Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 18 décembre 2020, n° 18/01008

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 18 déc. 2020, n° 18/01008
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 18/01008
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 17 janvier 2018, N° F17/00061
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

18/12/2020

ARRÊT N° 2020/355

N° RG 18/01008 – N° Portalis DBVI-V-B7C-MEVV

[…]

Décision déférée du 18 Janvier 2018 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE – F 17/00061

[…]

Z X

C/

Société SODEXO ENTREPRISES

INFIRMATION PARTIELLE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU DIX HUIT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT

***

APPELANT

Monsieur Z X

[…]

[…]

représenté par la SELAS MORVILLIERS-SENTENAC AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Société SODEXO ENTREPRISES

[…]

[…]

représentée par la SCP COBLENCE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, et par Me Robert RIVES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 21 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de:

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. Z X a été embauché à compter du 15 septembre 2008 par la SAS Sodexo Entreprises en qualité de directeur de site suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale de la restauration de collectivités.

Le 13 octobre 2014, il est devenu Directeur Grand Compte en charge d’Airbus France.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, son salaire moyen mensuel brut s’élevait à la somme de 8.428,75 euros.

Il a été opéré le 31 août 2015, d un adénocarcinome rectal découvert et diagnostiqué le 24 avril 2015. M. X n’a néanmoins connu qu’une assez brève suspension de son contrat de travail, la radiothérapie et la chimiothérapie préopératoires qu’il a subies étant aménagées par son oncologue. La chimiothérapie post opératoire s’est achevée le 13 avril 2016.

Par courriel adressé par le directeur des ressources humaines de la société Sodexo le 25 avril 2016, le salarié s’est vu retirer la responsabilité de l’ensemble de la relation avec le client groupe Airbus à compter du 26 avril 2016 ; par courrier

du 23 mai 2016, l’employeur lui a proposé un repositionnement en tant que directeur de projets commerciaux FM localisé à Toulouse.

M. X a refusé le poste qui lui était proposé par lettre du 2 juin 2016, et a réitéré sa demande de réintégration dans son poste de directeur Grand Compte basé à Toulouse.

A compter du 22 juin 2016, M. X s’est trouvé en arrêt de travail maladie pour dépression.

Il a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Encadrement,

le 17 janvier 2017 pour voir prononcer la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l’employeur, la rupture devant s’analyser en un licenciement nul, et pour demander le versement de dommages et intérêts et de diverses indemnités de rupture.

Le 1er décembre 2017, le médecin du travail a déclaré M. X inapte à tous les postes dans l’entreprise, en précisant que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Par lettre recommandée du 3 janvier 2018, la Sas Sodexo Entreprises a convoqué M. Z X à un entretien préalable à son licenciement fixé

au 17 janvier 2018.

Son licenciement a été notifié à M. X par courrier recommandé

du 29 janvier 2018 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Par jugement du 18 janvier 2018, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

— dit que la rémunération moyenne de M. X s’établit à 8.428,75 euros ;

— dit qu’aucun fait de harcèlement moral et de discrimination n’est caractérisé ;

— dit qu’il y a eu des manquements graves de la Sas Sodexo Entreprises dans l’exécution du contrat de travail du salarié ;

En conséquence :

— prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Sodexo Entreprises,

— condamné la société Sodexo Entreprises, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. X les sommes suivantes :

—  18.161,10 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  25.286,10 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  2.528,61 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis,

—  26.024 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

—  90.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et atteinte à la santé de monsieur X ;

— ordonné la remise par l’employeur des documents de fin de contrat ;

— dit qu’il n’y a pas lieu à l’exécution provisoire de la décision autre que de droit,

— condamné la société Sodexo Entreprise à payer à M. X la somme

de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes.

— :-:-:-

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 27 février 2018, monsieur Z X a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié

le 31 janvier 2018.

