Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 2 juin 2020, n° 19/00933

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 2 juin 2020, n° 19/00933
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/00933
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Versailles, 26 novembre 2018, N° 13/06898
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1re chambre 1re section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 59A

DU 02 JUIN 2020

N° RG 19/00933

N° Portalis DBV3-V-B7D-S6JF

AFFAIRE :

SA D E F

C/

S.C.P. X & Y

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Novembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 13/06898

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me Sophie POULAIN,

— Me Mélina PEDROLETTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant qui a été prorogé le 26 mai 2020, les parties en ayant été avisées dans l’affaire entre :

SA D E F (ANCIENNEMENT ADMEA)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 394 .32 3.8 77

[…]

93110 ROSNY-SOUS-BOIS

représentée par Me Sophie POULAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180 – N° du dossier 213111

Me Nicolas DHUIN de la SELEURL NHDA, avocat plaidant/déposant – barreau de PARIS, vestiaire : P0213

APPELANTE

****************

S.C.P. X & Y

N° SIRET : 443 .56 4.5 39

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Mélina PEDROLETTI, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 24533

Me Pierre LEVEQUE de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat plaidant déposant – barreau de PARIS, vestiaire : P0372

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Mars 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, Conseiller chargée du rapport et Madame Nathalie LAUER, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1re chambre 1re section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 59A

DU 02 JUIN 2020

N° RG 19/00933

N° Portalis DBV3-V-B7D-S6JF

AFFAIRE :

SA D E F

C/

S.C.P. X & Y

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Novembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 13/06898

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me Sophie POULAIN,

— Me Mélina PEDROLETTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant qui a été prorogé le 26 mai 2020, les parties en ayant été avisées dans l’affaire entre :

SA D E F (ANCIENNEMENT ADMEA)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 394 .32 3.8 77

[…]

93110 ROSNY-SOUS-BOIS

représentée par Me Sophie POULAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180 – N° du dossier 213111

Me Nicolas DHUIN de la SELEURL NHDA, avocat plaidant/déposant – barreau de PARIS, vestiaire : P0213

APPELANTE

****************

S.C.P. X & Y

N° SIRET : 443 .56 4.5 39

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Mélina PEDROLETTI, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 24533

Me Pierre LEVEQUE de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat plaidant déposant – barreau de PARIS, vestiaire : P0372

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à

l’audience publique du 16 Mars 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, Conseiller chargée du rapport et Madame Nathalie LAUER, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement rendu le 27 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Versailles qui

a :

— débouté la SA Admea de toutes ses demandes,

— condamné la SCP X et Y à verser à M. Z, avocat, une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SA Admea aux dépens, dont distraction au profit de M. A B, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu l’appel de ce jugement interjeté le 11 février 2019 par la société anonyme (SA) D E F, anciennement Admea ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 13 mai 2019 par lesquelles la SA D E F demande à la cour de :

Vu les articles 1147 et 1991 et suivants du code civil, pris dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016,

Vu l’article 1382 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016,

Vu l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce dans sa rédaction en vigueur à l’époque,

Vu l’article 16 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reconnu la faute de la SCP X et Y, qui a manqué à son obligation de résultat en s’abstenant d’accomplir, en violation du mandat qu’elle avait reçu, un acte indispensable à la bonne marche du procès opposant les sociétés Admea et Sopadis à l’encontre de la société But international,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société D E F, anciennement dénommée Admea, elle-même aux droits de la société Sopadis, de l’ensemble de ses demandes,

En conséquence,

— déclarer la SCP X et Y entièrement responsable du préjudice résultant de la caducité partielle de l’appel formé par les sociétés Admea et Sopadis à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 29 mai 2012,

— condamner la SCP X et Y à verser à la société D E F la somme de 7 052 111,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2010, en réparation du préjudice résultant pour elle de l’impossibilité d’obtenir réparation du préjudice que lui a causé le caractère brutal de la rupture des relations commerciales que les sociétés Admea et Sopadis entretenaient avec la société But,

— condamner la SCP X et Y à verser à la société D E F la somme de 12 685,10 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance du 13 août 2013, en réparation du préjudice résultant pour elle des honoraires dont elle s’est acquittée en pure perte dans le cadre de la procédure d’incident ayant donné l’arrêt du 19 juin 2013,

