Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 5 septembre 2017, n° 15/04810

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 1re ch. sect. 2, 5 sept. 2017, n° 15/04810
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 15/04810
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Toulouse, 8 septembre 2015, N° 14/24265
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

05/09/2017

ARRÊT N° 17/563

N°RG: 15/04810

MFM/CR

Décision déférée du 09 Septembre 2015 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 14/24265

J-L ESTEBE

Z F

C/

Y F

B F

C F

A F épouse X

REFORMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 2

***

ARRÊT DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT

***

APPELANTE

Madame Z F

73 rue C Rameau

[…]

Représentée par Me Anne RIVES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Monsieur Y F

[…]

[…]

Représenté par Me Serge TERRACOL LAJEUNE, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur B F

[…]

[…]

Représenté par Me Serge TERRACOL LAJEUNE, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur C F

[…]

[…]

Représenté par Me Serge TERRACOL LAJEUNE, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame A F épouse X

[…]

[…]

Représentée par Me Serge TERRACOL LAJEUNE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 30 Mai 2017 en audience publique, devant la Cour composée de :

P. POIREL, président

C. ROUGER, conseiller

C. DUCHAC, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : D. FOLTYN

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par C.ROUGER, pour le président empêché, et par D. FOLTYN, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

De sa première union avec P Q, dont il a divorcé, R F, né le […], a eu cinq enfants :

— Y, né le […]

— Z, née le […]

— A, née le […]

— B, né le […]

— C, né le […]

De sa seconde union avec S T, cette dernière étant décédée en décembre 1992, il n’a eu aucun enfant.

R F est décédé à Toulouse le 13 février 2013 en l’état d’un testament olographe du 29 juin 2010 instituant sa fille Z comme légataire universelle.

Cette dernière a par ailleurs été bénéficiaire selon acte du 26 mai 1997 d’une donation entre vifs de la part de son père, en avancement d’hoirie, portant sur la nue-propriété d’une maison d’habitation située commune de […] 73 rue C Rameau.

Par acte du 6 janvier 2014, Y, A, B et C F ont assigné leur s’ur Z F devant le tribunal de grande instance de Toulouse sur le fondement de l’article 815 du code civil en partage de la succession de R F, sollicitant la désignation de Me U H en tant que notaire liquidateur et la désignation d’un juge commissaire au partage, et préalablement aux opérations de compte et pour y parvenir, aux fins de voir désigner un expert afin de donner un avis sur la valeur du bien immobilier donné en avancement d’hoirie à Z F, déterminer le montant des sommes reçues par Z F venant de son père, déterminer la réserve héréditaire et la quotité disponible afin d’envisager éventuellement la réduction des libéralités excessives.

Par jugement du 9 septembre 2015 le tribunal de grande instance de Toulouse a :

— ordonné le partage de la succession de R F

— désigné Maître AA AB-AC, notaire à Toulouse, pour y procéder sous la surveillance du chef de service du pôle familial du tribunal

— donné d’ores et déjà divers mandats au notaire commis

— dit que le notaire financera ses investigations sur les fonds existants et, à défaut, que les parties lui verseront directement les provisions et les émoluments dus pour son travail

— évalué à 255.000 euros la maison de […]

— dit que les sommes données par R F à Z F de 2004 à la fin de l’année 2008 ont été recelées par elle sauf la somme de 30.000 euros reçue en 2005

— dit que les seules sommes reçues de R F par Z F à la suite du virement permanent mis en place en juin 2011 doivent être considérées comme un acte onéreux

— dit que les autres sommes données par R F à Z F constituent une libéralité qui doit s’imputer sur la quotité disponible

— dit que les sommes de 15.300 euros et de 20.650 euros données par R F à G V doivent être réintégrées dans la quotité disponible d’Z F

— dit que les sommes de 21.500 euros et de 2.400 euros données par R F à D de E doivent être réintégrées dans la quotité disponible d’Z F

— dit que les sommes de 21.500 euros et 2.400 euros données par R F à M de E doivent être réintégrées dans la quotité disponible d’Z F

— rejeté la demande d’expertise

— condamné Z F à payer la somme totale de 1.000 euros de dommages et intérêts aux demandeurs

— condamné Z F à leur payer en outre la somme totale de 4.000 euros au titre des frais de défense

— rejeté la demande d’Z F relative au recel successoral invoqué à l’encontre de ses frères et s’ur

— dit n’y avoir lieu dés à présent de statuer sur les autres demandes

— condamné Z F aux dépens avec autorisation de recouvrement par les avocats de la cause de dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

Dans des conditions de forme et de délai non contestées Z F a interjeté appel général de cette décision le 8 octobre 2015.

Vu les dernières écritures notifiées le 19 mai 2017 par Z F, appelante, selon lesquelles elle sollicite la réformation du jugement entrepris, demandant à la cour de :

— déclarer irrecevable l’assignation en partage signifiée le 6 janvier 2014 à la requête des consorts F

— dire cette action infondée pour ne pas relever des cas visés par l’article 840 du code civil

— subsidiairement au cas où cette action serait jugée recevable,

— ordonner l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de R F

— confirmer la désignation de Me AA AB-AC, notaire à Toulouse

— la confirmer également en ce qu’elle a jugé prématurée une mesure d’expertise

— la confirmer en outre en ce qu’elle a retenu une valeur de 255.000 euros pour la maison de Biscarosse

— la réformer pour le surplus

— dire qu’elle ne s’est pas rendue coupable de recel successoral

— dire que les dons manuels reçus par elle s’élèvent, outre le don manuel enregistré de 2005 pour un montant de 30.000 euros, pour la période de 2003 à 2009 à la somme totale de 120.837 euros, le surplus constituant la contrepartie de l’exécution de soins qu’elle a assumée seule à l’égard de son père

