux poursuites ;

Attendu qu’en l’espèce, il résulte du procès verbal de carence et de difficulté du 13 février au 16 juin

2017 dressé par Me Bouvert, huissier de justice à Paris, que celle-ci a fait délivrer à Me Z et à la société Cogefi un commandement d’avoir à remettre les documents visés par l’ordonnance de référé pour le 27 février 2017 à 15 heures en son étude ;

Que Me Z a, par l’intermédiaire de son conseil, Me Benaissi, répondu à l’huissier par un courriel du 27 février 2017 que son client 'ne détient aucunement les documents que vous demandez. Les documents que vous sollicitez sont la propriété exclusive de sociétés tierces dont la société Guppy SA; le rendez vous que vous avez fixé n’a donc pas d’objet'; qu’il a été remis à l’huissier un courrier du 30 novembre 2016 de Me Elvinger, avocat au Luxembourg, aux termes duquel il confirme que les documents sociaux en rapport avec Guppy doivent être détenus au siège de celle-ci;

Que la société Cogefi a fait répondre à l’huissier par l’intermédiaire de l’avocat de Mme Y, que cette dernière 'ne détient aucun des actes demandés, qui relèvent exclusivement de la vie sociale de la société Guppy SA dont le siège social est au Luxembourg. Ainsi, ni Mme A en sa qualité de gérante ni donc la société Cogefi qu’elle représente ne sont en mesure de vous fournir des documents sociaux qui sont au siège social d’une société tierce, Guppy SA située au Luxembourg' ;

Que le courrier du 30 novembre 2016 de Me Elvinger était également joint à cet envoi ;

Qu’il résulte de ce procès verbal que Me Z et la société Cogefi n’ont pas exécuté les obligations mises à leur charge par l’ordonnance de référé, ce qu’ils ne contestent pas, soutenant tous deux l’existence d’une cause étrangère les empêchant d’exécuter cette décision ;

- Sur les obligations communes à Me Z et la société Cogefi :

Attendu en ce qui concerne le dossier de cession des actions de la société JOGO BV au profit de la société Novaxia, qu’ils font valoir qu’ils ne peuvent être en possession de ce dossier puisqu’ils ne sont pas le rédacteur de l’acte de cession, lequel a été rédigé par deux notaires, Me B et Me Casteran ;

Que l’intimé fait valoir qu’en réalité deux actes de cession ont été rédigés le même jour, l’un en France, l’autre à Amsterdam ; que Me Z a négocié la cession des actions au bénéfice de la société JOGO BV, que la société Cogefi, administrateur et seule représentante de la société Guppy SA est nécessairement intervenue à l’acte de cession ;

Que les appelants produisent une attestation du 25 novembre 2016 de la SCP Casteran-Cenac et Hosana aux termes de laquelle un acte de cession de parts et transfert de créance a été réalisé par la société Guppy SA au profit de la société Novaxia Finance portant sur l’ensemble des parts de la société JOGO BV, représentant l’ensemble du capital social de cette société, que cette cession a été reçue par Me B, notaire à Amsterdam, dans un acte authentique du 1er mars 2016 ;

Que toutefois cette attestation mentionne également : 'étant précisé que préalablement à l’acte de cession de parts et de créance sus-visé, les parties ont régularisé le 1er mars 2016 en présence de la société JOGO BV, le protocole de cession de parts et créance rédigé en français et soumis à la loi française'; qu’elle indique également que la cession de parts reçue par Me B est intervenue moyennant un prix d’un montant de 1€, précisant que dans l’hypothèse où le cessionnaire obtiendrait avant le 31 décembre 2019 un permis de construire de 7500 m2, le cessionnaire paierait au cédant un prix de 2 500 € par m2 pour chaque mètre carré au dessus de 7 500 M2 et plafonné à 10 000 000 € ; qu’elle indique enfin qu’aux termes de cet acte, la créance a été cédée pour un prix de 9 334 214 € payable en trois échéances, 'la première échéance d’un montant d’un million d’euros a été payée et quittancée aux termes de l’acte de cession de parts et de créance sus-visé et séquestré sur un compte séparé détenu par Me F Z avec ING Bank et portant le numéro (…)' ;

