Cour d'appel de Toulouse, 15 septembre 2015, n° 15/00743

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 15 sept. 2015, n° 15/00743
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 15/00743
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 26 février 2014, N° 13/02115

Sur les parties

Texte intégral

15/09/2015

ARRÊT N°15/743

N° RG: 14/01833

XXX

Décision déférée du 27 Février 2014 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE ( 13/02115)

M. AK AL

L A épouse Y

C/

X, E F veuve A

REFORMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 2

***

ARRÊT DU QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE

***

APPELANTE

Madame L A épouse Y

XXX

XXX

Représentée par Me Arlette FOULON CHATEAU, avocat au barreau de TOULOUSE

Assistée de Me Aniss HACENE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Madame X, E F veuve A

XXX

XXX

Représentée par Me Z-Paul BOUCHE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mai 2015, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. ROUGER, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

E. AJ, président

C. ROUGER, conseiller

S. DEL ARCO SALCEDO, conseiller

Greffier, lors des débats : M. B

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par E. AJ, président, et par M. B, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

X F et N A ont contracté mariage le XXX sans contrat préalable.

Une enfant est issue de leur union, L A, née le XXX.

Par jugement du 10 mars 1977 le tribunal de grande instance de Toulouse a prononcé la séparation de corps entre les époux à leurs torts partagés.

Par acte du 4 juillet 1978 N A a acquis une maison d’habitation sise à XXX XXX cadastrée section XXX et 64. Puis, par acte du 23 octobre 1991, il a acquis à Toulouse Croix Daurade une parcelle de terre enclavée cadastrée section XXX.

Suite à une ordonnance de non conciliation du 8 décembre 2008, X F a assigné N A en divorce devant le tribunal de grande instance de Toulouse par acte du 16 mars 2009.

Par jugement du 15 février 2011 le tribunal de grande instance de Toulouse a prononcé le divorce entre les époux. X F a interjeté appel de ce jugement le 18 avril 2011.

Par acte du 12 avril 2011 N A a fait donation à sa fille L A épouse Y d’une maison d’habitation avec jardin attenant, ensemble sis à XXX XXX, cadastré préfixe XXX sous les XXX et 173 pour une contenance respective de 7a 81 ca et 3a 18 ca, la parcelle BE 257 provenant de la division d’une parcelle plus grande originairement cadastrée BE XXX pour une superficie de 10 a 93 ca dont le surplus, après division, restait appartenir au donateur cadastré XXX pour une superficie de XXX

N A est décédé le XXX à Saint Z (31) sans disposition testamentaire.

Par ordonnance du 5 octobre 2011 le magistrat de la mise en état de la 1re chambre section 2 de la cour d’appel a constaté l’extinction de l’instance d’appel en divorce pendante devant la cour.

Selon acte notarié du 24 avril 2012 X F en qualité de veuve non remariée a déclaré opter pour le quart en toute propriété des biens dépendant de la succession de N A en application des dispositions de l’article 757 du code civil.

Après tentative infructueuse de Maître P Q, notaire associé à XXX de procéder aux opérations d’ouverture de la succession du défunt, par acte du 30 mai 2013 X F a assigné L A épouse Y devant le tribunal de grande instance de Toulouse en partage, sollicitant avant dire droit une mesure d’expertise pour procéder à l’évaluation des immeubles sis XXX et XXX

Par jugement du 27 février 2014 le tribunal de grande instance de Toulouse a :

— dit que X F n’a pas perdu sa qualité d’héritière d’N V A, son mari séparé de corps, et dit que par l’effet de l’option prise elle a vocation à recevoir le quart en pleine propriété de l’actif net de la succession de ce dernier,

— ordonné le partage de l’indivision existant entre X F veuve A et L A à la suite du décès survenu le XXX à Saint Z (31) d’N V A né le XXX à XXX,

