Cour d'appel de Versailles, 12 mai 2016, n° 13/03488

  • Boulangerie·
  • Bruit·
  • Consorts·
  • Nuisances sonores·
  • Trouble·
  • Intimé·
  • Antériorité·
  • Fonds de commerce·
  • Sociétés·
  • Gérance

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 12 mai 2016, n° 13/03488
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 13/03488
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Pontoise, 17 mars 2013, N° 10/08200

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 64A

3e chambre

ARRET N°

DE DEFAUT

DU 12 MAI 2016

R.G. N° 13/03488

AFFAIRE :

D, AA, AB C

C/

O P E

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Mars 2013 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° Chambre : 2

N° RG : 10/08200

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pierre GUTTIN

Me Mélina PEDROLETTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE MAI DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

1/ Monsieur D, AA, AB C

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

2/ Madame G H épouse C

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

3/ Monsieur X, U, V Z

né le XXX à XXX

XXX

XXX

4/ SARL BOULANGERIE C

RCS de PONTOISE sous le n° 498 174 036

XXX

XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Pierre GUTTIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 – N° du dossier 13000224

Représentant : Me Agnès BAUVIN de la SELAS CABINET DURAND CONCHEZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0086

APPELANTS

****************

1/ Madame O P E

née le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

2/ Monsieur R S Y

né le XXX à XXX

de nationalité Française

XXX

XXX

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 22357

Représentant : Me GAMBIER, Plaidant, avocat , substituant Me Eric BOURLION de la SCP BOURLION/DEPLA, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 50

INTIMES

3/ Madame I Z

XXX

XXX

INTIMEE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Mars 2016 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier en pré-affectation, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET


FAITS ET PROCÉDURE

M. Y et Mme E ont acquis en mai 2002 une maison sise XXX à XXX, mitoyenne d’une boulangerie située dans le même bâtiment, ayant son adresse au n° 35 de la même rue.

Le 26 juin 2007, M. et Mme Z, qui exploitaient la boulangerie depuis novembre 2001, ont donné le fonds de commerce en location-gérance à la société Boulangerie C dont les époux C sont les associés gérants, puis le 10 décembre 2009, la société Boulangerie C a acquis le fonds.

Incommodés par les nuisances sonores occasionnées par l’exploitation de la boulangerie, notamment lors du fonctionnement nocturne des appareils de production, les consorts Y E ont entamé des démarches auprès des autorités administratives pour y mettre un terme.

Un expert a été désigné le 19 novembre 2008 par le juge des référés.

Il a déposé son rapport le 23 janvier 2010.

En octobre, novembre 2010, et janvier 2012, les consorts Y E ont fait assigner les époux C, les époux Z et la société Boulangerie C devant le tribunal de grande instance de Pontoise afin de les voir condamnés à réaliser sous astreinte les travaux d’isolation préconisés par l’expert et à les indemniser de leurs préjudices.

Par décision du 18 mars 2013, le tribunal a :

rejeté les moyens tirés de l’irrecevabilité de l’action engagée par les consorts Y E à l’encontre des époux C,

écarté la règle de l’antériorité prévue à l’article L 112-6 du code de la construction et de l’habitation et la théorie de l’acceptation des risques et dit que la responsabilité civile de la société Boulangerie C, des époux C et des époux Z est pleinement engagée,

condamné la société Boulangerie C à faire réaliser à ses frais les travaux d’isolation préconisés par l’expert judiciaire avec l’assistance d’un bureau d’études techniques spécialisé en acoustique et vibration, sauf à justifier, s’agissant des machines ayant été remplacées ou déplacées, de mesures acoustiques nocturnes réalisées par un bureau d’études spécialisés démontrant la disparition totale de toute nuisance sonore au sens de la réglementation en vigueur, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification de la décision,

condamné in solidum la société Boulangerie C, les époux Z et les époux C à payer aux consorts Y E les sommes de 20.000 euros en réparation de leur préjudice moral, 10.000 euros pour résistance abusive et 10.656,26 euros en réparation de leur préjudice matériel,

condamné in solidum les mêmes à payer aux consorts Y E la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais d’expertise.

M. Z, les époux C et la société Boulangerie C ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance d’incident du 13 mars 2014, à la demande des appelants, le conseiller de la mise en état a ordonné une mesure d’expertise afin d’évaluer la disparition ou la persistance des nuisances nocturnes en provenance de la boulangerie.