— condamner les consorts F en application des articles 778 et 1356 du code civil eu égard au recel successoral qu’ils ont commis en ce qui concerne le mobilier meublant le domicile du de cujus dont il conviendra par ailleurs d’ordonner la réintégration en valeur dans l’actif successoral à hauteur de 31.506 euros

— dire que les sommes versées par R F à sa petite fille G devront être imputées par le notaire sur la quotité disponible ces donations n’étant pas rapportables à la succession, à l’exclusion de celles affectées par les consorts F aux arrières petites filles du de cujus

— « condamner aux entiers dépens de l’instance »,

Vu les dernières écritures notifiées le 7 mars 2016 par Y, A, B et C F, intimés, selon lesquelles ils sollicitent,

— à titre principal, la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, sollicitent que la cour condamne Z F au paiement d’une somme de 5.000 € sur la base de l’article 1382 du code civil en réparation du préjudice subi par eux du fait de sa résistance abusive, ainsi qu’une somme de 5.000 € sur la base de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens qui comprendront les frais occasionnés par les recherches bancaires sur justificatifs

— subsidiairement, que la cour ordonne la production par le Crédit Agricole de la copie du verso du chèque d’un montant de 15.000 € établi le 13 juin 2007 par R F au nom de Madame F,

Vu l’ordonnance de clôture intervenue le 29 mai 2017,

La cour , pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, faisant expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions notifiées par les parties,

SUR CE, LA COUR,

1°/ Sur la recevabilité de l’action en partage

Selon les dispositions de l’article 1360 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient le descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

En l’espèce, l’assignation du 6 janvier 2014 précise le nombre d’héritiers, l’existence et la teneur du testament olographe du défunt, les biens dépendant de la succession (biens immobiliers de Beaumont de Lomagne, avoirs bancaires et terres agricoles situées à F 82500) ainsi que leur valeur estimée, l’existence de la donation en avancement d’hoirie ayant bénéficié à Z F ainsi que la fourchette des estimations qui en ont été établies en mars 2013 entre 240.000 et 280.000 € sans pouvoir en déterminer le prix exact, l’existence d’un contrat d’assurance vie sur lequel le défunt aurait versé après son 70e anniversaire un montant de primes de 120.489 € dont la bénéficiaire était Z F et dont les demandeurs estimaient que le montant constituait pratiquement la totalité des avoirs financiers du défunt.

Elle précise aussi que les requérants ont pu avoir en leur possession certains relevés bancaires de leur père ayant révélé de nombreux dons, chèques ou virements effectués au profit de leur s’ur Z F, la reconnaissance par cette dernière de la perception de certains dons manuels sans en donner le montant total, la délivrance d’une lettre recommandée avec accusé de réception du 28 septembre 2013 par laquelle les requérants sollicitaient que Z F établisse la déclaration des dons qu’elle a reçus, lettre qui serait restée sans effet, l’attestation de Maître H, notaire mandaté par les requérants, du

30 septembre 2013, relevant que compte tenu des différents intervenus entre les héritiers il ne lui était pas possible de régler la succession et notamment de déterminer la quote-part dévolue à chacun des ayants-droits.

Elle décrit une situation de blocage les contraignant à solliciter le partage.

Dans ces conditions, l’assignation délivrée à Z F satisfait aux prescriptions de l’article 1360 susvisé en précisant l’état de l’actif successoral, les démarches entreprises pour parvenir à la liquidation de la succession, l’impossibilité de déterminer la quote-part devant revenir à chacun des ayants droits en l’absence de déclaration par Z F du montant total des dons reçus de son père, et il ne peut être reproché, comme le fait l’appelante à ses cohéritiers, de n’avoir pas précisé dans l’assignation leurs intentions quant à la répartition des biens, dés lors qu’il ne pouvait être envisagé de répartition d’actif sans la détermination préalable de la quotité disponible et des droits à réserve héréditaire, assiette nécessaire à la détermination des droits à attribution de chacun des copartageants. .

Au regard de ces éléments, et, ajoutant au jugement entrepris, la fin de non recevoir soulevée de ce chef par Z F doit être rejetée et l’action en partage déclarée recevable.

2°/ Sur le bien fondé de l’action en partage

Selon les dispositions de l’article 815 du code civil nul ne peut être contraint de rester dans l’indivision.

L’assignation en partage a été délivrée pratiquement un an après le décès de R F, sans qu’à cette date les cohéritiers n’aient trouvé un accord pour procéder à la liquidation et au partage de la succession.

Il résulte des pièces produites au débat que, le 24 juillet 2013, le conseil de Z F, mandaté par cette dernière pour représenter ses intérêts dans la succession de son père, répondant à Me H, notaire mandaté par les consorts F lequel sollicitait l’établissement d’un écrit au titre des dons manuels que Z F aurait perçus du vivant de son père, indiquait que sa cliente effectuait des recherches compliquées d’une part par le fait qu’Z F avait assuré un suivi quasi-quotidien auprès de son père pendant les vingt dernières années de sa vie et avait été amenée à effectuer divers achats pour son compte ayant pu faire l’objet de remboursements ultérieurs, d’autre part par le fait qu’elle n’était pas en possession des documents bancaires de son père qui auraient pu lui permettre de procéder à des recoupements.

Par ailleurs, la demande des cohéritiers du 28 septembre 2013 par laquelle ils sollicitaient la déclaration des dons reçus, seul élément manquant pour clôturer la succession, n’a reçu réponse que le

4 décembre 2013 selon courrier adressé par le conseil de Z F, par lequel cette dernière estimait que les sommes qu’elle admettait avoir reçues entre 2009 et 2013 ne relevaient pas selon elle de la qualification de dons manuels puisqu’elle soutenait qu’elles représentaient la contrepartie de l’obligation de soins incombant aux descendants qu’elle aurait exécutée seule, n’admettant n’avoir perçu à titre de don manuel qu’un montant total de 30.000 € sur cette période outre le don manuel de 30.000 € enregistré le 31 mars 2005 et précisant que sa cliente continuait ses recherches pour les années antérieures.