— :-:-:-

Dans ses dernières conclusions reçues par voie électronique le 16 octobre 2018, auxquelles la cour se réfère expressément, M. Z X demande

à la cour de :

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 18 janvier 2018 ;

— l’infirmer ce qu’il l’a :

*débouté de sa demande tendant à voir conférer à sa demande de résiliation judiciaire les effets d’un licenciement nul et débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,

*débouté de ses demandes tendant à exclure et lui déclarer inopposable le statut de cadre dirigeant,

*débouté de ses demandes de rappels d’heures supplémentaires à hauteur de 109.934 euros bruts et des congés payés y afférents, soit 10.993, euros bruts,

*débouté de ses demandes d’indemnité de repos compensateur, à hauteur de 61.673euros bruts, outre les congés payés y afférents, soit 6.167,30 euros bruts,

*débouté de sa demande de condamnation au titre de l’indemnité pour travail dissimulé à hauteur de 65.592euros,

*débouté de sa demande de reconnaissance de discrimination et de harcèlement moral,

*débouté de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et harcèlement moral à hauteur de 75.000 euros nets ;

Il demande par conséquent à la cour de :

— constater les manquements graves de la société Sodexo Entreprise ;

— juger que la résiliation judiciaire doit s’analyser en un licenciement nul ;

— condamner la société Sodexo Entreprises à lui verser, sauf à parfaire, les sommes suivantes :

*150.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

*75.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination,

*109.934 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et 10.993 euros à titre de congés payés y afférents,

*61.673 euros à titre de rappel de repos compensateurs et 6.167 euros à titre de congés payés y afférents,

*65.592 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

— condamner la société Sodexo Entreprises à lui verser la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, le salarié fait valoir que :

— il a fait l’objet d’un harcèlement moral :

* il a été mis à l’écart des projets Airbus et ne pouvait plus exercer ses missions alors que les clients estimaient qu’il occupait ses fonctions de manière très satisfaisante. La société avait pour vue de supprimer purement et simplement le poste qu’il occupait et il estime avoir subi une modification de son contrat de travail. L’employeur évoque un incident concernant un appel d’offres Airbus dont le salarié ne peut être tenu pour responsable ;

* l’employeur lui a infligé une pression insupportable et un climat anxiogène qui ne relèvent pas de son pouvoir de direction et qui lui ont causé une dégradation de son état de santé l’ayant empêché de reprendre toute activité professionnelle ;

— il n’aurait pas dû se voir appliquer le statut de cadre dirigeant (ou cadre sans référence horaire) puisqu’il ne remplissait pas les conditions cumulatives (L. 3111-2 C. travail). En effet, il ne participait pas à la direction de la société et ne définissait pas la politique stratégique de l’entreprise. Il avait différents responsables hiérarchiques et ne disposait que de responsabilités limitées dans la gestion de son propre client. Les bulletins de salaires mentionnent la référence à la durée légale du travail et le salarié ne bénéficiait pas des salaires parmi les plus élevés. Ainsi, toutes les heures supplémentaires au-delà de 35 heures hebdomadaires auraient dû lui être payées ;

— il a fait l’objet d’une discrimination en raison de son état de santé, le salarié ayant été 'mis au placard’ à son retour d’absence pour maladie ;

— l’employeur a causé la dégradation des conditions de travail du salarié et a manqué à son obligation de sécurité de résultat en ne tenant pas compte de son mal être dans ses conditions d’emploi ;

Il estime ensuite que les manquements graves de l’employeur font produire

à la résiliation judiciaire les effets d’un licenciement nul quand ils sont constitutifs de harcèlement moral ou de discrimination qui sont en l’espèce caractérisés

Le salarié prétend enfin que ses demandes indemnitaires et de rappel de salaires sont bien fondées compte tenu des manquements de l’employeur. Il précise leur montant en s’appuyant sur ses calculs et diverses pièces en application des règles de droit visées.

***

Par ses dernières conclusions du 17 juillet 2018, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Sodexo Entreprise demande à la cour de :

— déclarer l’appel de M. X recevable mais non fondé ;

— déclarer son propre appel recevable et bien fondé ;

En conséquence,

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts ;

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

Statuant à nouveau :

— débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes ;

— confirmer le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant, condamner M. X à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la société Sodexo Entreprise fait valoir les éléments suivants :

— le harcèlement moral n’est pas caractérisé :

*M. X n’a pas été mis à l’écart de son client Airbus et la société estime avoir fait usage de son pouvoir de direction. En effet, elle explique que ce premier était impliqué dans un incident survenu en avril 2016 à propos d’un appel d’offres. Il en résultait une perte de parts de marché au sein du groupe client.