L’expert, M. A, a déposé son rapport le 1er décembre 2014.

Sa conclusion est la suivante : par suite de différents aménagements, les appelants sont parvenus à réduire l’exposition sonore du voisinage et il a été vérifié contradictoirement depuis le domicile des intimés que le seuil de bruit réglementaire se trouve respecté.

Aux termes de conclusions du 29 décembre 2015, les appelants demandent à la cour :

in limine litis, de juger que les demandes de M. Y et Mme E sont irrecevables en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de M. et Mme C,

à titre principal, de constater qu’il y a lieu de faire application de la règle de l’antériorité prévue à l’article L 112-16 du code de la construction et de l’habitation et l’acceptation des risques ou l’imprévoyance fautive des demandeurs, en conséquence, juger que la responsabilité civile des appelants n’est pas engagée et débouter ainsi les intimés de l’ensemble de leurs demandes,

à titre subsidiaire, de juger que la société Boulangerie C a fait réaliser les travaux préconisés par l’expert judiciaire ayant permis de faire cesser les nuisances sonores dans le logement des demandeurs, juger que les intimés ne démontrent pas le préjudice moral dont ils sollicitent réparation, que leur résistance abusive n’est pas démontrée, qu’ils ne démontrent pas que la somme de 10.656,26 euros dont ils demandent le remboursement correspond à des travaux d’isolation phonique nécessités par les nuisances sonores,

à titre infiniment subsidiaire, juger que les intimés ne subissent pas de trouble anormal de voisinage leur causant un préjudice,

en conséquence, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

débouter les intimés de leur demande subsidiaire de condamnation des appelants à leur verser des dommages et intérêts pour trouble du voisinage à hauteur de 45.000 euros et de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

les condamner au paiement de la somme de 4.160,16 euros au titre du remboursement des frais d’expertise de M. A, de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens avec recouvrement direct.

Dans des conclusions du 15 juillet 2015, les consorts Y E demandent à la cour de :

à titre principal, confirmer le jugement entrepris et rejeter les attestations de M. B et de l’agence immobilière ACB en ce qu’elles ne répondent pas aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire, constater la présence de nuisances sonores occasionnant un trouble anormal du voisinage, juger que ce trouble anormal du voisinage cause un préjudice qu’il convient de réparer, et condamner solidairement M. et Mme C ainsi que M. et Mme Z et la SARL Boulangerie C au paiement de la somme de 45.000 euros au titre des dommages et intérêts, en conséquence, juger les consorts Z, C et la SARL Boulangerie C mal fondés en leurs prétentions,

en tout état de cause, condamner solidairement la boulangerie C, M. et Mme C, M. et Mme Z au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec recouvrement direct.

Les appelants ont fait signifier la déclaration d’appel à Mme Z (à l’étude de l’huissier) le 9 août 2013. Les intimés lui ont fait signifier leurs conclusions le 3 août 2015 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.

Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 février 2016.

SUR CE,

— Sur la recevabilité des demandes formées contre M. et Mme C

Les appelants contestent la recevabilité de l’action en tant que dirigée à l’encontre de M. et Mme C qui ne sont pas les propriétaires du fonds de commerce et n’étaient pas les exploitants lors de la période de location gérance, et rappellent que la responsabilité civile des associés d’une SARL ne peut jamais être recherchée pour des faits commis par la société.

Les intimés répondent que le fonds de commerce a été pris en location gérance par M. et Mme C à titre individuel exerçant sous l’enseigne 'Boulangerie C'.

Il appartient aux consorts Y E de démontrer qu’ils sont fondés à agir contre M. et Mme C, à titre personnel.

Or, ils ne produisent aucune pièce permettant de confirmer leurs dires selon lesquels les époux C auraient été, à titre personnel, bénéficiaires d’un contrat de location gérance avant la société Boulangerie C.

Au contraire, il est mentionné dans l’acte de vente du fonds de commerce par les époux Z à la société Boulangerie C que suivant acte sous seing privé du 26 juin 2007, M. et Mme Z ont confié 'en location gérance à la société Boulangerie C’ leur fonds de commerce de boulangerie.