— condamner la SCP X et Y à verser à la société D E F la somme de 9 400 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance du 13 août 2013, en réparation du préjudice résultant pour elle des honoraires dont elle s’est acquittée en pure perte à raison du pourvoi formé devant la Cour de cassation, ainsi que des condamnations prononcées par cette dernière au bénéfice de la société But international sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SCP X et Y à payer à la société D E F la somme de 20 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SCP X et Y aux dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés directement par Mme Sophie Poulain, avocat au barreau de Versailles, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 30 juillet 2019 par lesquelles la société civile professionnelle (SCP) X et Y demande à la cour de :

— dire et juger sans fondement les demandes de la société D E F anciennement dénommée Admea tant en son nom que venant aux droits de la société Sopadis,

— la débouter et confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions favorables à la SCP X et Y,

Y ajoutant,

— condamner la société D E F à payer à la SCP X et Y la somme de 10 000 euros en remboursement des frais irrépétibles de l’appel,

— en application de l’article 699 du code de procédure civile, condamner la société Admea aux dépens d’appel ;

FAITS ET PROCÉDURE

La société anonyme Admea et sa filiale, la société par actions simplifiée Sopadis, ont pour activité le commerce de gros auprès de centrales d’achats, grandes surfaces et distributeurs de biens de consommation, essentiellement dans le domaine de l’électronique et de l’électroménager don elles font le négoce , se procurant les produits qu’elles commercialisent auprès de fournisseurs implantés en Asie.

La société But International a pour activité principale la distributions de biens d’équipement pour la maison à travers un réseau comportant plus de 200 magasins en propre et franchisés situés en France.

Elle a notamment pour mission de sélectionner, pour le compte des magasins But, des produits

susceptibles d’être commercialisés dans ces magasins, soit en les référençant, soit en les achetant elle-même en vue de leur revente auxdits magasins.

Le groupe Cafom est un groupe indépendant du secteur de la grande distribution qui exploite en franchise des magasins But dans les Dom-Tom. La société Cafom distribution est la centrale d’achat du groupe Cafom.

Jusqu’en 2008, But International faisait partie du groupe Kesa et s’approvisionnait principalement auprès de sa centrale d’achats mais aussi auprès d’autres sociétés parmi lesquelles figuraient Admea et Sopadis. A la suite de sa cession par Kesa en 2008, But International a repris à son compte la gestion de ses achats auprès des fournisseurs. C’est dans ce contexte qu’elle a développé ses relations avec Admea et Sopadis dont les chiffres d’affaires avec elle ont progressé en 2008 et en 2009 et a conclu deux contrats cadres, l’un le 28 février 2008 avec Sopadis et l’autre le 25 février 2009 avec Admea.

Au cours de l’année 2009, la société but international a réorganisé son réseau de distribution et créé, avec la société Cafom distribution, la société But sourcing pour assurer leur approvisionnement à partir de Hong-Kong. Dans l’attente de la mise en place effective de la nouvelle organisation, la société But International a confié à la société Cafom distribution la négociation avec les fournisseurs et notamment les sociétés Admea et Sopadis.

Les relations entre les sociétés Admea et Sopadis d’une part, et la société But International d’autre part, se sont dégradées, ce qui s’est traduit par des annulations de commandes, des refus de livraison et des différends sur les modalités de paiement.

S’estimant évincées, les sociétés Admea et Sopadis ont assigné les sociétés But international et Cafom distribution devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir condamner la société But international à leur payer des dommages et intérêts distincts en réparation des préjudices subis du fait du caractère brutal de la rupture de leurs relations commerciales et de voir condamner solidairement But International avec la société Cafom distribution à leur verser des dommages et intérêts distincts en réparation de leur préjudice du fait du détournement de leur savoir faire constituant un agissement parasitaire.

Le tribunal de commerce de Paris a débouté les sociétés Admea et Sopadis de leurs demandes par jugement du 29 mai 2012. Les sociétés ont interjeté appel de ce jugement, mandatant pour ce faire la SCP X et Y.

Le 26 février 2013, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Paris a constaté la caducité de l’appel dirigé contre la société But international et la validité de l’appel dirigé contre la société Cafom distribution. Les sociétés Admea et Sopadis ont déféré l’ordonnance du conseiller de la mise en état à la cour d’appel de Paris qui, par arrêt du 19 juin 2013, a confirmé les termes de l’ordonnance du 26 février 2013.