* la société précise qu’elle a cherché à repositionner M. X sur un poste équivalent, ce qui n’a pas pu avoir effectivement lieu en raison de l’état de santé du salarié,

* il n’y a pas de motivations économiques et d’éviction du salarié comme ce dernier l’estime ;

— à partir du 1er mai 2014, le salarié devenait Directeur Régional et il bénéficiait du statut de cadre dirigeant conformément à l’article L. 3111-2 du code du travail. Il bénéficiait du plus haut niveau conventionnel statut cadre (niveau 9) et des plus hautes rémunérations de l’entreprise, il faisait partie du comité de direction, participait aux décisions stratégiques et il disposait d’une grande autonomie dans la prise de décisions. Même si la cour jugeait que ce statut lui est inapplicable, la demande de rappels de salaires pour heures supplémentaires est mal fondée, la société contestant les plannings et les décomptes du salarié ;

— le salarié n’a pas été victime de discrimination, au contraire, sa 'mise à l’écart’ est justifiée et il lui a été apporté des moyens humains pour travailler sur le renouvellement des appels d’offre mais également pour encadrer des exploitations déjà existantes ;

— il n’a pas subi de dégradation des conditions de travail. Si l’état de santé de M. X s’est dégradé à compter de juin 2016, la société estime qu’elle y est étrangère.

— :-:-:-

L’ordonnance de clôture est en date du 9 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION:

- Sur la qualité de cadre dirigeant de M. X:

L’article L.3111- 2 du code du travail donne la définition du cadre dirigeant: «'sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant, les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés du système de rémunération pratiqué dans leur entreprise ou établissement.»

Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participants à la direction de l’entreprise.

Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions relatives aux repos et jours fériés, sauf stipulations contractuelles ou conventionnelles plus favorables. Il en résulte que le régime de compensation financière liée au travail effectué le dimanche et les jours fériés, prévu par accord collectif, ne peut s’appliquer aux cadres dirigeants qu’en présence de dispositions expresses en ce sens.

En l’espèce, le contrat de travail initial de M. X fait état d’un horaire contractuel moyen de 151heures 10 centièmes ; par avenant du 28 avril 2014, il a été promu directeur régional à compter du 1er mai 2014, l’article 2 de son contrat, approuvé et signé par le salarié, précisant qu’il se voit désormais reconnaître le statut de cadre

dirigeant. L’avenant à son contrat de travail du 13 octobre 2014, aux termes duquel M. X exerce, à compter du 1er octobre 2014, les fonctions de Directeur Grand Compte en charge d’Airbus en France, précise que les autres clauses de son contrat de travail sont inchangées.

Néanmoins, ses bulletins de salaire postérieurs au mois de mai 2014 continuent à mentionner un horaire mensuel de 151,10 heures, et un taux horaire de 40,03 euros.

La société Sodexo Entreprises verse aux débats un organigramme de la société: sont des cadres participants à la direction de l’entreprise, sous l’autorité du directeur général, les divers Directeurs opérationnels et DG Pôle Energie et Maintenance, dont M. B C, DOP Région Sodexo, sous l’autorité hiérarchique duquel se trouvait M. X, ainsi que les directeurs plan-qualité
-marketing, des ventes et de la croissance, GC, innovation et marketing, ressources humaines, administratif et financier et relation clients.

Il est également constant que M. X n’était pas membre du Comex Entreprises, n’assistait pas aux comités de direction exécutif, et ne participait pas habituellement aux réunions du comité opérationnel auxquelles il pouvait seulement être ponctuellement invité.

Si Z X avait la responsabilité du management opérationnel de l’ensemble des services de qualité de vie sur le site d’Airbus à Toulouse, et animait la stratégie relationnelle par la responsabilité du suivi de l’ensemble des activités de Sodexo pour Airbus en France, il n’exerçait pas de fonction de direction de l’entreprise et ne percevait nullement une rémunération se situant parmi les plus élevées de l’entreprise.

C’est donc par une appréciation inexacte des circonstances de l’espèce que le conseil de prud’hommes de Toulouse a jugé que M. X avait la qualité de cadre dirigeant et l’a débouté de ses demandes relatives au règlement d’heures supplémentaires et du repos compensateur y afférent. Son jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires:

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit aux juges les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par ce dernier. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ce texte que la preuve des heures travaillées n’incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut se fonder exclusivement sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié, il doit examiner les éléments que l’employeur est tenu de lui fournir de nature à justifier les horaires effectivement réalisés.

Le contrat de travail conclu avec la société Sodexo prévoit un horaire mensuel de travail effectif de 151,10 heures (soit 34,87 heures par semaine).

