Cour d'appel de Versailles, 13ème chambre, 6 juin 2013, n° 11/07584

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 13e ch., 6 juin 2013, n° 11/07584
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 11/07584
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 28 octobre 2010, N° 09/7235
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57A

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUIN 2013

R.G. N° 11/07584

AFFAIRE :

Z Y

C/

Société COMMERCIO FIBRE TESSILI prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit en cette qualité audit siège.

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 29 Octobre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 09/7235

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 06.06.13

à :

Me Claire RICARD,

Me Franck LAFON,

TGI NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUIN DEUX MILLE TREIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur Z Y

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

— rep Claire RICARD, avocat postulant au barreau de VERSAILLES – N° du dossier 2011626 et par Maître Sébastien CREPELLE, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : B0160

APPELANT

****************

Société COMMERCIO FIBRE TESSILI prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit en cette qualité audit siège.

XXX

XXX

Représenté(e) par Maître Franck LAFON, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20111090 et par Maître S.CREPELLE, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 Mars 2013 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean BESSE, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller,

Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Valérie BOST,

Par lettre du 3 janvier 2006, la société CFT a résilié le contrat d’agent commercial exclusif sur l’ensemble du territoire français métropolitain de M. Z Y qui lui avait été consenti le 3 juillet 2001 avec effet rétroactif au 1er janvier 2001 en vue de la commercialisation de ses différents produits textiles.

Par acte du 23 juin 2006, Monsieur Z Y a assigné en paiement et réparation indemnitaire la société Commercio Fibre Tessili (CFT) société de droit italien de et Monsieur D X, son gérant, devant le tribunal de grande instance de Paris qui a décliné sa compétence territoriale au profit du tribunal de grande instance de Nanterre, aux termes d’une ordonnance du juge de la mise en état en date du 13 novembre 2008.

M. Y faisait grief à la société CFT d’une brusque rupture contractuelle en l’absence de preuve apportée de faute grave privative de toute indemnité et sollicitait sa condamnation à lui payer diverses sommes au titre du préavis contractuel, de commissions restant dues sur l’exercice 2006 et postérieurement à la cessation du contrat, de l’indemnité de rupture injustifiée, en réparation du préjudice professionnel causé par une rupture déloyale.

Par jugement rendu le 29 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

— fait droit à la demande de mise hors de cause de Monsieur D X,

— déclaré irrecevables toutes demandes formées à son encontre personnellement,

— déclaré Monsieur Y fondé en son action en paiement et indemnitaire à l’encontre de la SRL de droit italien Commercio Fibre Tessili dite CFT,

— faisant partiellement droit à ses demandes, condamné la société CFT à lui payer :

3.783,51¿ à titre d’indemnité de préavis

15.000¿ au titre de l’indemnité de rupture de contrat

8.541,96¿ au titre des commissions restant dues avant et après cessation du contrat,

2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— déclaré la société CFT mal fondée en ses demandes reconventionnelles et débouté celle-ci de toutes ses demandes,

— rejeté tous autres chefs de prétentions des parties,

— ordonné l’exécution provisoire

— condamné CFT aux dépens.

M. Y a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 23 mai 2012, M. Y demande à la cour de :

— le déclarer fondé en son action en paiement et indemnitaire à l’encontre de la SRL de droit italien Commercio Fibre Tessili,

Et faisant partiellement droit à ses demandes,

— condamner la société Commercio Fibre Tessili à lui payer diverses sommes au titre de l’indemnité de préavis (trois mois), de l’indemnité de rupture du contrat, des commissions dues avant et après cessation du contrat.

Et, statuant à nouveau et infirmant partiellement la décision dont il s’agit :

— réformer partiellement le jugement et condamner la société de droit italien CFT à lui payer les sommes suivantes :

6.077,51 euros au titre du préavis contractuel, sauf à parfaire ou à déduire, en fonction des éléments rapportés par la société CFT ou par tout autre biais ;

20.475 euros, sauf à parfaire ou à déduire, au titre des commissions encore dues pour l’année 2005, en fonction des éléments rapportés par la société CFT ou par tout autre biais ;

7.500 euros, sauf à parfaire ou à déduire, au titre des commissions postérieures à la cessation du contrat en fonction des éléments rapportés par la société CFT ou par tout autre biais ;

43.721,00 euros, sauf à parfaire ou à déduire, au titre de l’indemnité pour rupture injustifiée ;