Par arrêt du 13 novembre 2014, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les sociétés Admea et Sopadis à l’encontre de cet arrêt.

Par suite, la cour d’appel de Paris, statuant exclusivement sur l’appel formé à l’encontre de la société Cafom distribution, a par arrêt du 8 avril 2015, confirmé le jugement rendu le 29 mai 2012 par le tribunal de commerce de Paris.

Parallèlement, estimant que leur ancien conseil les avait privées de toute chance de voir la société But international condamnée à réparer le préjudice qu’elle leur avait causé, les sociétés Admea et Sopadis ont fait assigner la SCP X et Y en responsabilité professionnelle devant le tribunal de grande instance de Versailles, par acte d’huissier du 13 août 2013.

Par acte d’huissier du 11 juin 2014, la SCP X et Y a appelé en intervention forcée et garantie, M. C Z, avocat.

Postérieurement à l’introduction de l’instance, la société Sopadis a fait l’objet d’une dissolution après transmission universelle de son patrimoine au profit de sa société mère Admea, publiée le 16 décembre 2014 à effet du 24 novembre 2014. La société D E F se trouve désormais aux droits d’Admea.

C’est dans ces conditions qu’a été rendu le jugement déféré ayant débouté la société Admea de toutes ses demandes.

SUR CE , LA COUR,

Moyens des parties

Au soutien de son appel, la société D E F fait valoir qu’elle a été privée de toute chance de voir la société But international réparer le préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales avec les sociétés Admea et Sopadis. Elle souligne que cette situation résulte des manquements de son ancien conseil, la SCP X et Y, qui n’a pas signifié ses conclusions d’appel par voie d’huissier à la société But international dans les délais impartis.

Elle expose que ses demandes formulées en appel à l’encontre de la société Cafom distribution étaient étroitement liées à celles dirigées contre la société But international et qu’en raison de la caducité de l’appel formé à l’encontre de cette dernière, la cour d’appel de Paris n’a pu examiner qu’une partie du litige et a rejeté intégralité de ses demandes.

Elle fait valoir qu’elle a fait appel à la SCP X et Y en sa qualité de spécialiste de la procédure d’appel, ses membres étant d’anciens avoués auprès de la cour d’appel de Paris. Elle soutient que, chargée d’une mission de représentation, la SCP X et Y était tenue à une obligation de résultat d’accomplir tous les actes de procédure utiles à la bonne marche du procès.

Elle estime que le manquement commis par son conseil lui a fait perdre toute chance de voir infirmer en appel le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 29 mai 2012.

S’agissant de son préjudice, elle affirme que les chances de réformation du jugement du tribunal de commerce de Paris étaient réelles et sérieuses.

Elle soutient qu’il ne peut lui être reproché de n’avoir pas produit aux débats l’intégralité des pièces versées par ses adversaires dans le cadre du litige commercial alors que la SCP X et Y aurait dû elle-même disposer des 29 pièces visées au soutien des conclusions au fond signifiées par la société But à titre conservatoire devant la cour d’appel de Paris.

Elle affirme qu’elle en communique désormais l’intégralité et observe qu’il convient de reconstituer uniquement le procès qui n’a pas eu lieu entre les sociétés Admea et But sans qu’il y ait lieu de s’intéresser à la décision rendue en appel dans l’instance s’étant poursuivie exclusivement entre Admea et Cafom.

Elle conclut au caractère certain de sa perte de chance de voir réparer son préjudice.

Elle se fonde sur la rupture brutale et abusive des relations commerciales que But entretenait avec les sociétés Admea et Sopadis au sens de l’article L442-6 du code de commerce. Elle invoque le caractère stable et continu des relations d’affaires qui les unissaient, prétendant que celles-ci remontaient à 1999 s’agissant de Sopadis et à 2004 en ce qui concerne la société Admea ; qu’elles s’étaient intensifié en 2008 pour aboutir à la négociation d’un partenariat auquel il a été mis fin en

mars 2010 par But.

Elle rappelle que les deux contrats cadres conclus en 2008 et 2009 ont été précédés de nombreux contrats de coopération commerciale, de service après-vente et de référencement.