A la date de l’assignation et conformément aux mentions portées dans ladite assignation, les copartageants, malgré l’intervention d’un notaire ayant établi l’attestation d’hérédité et l’attestation immobilière, celle d’un avocat mandaté par Z F pour assurer la défense de ses intérêts, et les échanges intervenus quant à la déclaration de dons, toutes démarches qui témoignent des tentatives pour aboutir à un accord amiable, n’avaient donc pas trouvé d’accord sur la liquidation et le partage, l’absence d’accord sur les dons manuels reçus effectivement par Z F, objets du présent litige, empêchant toute détermination de la quotité disponible devant revenir à Z F ainsi que des droits à réserve de chacun des enfants du de cujus.

Au regard des dispositions de l’article 840 du code civil, en l’espèce, le litige portant sur la détermination de l’étendue des dons manuels perçus du défunt par Z F, point sur lequel les parties n’ont pas trouvé d’accord, et donc sur le calcul de la quotité disponible pouvant revenir à Z F en exécution des dispositions testamentaires du défunt et sur les droits à réserve de chaque cohéritier, il y a bien contestation sur la manière de procéder au partage ou de le terminer et impossibilité de partage amiable.

Dans ces conditions, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a ordonné le partage judiciaire de la succession de R F.

Les dispositions du jugement entrepris quant à la désignation du notaire liquidateur, du juge commis pour surveiller les opérations, des mandats donnés au notaire et quant aux modalités de règlement de la rémunération de ce dernier ne faisant l’objet d’aucune contestation ne peuvent qu’être confirmées. Il en va de même de la disposition relative à l’évaluation de l’immeuble donné en avancement d’hoirie à Z F.

3°/ Sur les dons manuels perçus par Z F

Les consorts F, demandeurs à l’instance en partage, soutiennent que Z F a perçu de son père entre 2003 et 2013 une somme totale de 220.495 € en chèques et virements, dont 30.000 € de don déclaré, en sus de 46.000 € retirés en espèces. Ils estiment que les sommes perçues entre 2003 et 2013 devront être rapportées à la succession.

Pour ce faire, ils s’appuient sur les relevés de comptes du défunt, des souches de chèques et certains relevés de comptes fournis par l’appelante, établissant en pièce 18 bis un tableau faisant ressortir selon eux depuis le compte chèque du défunt des chèques encaissés par Z F de 2003 à 2013 représentant un total de 171.945 €, des virements enregistrés sur la même période représentant un total de 31.050 € et, depuis le livret A du défunt, des virements de novembre 2010 à juillet 2012 représentant un total de 17.500 €. Les retraits d’espèces imputés à Z F sont quant à eux inventoriés sur un tableau produit en pièce 18 par les intimés.

Sur ces montants Z F estime que doivent être exclus tous les retraits en espèces dont elle conteste être l’auteur, les sommes réglées par chèques ou virements par le défunt à ses petites filles ou à des tiers, les chèques pour lesquels les demandeurs n’ont produit que le talon et non la copie de la formule de chèque correspondante ainsi que le chèque de 15.000 € du 15 juin 2007 qu’elle conteste avoir encaissé.

Ainsi, outre le don enregistré de 30.000 € de 2005, elle n’admet, sur la période 2003 à 2008, avoir perçu de son père seulement une somme de 90.837 €.

Pour la période 2009 à 2013 elle n’admet avoir reçu à titre de dons manuels qu’une somme de 30.000 € sur les 58.800 € qui auraient été recensés, soutenant que pour le surplus les sommes remises mensuellement par son père par chèques ou virements étaient la contrepartie de l’obligation de soins qu’elle a seule exécutée.

Au total elle admet donc, outre le don de 30.000 € enregistré, un montant total de dons manuels de 120.837 €.

Les retraits d’espèces réalisés sur le compte du défunt, même si Z F bénéficiait d’une procuration, dont ni l’auteur, ni le bénéficiaire ne peuvent être identifiés ne peuvent être considérés comme ayant bénéficié à Z F et ce d’autant moins que même si cette dernière ne conteste pas avoir reçu une procuration sur le compte les écritures des parties permettent d’établir que R F était totalement autonome jusqu’à fin 2010. Aucune libéralité ne sera donc retenue à ce titre.

Sur l’année 2003 sont admis par Z F le versement par chèque de 3050 € du 16 décembre 2003 et les virements du 27 mai et du 2 octobre 2003, pour un total de 5.284 €. Elle conteste en revanche avoir été bénéficiaire du chèque de 1.500 € du 20 janvier 2003 qu’elle estime avoir bénéficié à un tiers, M. I, produisant la copie en pièce 37. Il ressort de l’examen de cette pièce que la copie du chèque produite au nom de M. J est un chèque du 22 novembre 2006

(chèque n° 7537470), comptabilisé au profit de Z F par les intimés pour l’année 2006. Pour l’année 2003 seules sont comptabilisées par les intimés les sommes de 3050 € admise par l’appelante, et 5.287 €. Au vu des relevés de comptes du défunt produits en pièce 15 par les intimés, le virement du 27 mai 2003 au profit de Z F ressort à 2.286,74 €. Le virement du 2 octobre 2003 pour 3.000 € n’est quant à lui pas contesté.

En conséquence pour l’année 2003 il doit être retenu que Z F a perçu la somme totale de 8.336,74 € (3050+2286,74+3000).

Pour l’année 2004, Z F admet avoir perçu 39.000 € (35.000 € par chèques et 4.000 € par virement). Elle soutient qu’une somme de 4.800 € a été perçue par sa fille G. Les intimés lui imputent quant à eux 40.362 € par chèques et 4.000 € par virements.