21.860,50 euros, sauf à parfaire ou à déduire, au titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant du défaut de loyauté dans l’exécution du contrat en application des articles 1147 et suivants du code civil et pour réparation du préjudice résultant de l’atteinte injustifiée et grave à sa réputation professionnelle ;

— ordonner au gérant de produire tous documents comptables, registres de commandes à jour et preuves de la tenue des carnets de commandes des clients en France, et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

— condamner la société Commercio Fibre Tessili (CFT) à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 23 mars 2012, la société Commercio Fibre Tessili demande à la cour de la recevoir en ses demandes et appel incident,

A titre principal,

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a alloué une indemnité de préavis, une indemnité de rupture, et sur le fondement de l’article 700 en sus des dépens à M. Y et débouté la société C.F.T. de ses demandes reconventionnelles et statuant à nouveau de ces chefs :

— débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a fixé son préavis à 3.753,81¿ et son indemnité compensatrice à 15.000 €,

En tout état de cause,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a limité à la somme globale de 8.541,96¿ le montant des commissions restant dues à M. Y,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. Y de toutes ses autres demandes,

— le condamner à lui payer les sommes suivantes :

24 550 € en règlement de la facture n° 00422,

497 € en règlement de la facture 0237 du 13 avril 2005, au même titre,

soit un montant global de 25.047¿ pour ces deux factures et subsidiairement une somme équivalente à titre de dommages intérêts,

10.000¿ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner la compensation judiciaire entre les créances réciproques des parties, en application des articles 1289 et suivants du code civil.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

Sur la rupture du contrat d’agent commercial

La société CFT demande l’infirmation du jugement qui n’a pas retenu la faute grave de M. Y en faisant valoir que :

— la faute grave n’est pas nécessairement liée à la volonté délibérée ou de nuire, qu’elle peut résulter de l’inexécution des conditions les plus élémentaires du contrat dont en premier lieu la loyauté, que la lettre de résiliation fait état du caractère non satisfaisant de la relation contractuelle,

— que le contrat d’agent commercial de M. Y stipule que les échantillons et collections sont et demeurent la propriété du mandant, qu’il est établi que depuis 2004, M. Y a refusé la restitution des échantillons et collections alors qu’il le faisait antérieurement,

— qu’il est également établi par les pièces que M. Y a indûment retenu des chèques de paiement remis par les clients, que M. Y était laxiste dans l’exécution de son mandat, qu’il acceptait de prendre des chèques des clients et qu’il tardait systématiquement à les lui adresser, que ce manquement grave est constitué et réitéré,

— que M. Y s’est montré défaillant dans la représentation de ses produits et dans la prospection de clients, que le désintérêt manifeste de M. Y pour le développement de la clientèle de la société CFT s’est fait jour en 2004 et accentué en 2005, qu’elle a relevé en effet :

des absences fréquentes aboutissant à ce que les clients s’adressent directement à elle,

une absence d’information sur le travail de prospection et absence de transmission des commandes,

l’absence d’une infrastructure de gestion et technique fiable,

— que le caractère persistant et réitéré des manquements et défaillances de M. Y constitue indéniablement une faute grave,

— que si la cour devait estimer que chacun des griefs isolément ne justifiait pas la rupture aux torts de M. Y, elle devrait considérer néanmoins que le cumul des manquements les rend gravement fautifs et que dès lors la rupture immédiate était fondée et justifiée.

M. Y conclut à la confirmation du jugement et à l’absence de faute grave démontrée en soutenant pour l’essentiel que :

— la lettre de rupture n’évoque aucun fait contrairement à ce que prétend la société CFT,

— le simple rappel de la progression du chiffre d’affaires permet de mettre en doute l’assertion de la société CFT selon laquelle il n’aurait pas exécuté son contrat en bon professionnel,

— la non restitution des échantillons ne peut lui être reprochée alors qu’il s’agit d’une demande postérieure à la rupture du contrat, qu’en outre, elle n’est nullement démontrée, que la société CFT ne lui a jamais adressé le bon de restitution ou de transport qu’il lui a réclamé, que lors d’un déplacement de M. X, il a proposé de lui remettre qui lui a demandé de les conserver, que ce motif soulevé plusieurs mois après la rupture du contrat n’a pas fondé la décision de rompre,

— que si deux clients ont appelé directement M. X, c’est parce qu’il les a lui-même aiguillés car il n’arrivait pas à avoir de réponse aux mails qu’il adressait à la société CFT,

— il fait la preuve d’un suivi rigoureux de la clientèle alors même que la société CFT commettait de nombreuses erreurs dans l’enregistrement des commandes, des livraisons et facturations, comme le prouvent les nombreux mails qu’il produit et qui justifient des difficultés qu’il a rencontrées dans le suivi de la gestion des commandes par la société CFT.