En conséquence, dès lors qu’il n’est pas démontré que les époux C ont exploité à titre personnel le fonds de commerce en cause, et que les intimés n’ont pas prétendu agir à leur encontre en vertu d’un autre fondement que le contrat de location gérance, leurs demandes à l’encontre de M. et Mme C seront déclarées irrecevables.

— Sur l’application de la règle de l’antériorité

Aux termes de l’article L 112-16 du code de la construction et de l’habitation : les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions.

Il est constant que l’activité de boulangerie en cause (qui date de plus de 40 ans) préexistait à l’acquisition de leur bien par les consorts Y E. Il n’est pas non plus discuté que les conditions d’exploitation n’ont pas subi de modifications depuis l’achat de leur bien par les consorts Y E.

Aux termes de l’article 1334-32 du code de la santé publique, lorsque le bruit mentionné à l’article R. 1334-31 a pour origine une activité professionnelle autre que l’une de celles mentionnées à l’article R. 1334-36 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d’exercice relatives au bruit n’ont pas été fixées par les autorités compétentes, l’atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme est caractérisée si l’émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l’article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article.

Lorsque le bruit mentionné à l’alinéa précédent, perçu à l’intérieur des pièces principales de tout logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d’activités professionnelles, l’atteinte est également caractérisée si l’émergence spectrale de ce bruit, définie à l’article R. 1334-34, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. Toutefois, l’émergence globale et, le cas échéant, l’émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels A si la mesure est effectuée à l’intérieur des pièces principales d’un logement d’habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 dB (A) dans les autres cas.

L’émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l’ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l’occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l’absence du bruit particulier en cause.

L’article R 1334-33 du même code prévoit que les valeurs limites de l’émergence sont de 5 décibels A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB (A) en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s’ajoute un terme correctif en dB (A), fonction de la durée cumulée d’apparition du bruit particulier.

Les appelants contestent les conclusions du 1er expert qui n’a pas tenu compte des seuils fixés en matière d’activité professionnelle.

Les constatations de l’expert judiciaire désigné en première instance sont les suivantes, s’agissant des désordres allégués : les installations de boulangerie, pour un niveau de bruit ambiant résiduel intérieur au logement des demandeurs de 19 dB (A) en période nocturne, émettent des niveaux sonores dans la chambre des demandeurs provoquant des émergences toujours supérieures à 3 dB (A) en période nocturne, donc sont en infraction par rapport au décret du 31.08.2006 d’une part, et que pour un niveau de bruit ambiant extérieur de 35 dB (A), le compresseur de marque Koma émet un niveau sonore provoquant des émergences toujours supérieures à 3 dB (A) en période nocturne dans la deuxième cour intérieure, et que le compresseur de marque Silensys dépasse lui aussi les émergences autorisées dans la première cour, lors de son fonctionnement nocturne. Ces troubles parfaitement audibles dans le logement des demandeurs, et en extérieur en façade de ce logement, sont générateurs d’une gêne incontestable.

L’expert n’a pas fait état de l’application du terme correctif applicable et fait au contraire systématiquement référence au seuil de 3 dB (A), qui n’est pas le seuil applicable après application du terme correctif. Ses mesures n’étant pas annexées au rapport d’expertise produit aux débats, la cour n’est pas en mesure de reconstituer les émergences devant être retenues.

Cependant, il n’est pas discutable que la DDASS du Val d’Oise, qui a effectué des mesures de bruit en pleine journée les 16 août 2006 et 7 août 2007, et dans la nuit, de 4h08 à 5h20, le 28 août 2008, a constaté, après application du terme correctif, que les émergences fixées par la réglementation étaient dépassées.

Il conviendra donc de se référer à ces seules mesures pour apprécier l’ampleur du trouble allégué.

S’agissant de l’application de la règle de l’antériorité, il en résulte qu’il est ainsi établi que l’exploitation de la boulangerie ne s’exerçait pas en conformité avec les dispositions réglementaires en vigueur, de sorte que les appelants sont mal fondés à revendiquer le bénéfice de l’article L 112-16 du code de la construction et de l’habitation.

