Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 1er juillet 2020, n° 17/02937

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17e ch., 1er juill. 2020, n° 17/02937
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/02937
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Versailles, 9 mai 2017, N° 14/00194
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 1er JUILLET 2020

N° RG 17/02937

N° Portalis DBV3-V-B7B-RTIN

AFFAIRE :

B X

C/

SAS MILLIPORE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 mai 2017 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : 14/00194

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Patrick LE BOUARD

Me Christophe DEBRAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER JUILLET DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 13 mai 2020 puis prorogé au 17 juin 2020, puis prorogé au 1er juillet 2020 les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur B X

né le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représentant : Me Patrick LE BOUARD de la SELARL LE BOUARD AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 113 et par Me Mario CALIFANO, Plaidant, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 172

APPELANT

****************

SAS MILLIPORE

[…]

[…]

Représenté par Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et par Me Daniel ROGALINSKI de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 6 février 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK,

Par jugement du 10 mai 2017, le conseil de prud’hommes de Versailles (section encadrement) a:

— dit que l’affaire est recevable,

— jugé que le licenciement pour insuffisance professionnelle n’est pas fondé,

— condamné la SAS Millipore à payer à M. B X les sommes suivantes :

. 18 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1235-5 du code du travail,

. 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté M. X du surplus de ses demandes,

— rejeté en tant que de besoin toute autre demande,

— débouté la SAS Millipore de sa demande reconventionnelle,

— condamné la SAS Millipore aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 8 juin 2017, M. X a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 25 octobre 2018.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 22 février 2018, M. X demande à la cour de:

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— condamner en conséquence la société Millipore à lui payer une somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts par application de l’article L. 1235-5 du code du travail,

— dire que la convention de forfait en jours qui lui a été appliquée est privée d’effet,

— condamner en conséquence la société Millipore à lui payer les sommes suivantes :

. 19 920,80 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 1 992,08 euros au titre des congés payés y afférents,

. 6 895,80 euros à titre de dommages et intérêts pour les repos compensateurs, outre 689,58 euros au titre des congés payés y afférents,

. 34 863 euros à titre de dommages et intérêts par application de l’article L. 8223-1 du code du travail,

— condamner la SAS Millipore à lui payer la somme de 3 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SAS Millipore à lui payer les frais et dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 19 août 2017, la SAS Millipore demande à la cour de :

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles du 10 mai 2017 en ce qu’il a débouté M. X de sa demande de rappel de salaire et des demandes subséquentes relatives aux congés payés ainsi que des dommages et intérêts au titre de l’article L. 8223-1 du code du travail,

— débouter M. X de ses demandes nouvelles relatives aux dommages et intérêts au titre des repos compensateurs et des congés payés y afférents,

— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles du 10 mai 2017 en ce qu’il a dit que

le licenciement pour insuffisance professionnelle n’est pas fondé,

— débouter M. X de ses fins et conclusions,

— condamner M. X aux entiers frais et dépens,

— condamner M. X à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA COUR,

M. B X a été engagé par la société Millipore, qui appartient au groupe chimique et pharmaceutique Merck, en qualité de chef de projet, par contrat à durée indéterminée à temps plein en date du 4 janvier 2012 et à effet au 9 janvier 2012 ( pièce n°1 de l’employeur).

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

M. X précise qu’il percevait en 2013 une rémunération mensuelle brute moyenne de 5 810,50 euros (sa pièce 20 : bulletins de salaire).

Par lettre du 14 octobre 2013, M. X a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 23 octobre 2013.

M. X a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 4 novembre 2013 (sa pièce n°7).

Il a été dipensé de l’exécution de son préavis de trois mois.

Le 25 février 2014, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles aux fins de contester son licenciement et obtenir paiement de diverses sommes.

SUR L’EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL,

Sur la convention de forfait-jour,

M. X soutient que sa convention de forfait jour est privée d’effet car il n’a jamais bénéficié d’entretiens annuels spécifiques relatifs notamment à sa charge de travail.

La société Millipore ne réplique pas sur ce point alors qu’elle exposait en 1re instance que le salarié avair bénéficié de la méthode des « revues », c’est-à-dire d’entretiens qui visaient à suivre les actions menées dans le cadre du plan individuel de progrès visant à améliorer ses compétences professionnelles signé par le salarié le 7 mars 2013.

La convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 ainsi que les accords s’y rapportant, et l’accord national du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail dans la métallurgie s’appliquent au contrat de travail.

M. X bénéficiait d’un forfait de 217 jours travaillés (pièce n°1 de l’employeur, contrat de travail).

L’article 14 de l’accord national du 28 juillet 1998 détermine les modalités d’application du forfait en jours comme modalités de décompte annuel du temps de travail des salariés.

Cet article prévoit que :

— le forfait en jours doit s’accompagner d’un contrôle du nombre de jours travaillés afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises,

— l’employeur est tenu d’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail,

— le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait définie en jours assure le suivi régulier de l’organisation du travail de l’intéressé et de sa charge de travail,

— le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude des journées d’activité,

— cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.

Il n’est pas contesté que M. X n’a jamais bénéficié d’entretien annuel spécifique relatif à sa charge de travail.

La cour dit que que la convention de forfait en jours qui lui a été appliquée est privée d’effet.

Sur les heures supplémentaires,

M. X soutient que, de janvier 2013 au 31 octobre 2013, il a assuré en moyenne 46 heures hebdomadaires de travail. Il précise qu’il travaillait 10 heures par jour et prenait ses repas au restaurant de l’entreprise situé à 3 minutes à pied de son lieu de travail, ses pauses déjeuner étant très courtes (environ ½ heure par jour)

Il verse aux débats, pour chaque jour de travail, le premier et le dernier mail envoyé, ce qui établit selon lui qu’il était présent sur son lieu de travail sur cette amplitude horaire (sa pièce n° 6) et un tableau récapitulatif.

La société Millipore s’oppose à tout versement au titre des heures supplémentaires dans la mesure où, selon elle, M. X ne produit aucun décompte, fournit en vrac une pièce extrêmement volumineuse contenant plus de 800 copies de mails, de copies d’écran, parfaitement inexploitable, ne permettant pas le chiffrage forfaitaire des heures supplémentaaires ni le respect du contradictoire.

En outre, selon l’employeur, le contenu des mails ne permet nullement de conclure au fait que M. X aurait accompli des heures supplémentaires, et encore moins en un nombre aussi élevé qu’il le prétend.

En l’espèce, la rémunération qui était assurée à M. X correspondait à 35 heures de travail hebdomadaires en conséquence de l’inopposabilité de la convention de forfait en jours.

L’article L.3171-4 du code du travail dispose, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2008: "en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable."

Le mécanisme énoncé à l’article L.3171-4 du code du travail déroge à celui de l’article 1315 du code civil. La preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties.

Il résulte en effet des dispositions de l’article L.3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Si le salarié précise sa demande, l’employeur doit alors apporter aux débats ses propres éléments pour, le cas échéant, contredire la demande du salarié et donc établir un débat contradictoire autour de ces éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. X produit dans ses écritures un tableau récapitulatif de ses heures supplémentaires correspondant à la période du 2 janvier 2013 au 31 octobre 2013, en fonction de ses horaires hebdomadaires de travail (sa pièce n° 17), ainsi que de très nombreux mails indiquant les heures de sa présence au travail.

Par la production de son décompte précis et des attestations qu’il verse aux débats, M. X présente des éléments précis en créant les conditions d’un débat contradictoire.

L’employeur conteste le caractère probant des éléments produits par le salarié, mais ne fournit aucune pièce de nature à les contredire et à justifier des horaires effectivement réalisés, alors que, selon le salarié, le parking de l’entreprise est muni d’une badgeuse, dont les relevés auraient permis de vérifier le décompte des heures de présence de M. X.

La vérification du tableau récapitulatif des jours travaillés du salarié (sa pièce n°17) au regard des 862 courriels et autres pièces qu’il produit en pièce concernant ses horaires quotidiens (sa pièce n°6) permet de donner quelques exemples de ses horaires de travail en 2013 :

— le 8 janvier 2013, une amplitude de 8 heures (ses pièces 6/843 et 6/845),

— le 28 janvier, une amplitude de 7 h48 heures (ses pièces 6/790 et 6/791),

— le 20 février, une amplitude de 8 heures 22 (ses pièces 6/719 et 6/720),

— le 23 avril, une amplitude de 9 heures (ses pièces 6/ 560 et 6/561),

— le 14 août 2013, une amplitude de 9 heures (ses courriels 6/ 215 et 6/ 214),

— le 12 septembre, une amplitude de 9 heures 24 (ses pièces 6/128 et 6/131),

— le 29 octobre 2013, une amplitude d’environ 10 heures (ses pièces 6/18 e 6/12),

— le 30 octobre 2013, une amplitude d’environ 10 heures (ses pièces 6/9 et 6/11),

— le 31 octobre 2013, une amplitude d’environ10 heures( pièces 6/1 et 6/6 ).