' Sur ce :

En vertu des articles L. 134 -12 et L. 134-13 du code de commerce, en cas de cessation du contrat, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice du préjudice qui en est résulté pour lui, sauf notamment lorsque la cessation de la relation est provoquée par sa faute grave qui est celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.

Il appartient au mandant qui se prévaut de la faute grave de l’agent d’en rapporter la preuve.

Dans la lettre du 3 janvier 2006 qui a mis fin à la relation contractuelle entre les parties, la société CFT indique « Après un soigneux examen des rapports intercours entre C.F.T. Commercio Fibre Tessili srl et agent Z Y pendant les 12/24 mois, C.F.T. srl est arrivé à la situation qu’ils ne sont pas satisfaisants. »

Il ne résulte pas de la rédaction de ce courrier que la société CFT ait invoqué des griefs précis à l’encontre de M. Y constitutifs d’une faute grave.

Elle a cependant dans la présente instance énuméré un certain nombre de griefs à l’encontre de M. Y.

— la non restitution des échantillons et collections

Le contrat d’agence stipule en son article 5-2 que le mandant remettra gratuitement sans frais de transport, tarifs, matériels publicitaires et tous autres moyens propres à faciliter son activité et que les objets sus-visés restent la propriété du mandant.

Aucune des pièces produites ne vient établir comme le prétend la société CFT que M. Y aurait refusé de restituer les échantillons et collections depuis au moins 2004 avant la rupture du contrat.

Dans son courrier du 13 avril 2005 invoqué à l’appui, la société CFT ne paraît pas reprocher expressément à M. Y la non restitution d’échantillons ou de collections mais lui faire grief de ne pas avoir prospecté la clientèle malgré l’envoi de la collection depuis deux mois.

En tout cas, M. Y a répondu le 14 avril 2005 en lettre recommandée avec demande d’avis de réception en détail sur les pièces qu’il détenait les années précédentes et la société CFT n’apporte aucun élément qui contredirait sa réponse argumentée sur les circonstances dans lesquelles elle a refusé le retour qu’il avait préparé lors du passage à Paris du gérant. La société CFT n’a pas répliqué à ce courrier et n’a pas sollicité le retour des pièces détenues par M. Y à la suite de cette réponse.

Ensuite, la seule demande faite par la société CFT à ce sujet résulte indirectement du mail de M. Y en date du 14 décembre 2005 dans lequel il indique « comme vous me le demandez, je vais organiser un retour de la collection 2005 », sans qu’il en ressorte la preuve d’un quelconque refus antérieur à cette date.

La société CFT ayant procédé dès le 3 janvier 2006 à la rupture du contrat, ce grief n’est pas sérieux et ce d’autant que M. Y annonçait être absent pour la fin de l’année à partir du 18 décembre 2005.

Pour le reste, la facturation en date du 31 mars 2006 à laquelle la société CFT a elle-même procédé des prétendus échantillons non restitués, postérieurement à la cessation du contrat, n’est pas de nature à prouver le refus allégué de restitution des échantillons et collections antérieur à la rupture.

Et le refus postérieur qui peut donner lieu le cas échéant à une réclamation de la société CFT ne peut pas être invoqué comme une faute grave ayant provoqué la rupture.

— rétention de paiements effectués par les clients à l’attention de la société CFT

Il résulte de la pièce n°5 datée du 21 octobre 2005 produite par la société CFT que M. Y a adressé avec beaucoup de retard un chèque d’un montant de 32,30 € daté du 2 août 2005 arrivé début octobre à la société CFT.

Il n’apparaît pas des autres pièces invoquées que M. Y ait retenu des paiements effectués par les clients, les interrogations de la société CFT sur l’envoi de règlement par les clients dans ces autres courriels ou courriers produits à ce sujet n’étant pas suffisantes à justifier que M. Y aurait reçu des chèques et les auraient indûment conservés, pas plus que l’affirmation non étayée figurant dans le courriel du 10 novembre 2005.