En l’espèce, M. X verse aux débats un décompte de ses heures de travail pour la période comprise entre le 6 janvier 2014 et le 25 avril 2016, duquel il ressort que son horaire de travail variant ente 10h et 15 h dans la semaine ; qu’il travaillait également le week end et pendant ses congés, et également occasionnellement pendant ses périodes d’arrêt maladie (les 20, 26 mai, 2 juin et 15 juin du 31 août

au 11 novembre 2015, du 16 au 18 novembre 2015, les 10 et 11 décembre 2015, les 6, 7 et 8 janvier 2016, le 28 janvier 2016, le 9 mars 2016 et le 31 mars 2016).

Il produit également ses agendas pour la période comprise entre le 28 avril 2014 et le 25 avril 2016, lesquels révèlent des contradictions avec le décompte de ses heures de travail. A titre d’exemple, le 20 octobre 2014, il déclare avoir travaillé sans interruption de 6 heures à 21heures 30, soit 15 heures 30, alors que son agenda précise qu’il a commencé la lecture de ses mails à 7 heures 30, qu’il a consacré 1 h 30 au déjeuner, et qu’il a terminé sa journée à 19 h30 ; le 30 janvier 2015,il déclare avoir travaillé sans interruption de 7 h à 23h 30, alors que son agenda fait mention d’un déjeuner entre 12h30 et 14h, et d’aucun rendez-vous après 17h ; le 10 février 2016, il déclare avoir travaillé sans interruption de 8 h à 18h30, alors que son agenda fait mention d’un rendez-vous à l’hôpital Purpan jusqu’à 10 h et d’un déjeuner

entre 13h et 14 h30.

De son côté, l’employeur se borne à contester la réalité des heures revendiquées, sans cependant produire aucun élément à l’appui de son allégation, mettant seulement en exergue l’absence de caractère probant des décomptes et plannings fournis par le salarié, alors qu’il lui appartenait de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Pour autant, il ne conteste pas sérieusement que M. X ait effectué plus de 34,87 heures de travail hebdomadaires.

La cour a, en conséquence, la conviction que M. X a bien réalisé partie des heures supplémentaires dont il réclame le paiement à hauteur de 10 heures par semaine, hors jours fériés, périodes de congés(6 semaines par an) et d’arrêt maladie, soit:

— pour l’année 2014, 460 heures ;

— pour l’année 2015 (12 semaines d’arrêt maladie), 340 heures ;

— du 4 janvier au 25 avril 2016 (2 semaine de congés payés, 9 jours d’arrêt maladie), 160 heures.

Soit pour l’année 2014:

368 heures à 25%: 49,45 x 368 = 18 197,60 euros ;

92 heures à 50%: 59,34 x 92 = 5 459,28 euros ;

Pour l’année 2015:

272 heures à 25%: 49,45 x 272 = 13 450,40 euros ;

68 heures à 50%: 59,34 x 68 = 4 035,12 euros ;

Pour l’année 2016:

128 heures à 25%: 49,85 x 128 = 6 380,80 euros ;

32 heures à 50%: 59,81 x 1 913,92 euros ;

Soit au total: 49 437,12 euros au titre des heures supplémentaires, outre 4 943,70 euros au titre des congés payés y afférents. .

- Sur le travail dissimulé:

En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de salaire un nombre de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

La cour estime que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d’heures supplémentaires par M. X et que le défaut de contrôle des heures de travail effectivement réalisées ne lui permet pas de caractériser l’intention frauduleuse nécessaire à l’établissement du travail dissimulé. M. X sera débouté de sa demande en ce sens.

- Sur le droit à repos compensateur:

Le défaut de paiement par la société Sodexo Entreprises de son droit au repos compensateur a privé M. X de son droit au repos compensateur obligatoire au-delà du contingent annuel de 220 heures.

Ayant privé son salarié pendant les années 2014 et 2015 de son droit au repos par l’accomplissement de journées de travail allant au-delà du temps autorisé, la société Sodexo Entreprises a ainsi mis en danger sa santé physique et porté atteinte à sa vie personnelle. Il sera alloué à M. X à ce titre une somme de 2500 euros à titre de dommages intérêts.

Sur la demande de résiliation judiciaire :

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

Il est rappelé que seuls sont susceptibles de justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur les manquements suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la

relation contractuelle.