Que ce document établit ainsi la rédaction de deux actes de cession de parts, la participation de Me

Z à cette opération et celle de la société Cogefi qui était à l’époque administrateur de la société Guppy SA ;

Que les appelants tentent en réalité devant la cour de remettre en cause les dispositions de l’ordonnance de référé desquelles il résulte d’une part que Me Z est l’un des principaux instigateurs de la cession des titres de la société JOGO BV, d’autre part que la société Cogefi en sa qualité de gérante de la société Guppy et la gérante de la société Cogefi en cette qualité ont nécessairement été associées à la cession de titres (page 8 de l’ordonnance) ; que toutefois, une telle demande excède en application de l’article R.121-1 précité les pouvoirs de la cour statuant comme juge d’appel du juge de l’exécution ;

Qu’en outre et en tout état de cause, la circonstance que Me Z n’est pas le rédacteur de l’acte authentique de la cession signée à Amsterdam le 1er mars 2016 ne peut s’analyser comme une cause étrangère faisant obstacle à l’exécution de l’ordonnance de référé, puisqu’elle est antérieure à l’ordonnance précitée ;

Attendu, en ce qui concerne la remise des procès verbaux de décision de la société Guppy SA et de ses bilans des trois dernières années, que les appelants font état du refus de la société Guppy, société de droit luxembourgeois qui a son siège social à Luxembourg, ces documents devant être conservés au siège social de la société ;

Attendu toutefois que la société Guppy SA a été absorbée par la société Cogefi par une décision devenue définitive le 30 octobre 2017, si bien que la société Cogefi, seule actionnaire de la société Guppy s’est vu attribuer le patrimoine de cette dernière avec l’ensemble de ses documents et archives ;

Que la société Cogefi ne peut donc invoquer une cause étrangère l’empêchant d’exécuter l’ordonnance de référé, que de même, étant tenue d’exécuter cette remise de documents, elle ne peut opposer un refus à Me Z, et celui-ci ne peut en tout en état de cause s’en prévaloir ;

- Sur les obligations concernant Me Z seul :

Attendu, en ce qui concerne la remise de l’entier dossier concernant les affaires fiscales en France du demandeur, de la société JOGO BV et de la société GUPPY SA ( notamment déclaration 2746 pour les cinq dernières années, le cas échéant), que Me Z soutient qu’il ne détient aucun dossier fiscal du Q, n’ayant jamais effectué une mission fiscale pour son compte, la procuration signée par le Q à ce titre en 2015 n’ayant été suivie d’aucun contrat de mission, que le Q a d’ailleurs un avocat en charge de son dossier fiscal et ne détient également aucun document fiscal pour les compte des sociétés JOGO BV et GUPPY SA ;

Attendu qu’il résulte de l’ordonnance de référé que Me Z a été l’avocat du Q mais aussi de la société JOGO BV et Cogefi, que ses dénégations ne visent qu’à remettre en cause la décision fixant les obligations assorties de l’astreinte, ce qui n’est pas du pouvoir de la cour dans le cadre de la présente instance ;

Qu’il produit une attestation de Me C, avocat au barreau des Hauts de Seine, du 21 mars 2018 qui indique effectivement être l’avocat fiscaliste du Q depuis le mois de mai 2016; que toutefois, il fait également état d’une rencontre avec Me Z, avocat du Q auquel il succédait, qui lui a confirmé avoir déposé des déclarations n°2746 pour le compte de deux sociétés propriétaires du château de Boulogne ; que Me C précise également avoir eu confirmation d’une inspectrice à la direction nationale des vérifications des situations fiscales que 'Me Z avait déposé des déclarations n°2746 pour les années 2007 à 2015", et avoir pu constater que 'les déclarations renseignées, signées et déposées par Me Z au nom de la société Guppy SA pour 2007 à 2014 et pour Jogo BV en 2015 mentionnaient que le Q N O S O N T U était seul actionnaire de ces sociétés' ;