— dit que L Y doit rapporter à la masse à partager la valeur du bien qui lui a été donné par son père en avancement d’hoirie le 12 avril 2011 par M° G,

— désigné le président de la chambre départementale des notaires ou son délégataire qui sauf accord contraire des copartageants ne pourra être le notaire d’une des parties pour procéder aux opérations de compte et liquidation sous la surveillance d’un vice-président du tribunal,

— donné d’ores et déjà divers mandats au notaire dévolutaire,

— dit que les dépens entreront en frais privilégiés de partage avec distraction au profit des avocats de la cause,

— avant dire droit sur la mesure d’expertise sollicitée, ordonné une comparution personnelle des parties,

— réservé les dépens pour le surplus.

Dans des conditions de forme et de délai non contestées, L A épouse Y a interjeté appel général de cette décision.

Vu les dernières écritures notifiées le 1er juillet 2014 par L A épouse Y, appelante, selon lesquelles elle demande à la cour de :

— déclarer recevable et bien fondé son appel du jugement du 27 février 2014,

— dire que cet appel a eu pour effet de suspendre la procédure devant le tribunal et qu’il n’appartenait pas au premier juge de demander à l’expert judiciaire Monsieur R S de commencer les opérations d’expertise,

— avant dire droit sur les opérations de compte liquidation partage, vu le jugement de séparation de corps du 10mars 1977 entraînant toujours séparation de biens en vertu de l’article 302 du code civil,

— dire que X F n’est pas habile à se dire et porter héritière de N A concernant la maison à usage d’habitation avec garage et parcelle de terre enclavée sise XXX, domicile personnel et bien propre du de cujus pour l’avoir acquis avec des deniers personnels le 4 juillet 1978 après le jugement de séparation de corps entraînant séparation de biens et réformer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que X F n’avait pas perdu sa qualité d’héritière d’N A sur ce bien,

— dans l’hypothèse où X F n’aurait pas perdu sa vocation héréditaire dans la succession de N A, vu les articles 757 et 758-5 du code civil,

— dire qu’un conjoint survivant qui n’est pas héritier réservataire ne peut, quels que soient les termes de la donation du 12 avril 2011, exercer ses droits en usufruit ou en pleine propriété que sur les biens dont le prédécédé n’aura pas disposé de son vivant excluant par là même les biens donnés,

— en conséquence, réformant le jugement entrepris, juger que X F ne peut bénéficier du rapport de la donation pour la maison d’habitation avec jardin attenant sise XXX à Toulouse constituant le domicile personnel de L Y, et par là même solliciter que sa valeur soit réintégrée à l’actif successoral du donateur,

— subsidiairement, dans l’hypothèse où X F serait déclarée recevable en sa demande de rapport, vu les circonstances particulières de l’espèce, juger que N A ne pouvait avoir consenti à L Y sa fille unique, héritière réservataire qu’une donation avec dispense de rapport à la succession et réformer le jugement en ce qu’il a dit que Mme Y devait rapporter à la succession la valeur de la maison à usage d’habitation avec jardin attenant située XXX

— débouter X F de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires,

— sauf à la cour à évoquer le litige, renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance pour l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de N A,

— faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour un montant de 2.500 €,

— laisser les dépens de première instance et d’appel à la charge de X F avec distraction au profit de son avocat constitué en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières écritures notifiées le 27 août 2014 par X F, intimée, selon lesquelles elle sollicite la confirmation du jugement entrepris et, y ajoutant, que la cour renvoie les parties devant le tribunal de grande instance et condamne L Y aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à lui payer la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de clôture intervenue le 28 avril 2015,

La cour , pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, faisant expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE, LA COUR :

1°/ Sur l’effet dévolutif de l’appel

L’appel tendant à la réformation du jugement entrepris, en l’absence d’exécution provisoire, a un effet suspensif sur tous les points du litige tranchés par le premier juge.

En l’espèce, le jugement entrepris n’a pas ordonné d’expertise, ordonnant, avant dire droit sur ce point, une comparution personnelle des parties.