Contrairement à ce que soutient l’appelante, les intimés, dans la liste des chèques lui ayant bénéficié pour 2004 (pièce 18bis), n’ont inclus aucun chèque à l’ordre de G. Tous les chèques comptabilisés sont émis au nom de W. Certaines copies de ces chèques sont produites, l’ordre étant clairement lisible. Pour ceux dont la copie n’est pas produite, les souches de chèques sont produites, mentionnant W comme bénéficiaire, ou pour le chèque de 862 € n°7537377 du 10 décembre, « Leclerc Voyages.billets E.U ». Or il ressort des pièces produites que le défunt mentionnait habituellement sur chacune des souches de ses chèques l’identité du bénéficiaire et qu’il rayait ces souches après débit. Le fait que la copie de tous les chèques n’ait pu être obtenue n’enlève rien à la présomption résultant de cette habitude non démentie du tireur. En outre Z F ne conteste pas l’affirmation des intimés selon laquelle elle a effectué un voyage aux Etats Unis. Le bénéfice du chèque établi à l’ordre de Leclerc Voyage doit dés lors lui être imputé.

En conséquence, pour l’année 2004, doit être retenue comme lui ayant bénéficié à titre de dons manuels, à défaut de toute cause onéreuse justifiant la remise des fonds, la somme de 40.362 € par chèques et celle de 4.000 € par virement, soit 44.362 € au total.

Pour l’année 2005, outre le don déclaré de 30.000 €, les intimés imputent comme dons ayant bénéficié à leur s’ur une somme totale de 5.926 € au travers de quatre chèques (3756, 520, 650 et 1.000 €). Sur ces montants, l’appelante ne reconnaît que le don déclaré de 30.000 € du

29 mars et impute 1650 € à sa fille G. Le chèque de 3756€ débité sur le compte du défunt le 8 juin 2005 est produit en copie. Il est à l’ordre de Château d’Ax, magasin de meubles. La souche du chéquier mentionne « Canapé ». Aucun élément ne permet d’imputer cet achat au bénéfice de Z F et le don invoqué n’est pas établi. La souche du chèque de 520 € imputée par les intimés à Z F n’est pas produite, ni une copie du chèque. Aucun élément ne permet d’imputer cette somme au bénéfice de Z F. La souche du chèque de 650 € du 27 août 2005 mentionne « W, G. Frais voiture ». Aucun élément ne permet d’imputer cette dépense à une libéralité au profit de Z F. Le chèque de 1.000 € du 19 décembre 2005 mentionne sur la souche « G. G et FB ». Aucun élément ne permet de caractériser que cette dépense ait constitué une libéralité au profit d’Z F.

En conséquence, au titre de l’année 2005, seule la somme de 30.000 € doit être retenue comme ayant bénéficié à titre de libéralité à Z F, libéralité dûment enregistrée.

Pour l’année 2006, Z F n’admet aucun don manuel à son profit tandis que les intimés lui imputent divers dons manuels par chèques représentant un total de 4.500 €.

Il ressort du relevé de compte et des souches de chèques produites au débat, que le 26 mai 2006 R F a établi un chèque

n° 7537443 de 2.000 €, débité sur son compte le 1er juin avec la mention portée sur la souche du chèque « W ». Compte tenu de la pratique habituelle du défunt de toujours préciser sur les souches l’identité du bénéficiaire, cette mention établit une présomption de ce que ce chèque a effectivement bénéficié à Z F. Cette dernière n’apportant aucun élément contraire, ses relevés de comptes n’étant que très partiellement produits pour partie de l’année 2007, et en l’absence de toute cause onéreuse établie à l’égard de ce règlement, ce versement sera retenu à titre de libéralité. Il en sera de même pour le chèque de 500 € du

2 octobre 2006, débité le 4 octobre, dont la souche mentionne « W, voyage Madrid ».

En revanche le chèque de 1 .500 € du 22 novembre 2006 dont la copie est produite étant à l’ordre de Maurice Rigehesso, en l’absence de tout élément permettant de le rattacher à une dépense dans l’intérêt de Z F, aucune libéralité ne peut être retenue à ce titre.

Enfin, le chèque de 500 € n° 7537480 émis le 24 décembre 2006 étant mentionné sur la souche comme bénéficiant à G, aucune libéralité ne peut être imputée au profit de Z F à ce titre.

En conséquence, pour l’année 2006 seule une somme de 2.500 € doit être retenue comme ayant bénéficié à Z F à titre de libéralité.

Pour l’année 2007, les intimés imputent à Z F le bénéfice d’une somme totale de 45.000 € à titre de libéralité. Cette dernière n’admet que la somme de 30.000 € créditée effectivement à son compte Banque Courtois le 27 novembre 2007. Il ressort des pièces produites par les intimés que le 15 juin 2007 a été débité du compte de R F un chèque n° 7537501 d’un montant de 15.000 €. La copie de ce chèque versée au débat établit qu’il a été émis le 13 juin 2007 par R F, le bénéficiaire étant « Mme F ». La souche de ce chèque est aussi produite avec la mention « W rachat de Sofinco ». Ces éléments caractérisent des présomptions précises et concordantes que ce chèque a bénéficié à Z F. Ces présomptions sont renforcées par le fait que le 14 juin 2007 Z F a déposé, d’une part sur son compte de dépôt Caisse d’Epargne un chèque de 11.500 €, et d’autre part sur son compte livret A ouvert à la Caisse d’Epargne, un chèque de 3.500 €, soit le lendemain de l’émission du chèque de 15.000 € exactement la somme totale de 15.000 €. La circonstance que la traçabilité précise du chèque de 15.000€ émis à son ordre ne puisse plus aujourd’hui être reconstituée n’est pas de nature à renverser les présomptions ci-dessus établissant qu’elle en a bien été bénéficiaire à titre de libéralité, ce chèque ayant pu transiter par un autre compte. L’importance de ce versement sans contrepartie onéreuse justifiée établit son caractère libéral.