Il résulte de l’ensemble de ces pièces que M. X était présent dans l’entreprise 9 heures par jour en moyenne, soit 8 heures de travail effectif par jour en raison de la pause déjeûner, qui ne peut en pratique être inférieure à 1 heure.

Il effectuait donc 5 heures supplémentaires hebdomadaires (40 heures – 35 heures).

Le salarié comptabilise 40 semaines travaillées du 2 janvier au 31 octobre 2013, alors qu’il résulte des pièces précitées (6 et 17) que 35 jours, soit 7 semaines, n’ont pas généré d’heures supplémentaires (RTT ou 1/2 journées travaillées).

Les heures supplémentaires seront donc calculées sur 33 semaines en 2013 ; elles sont majorées à 25 % pour les 8 premières heures.

Il n’est pas discuté que le taux horaire de rémunération de M. X était de 38, 31 euros, soit en l’espèce un taux horaire de 47,88 euros pour les heures supplémentaires à 25% .

Le montant des heures supplémentaires dû par l’employeur est donc de 239,40 euros par semaine (5 heures supplémentaires hebdomadaires à 47,88 euros) x 33 semaines, soit 7 900,20 euros.

Infirmant le jugement, il convient de condamner la société Millipore à verser à M. X la somme de 7 900,20 euros au titre des heures supplémentaires 2013 et de 790,02 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les repos compensateurs,

M. X demande le versement de la somme de 6 895,80 euros à titre de dommages et intérêts pour les repos compensateurs, outre 689,58 euros au titre des congés payés y afférents.

L’employeur s’y oppose, sans répliquer sur le montant des sommes demandées.

Selon l’article L. 3121-11 du Code du travail, dans sa version en vigueur, le contingent légal d’heures supplémentaires est de 220 heures par salarié. Il n’est pas discuté que la convention ou l’ accord collectif d’entreprise ou d’établissement prévoyaient le même nombre d’heures.

En application de l’article L 3121-11 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, chaque heure supplémentaire accomplie au delà du contingent annuel donne droit à une contrepartie obligatoire en repos.

Pour les heures effectuées au-delà du contingent annuel de 220 heures, le repos légal est de 100% du temps de travail accompli (Article 18 IV de la Loi du 20 août 2008).

Selon l’article D. 3121-14-1 dans sa version applicable à l’espèce, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos compensateurs ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos, reçoit une indemnité en espèce correspondant à ses droits acquis (décret du 4 novembre 2008, transféré par décret du 18 novembre 2016).

En l’espèce, M. X a effectué au total 165 heures supplémentaires en 2013 (5 heures par semaine x 33 semaines).

Il n’a donc pas dépassé le contingent de 220 heures supplémentaires ouvrant droit à repos compensateur.

Confirmant le jugement, sa demande sera rejetée.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé,

M. X soutient que ses bulletins de salaire ne reflètent pas sa réelle activité, alors que sa hiérarchie ne pouvait ignorer qu’il effectuait de nombreuses heures supplémentaires et que sa convention de forfait en jours n’était pas respectée.

En application de l’article L. 8221-5 du code du travail, dans sa version en vigueur du 18 juin 2011 au 10 août 2016 : "Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales."

Cependant l’employeur ne peut être condamné pour avoir omis de mentionner certaines heures de travail que si sa mauvaise foi ou son intention frauduleuse sont démontrées.

Une telle intention, qui ne peut se déduire de la seule absence de paiement des heures supplémentaires ou d’un manquement aux dispositions régissant le forfait jour, n’est pas établie en l’espèce.

Confirmant le jugement, la cour rejette la demande au titre du travail dissimulé.

SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL,

Il est admis par les deux parties que le motif du licenciement est l’insuffisance professionnelle du salarié.

Le licenciement prononcé pour insuffisance professionnelle résulte d’un comportement involontaire du salarié. Seule l’abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée, peut constituer une faute disciplinaire et donc, justifier un licenciement disciplinaire.