La demande de résiliation de son contrat de travail par M. X repose sur les griefs suivants formulés à l’encontre de son employeur :

— l’existence d’une situation de harcèlement moral à son endroit ;

— l’existence d’une discrimination en raison de son état de santé ;

' Sur l’existence d’une situation de harcèlement moral :

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

Les règles relatives à la charge de la preuve ne constituent pas des règles de procédure applicables aux instances en cours mais touchent le fond du droit, de sorte que le harcèlement moral allégué doit en l’espèce être examiné au regard des dispositions de l’article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

L’article L. 1154-1du code du travail, en sa rédaction alors applicable, dispose que lorsque survient un litige relatif à l’application de l’article L. 1152-1, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Le salarié indique qu’il a été l’objet de faits répétés de harcèlement, ayant été écarté à son retour d’arrêt de travail en novembre 2015 des projets de restructuration des équipes province malgré son rattachement au directeur des Opérations Province, M. B C ; qu’il n’a pas eu de réponse concrète sur l’orientation de son poste dans le contexte de la restructuration en cours ; qu’il a du intervenir pour être intégré dans la réunion Sodexo/Airbus du 16 février 2016 à Toulouse ; qu’il n’a pas été intégré dans le projet restauration Airbus helicopters malgré son statut de directeur Grand Compte ; que le 25 avril 2016, il a été brutalement écarté de ses fonctions et prié de quitter le site.

Z X n’a cependant jamais fait état d’un quelconque harcèlement moral dont il aurait été victime avant la saisine du conseil de prud’hommes. Le dimanche 24 avril 2015, alors qu’il était en congés pour une semaine depuis

le 18 avril 2016, il s’est étonné, dans un mail adressé à D E, directeur général de l’entreprise, des propos tenus à son encontre par ce dernier, lors d’un entretien ayant eu lieu le 15 avril 2016, sur sa difficulté à collaborer.

Le 25 avril 2016, le directeur du personnel, M. F G lui a brusquement annoncé la décision de la direction de la société de lui retirer l’ensemble de la relation avec le client du groupe Airbus à compter du lendemain, l’a sommé de quitter le site d’Airbus à cette date, en lui précisant qu’il était autorisé à rester à son domicile dans l’attente d’une recherche de nouveau positionnement dans l’entreprise. Cette éviction brutale a suscité chez le salarié une profonde dépression.

Pour autant, cette brusque éviction n’est pas constitutive d’agissements répétés laissant supposer l’existence d’un harcèlement, de sorte que M. X doit être débouté de sa demande relative au harcèlement.

' Sur l’existence d’une discrimination :

Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte telle que définie à l’article 1 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »'

En l’espèce, il est constant que M. Z X, alors âgé de 39 ans, a été atteint d’un cancer colo-rectal diagnostiqué en avril 2015 et opéré en août 2015. Avant l’intervention, il a subi une radiothérapie et une chimiothérapie préopératoires, durant lesquelles il a continué à exercer son activité professionnelle, les séances étant aménagées à cet effet.

Z X a ensuite quitté l’entreprise du 8 au 10 août 2015 pour ses congés annuels, suivis d’un arrêt maladie du 31 août au 18 novembre 2015. Ses séances de chimiothérapie postopératoires ont été également aménagées de manière à ce qu’il ne soit absent de l’entreprise qu’à l’occasion de celles-ci, entre un et trois jours par mois.

Pendant son absence, la société a connu un changement de directeur général, M. D E succédant à M. H I.

La société employeur tente de justifier la décision d’évincer M. X du site d’Airbus par une anomalie constatée par Airbus dans le processus de l’appel d’offres en cours qui s’est traduite par la visite Sodexo du restaurant Louis Breguet

le 4 avril 2016.

M. X explique, sans être sérieusement contredit par la partie adverse, que cette visite ingénierie n’était pas de son initiative, la décision de l’organiser ayant été prise par le chef de projet Sodexo de l’appel d’offres, M. J ; que dans le dossier d’appel d’offres, son propre rôle était limité à une fonction support.

Il résulte de mails adressés par M. J à Mme Y et à M. X le vendredi 1er avril 2016 que c’est M. J qui a entièrement organisé la visite du 4 avril 2016 et arrêté la liste des participants.

M. K L, responsable restauration collective d’Airbus, atteste,

le 17 mai 2018, qu’il est le donneur d’ordre principal des contacts de

restauration collective pour Airbus ; que Z X était son interlocuteur principal pour Sodexo de septembre 2008 à avril 2016 et qu’il a toujours été

satisfait de leurs relations professionnelles ; qu’à sa connaissance, Airbus

n’a jamais demandé à écarter Z X du contrat Airbus.