En conséquence, pour l’année 2007, il doit être retenu que Z F a bénéficié à titre de dons manuels de la part de son père d’une somme totale de 45.000 €.

Pour l’année 2008 les intimés imputent à Z F le bénéfice d’une somme totale de 18.500 € à titre de dons manuels correspondant au total de cinq chèques. Celle-ci n’admet qu’une somme de 13.500 €, invoquant des dons de 4.500 € au profit de G.

Les pièces produites au débat par les intimés établissent que :

— un premier chèque de 3.500 € a été émis par le défunt au profit de Madame F le 5 mars 2008 débité le 7 mars (copie du chèque et souche de chéquier produites)

— un deuxième chèque,de 5000 € a été émis par le défunt le 5 mars 2008 au bénéfice de Madame F, débité le 7 mars (copie du chèque et souche de chéquier produites

— un chèque de 1000 € a été émis le 15 avril 2008, débité le 23 avril, la souche du chèque mentionnant « W »

— un chèque de 2.000 € a été émis le 23 mai 2008 par le défunt, débité le 28 mai, la souche du chèque mentionnant « W prêt »

— enfin le 10 décembre 2008 a été émis par le défunt un chèque de 5.000 € mentionnant comme bénéficiaire Mme F W, chèque débité le

15 décembre 2008

Ces éléments caractérisent des présomptions précises et concordantes des remises de ces sommes à Z F. Cette dernière n’allègue pas qu’elle ait remboursé quoique que ce soit à son père à la date de son décès survenu cinq ans plus tard en 2013. A défaut de justification de toute cause permettant d’établir le caractère onéreux de ces remises , ces remises ne peuvent relever que d’une intention libérale du défunt.

En conséquence, il doit être retenu que pour l’année 2008 Z F a perçu de son père la somme totale de 16.500 € à titre de dons manuels.

Pour l’année 2009 les intimés imputent au bénéficie de Z F à titre de dons manuels de son père une somme de 1500 € versée en deux chèques et un virement de 10.000 €.

Il résulte des pièces produites par les intimés qu’un chèque de 500 € a été émis par R F le 27 décembre 2008, débité le 7 janvier 2009, la souche du chèque portant la mention « W ». Puis le 10 février 2009 R F a procédé à un virement de 10.000 € au profit de Z F. Z F a donc perçu en 2009 une somme totale de 10.500 €.

Pour l’année 2010 le défunt a établi :

— un chèque de 1.000 € à l’ordre de Z F le 6 janvier 2010, débité le 7 janvier (copie du chèque produite)

— un chèque 3.000 € le 16 janvier 2010 à l’ordre de Mme F, débité le 18 janvier 2010 (copie du chèque produite)

— un chèque de 3.000 € le 13 février 2010 à l’ordre de Z F, débité le 15 février 2010

— un chèque de 2.000 € le 19 mars 2010 à l’ordre de Mme F W, débité le 22 mars (copie du chèque produite)

— un chèque de 700 € le 10 mai 2010, débité le 11 mai, la souche du chèque portant la mention « W »

— un chèque de 1.000 € le 5 juin 2010 à l’ordre de Mme F W, débité le 7 juin (copie du chèque produite

— un chèque de 1.000 € le 27 juin 2010 à l’ordre de Mme W F, débité le 30 juin (copie du chèque produite)

— un chèque de 3.000 € le 6 septembre 2010 à l’ordre de Mme F W, débité le 9 septembre (copie du chèque produite)

— un chèque de 2000 € le 19 octobre 2010 à l’ordre de Mme F, débité le 20 octobre (copie du chèque produite)

Il n’est en revanche pas justifié d’un chèque de 557 €. Il est en outre justifié d’un virement de 3000 € ayant bénéficié à Z F depuis le livret A de son père.

Le montant total des sommes versées à Z F par son père sur l’année 2010 ressort donc à 19.700 €.

Pour l’année 2011 les pièces produites par les intimés établissent que R F a établi :

— un chèque de 500 € à l’ordre de W F le 9 février 2011, débité le jour même (copie du chèque produite)

— un chèque de 500 € le 9 mars 2011 à l’ordre de Z F, débité le 10 mars (copie du chèque produite)

— un chèque de 500 € le 1er mai 2011 à l’ordre de F W, débité le 4 mai (copie du chèque produite)

— un chèque de 500 € le 17 septembre 2011 à l’ordre de F Z, débité le 19 septembre 2011 (copie du chèque produite)

— un chèque de 1.000 € le 12 octobre 2011 à l’ordre de F W, débité le jour même (copie du chèque produite)

— un chèque de 500 € le 2 novembre 2011 à l’ordre de Z F, débité le 3 novembre (copie du chèque produite)

— un chèque de 1500 € le 23 novembre 2011 à l’ordre de Z F, débité le jour même.

Les relevés de compte produits établissent en outre qu’à compter de mi-juin 2011 le de cujus avait mis en place au profit de sa fille Z F à partir de son compte de dépôt un virement mensuel permanent de 500 € et qu’un virement complémentaire de 500€ a été opéré au profit de Z F le 10 novembre 2011.

Il est aussi justifié depuis le compte livret A du de cujus de deux virements au profit de Z F représentant un total de 1.500 €.

Ainsi pour l’année 2011 Z F a perçu de son père 5.000 € en chèques et 5.500 € en virements, soit 10.500 € au total.