La cour ne peut donc statuer sur la saisine d’un expert par le premier juge qui relève d’une décision ultérieure qui n’a pas été soumise à son examen.

2°/ Sur la qualité de successible de X F et l’étendue des droits sur la masse successorale

a) Sur la qualité de successible

Selon les dispositions de l’article 301 du code civil , en cas de décès de l’un des époux séparés de corps, l’autre époux conserve les droits que la loi accorde au conjoint survivant.

En application des dispositions de l’article 731 du code civil la succession est dévolue par la loi aux parents et au conjoint successible du défunt dans les conditions définies par les textes subséquents.

Selon l’article 732 du code civil dans sa rédaction modifiée par la loi 2006-728 du 23 juin 2006 applicable au présent litige au regard de la date de l’ouverture de la succession de N A décédé le XXX, est conjoint successible le conjoint survivant non divorcé.

En l’espèce, le divorce de N A et X F n’était pas prononcé par une décision ayant acquis force de chose jugée au jour de l’ouverture de la succession de N A en l’état de l’appel diligenté par X F à l’encontre du jugement du 15 février 2011, la cour ayant rendu une décision d’extinction d’instance des suites du décès de N A survenu en cours d’instance d’appel.

Les époux n’étaient dés lors, à la date du décès de N A, que séparés de corps, cette circonstance ne privant pas le conjoint survivant, au vu des dispositions susvisées, de sa qualité de successible.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a dit que X F n’a pas perdu sa qualité d’héritière d’N A son mari séparé de corps.

Pour information, il sera rappelé à l’appelante que le texte de l’article 732 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi de 2006 ne privait le conjoint survivant de ses droits de successible que lorsqu’une séparation de corps avait été prononcée contre lui, ce qui désignait une séparation de corps prononcée pour rupture de la vie commune à la demande du survivant ou une séparation prononcée pour faute à ses torts exclusifs. Tel n’était pas le cas en l’espèce, le jugement de séparation de corps du 10 mars 1977 ayant été prononcé aux torts partagés. En conséquence, quelle que soit la législation applicable, X F, non divorcée à la date du décès de son mari, ne pouvait être privée de sa qualité de successible.

b) Sur l’étendue des droits du conjoint successible et la masse successorale

En application des dispositions de l’article 756 du code civil, le conjoint successible est appelé à la succession soit seul, soit en concours avec les parents du défunt.

Selon les dispositions de l’article 757 du même code, si l’époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux.

En l’espèce, N A a laissé pour lui succéder son épouse, séparée de corps, X F, et la fille unique issue de leur union, L A épouse Y.

En application de l’article 757 susvisé X F a opté par devant M° P Q, notaire associé à XXX selon acte du 24 avril 2012, pour le quart en toute propriété des biens dépendant de la succession.

Entrent dans la masse successorale active, en application de l’article 825 du code civil, tous les biens dont le défunt était propriétaire au jour de son décès, dont, en l’espèce, l’immeuble sis XXX, peu important que ce bien ait été acquis par le défunt après le jugement de séparation de corps entraînant séparation de biens et que dans le cadre du régime matrimonial ayant pu lier les époux il ait la qualification de bien propre. La liquidation d’une succession répond à des règles spécifiques, distinctes d’une liquidation d’un régime matrimonial.

L’alinéa 1er de l’article 758-5 du même code énonce par ailleurs que le calcul du droit en toute propriété du conjoint prévu aux articles 757 et 757-1 du code civil est opéré sur une masse faite, notamment, de tous les biens existant au décès de son époux.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a dit que par l’effet de l’option prise par X F celle-ci avait vocation à recevoir le quart en pleine propriété de l’actif net de la succession de N A, l’appelante devant être déboutée de sa demande tendant à voir exclure de la vocation successorale de X F telle qu’elle résulte de l’option exercée l’immeuble du XXX qui appartenait en propre au défunt au jour de son décès.