Les membres du comité d’entreprise de Sodexo, lors d’une réunion

du 18 mai 2016, ont exprimé leur désaccord sur la forme de traitement réservé par la direction de Sodexo à l’ancien Directeur Grand Compte d’Airbus de Toulouse, M. Z X, récemment démis de ses fonctions, et exprimé qu’ils trouvaient cela injuste pour un responsable de Sodexo dont beaucoup reconnaissent les qualités humaines et professionnelles, quelles que soient les motivations de cette rupture mises en avant par la direction.

Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que la visite

du 4 avril 2016, au cours de laquelle aucune anomalie n’a été constatée, n’était qu’un prétexte de la direction de Sodexo pour évincer M. X d’un poste stratégique.

Il est également établi par les divers courriels échangés entre M. X et la direction de la société que lors de son retour dans l’entreprise en novembre 2016, il n’a pas retrouvé la place qui était la sienne dans l’entreprise avant la découverte de sa maladie, et a du insister pour participer notamment à la réunion Sodexo/Airbus du 16 février 2016.

La coïncidence du retour de M. X avec les manoeuvres internes qui ont abouti à l’évincer de son poste laisse à penser que celle ci est en réalité intervenue en raison de l’état de santé de M. X.

La discrimination est donc bien établie en l’espèce, contrairement à l’appréciation portée sur ce point par le conseil de prud’hommes de Toulouse. Elle justifie la résiliation du contrat de travail de M. X aux torts exclusifs de l’employeur.

- Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail:

La résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X doit être prononcée à effet du 29 janvier 2018, date du licenciement et produit les effets d’un licenciement nul.

A la date de la rupture de son contrat de travail, M. X était âgé de près

de 41 ans et comptait neuf ans d’ancienneté au sein de l’entreprise, laquelle emploie plus de onze salariés. Il a droit au paiement des indemnités de préavis, de congés payés y afférents, de congés payés et de licenciement à hauteur des sommes qui lui ont été allouées par le conseil de prud’hommes, ainsi qu’à une indemnité qui en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, étant précisé que le barème d’indemnisation obligatoire en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est pas applicable en cas de licenciement nul. Compte tenu de circonstances de la rupture, la cour estime devoir fixer le montant de cette indemnisation à la somme de 85 000 euros représentant l’équivalent de 10 mois de salaire brut.

M. X a également droit à des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct résultant de la discrimination dont il a été victime et des circonstances abusives de la rupture, dont la cour fixe le quantum à la somme

de 75000 euros.

- Sur les demandes annexes :

La société Sodexo Entreprises, qui succombe, doit être condamnée aux dépens de l’appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Il serait en l’espèce irrépétibles de laisser à la charge de M. X les frais exposés non compris dans les dépens ; il y a lieu de faire droit, en cause d’appel, à sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’une somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 18 janvier 2018 par le conseil de prud’hommes de Toulouse, sauf en ce qu’il a débouté M. Z X de ses demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et de la discrimination dont il a été victime, ainsi que sur le montant des dommages et intérêts alloués au salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail et atteinte à la santé de M. X ;

Et, statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant:

Dit que M. Z X n’avait pas la qualité de cadre dirigeant et a droit au paiement des heures supplémentaires qu’il a effectuées.

Condamne la société Sodexo Entreprises à payer à M. Z X les sommes suivantes:

* 49 437,12 euros bruts au titre des heures supplémentaires ;

* 4 943,70 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

* 2 500 euros à titre de dommages et intérêt pour privation du droit au repos compensateur ;

Déboute M. Z X du surplus de ses demandes relatives à l’exécution de son contrat de travail.

Dit que M. Z X a été victime de la part de son employeur, de faits de discrimination en raison de son état de santé, qui justifient la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Sodexo Entreprises.

Dit que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul à effet du 29 janvier 2018, date du licenciement de M. X pour inaptitude.

Condamne la société Sodexo Entreprises à payer à M. Z X les sommes suivantes:

* 85 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

* 75 000 euros à titre de dommages et intérêts, en raison de la discrimination dont il a été victime ;

Condamne la société Sodexo Entreprises aux dépens de l’appel.

Condamne la société Sodexo Entreprises à payer à M. Z X, en cause d’appel, une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La déboute de sa demande formée à ce même titre.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

[…]

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Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 18 décembre 2020, n° 18/01008