S’il est exact que les intimés se sont installés en toute connaissance de cause à proximité immédiate de la boulangerie, ce qui supposait d’accepter certaines nuisances inhérentes à cette activité (dont le fonctionnement de machines la nuit à partir de 2h), et que les précédents propriétaires ne se sont manifestement jamais plaints de nuisances sonores, pas plus que les deux autres voisins d’ailleurs, M. B et l’agence immobilière ACB (dont les attestations, fussent-elles non conformes à toutes les exigences de l’article 202 du code de procédure civile présentent néanmoins des garanties suffisantes pour emporter la conviction et ne seront pas écartées des débats), il n’en demeure pas moins qu’ils ne peuvent être tenus de subir impunément les dommages qui excéderaient ce que tout un chacun est en droit de supporter de ses voisins, sous la réserve de l’article L 112-16 précité.

— Sur le trouble anormal du voisinage

Les consorts Y E se plaignent essentiellement de nuisances nocturnes.

Aux termes des mesures réalisées par la DDASS du Val d’Oise de 4h08 à 5h20, le 28 août 2008, il apparaît que seules deux sources de bruit ont été identifiées clairement, le pétrin et le compresseur situé dans la cour arrière (le compresseur servant à l’alimentation en froid des présentoirs n’a pas été entendu, l’extracteur du four n’a pas été entendu distinctement) et que, après application du terme correctif prévu par l’article R 1334-33 du code de la santé publique (2 dB (A) pour le compresseur qui fonctionne pendant 2h54 mn sur la nuit et 3 dB (A) pour le pétrin qui fonctionne 33 mn sur la nuit) :

s’agissant du compresseur, l’émergence globale est de 5,7 dB (A), alors qu’N ne devrait pas dépasser 5, les émergences spectrales sont respectivement (dans les bandes d’octaves de 500, 1000 et 4000 Hz), de 5,7 dB, 5,2 dB et 6,6 dB supérieures donc à l’émergence réglementaire de 5 dB, et dans la bande d’octave de 250 Hz, de 10,1 dB, soit supérieure à l’émergence spectrale de 7 dB admise par la réglementation,

s’agissant du pétrin, l’émergence globale est de 3,9 dB (A), soit conforme à la réglementation puisqu’N doit être inférieure à 6, dans la bande d’octave de 250 Hz, l’émergence spectrale est de 12 dB, soit supérieure à l’émergence spectrale de 7 dB admise par la réglementation.

Il en résulte qu’en effet le fonds de commerce, successivement exploité par les époux Z puis par la société Boulangerie C, était à l’origine de nuisances sonores qui excédaient les seuils réglementaires applicables, et donc les inconvénients normaux du voisinage.

Bien qu’ayant acquis leur bien en 2002, il sera cependant relevé que les consorts Y E ne justifient pas de la moindre protestation s’agissant du bruit excessif de la boulangerie avant l’année 2005, et que d’ailleurs, dans la plainte qu’N est allée déposer au commissariat de police le 14 mars 2007, Mme E N-même a indiqué que 'les faits perdurent depuis plus de deux ans', citant un courrier à M. Z en avril 2005 (non produit), puis, un an après, un courrier à la DDASS.

Les appelants font notamment valoir que dès avant la décision du tribunal, ils avaient fait réaliser tous les travaux nécessaires à la cessation des nuisances, ce que les intimés se sont bien gardés de faire savoir, et que le tribunal n’a pas cru. Ils ont tenté de faire procéder à des mesures prouvant leurs dire par un BET ainsi que le demandait le tribunal, mais les consorts Y E ont refusé l’accès à leur appartement, ce qui les a contraints à saisir le conseiller de la mise en état d’une demande d’expertise.

Les intimés se plaignent de la persistance des vibrations et bruits en provenance de la boulangerie et soutiennent qu’en matière de troubles du voisinage, il importe peu que les règlements soient respectés.

Dans le rapport réalisé par la société Alhyange, le 12 mai 2011, à la demande des époux C, et après qu’ils ont réalisé des travaux destinés à mettre un terme aux nuisances, il est indiqué qu’à l’intérieur du logement des consorts Y E en période diurne, aucune nuisance n’est perceptible. La société indique que la mise en oeuvre de plots antivibratiles sous les principales machines a sans doute contribué à une baisse notable de l’impact vibratoire des équipements. Le tribunal n’a pas jugé suffisant ce rapport pour considérer que les troubles avaient cessé.