Elle invoque le fait que But n’a jamais informé les sociétés Admea et Sopadis de ce que leurs relations d’affaires pouvaient présenter un caractère exceptionnel ou temporaire et qu’au contraire la lettre de But du 11 juin 2009 faisait état de son intention de poursuivre la relation établie et a laissé croire, par son attitude et notamment sa demande de mise en place d’une charte graphique des nouveaux produits, à la pérennité de la relation d’affaires, étant remarqué que les chiffres d’affaires réalisés par Admea et Sopadis avec But international étaient substantiels et en constante progression.

Pour justifier du caractère brutal de la rupture, elle prétend que les sociétés Admea et Sopadis ont subi une réduction brutale du volume des commandes , un changement d’organisation du mode de distribution et une modification des conditions tarifaires. Elle se réfère aux échanges de courriels ayant eu lieu au cours de la fin de l’année 2009 jusqu’au début de l’année 2010. Elle observe que la volonté de But de rompre les relations s’est notamment manifestée par la création de la société But sourcing créée entre But et Cafom, destinée à approvisionner But International à partir de Hong-Kong.

En réponse au moyen de But International qui se plaignait de l’attitude d’Admea et Sopadis consistant à solliciter de façon injustifiée la communication de divers documents, raison pour laquelle But avait annulé diverses commandes, la société D E F soutient que les demandes formulées par Admea et Sopadis étaient justifiées par leur volonté de préserver les intérêts de leur cliente, parce que la société But sourcing de droit Hong Kongais n’était pas clairement identifiée, ni son lien avec la société But et qu’il s’agissait de s’assurer que la première intervenait bien pour le compte de la seconde, afin d’éviter toute contrefaçon de la marque Aya au détriment de But. Elle soutient que c’est afin de s’assurer du lien de filiation qu’Admea et Sopadis avaient sollicité de Cafom des éléments d’identification et que leur démarche était légitime.

Elle soutient que son préjudice se mesure à la marge que les victimes de la rupture abusive auraient réalisée au cours du préavis de 36 mois dont Admea et Sopadis auraient dû bénéficier , soit le double de 18 mois, eu égard à l’ancienneté des relations commerciales de 11 ans, et en application de l’article L 442-6 I 5° du code de commerce. Elle chiffre ainsi son préjudice à 7 052 111,18 euros.

Elle demande également réparation des frais et honoraires de procédure inutilement engagés, à hauteur de 12 685,10 euros et de 9 400 euros.

La SCP X et Y réplique que si elle avait eu à défendre sa cause en appel, la société But international aurait obtenu gain de cause. Elle rappelle que le jugement qui était attaqué par l’appelante avait retenu que le mail dont cette dernière s’était prévalue ne constituait pas une rupture des relations commerciales.

Elle souligne qu’une perte de chance de gagner un procès n’est indemnisable que si elle présente un caractère réel et sérieux et ajoute que l’appelante, en ne communiquant pas l’ensemble des conclusions et pièces échangées par les parties en première instance, mais en procédant au contraire, selon elle, à une communication sélective et tronquée de ces pièces, ne permet pas à la cour d’apprécier la perte de chance alléguée. Elle fait en effet valoir que les pièces produites aux débats par Cafom Distribution ont toute leur place dans la reconstitution fictive du débat au fond qui aurait opposé Admea tant en son nom personnel qu’au nom de Sopadis à leur adversaire But international devant la cour d’appel de Paris, pour rechercher si la perte de chance alléguée présentait un caractère raisonnable et pas seulement hypothétique.

Elle prétend qu’en l’état des éléments du procès initial partiellement communiqués par la société

D E F , le grief d’une rupture brutale imputable à But international est dénué de tout fondement.

Elle rappelle que jusqu’en 2008, But International s’approvisionnait auprès de la centrale d’achat de Kesa, groupe dont elle faisait partie, tout en s’approvisionnant auprès d’autres intermédiaires telles qu’Admea et Sopadis et que lorsque en 2008 Kesa a cédé But International, celle-ci a cessé de s’approvisionner auprès de la centrale d’achats du groupe et que c’est dans l’attente de sa réorganisation interne qu’elle a conclu des contrats cadres avec Sopadis en 2008 et avec Admea en 2009.