Que dès lors, cette attestation conforte que Me Z a bien été jusqu’en mai 2016, l’avocat fiscaliste du Q N O S O N T U et des deux sociétés Jogo BV et Guppy SA, contrairement à ce qu’il soutient, et qu’il a à ce titre pendant plusieurs années déposé les déclarations n°2746, et qu’il ne peut donc utilement justifier la cause étrangère qu’il invoque pour se soustraire à l’exécution de son obligation ;

Attendu, en ce qui concerne la remise du certificat de dépôt des actions au porteur de la société GUPPY, que Me Z indique qu’il ne peut remettre ce certificat qui n’existe pas dans le droit luxembourgeois et qui est en outre contraire à la décision du tribunal du Luxembourg le 13 février 2018 qui a constaté l’annulation des actions au porteur de la société Guppy SA ;

Que ces éléments sont en réalité une remise en cause du titre exécutoire qui s’impose au juge de l’exécution, puisque la cour d’appel de Paris dans son arrêt confirmatif de l’ordonnance de référé a estimé établi que le Q était le propriétaire à l’origine des actions au porteur de la société Guppy SA dont Me Z était en toute connaissance de cause le dépositaire ; que la cour a également estimé qu’elle n’était pas liée par la décision du juge des référés du tribunal de Luxembourg du 13 février 2018 qui a statué sur un autre fondement lié au droit des sociétés luxembourgeoises;

Que par ailleurs et en tout état de cause la disposition précitée de la loi luxembourgeoise sur les sociétés commerciales (article 42 alinéa 3 de la loi du 10 août 1915) prévoit que 'à la demande écrite de l’actionnaire au porteur, un certificat constatant toutes les inscriptions le concernant lui est délivré par le dépositaire' ;

Que Me Z ne justifie donc d’aucune cause étrangère l’empêchant d’exécuter cette obligation ;

Attendu que Me Z oppose également un empêchement légitime fondé sur le secret professionnel et la décision rendue le 13 février 2018 par le tribunal de Luxembourg ;

Que l’incidence de cette décision a déjà été pris en compte par le juge ayant fixé les obligations assorties de l’astreinte litigieuse ;

Que concernant le secret professionnel, il convient de relever que Me Z, avocat du Q N O S O N T U et des deux sociétés Jogo BV et Guppy SA, ne peut opposer le secret professionnel d’avocat à ses clients ; que par ailleurs, comme le souligne justement le premier juge pour écarter l’argument relatif à l’interdiction de communiquer les documents opposée à Me Z par la société Cogefi par les courriers des 4 décembre 2017 et 8 mars 2018, une partie ne peut interdire à une autre d’exécuter une obligation imposée par un même titre exécutoire les condamnant toutes les deux ;

Attendu que les appelants invoquent également l’existence d’une procédure pénale au cours de laquelle la société Novaxia a communiqué au Q bon nombre des documents que ce dernier réclame aujourd’hui ;

Qu’ils ne produisent toutefois aucun élément ou pièce de nature à établir que l’intimé aurait eu accès à certains des documents dans le cadre d’une procédure pénale ;

Attendu que Me Z estime que son état de santé l’empêche d’exécuter l’obligation de production des documents ;

Qu’en l’occurrence, il produit aux débats un certificat médical du docteur D du 21 septembre 2018 aux termes duquel il est atteint « de la maladie de parkinson rendant impossible une activité intellectuelle soutenue, et empêchant la marche et les déplacements en les rendant très douloureux et très difficiles » ; que ce même médecin, dans un certificat du 25 octobre 2018, précise que ' l’affaiblissement de ses facultés intellectuelles résultant de la maladie de parkinson ne le met pas en mesure de se défendre sur le plan de la justice » ;

Qu’il convient d’observer que ce diagnostic est postérieur à l’ordonnance de référé du 9 février 2017 mettant à la charge de Me Z les obligations assorties d’une astreinte ;

Que dès lors, ces éléments sont sans incidence sur la liquidation de l’astreinte provisoire intervenue du 22 février 2017 au 22 mai 2017 ; que si Me Z produit un certificat médical du Dr E en date du 19 juillet 2016 qui indique notamment que Me Z présente un symptôme d’apnée du sommeil nécessitant des examens complémentaires, ce seul élément est insuffisant pour considérer qu’il a pu empêcher Me Z d’exécuter les obligations mises à sa charge le 9 février 2017 ;