Pour l’année 2012 les pièces produites établissent que R F a établi :

— un chèque de 2000 € à l’ordre de Z F, le 23 octobre 2012, débité le 23 octobre (copie du chèque produite)

— un chèque de 500 € à l’ordre de F Z le 27 décembre 2012, débité le 3 janvier 2013 (copie du chèque produite)

Il est aussi établi que le 4 janvier 2012 Z F, qui disposait d’un procuration sur le compte de son père a établi à l’ordre d’une boutique de vêtements Toucan un chèque de 530 €. L’intérêt du mandant dans cette opération n’étant pas justifié, il ne peut qu’être considéré que Z F a effectué l’achat pour son compte.

Il n’est pas justifié d’autres chèques ayant profité à Z F sur l’année 2012.

Par ailleurs les relevés de comptes produits établissent l’existence de virements au profit de Z F depuis le compte de dépôt du défunt représentant un total de 7363 € et depuis le livret A du défunt un total de 13.000 €.

Pour l’année 2012 Z F a donc perçu de son père la somme totale de 22.863 €.

Pour l’année 2013 les pièces produites établissent deux virements de 200 euros chacun depuis le compte de dépôt du défunt en janvier et février 2013. La somme totale perçue du défunt pour 2013 par Z F ressort donc à 400 €.

Ainsi au total, de 2009 à 2013 Z F a perçu les sommes suivantes :

-10.500 € en 2009

-19.700 € en 2010

-10.500 € en 2011

-22.863 € en 2012

-400 € en 2013 soit un total de 63.963 € et non de 58.800 € comme elle le soutient dans ses écritures.

Sur les montants perçus de 2009 à 2013 Z F n’admet à titre de libéralité qu’une somme totale de 30.000 € soutenant que pour le surplus les sommes que sont père lui remettait mensuellement, par chèques ou virements, étaient la contrepartie de l’obligation de soins qu’elle a seule exécutée.

Il n’est pas contesté que R F est resté proche de sa fille tandis que les rapports avec ses autres enfants s’étaient distendus depuis de très nombreuses années.

Cette situation, si elle peut motiver l’intention libérale, ne peut suffire à justifier le caractère rémunératoire des libéralités consenties.

Les pièces médicales produites au débat établissent qu’au moins depuis novembre 2010 R F était suivi sur le plan cardiologique et angeiologique et selon le docteur K, lequel a établi un certificat le 22 octobre 2014, R F était non autonome depuis de nombreuses années et était amené par sa fille qui habitait Toulouse aux différents examens qui avaient lieu tous les six mois. Ce médecin précise que le patient était connu du cabinet depuis 2003 et plus régulièrement suivi depuis 2006. Le docteur L, médecin traitant de R F atteste quant à lui avoir eu des contacts très réguliers avec sa fille Z qui l’accompagnait souvent aux consultations, qui faisait en sorte d’être au domicile de son père lorsque les visites se déroulaient à domicile, et qui accompagnait son père lors des consultations spécialisées sur Toulouse nécessitées par une néoplasie.

Dans ses écritures (page 13) Z F admet que «  comme les demandeurs l’ont longuement conclu en première instance (pièce 31) leur père était en pleine possession de ses moyens jusqu’à sa chute fin 2011 et passait plusieurs mois par an à Biscarrosse, donc hors la présence de la concluante ». Il est admis par les intimés que R F avait une totale indépendance jusqu’à la fin de l’année 2010 et qu’en 2011, suite à une chute, il a été recueilli par Z F au domicile de cette dernière puis qu’il a été admis en maison de retraite en décembre 2011.

De ces éléments il ne peut que se déduire que R F était autonome jusqu’à fin 2010. Jusqu’à cette date, le fait que Z F ait assuré son suivi médical depuis au moins 2006 en l’accompagnant à ses rendez-vous, lui ait rendu régulièrement visite depuis son veuvage en 1992, lui ait fait quelques courses et éventuellement se soit ponctuellement occupée de son linge ou du ménage alors qu’il est admis par ailleurs d’une part, qu’il résidait plusieurs mois en période estivale à Biscarosse loin de sa fille, et d’autre part, qu’il disposait d’une femme de ménage lorsqu’il résidait dans sa maison de Beaumont de Lomagne, ne peut en soi suffire à justifier une rémunération particulière, ces diligences relevant de la piété filiale sans excès, Z F ayant par ailleurs été largement gratifiée par son père tant par la donation en avancement d’hoirie dont elle a bénéficié de son vivant qu’en sa qualité d’unique bénéficiaire du contrat d’assurance vie et de légataire universelle.

En revanche, à partir de l’année 2011 l’investissement de Z F est devenu plus important en raison de la perte d’autonomie de son père suite à une chute, de la prise en charge de ce dernier à son domicile sur plusieurs mois de l’année 2011 et de l’accompagnement de sa fin de vie, R F étant décédé en 2013 à l’âge de 90 ans.

Ainsi, c’est par une juste appréciation des faits de l’espèce que le premier juge, retenant que R F disposait d’un revenu de 2.800 € par mois, a estimé que les virements mis en place à compter de juin 2011 à hauteur de 500 euros par mois, ramenés à 200 € à compter de son placement en maison de retraite, soit à compter de mars 2012, devaient être considérés comme la contrepartie financière des services que sa fille lui rendait, disposition non critiquée par les intimés. Il doit en être de même des trois versements mensuels par chèques de 500 € chacun, effectués avant la mise en place du virement permanent, de février à mai 2011, époque à laquelle Z F avait manifestement pris en charge son père à son domicile après sa chute de fin 2010.

En conséquence, sur la somme totale de 63.963 € perçue par Z F entre 2009 et 2013, seule une somme de 8.400 € [(12x500)+12x200] peut être considérée comme une libéralité rémunératoire, le surplus, soit la somme de 55.563 €, caractérisant des fonds issus de dons manuels rapportables à défaut de tout caractère onéreux des remises.