Il est désormais acquis, aux termes de l’expertise judiciaire ordonnée par le conseiller de la mise en état, dont les appelants ont dû, en appel, solliciter l’organisation en raison du refus que leur opposaient les intimés de laisser l’accès à leur appartement à un bureau d’études spécialisés pour procéder à des mesures acoustiques, que l’exploitation de la boulangerie, après réalisation de travaux par la société Boulangerie C, s’exerçait dans le respect de la réglementation applicable. Les intimés sont donc particulièrement mal fondés à alléguer la persistance de troubles au regard des dispositions de l’article L 112-6 du code de la construction et de l’habitation, puisque la boulangerie à côté de laquelle ils ont choisi d’habiter est exploitée dans le respect de la réglementation applicable.

Il n’y a donc pas lieu d’ordonner à la société Boulangerie C de procéder à des travaux déjà réalisés qui ont mis un terme aux nuisances alléguées, et le jugement sera infirmé de ce chef.

Le préjudice moral allégué par les intimés résultant des bruits nocturnes sera apprécié au regard de sa durée, aucune plainte de leur part n’étant établie avant l’année 2005 ainsi qu’il a déjà été observé, et de l’intensité des nuisances. Mme E verse aux débats une ordonnance de prescription de Lexomil en date du 17 avril 2010, dans le cadre d’une consultation auprès d’un médecin spécialiste des maladies cardiovasculaires, alors que ce médicament a pour objet premier de traiter l’anxiété et n’est pas un somnifère, et un certificat médical du mois d’août 2010, illisible, pièces qui ne sauraient suffire à faire la preuve d’un lien de causalité entre cette unique prescription et des troubles du sommeil directement consécutifs aux nuisances subies.

Le préjudice résultant des bruits excédant les normes réglementaires pendant une durée de 6 ans (2005 à 2011), sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 10.000 euros aux intimés.

S’agissant du préjudice matériel, l’expert a bien précisé que les nuisances résultaient surtout de transmissions structurelles.

Dans ces conditions, il n’est pas démontré que les dépenses exposées par les consorts Y E pour améliorer l’isolation de leur bien en 2003, 2005 et 2007 pour une somme de 10.656,26 euros (changement de tous les ouvrants, y compris d’ailleurs dans des pièces dans lesquelles aucune nuisance n’est subie, fourniture de panneaux de bois pour les murs et planchers) sont en rapport direct avec les nuisances sonores.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef et les consorts Y E seront déboutés de leur demande sur ce point.

— Sur la résistance abusive

Certes, ce n’est qu’en 2008, 2010 et 2011 que les époux C ont fait procéder à des travaux sur leurs appareils. Ils ont d’ailleurs agi sur tous les appareils, y compris sur ceux qui n’étaient pas à l’origine de bruits excessifs.

Cependant, il n’est pas justifié par les consorts Y E que durant ce délai, ils ont subi un préjudice distinct de celui qui a été réparé ci-dessus au titre du préjudice moral résultant des nuisances sonores subies de 2005 à 2011.

En conséquence, ils seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

— Sur les dépens et frais irrépétibles

Les dispositions du jugement seront confirmées s’agissant du sort des dépens et frais irrépétibles.

En appel, chacune des parties conservera la charge de ses dépens, les frais de l’expertise ordonnée par le conseiller de la mise en état restant à la charge des consorts Y E.

Il n’y a pas lieu d’allouer à l’une ou l’autre des parties une indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt par défaut,

Dit n’y avoir lieu d’écarter des débats les pièces n° 35 et 36 produites par M. Z, M. et Mme C et la société Boulangerie C,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions à l’exclusion de celle ayant écarté la règle de l’antériorité et la théorie de l’acceptation des risques et de celles relatives aux dépens et frais irrépétibles,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Déclare irrecevables les demandes formées par M. Y et Mme E à l’encontre de M. et Mme C,

Condamne in solidum M. et Mme Z et la société Boulangerie C à payer à M. Y et Mme E la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des troubles du voisinage,

Déboute M. Y et Mme E de leurs demandes de réalisation de travaux sous astreinte, de dommages-intérêts pour préjudice matériel et résistance abusive,

Y ajoutant :

Condamne M. Y et Mme E à supporter le coût de l’expertise de M. A et dit que les autres dépens exposés en appel seront laissés à la charge de chacune des parties,

Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 12 mai 2016, n° 13/03488