Elle observe que But International a informé Admea et Sopadis en juin 2009 de la reprise d’un bureau en Chine et que c’est ainsi qu’elle a créé la société But sourcing, destinée à assurer son approvisionnement à partir de Hong-Kong ; que durant la période de finalisation de cette création et dans l’attente de son caractère opérationnel, elle a confié à Cafom distribution la négociation des achats en provenance de l’étranger avec tous les fournisseurs y compris Admea et Sopadis.

Elle affirme que ces deux sociétés étaient parfaitement informées puisqu’elles ont donné des informations complètes à leurs fabricants chinois au sujet des rapports entre Cafom Distribution et But International en novembre 2009.

Admea a dénié à Cafom distribution le droit de solliciter les mêmes fabricants qu’elle pour approvisionner directement But International puis a opposé toutes sortes de difficultés concernant les commandes de Cafom distribution puis celles de But sourcing , qui ont pris du retard et ont dû faire l’objet d’annulations. Elle rappelle que Sopadis s’était engagée à honorer les commandes de tous magasins but ou d’une plate-forme logistique But ; que But International ne recherchait pas la rupture des relations commerciales mais a seulement informé ses cocontractantes le 2 mars 2010 que la poursuite des relations se feraient par l’intermédiaire de But sourcing Hong-Kong et que c’est suite à l’envoi de ce mail qu’ Admea a considéré, selon une interprétation qui lui est personnelle, que But International lui avait ainsi signifié une rupture brutale de leurs relations et l’a menacée d’un procès . Elle soutient à l’inverse que la rupture des relations commerciales résulte du comportement des sociétés Admea et Sopadis qui, alors que les commandes passées par la société But international avaient diminué au cours de l’année 2009, ont fait toutes sortes de difficultés pour les honorer.

Elle fait valoir que dès le 2 mars 2010, But International avait fait part à ses cocontractantes d’une baisse des commandes en raison de l’existence d’un stock important de matériel électroménager.

Elle constate que l’accusation de parasitisme sur le fondement duquel Admea et Sopadis réclamaient à elles deux, la somme de 7 052 111,18 euros ne reposait sur aucun fait sérieux et qu’elle a été écartée tant par le tribunal de commerce que par la cour d’appel de Paris.

L’intimée ajoute que l’appelante n’aurait pu obtenir, en gagnant son appel, que des dommages et intérêts d’un montant moindre que celui du gain espéré de l’événement qui ne s’est pas réalisé, et que les montants réclamés sont plus de deux fois supérieurs à la marge réalisée par les sociétés Admea et Sopadis en 2009 dans le cadre de leurs relations commerciales avec la société But international.

Elle conteste en tout état de cause la demande portant sur les honoraires versés par Admea à ses conseils dans le cadre du pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt ayant confirmé la caducité de l’appel dirigé contre But International.

SUR CE , LA COUR,

Sur la faute

En application de l’article 411 du code de procédure civile, le mandat de représentation en justice

emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant tous les actes de la procédure ; s’agissant du devoir d’accomplir les actes de procédure nécessaires, l’avocat est tenu à une obligation de résultat.

Il est acquis, que la SCP X et Y mandatée en sa qualité de spécialiste de la procédure d’appel, par les sociétés Admea et Sopadis dans le cadre de l’appel formé par ces dernières à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 29 mai 2012, a omis de signifier ses conclusions d’appel à But International , qui n’avait alors pas constitué, dans le mois de leur dépôt auprès de la cour , comme l’article 911 du code de procédure civile lui en faisant l’obligation.

Il en est résulté, ainsi que cela a été jugé de manière irrévocable, après le rejet du pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 juin 2013, la caducité de l’appel des sociétés Admea et Sopadis en ce qu’il était dirigé à l’encontre de But International.

La SCP X et Y ne discute pas la faute qui lui est reprochée, ni sa conséquence, à savoir, d’avoir fait perdre à la société Admea aux droits de laquelle se trouve désormais la société D E F, la possibilité de voir statuer sur les mérites de son appel dirigé contre But International.

Pour évaluer l’existence d’un préjudice en relation de causalité avec cette faute, il y a lieu de mesurer les chances de succès qu’aurait eu l’appel des sociétés Admea et Sopadis à l’encontre de la société But International soit les chances d’obtenir l’infirmation la décision rendue par le tribunal de commerce de Paris le 29 mai 2012 en ce qui concerne leurs demandes de dommages et intérêts fondées sur la rupture brutale de leurs relations commerciales qu’elles imputent à But International.