Attendu en définitive qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que ni Me Z ni la société Cogéfi ne caractérisent l’existence de difficultés d’exécution justifiant la réduction de l’astreinte provisoire ou de causes étrangères justifiant la suppression ou la réduction de cette astreinte provisoire ;

Que les appelants estiment par ailleurs qu’une astreinte de 5000 € par jour correspond à une peine manifestement disproportionnée au sens de l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et à une sanction contraire au droit à un procès équitable au sens de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme ;

Que toutefois, l’astreinte, qui a pour finalité de contraindre la personne qui s’y refuse à exécuter les obligations qu’une décision juridictionnelle lui a imposées et d’assurer le respect du droit à cette exécution, ne saurait être regardée comme une peine ou une sanction au sens de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

Que par ailleurs, les appelants ne disent pas en quoi le prononcé de cette astreinte serait contraire au droit à un procès équitable tel que garanti par l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, étant rappelé que l’astreinte est une sanction de nature civile ;

Attendu que l’ordonnance de référé assortie de l’exécution provisoire a été signifiée le 13 février 2017 à Me Z et à la société Cogefi ; que l’astreinte de 5 000 € par jour courait à compter du 22 février 2017 pour une durée de 3 mois, soit jusqu’au 22 mai 2017 ;

Que dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a liquidé à l’astreinte à la somme de 450 000 € sur la base de 5000 € par jour, et ce pour chacun des débiteurs des obligations assorties de l’astreinte ;

Attendu que l’article L.131-1 alinéa 2 du code des procédures civiles et d’exécution dispose que « le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité » ;

Qu’en l’occurrence, Me Z et la société Cogefi n’ont pas exécuté les condamnations mises à leur charge, qu’aucune circonstance ou cause étrangère ne justifie cette inexécution ;

Qu’en particulier l’état de santé de Me Z tel que décrit par les certificats médicaux de 2018 n’est pas susceptible de faire obstacle à l’exécution des obligations imparties qui sont uniquement des obligations de remise de documents qu’il peut parfaitement remettre à l’huissier par l’intermédiaire de son avocat ;

Qu’il est donc nécessaire pour permettre l’exécution des obligations fixées par l’ordonnance de référé, l’astreinte provisoire dont elles étaient assorties étant manifestement insuffisante, d’assortir les obligations imparties par l’ordonnance de référé à Me Z et à la société Cogefi d’une astreinte définitive de 5 000 € par jour pendant un délai de trois mois ;

Que la contestation des appelants de l’incompatibilité du montant de cette astreinte avec l’article 8 de la DDHC et l’article 6 de la CEDH sera rejetée pour les mêmes motifs visés ci-avant ayant conduit au rejet de la contestation du montant de l’astreinte provisoire ;

Que le jugement sera ainsi confirmé quant à l’astreinte définitive prononcée et ses modalités, sauf à préciser que le délai de 8 jours à l’expiration duquel l’astreinte définitive commencera à courir, débutera le jour de la signification du présent arrêt ;

Attendu que les autres dispositions du jugement non critiquées en cause d’appel seront confirmées, y compris celles relatives aux dépens et indemnités de procédure ;

Qu’en cause d’appel, les appelants qui perdent le procès seront condamnés aux dépens d’appel et déboutés de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ; qu’il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de l’intimé les frais irrépétibles qu’il s’est vu contraint d’exposer devant la cour ; que chacun des appelants devra lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Dit n’y avoir lieu à écarter le certificat du Docteur I J K en date du 13 mars 2018,

Confirme le jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Evreux le 8 mars 2019 sauf sur l’une des modalités de l’astreinte définitive ordonnée,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit que le délai de 8 jours à l’expiration duquel l’astreinte définitive commencera à courir, débutera le jour de la signification du présent arrêt,

Condamne Me F Z et la société Cogefi à payer chacun au Q N O P O N T U la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Me F Z et la société Cogefi aux dépens d’appel dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 10 octobre 2019, n° 19/01398