Le fait que M. Y ait à une seule reprise avérée, renvoyé avec retard un chèque, ce qui relève d’une négligence ponctuelle, n’est pas un motif grave justifiant la rupture sans indemnité.

— défaillance dans la représentation des produits et la prospection de la clientèle, carence à présenter les produits auprès des anciens clients.

Il est justifié que M. Y a été absent de France à compter du 18 décembre 2005 pour les fêtes de fin d’année, ce dernier prenant la peine de préciser dans son courrier d’information à la société CFT qu’il restait joignable par téléphone et par internet et qu’il attendait fin janvier les nouvelles collections 2006.

Il ne ressort pas des pièces produites que cette période était particulièrement cruciale pour l’activité de M. Y et de la société CFT qui se prépare en amont de la livraison des commerces pour les fêtes de fin d’année et il n’est d’ailleurs invoqué précisément aucune réclamation d’un client mécontent qui se serait adressé directement à la société CFT à cette période, faute de pouvoir joindre M. Y.

Par ailleurs, il résulte des deux mails des 27 juin 2005 et 25 juillet 2005 versés aux débats que M. Y a été absent fin juillet 2005 et que le 25 juillet, un client a écrit directement au gérant de la société CFT.

M. Y reconnaît de son côté que deux clients ont directement appelé la société CFT, faute pour lui-même de pouvoir obtenir de la société CFT une réponse satisfaisante à leur donner.

La société CFT ne peut sérieusement arguer comme elle le fait dans ces conditions des 'absences fréquentes’ de M. Y aboutissant au fait que les clients s’adressent directement à elle.

A l’appui de l’absence d’information sur le travail de prospection et l’absence de transmission des commandes par son agent reprochées, la société CFT invoque la pièce n° 10 qui est une facture datée du 9 août 2006 de 24.550 €, postérieure à la résiliation du contrat et sur laquelle figurent les dates des bons de transport par lesquelles elle a transmis à son agent les collections et échantillons, ce qui ne prouve aucun manquement de M. Y, et la pièce n°12 du 13 avril 2005, lettre dans laquelle elle interroge en effet M. Y sur les actions menées auprès de la clientèle depuis deux mois, sur les rendez-vous qu’il a fixés avec les clients, les clients qui ont pu voir la collection, dans laquelle elle demande l’envoi des commandes prises et lui précise que les autres agents ont adressé de bonnes commandes.

Le 14 avril 2005, M. Y a adressé une lettre recommandée avec demande d’avis de réception en réponse à ce courrier de la société CFT dans lequel il énumère à son tour les difficultés rencontrées avec cette dernière.

Au vu des pièces produites par la société CFT elle-même, il est établi que le chiffre d’affaires réalisé par cette dernière avec les clients de M. Y a progressé de 2004 à 2005 comme le montant des commissions dues. L’évolution de ce chiffre d’affaires contredit l’assertion selon laquelle M. Y aurait délaissé sa clientèle, n’aurait pas assuré le suivi de cette clientèle ou aurait omis de prospecter pour la développer, aucun reproche ne lui ayant été fait antérieurement à 2004.

Il n’est produit aucune réclamation de clients se plaignant des carences alléguées contre M. Y dans le suivi de la clientèle.

Il faut également constater que la société CFT a poursuivi ses relations contractuelles avec M. Y pendant plus de sept mois après le courrier du 13 avril 2005, ce qui démontre qu’elle n’a pas elle-même considéré que ces reproches étaient suffisamment graves et étayés pour justifier la cessation immédiate de ses fonctions.

La circonstance que les clients ne paient pas à bonne date les factures ne suffit pas à établir un manquement de M. Y. Il n’est pas établi que M. Y aurait lors des commandes consenti aux clients des facilités de paiement contraires à celles définies par la société CFT en la matière. M. Y a également répondu à plusieurs reprises avoir effectué les relances auprès des clients défaillants et la société CFT ne donne pas d’indications précises le contredisant à ce sujet. En revanche, il apparaît des échanges entre les parties à l’occasion de certaines relances qu’il a effectuées, qu’en réalité les clients avaient déjà réglé, les paiements n’ayant pas été pris en compte par la société CFT.

Sur ce point, il faut relever que l’article 6-3 du contrat précise certes que le fait générateur de la commission est l’acceptation de la commande par le mandant mais qu’aucune commission n’est due sur une commande exécutée mais non payée par le client, de sorte qu’il était à l’évidence de l’intérêt commun tant de M. Y que de la société CFT que les clients paient les factures.