Compte tenu de cette situation et de l’état d’indivision en résultant entre les parties sur l’actif successoral, le jugement a justement ordonné le partage et doit être confirmé sur ce point tout autant que sur la désignation du notaire dévolutaire à laquelle il a procédé.

3°/ Sur la donation du 12 avril 2011 et son incidence sur les modalités de calcul des droits du conjoint survivant et la masse d’exercice de ces droits

Par acte notarié du 12 avril 2011 N A a fait donation à sa fille H A épouse Y d’une maison à usage d’habitation avec jardin attenant sise à XXX et 173. L’acte notarié précise expressément en page 3 que cette donation est faite par le donateur en avancement de part successorale et que les parties précisent qu’elles n’entendent apporter aucune dérogation aux règles légales relatives au rapport à faire par le donataire à raison de la présente donation conformément à l’article 860 alinéas 1 et 2 du code civil.

H A épouse Y est donc mal fondée à soutenir qu’il s’agirait d’une donation avec dispense de rapport et le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a dit qu’il s’agissait d’une donation rapportable à la succession par la donataire.

Il en résulte, en application des dispositions de l’article 758-5 alinéa 1er susvisé, que le calcul mathématique du droit en toute propriété de X F doit s’opérer sur la masse de tous les biens existant au décès de N A auxquels seront réunis fictivement ceux dont il a disposé notamment par acte entre vifs au profit de successibles sans dispense de rapport. La donation en avancement d’hoirie ayant bénéficié à H A épouse Y doit donc être fictivement réunie aux biens existants au jour du décès de N A pour le calcul du droit en toute propriété de X F. Mais il ne s’agit ici que d’un calcul théorique du maximum auquel peut prétendre le conjoint survivant.

En revanche, la masse d’exercice effectif des droits ainsi évalués, se limite, en application des dispositions de l’article 758-5 alinéa 2 du même code, aux biens dont le prédécédé n’aura disposé ni par acte entre vifs, ni par acte testamentaire, quelle que soit la nature de la libéralité (rapportable ou non) et toujours dans le respect de la réserve héréditaire dont bénéficie H A épouse Y.

Il convient donc d’ajouter ces précisions au jugement entrepris afin d’éviter toute difficulté d’interprétation ultérieure devant le notaire dévolutaire devant lequel les parties doivent être renvoyées pour l’établissement des comptes de liquidation et partage de la succession de N A sous réserve de toute mesure d’instruction éventuellement en cours.

La cour ayant statué sur toutes les questions litigieuses soumises à sa dévolution des suites de l’appel , il n’y a pas lieu à évocation.

4°/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le premier juge a justement dit que les dépens de première instance afférents aux difficultés tranchées seraient employés en frais privilégiés de partage.

Succombant en appel, H A épouse Y supportera les dépens d’appel et se trouve redevable d’une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

Dit que pour le calcul mathématique du droit en toute propriété de X F la donation en avancement d’hoirie ayant bénéficié à H A épouse Y doit être fictivement réunie à tous les biens existants dans le patrimoine du défunt au jour du décès de N A, le résultat constituant la limite supérieure que ne doit pas dépasser la valeur des biens successoraux à attribuer en propriété au conjoint survivant

Dit qu’en revanche, la masse d’exercice effectif des droits ainsi évalués, se limite aux biens dont N A n’aura disposé ni par acte entre vifs, ni par acte testamentaire, quelle que soit la nature de la libéralité (rapportable ou non), et dans le respect de la réserve héréditaire dont bénéficie H A épouse Y

Renvoie les parties devant le notaire commis pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de N A sous réserve de toute mesure d’instruction éventuellement en cours

Condamne H A épouse Y à payer à X F une indemnité de 2.500 euros au titre de la procédure d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Rejette le surplus des demandes

Condamne H A épouse Y aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. B E. AJ .

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