Sur les chances de succès de l’appel à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris

Pour débouter les sociétés Admea et Sopadis de leurs demandes , le tribunal de commerce de Paris a en substance retenu que si le contrat cadre de relations commerciales conclu entre Admea et But International le 25 février 2009 pour un an comportait une clause de tacite reconduction, il ne stipulait aucune obligation d’achat en quantité ou en valeur de la part de But International , ni aucune exclusivité de part ou d’autre et que ni ce contrat ni les autres pièces produites ne constituaient une preuve de la volonté commune des parties de s’engager dans une relation pérenne.

Le tribunal considérait encore qu’ Admea et Sopadis n’apportaient pas la preuve qui leur incombe de ce que la nature de leurs relations commerciales avec But International les autorisait raisonnablement à anticiper une certaine continuité du flux d’affaires avec cette société et que celle-ci n’a pas fait appel qu’à titre temporaire à leurs services, à partir du second semestre 2008, dans l’attente de la mise en place de sa propre organisation d’approvisionnement.

Le tribunal a encore estimé qu’Admea et Sopadis ne démontraient pas que la rupture des relations commerciales entre les parties était imputable à But International, la preuve de cette allégation ne résidant pas dans la baisse des commandes, alors que le chiffre d’affaires réalisé par Admea et Sopadis était en forte hausse en 2009 et que plusieurs commandes importantes de But International ou de sa mandataire Cafom distribution faites entre août 2009 et avril 2010 se sont vu opposer divers obstacles incompatibles avec le climat d’harmonie devant présider aux relations commerciales entre un fournisseur et son client habituel.

Il a enfin considéré que le courriel émis le 2 mars 2010 par But International en réponse à une demande d’Admea lui demandant de préciser les conditions du règlement des marchandises , au moyen duquel But International a indiqué qu’il lui était difficile de valoriser ses besoins à venir en raison de l’existence d’un stock supérieur à 120 jours, avait uniquement pour objet d’informer Admea et Sopadis du ralentissement prochain des commandes sans qu’il en résulte une notification de la

rupture des relations commerciales entre les parties.

Le tribunal a également constaté que les sociétés Admea et Sopadis , même s’il ne peut leur être reproché d’avoir pris les précautions minimales nécessaires à la sauvegarde de leurs intérêts dans la modification des relations contractuelles induites par la nouvelle organisation des approvisionnements de But International, ont opposé systématiquement aux demandes de cette dernière et de ses alliées des refus répétés et des demandes tatillonnes, démontrant ainsi leur volonté de s’opposer au déroulement harmonieux des relations commerciales , afin de faire échec à cette nouvelle organisation, dont il n’est, pourtant, pas démontré qu’elle aurait eu pour elles des conséquence défavorables.

Il a retenu que la rupture des relations commerciales étaient imputables à Admea et Sopadis.

Par le jugement entrepris, le tribunal de grande instance de Versailles a déduit de la teneur des contrats cadres conclus entre Admea et Sopadis d’une part et But International d’autre part, que la coopération commerciale entre ces sociétés ne présentait pas en 2010, le caractère d’une relation ancienne puisqu’elle avait été inaugurée en 2006 seulement ; que le chiffres d’affaires 2009 avait été exceptionnel car But International était en année de transition entre son ex centrale d’achats Kesa et sa future centrale d’achats But Sourcing et que par ailleurs, à l’exception de l’année 2009, le chiffre d’affaires réalisé par Admea avec But International représentait moins de 5% de son chiffre d’affaires total.

Après avoir pris en compte les réticences et blocages d’Admea vis à vis de Cafom distribution et de But sourcing, le tribunal a déduit des échanges entre ces sociétés que les relations d’affaires n’avaient pas été interrompues brutalement, ce d’autant moins qu’Admea ne démontrait pas l’existence d’une volonté commune des parties de s’engager dans une relation pérenne.

Selon les dispositions de l’article L 442-6 I 5) du code de commerce , engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La relation commerciale est établie, au sens de ces dispositions, lorsqu’elle revêt, avant sa rupture, un caractère suivi, stable et habituel dans laquelle la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir, une certaine continuité des flux d’affaires avec son partenaire commercial.