M. Y n’avait aucun objectif chiffré à réaliser et aucune insuffisance de résultats n’est établie par rapport aux autres agents commerciaux.

Aucun grief n’est en définitive démontré contre M. Y.

— les autres griefs à l’encontre de M. Y

La société CFT invoque en dernier lieu une suite de griefs sur les carences de M. Y, sa désorganisation, ses équipements et outils défaillants, ses erreurs, qui nécessitaient un suivi drastique avec M. Y pour tenter de pallier ses manquements.

De son côté, M. Y fait des reproches de même nature à la société CFT critiquant son manque d’organisation, l’absence de réponses aux mails et relances envoyés, l’impossibilité d’avoir des réponses précises à ses demandes notamment sur le suivi des commandes et les engagements pris en particulier avec le client Descamps.

Il résulte des échanges entre les parties qu’à partir de 2005, les relations se sont tendues entre elles mais sans qu’il puisse être imputé à l’une ou l’autre précisément la responsabilité des difficultés rencontrées. Chacune fait grief à l’autre des défaillances notamment dans la transmission des informations et des pièces indispensables à la bonne marche de leur collaboration sans aucun élément objectif venant les départager, la désorganisation qui en résulte et les récriminations émises contre l’autre partie étant les seuls points qui semblent leur être communs.

En réalité, il apparaît que la rupture a été consommée en raison du différend portant sur le paiement des commissions dues à M. Y, à la suite des mails échangés entre le 28 et le 30 décembre 2005, M. Y demandant le paiement des commissions de novembre, se plaignant du non respect du contrat sur ce point, et le gérant de la société CFT répondant que ses commissions lui seraient payées lorsque « vous communiquerez que les comptes concernant votre commission sont exacts. »

Or, la société CFT ne prétend pas, a fortiori n’établit pas, que la réclamation portant sur le paiement de ses commissions par M. Y dans les conditions stipulées par l’article 6-4 du contrat d’agence était fautive et il convient de rappeler que l’article 6-5 du même contrat prévoit que le règlement en temps voulu des factures de commissions par le mandant est une condition essentielle du contrat.

En conclusion, il n’est établi à l’encontre de M. Y aucune faute grave ou manquements qui par leur répétition et leur cumul seraient constitutifs d’une faute grave portant atteinte à la finalité du mandat d’intérêt commun de nature à justifier la rupture immédiate du lien contractuel le 3 janvier 2006 et la privation de toute indemnité.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes en paiement de M. Y

— Sur le solde des commissions 2005 et dues postérieurement à la rupture

Le tribunal a alloué de ce chef à M. Y 6.750,65 € pour les commissions dues à la rupture du contrat et 1.791,31 € pour celles dues postérieurement.

M. Y demande à la cour de ce chef la somme de 20.475 € en indiquant qu’en l’absence de relevé présenté par la société CFT, il a calculé cette somme à partir de ces données personnelles.

Il ne verse cependant aux débats aucune pièce correspondant aux données personnelles évoquées et force est de constater qu’en février 2006, il estimait lui-même le montant des commissions dues sur décembre 2005, janvier et février 2006 à 5.800 € sans commune mesure avec le montant réclamé.

La société CFT produit aux débats les récapitulatifs des commandes prises et des factures payées.

M. Y n’apporte aucun élément de nature à mettre en cause ces documents, par exemple la preuve de commandes passées avec des clients non prises en compte.

Le jugement sera confirmé.

— Sur le préavis contractuel et l’indemnité de rupture

En vertu de l’article 7 du contrat et de l’article 134-11 du code de commerce, compte tenu de l’ancienneté de la relation contractuelle, M. Y avait droit à un préavis d’une durée de trois mois.

La société CFT a rompu le contrat avec effet immédiat et n’a pas accordé de préavis à M. Y.

Elle doit donc lui payer une indemnité correspondant aux commissions que M. Y aurait perçues pendant la durée de ce préavis s’il l’avait effectué.

La société CFT doit également payer en application de l’article 9 du contrat et de l’article L. 134-12 du code de commerce une indemnité compensatrice de l’entier préjudice subi du fait de la cessation des relations contractuelles.

Les parties sont en désaccord sur le calcul de l’assiette permettant de déterminer le montant de ces indemnités.