Dés lors, sur la totalité de la période 2003 à 2013 les dons manuels dont Z F a bénéficié et qui doivent être rapportés à la succession de R F ressortent à :

-8.336,74 € pour 2003

-44.362 € pour 2004

-30.000 € pour 2005

-2.500 € pour 2006

-45.000 € pour 2007

-16.500 € pour 2008

-55.563 € pour la période 2009 à 2013

soit à la somme totale de 202.261,74 € . Il convient sur ce point d’ajouter au jugement entrepris lequel n’a pas chiffré les montants retenus à titre de dons manuels rapportables, chiffrage indispensable au calcul de la quotité disponible par le notaire liquidateur.

4°/ Sur le recel successoral reproché à Z F

Selon les dispositions de l’article 843 du code civil, tout héritier venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt par donations entre vifs, directement ou indirectement. Il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale c’est à dire avec dispense de rapport.

En l’espèce, aucune circonstance n’est invoquée de nature à caractériser la volonté expresse du de cujus de dispenser sa fille de rapporter à la succession les dons manuels dont il l’a gratifiée depuis 2003.

Il incombait donc à Z F de déclarer spontanément à ses cohéritiers les dons manuels dont elle avait bénéficié de la part de son père.

Selon les dispositions de l’article 778 du code civil, sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession est réputé accepter purement et simplement la succession sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

La dissimulation volontaire par l’héritier gratifié des libéralités qui lui ont été consenties est constitutive d’un recel.

En l’espèce, pour la période 2009 à 2013, dans le courrier de son conseil du 4 décembre 2013, Z F a admis avoir perçu de son père des sommes d’argent par chèques ou virements représentant au total 58.800 €, n’admettant néanmoins les dons manuels sur cette période qu’à hauteur de 30.000 € outre le don par chèque de 30.000 € enregistré le

31 mars 2005.

Z F a donc déclaré suite aux réclamations de ces cohéritiers des dons manuels de son père pour la période 2009 à 2013 incluse avoisinant les 60.000 €, correspondant à la réalité, le débat portant surtout sur l’appréciation du caractère rémunératoire de certaines sommes. Aucun recel n’a été retenu par le premier juge pour cette période, les intimés sollicitant purement et simplement la confirmation de la décision. Il n’y a donc pas de débat soumis à la cour sur l’absence de recel pour la période 2009-2013.

Pour la période 2003 à 2008, le montant des dons manuels qui aurait dû être déclaré spontanément par Z F indépendamment des pièces justificatives que pouvaient produire les demandeurs à l’action aurait dû être de l’ordre de 146.600 € ainsi qu’il a été démontré ci-dessus, en ce comprise la somme de 30.000 € correspondant au don enregistré de 2005.

Z F s’est donc abstenue de déclarer la différence, soit une somme conséquente de l’ordre de 116.600 € malgré les demandes réitérées de ses cohériters.

S’il peut être admis que les quelques sommes versées en 2006 pour 2.500 € au total aient pu être oubliées par Z F, ce qui exclut toute intention de recel, le jugement entrepris devant être partiellement infirmé sur ce point , en revanche, indépendamment du problème de justificatifs, elle ne pouvait avoir oublié au moment où ses cohéritiers ont exigé d’elle qu’elle satisfasse à son obligation de déclaration des dons manuels perçus, au regard de l’importance des sommes et de la régularité des versements, que de mai 2003 à fin 2004 elle avait perçu de son père de 2000 à 4000 € par mois outre 15.000 € en fin d’année 2004, ni qu’elle avait perçu en 2007 une somme totale de 45.000 €, ni encore que pour l’année 2008 elle avait perçu un total de 16.500 €. Elle était parfaitement à même, si elle conservait des doutes sur les montants exacts perçus, de solliciter fin 2013 de ses banquiers les copies de tous ses relevés de comptes dans le délai de conservation bancaire de dix ans, soit depuis fin 2003 si elles ne les avaient pas tous conservés, diligence qu’elle n’a jamais justifié avoir accompli.

Ce n’est qu’au cours de la procédure de première instance et uniquement à partir des pièces produites par les demandeurs à l’instance (relevés de comptes du défunt et copies de chèques) qu’elle a finalement admis avoir perçu pour la période antérieure à 2009, outre le chèque de 2005 de 30.000 € ayant donné lieu à un enregistrement de don, une somme de 90.837 €, montant inférieur aux sommes justifiées et retenues ci-dessus.

Cette attitude témoigne de la volonté de Z F de ne déclarer a minima que ce qu’elle estimait que ses cohéritiers étaient en mesure de justifier au fur et à mesure des pièces versées pour limiter au maximum les montants à rapporter ainsi que de sa réticence intentionnelle, dans le but de porter atteinte à l’égalité du partage, à déclarer spontanément et loyalement les sommes dont elle avait été bénéficiaire. Le recel successoral est donc caractérisé tant dans son élément matériel qu’intentionnel.

Le jugement entrepris, dont les intimés sollicitent confirmation, n’a néanmoins retenu le recel que pour les sommes données par R F à Z F de 2004 à la fin de l’année 2008, à l’exception de la somme de 30.000 € reçue en 2005. Les sommes perçues en 2003 ne peuvent dés lors être prises en compte à ce titre à défaut d’appel incident.

Ainsi, déduction faite des sommes perçues en 2003 (8.336,74 €) et 2005 (30.000 €) non retenues par le premier juge au titre du recel, de celles de 2006 (2.500 €) pour lesquelles le recel n’est pas caractérisé ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les sommes recelées par Z F des suites de son défaut intentionnel de déclaration ressortent pour 2004 à 44.362 €, pour 2007 à 45.000 € et pour 2008 à 16.500 €, soit à la somme totale de 105.862 € somme qui doit être retenue au titre du recel successoral.