Il s’avère en l’espèce que si But International ne conteste pas une certaine ancienneté de ses relations avec Sopadis et Admea qui remontent à 2004, ce n’est qu’à partir de 2008 qu’un partenariat s’est concrétisé par la conclusion de deux contrats cadres de relation commerciale le 28 février 2008 avec Sopadis et le 25 février 2009 avec Admea.

Ces contrats mentionnent que But International qui est chargée de sélectionner et de référencer pour le compte des magasins franchisés But des produits susceptibles de commercialisation dans lesdits magasins, exerce en outre une activité de centrale d’achats sur certains produits et dispose à cette fin de plate-formes logistiques et qu’elle peut être amenée à acheter elle-même des produits afin de les revendre exclusivement à des magasins exploitant l’enseigne but.

Ils ont été conclus pour la durée de l’année civile en cours et tacitement reconductibles en l’absence de signature d’un nouveau contrat cadre au sens de l’article L 441-7 du code de commerce pour l’année suivante ou de dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue ou présentée au moins trois mois avant le terme de la période en cours .

Ainsi que le tribunal de commerce de Paris l’a expressément retenu, de même que le jugement entrepris, aucune clause d’exclusivité n’a été souscrite par But International au profit de ses cocontractantes, cette société conservant la liberté de décider de son organisation interne et de ses approvisionnements, « notamment par des choix opérés parmi les produits proposés par divers fournisseurs » comme elle l’a rappelé à Admea par lettre du 10 juillet 2009. Elle avait toute liberté également de recourir à un circuit d’approvisionnement interne, ce qu’elle a fait au moyen de la création de la société But sourcing dont elle a informé les sociétés Admea et Sopadis en juin 2009 en leur exposant qu’elle reprenait un bureau en Chine et souhaitait acheter au travers de cette nouvelle structure une part essentielle de ses marchandises.

Par ailleurs, But International ne s’est engagé non plus sur aucun volume d’achats, que ce soit en quantité ou en valeur.

Il apparaît que c’est à tort qu’ Admea a reproché à Cafom distribution des agissements de parasitisme et de concurrence déloyale, la première ayant été définitivement déboutée de ses demandes de dommages et intérêts à l’encontre de la seconde à ce titre, par l’arrêt du 8 avril 2015.

Il résulte des échanges de mails entre les sociétés partenaires que les relations se sont dégradées à compter de la mise en action de la société But sourcing et qu’Admea et Sopadis qui, de fait ont vu leurs commandes baisser en volume, ont multiplié les obstacles relatifs aux commandes passées alors qu’elles n’étaient pas fondées à anticiper une continuité certaine du flux d’affaires avec But International du fait de sa nouvelle organisation interne dont elle les avait informées.

Or, Admea et Sopadis s’étaient engagées, en application de l’article 6-1 des contrats cadres à honorer toute commande émanant de tout magasin but ou d’une plate-forme logistique but, obligation à laquelle elle n’a pas satisfait dès l’instant où elle a compliqué les relations par de multiples demandes administratives manifestement dictées par son mécontentement d’une baisse prévisible du volume d’affaires.

Enfin, le tribunal de commerce de Paris a exactement relevé que le mail en date du 2 mars 2010 émanant de But International qui se limite à répondre à ses partenaires au sujet de la passation des opérations de sourcing, ainsi que des modalités de règlement et à donner des précisions sur les commandes en cours et les commandes à venir, ne saurait s’analyser en une rupture brutale des relations imputable à But International alors que cette société avait au contraire confirmé en juillet 2009, son intention de poursuivre lesdites relations, par la conclusion d’un nouveau contrat cadre en 2010.

C’est donc ainsi à juste titre que par la décision entreprise, le tribunal a jugé , compte tenu de ce qui précède, qu’ Admea et aujourd’hui la société D E F ne rapportaient pas la preuve d’une quelconque chance de réformation de la décision rendue par le tribunal de commerce de Paris le 29 mai 2012, particulièrement motivée et circonstanciée.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté la société Admea , désormais la société D E F de toutes ses demandes.

Considérant que le tribunal a exactement statué sur les dépens et sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile ; qu’en conséquence le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Qu’en cause d’appel, l’équité commande d’allouer à la SCP X et Y la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société D E F à payer à la SCP X et Y la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

CONDAMNE la société D E F aux dépens d’appel,

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller pour le président empêché, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,

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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 2 juin 2020, n° 19/00933