M. Y prétend que les chiffres d’affaires réalisés sur les trois dernières années sont de 140.520 € en 2003, 134.623 € en 2004 et 162.067 € en 2005, soit un chiffre d’affaires moyen annuel de 145.736,66 € sur ces trois années représentant, compte tenu du taux de commission contractuel de 15 %, à une commission moyenne de 21.860,50 € par an.

Il ne verse cependant aux débats aucune pièce récapitulant le montant exact des commissions qu’il a perçues sur l’année 2003 et les pièces produites aux débats par la société CFT établissent que les commissions au titre de l’année 2004 s’élèvent à 14.698,73 € et au titre de l’année 2005 à 15.669,29 €, en ce compris les sommes restant dues au titre de ces deux années qui sont allouées à M. Y.

Le tribunal sera donc approuvé en ce qu’il a chiffré à la somme de 3.783,51 € l’indemnité de préavis sur la base des commissions payées.

Sauf circonstances particulières, l’usage fixe à deux ans de commissions brutes le montant de l’indemnité de rupture due à l’agent commercial par le mandant.

Contrairement à ce que soutient la société CFT, il n’est nullement démontré que M. Y aurait délaissé son activité au cours de l’année 2005 parce qu’il prévoyait de faire valoir ses droits à la retraite ou qu’il avait de telles intentions avant la cessation du contrat d’agence.

L’entier préjudice résultant de la rupture, tenant compte de l’activité déployée pendant cinq années par M. Y, sera donc justement réparé par la somme de 30.268 € et le jugement infirmé mais seulement sur le quantum.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. Y de sa demande de dommages-intérêts distincte tenant à l’appropriation de ses contacts et clients par un autre réseau d’agents commerciaux faute d’apporter la moindre preuve du prétendu défaut de loyauté invoqué.

Il ne sera pas fait droit à la demande de production de pièces formée par M. Y lesquels ne sont pas nécessaires à la solution du litige et ne peuvent servir à pallier l’insuffisance des éléments apportés par M. Y à qui incombe la charge d’établir le bien fondé de ses réclamations tant dans leur principe que leur montant.

Sur les demandes de la société CFT

La société CFT prétend obtenir le paiement de deux factures pour des montants respectifs de 24.550 € et de 497 € correspondant aux échantillons et collections référencés sur ces factures.

Il résulte du contrat qu’en effet les échantillons et collections demeurent la propriété de la société CFT et M. Y s’était d’ailleurs engagé à le faire en décembre 2005. Il reste débiteur de cette obligation. Cependant, la société CFT ne demande pas la restitution des échantillons et collections remises à M. Y, le cas échéant sous astreinte.

Le contrat ne prévoit pas les conditions de facturation des échantillons et collections conservés par l’agent commercial.

Les bons de transport avec les dates de livraison émis par la société CFT ne comportent pas de prix des marchandises remises à M. Y.

La société CFT ne justifie pas des prix qu’elle a appliqués sur les décomptes qu’elle a établis le 31 mars 2006 et qui servent de base à la facture de 24.550 € émise le 9 août 2006, soit postérieurement à la cessation des fonctions de l’agent commercial, pas plus que de ceux figurant sur la facture du 13 avril 2005.

Au vu des éléments produits, le préjudice subi par la société CFT du fait de la non restitution par M. Y des échantillons et collections qui sont la propriété de la société CFT, sera réparé par la somme de 4.000 €.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu du sens du présent arrêt qui fait droit partiellement aux prétentions de chacune des parties, chacune d’elles conservera la charge de ses dépens d’appel et des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du 29 octobre 2010 seulement sur le montant de l’indemnité de rupture du contrat et en ce qu’il a déclaré la société Commercio Fibre Tessili srl mal fondée en sa demande reconventionnelle portant sur la non restitution des échantillons et collections.

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société Commercio Fibre Tessili srl à payer à M. Z Y la somme de 30.268 € au titre de l’indemnité de rupture du mandat d’agent commercial.

Condamne M. Z Y à payer à la société Commercio Fibre Tessili srl la somme de 4.000 € à titre de dommages-intérêts à raison de la non restitution des échantillons et collections.

Ordonne la compensation entre les créances réciproques.

Confirme le jugement pour le surplus.

Y ajoutant,

Déboute M. Z Y de sa demande de production de pièces sous astreinte.

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d’appel qui seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés en cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Jean BESSE, Conseiller faisant fonction de président et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 13ème chambre, 6 juin 2013, n° 11/07584