5°/ Sur les dons réalisés au profit de G V

Les dispositions du jugement entrepris relatives à l’imputation sur la quotité disponible dont pouvait disposer le défunt des sommes données par R F à G V ainsi que leurs montants ne faisant l’objet d’aucune contestation ne peuvent qu’être confirmées.

6°/ Sur les dons dont auraient été bénéficiaires D et M de E

Z F conteste le jugement entrepris en ce qu’il a retenu que les sommes de 21.500 € et 2.400 € avaient été données par R F à chacune des ses arrières petites filles D et M de E et devaient être imputées sur la quotité disponible.

Elle soutient que les fonds placés sur les deux « Carré Mauve » et livrets ouverts au nom de chacune des arrières petites filles en janvier et février 2007 ont fait suite à la clôture d’un contrat ouvert au nom de M par ses parents, clôturé et viré sur le compte de R F pour un montant de

42.469,96 € puisque G de E et son mari résidaient alors à l’étranger.

Il est néanmoins justifié par les intimés que le compte « Carré Mauve » PEL n° 81831268523 ouvert au nom de M de E, clôturé le 11 janvier 2007, dont le solde de 42.469,96 € a été viré au compte de R F puis employé à l’ouverture des comptes Carré Mauve et Livret ouverts en suivant au profit de chacune des deux arrières petites filles du défunt, M et D, a en réalité été ouvert le 8 mars 2005, R F ayant alimenté ce compte Carré Mauve depuis son compte de dépôt par un versement de 40.000 € et des versements mensuels de 50 € mis en place à compter de mars 2005.

Z F ne peut donc prétendre que les comptes ouverts en 2007 au profit de M et D de E ont été alimentés par des fonds ne provenant pas de R F.

Dans ces conditions le jugement entrepris doit être confirmé quant à ses dispositions relatives aux sommes données par R F à chacune de ses deux arrières petites filles, M et D de E.

7°/ Sur le recel invoqué par Z F à l’encontre des intimés

Le premier juge a par des motifs pertinents, adaptés aux faits de l’espèce et aux règles juridiques applicables justement écarté le recel successoral invoqué par Z F au titre du mobilier du défunt.

A ces justes motifs que la cour adopte il convient juste d’ajouter que :

— les photographies du mobilier produites au débat par l’appelante ont bien été réalisées par elle

— elles établissent l’étiquetage de meubles, étiquettes sur lesquelles apparaissent des prénoms, ce qui conforte la réalisation d’un partage en nature du mobilier du défunt en fonction des souhaits de chacun des héritiers conformément à l’attestation de Mme N et l’inutilité pour les demandeurs au partage d’établir dans l’acte introductif d’instance ou dans leurs écritures une liste des attributions

— la déclaration de succession invoquée par l’appelante n’est pas produite

— l’attestation de Mme N, laquelle a participé au nettoyage de la maison, établit qu’un brocanteur est venu sur place et que la literie, les lits et les canapés en velours, passés de mode ont été emportés par la femme de ménage

— une partie du mobilier a bien été vendue, le solde du prix de vente, déduction faite des frais de ramonage et de nettoyage, soit une somme de 1.250 € ayant bien été enregistrée dans la comptabilité de la SCP H pour le compte de la succession le 17 mars 2015 selon reçu produit au débat (pièce 23 des intimés)

Aucun recel n’étant établi à l’encontre des intimés relativement au mobilier du défunt, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande formée à ce titre par Z F.

8°/ Sur les dommages et intérêts

Le jugement entrepris en retenant que la résistance abusive de Z F, laquelle n’a pas spontanément déclaré les dons dont elle a bénéficié tout en se rendant coupable de recel successoral, a retardé la réalisation des opérations de partage a justement alloué aux consorts F des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par eux des suites de ce retard de réalisation du partage. Cette disposition sera donc confirmée.

Le recel étant confirmé par ailleurs et son montant chiffré, avec pour conséquence la privation de Z F de tous droits sur les fonds recelés, et l’appel ne présentant pas de caractère abusif, l’exercice d’une voie de recours ne pouvant être jugé abusif du seul fait que le recours est rejeté, il n’y a pas lieu à dommages et intérêts complémentaires au titre de la procédure d’appel.

9°/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’origine de la procédure ayant pour seule cause la réticence volontaire de Z F à déclarer l’intégralité des dons manuels perçus par elle, et cette dernière succombant en ses prétentions, elle supportera tant les dépens de première instance que ceux d’appel.

Les frais de recherche bancaires diligentés par une partie ne font pas partie des dépens énumérés à l’article 695 du code de procédure civile. Ils constituent des frais non compris dans les dépens uniquement indemnisables sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La somme allouée à ce titre par le premier juge sera confirmée.

Succombant en appel et condamnée aux dépens, Z F se trouve redevable au titre de la procédure d’appel d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement entrepris uniquement en ce qu’il a intégré aux sommes recelées celles perçues par Z F en 2006 et en ce qu’il a limité aux sommes reçues par virement permanent mis en place en juin 2011 les dons reçus par Z F à titre rémunératoire

Déclare recevable et bien fondée l’action en partage

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que les sommes à rapporter par Z F à la succession de R F au titre des dons manuels qu’elle a reçus de 2003 à 2013 s’élèvent à la somme de 202.261,74 €

Dit que sur les années 2011 et 2013 seule une somme de 8.400 € présente un caractère rémunératoire

Dit que Z F est coupable de recel successoral pour les dons reçus en 2004, 2007 et 2008 à hauteur de la somme de 105.862 €

Condamne Z F à payer à Y, A, B et C F au titre de la procédure d’appel la somme de trois mille euros (3.000 €) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne Z F aux dépens de première instance et d’appel

Rejette le surplus des demandes.

LE GREFFIER /LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 5 septembre 2017, n° 15/04810