L’insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L’incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur.

L’insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement

conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d’une conjoncture économique difficile, ne doit pas être liée au propre comportement de l’employeur ou à son manquement à l’obligation d’adapter ses salariés à l’évolution des emplois dans l’entreprise.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement ne pèse spécialement sur aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile en application de l’article 1235-1 du code du travail, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué qui peuvent être établis notamment par les évaluations professionnelles du salarié ou des courriels ou des attestations produites par les parties.

La charge de la preuve est donc partagée, mais le doute doit profiter au salarié et il appartient au juge de restituer aux faits leur juste qualification.

M. X a été licencié par lettre du 4 novembre 2013 (sa pièce n° 7) :

' (…) Nous vous signifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Pour rappel, vous occupez actuellement le poste de Chef de Projets Senior au sein de notre Business Unit Lab Solutions. A ce titre, vous étiez amené à assumer, non limitativement, les responsabilités suivantes:

- Piloter le développement de nouveaux produits en utilisant les bonnes pratiques de Project Management et en particulier les projets clés pour Lab Water

- Etre reconnu comme le leader naturel de ce projet

- Initier, développer et piloter une équipe pluridisciplinaire de grande envergure du concept à la commercialisation des produits

- Travailler de façon autonome et avec une grande latitude

- Promouvoir un climat positif en garantissant une communication avec les sponsors et au sein de l’équipe.

Durant l’année 2012 et 2013, votre hiérarchie a mis en avant dans vos évaluations annuelles et de mi-année, le fait que vous n’avez pas réussi à endosser le rôle de Chef de Projets Senior dont la division a besoin, malgré un plan d’intégration complet. Dans ces conditions, nous avons été amenés à vous signifier la non-atteinte de vos objectifs et l’absence d’adéquation entre votre prestation de travail et les attendus de votre fonction.

De façon générale, les retours de vos interlocuteurs internes pointent des lacunes importantes, compte-tenu de votre fonction, comme par exemple, un manque flagrant d’esprit de synthèse. Ce fait peut être notamment illustré par des comptes-rendus incompréhensibles, même par des personnes ayant participé à ces réunions ou par des présentations faites qui ne permettent pas de comprendre les attendus et les objectifs de la réunion.

De même, les retours font état d’un manque criant de leader ship et de prise d’initiative dans la gestion de projets critiques pour l’organisation. Malgré votre expérience vous n’avez pas été en mesure de vous imposer comme le véritable pilote du projet clé qui vous était confié. Il est marquant de constater qu’ aujourd’hui des projets clés pour la société ne vous seraient pas confiés compte tenu des risques encourus.

Dans ces conditions nous avons été amené à vous signifier la non atteinte des objectifs majeurs fixés pour l’année et l’inadéquation entre la prestation de travail effectuée et les éléments requis par la fonction. Dans le souci de vous accompagner au mieux afin de vous permettre de rectifier utilement votre comportement professionnel, nous vous avons soutenu au travers d’un plan de progrès au début de l’ année 2013.

Ce plan prévoyait notamment les axes de travail suivants : .

- Instauration d’une relation de travail positive avec vos partenaires clés

- Démontrer de l’autonomie et de l’efficacité

- Démontrer le leadership…

(…) L’ensemble non limitatif des éléments précités démontre hélas malgré l’accompagnement mis en place par l’entreprise votre incapacité à tenir votre poste de façon conforme à nos attentes légitimes, étant donné votre parcours professionnel et votre expérience. Par conséquent nous n’avons d’autre alternative que de prononcer votre licenciement pour les motifs réels et sérieux décrits ci-dessus.'

Le salarié soutient que la lettre de licenciement est très imprécise et ne repose pas sur des éléments concrets, soulignant en outre qu’il était, selon son contrat de travail, chef de projet et non pas chef de projet senior comme l’indique la lettre de licenciement.

Il conteste point par point les griefs reprochés exposant que la lettre de licenciement reprend les trois axes du plan de progrès qui lui étaient fixés et qu’il a bénéficié de primes et d’augmentation de salaire (ses pièces n°: 10, 18 à 20).

M. X soutient que pour l’année 2012, l’évaluation de ses performances en date du 28 février 2013 était particulièrement satisfaisante (sa pièce n° 13). Il conteste la motivation du 'plan de progrès« par des résultats insuffisants. Il fait observer que le »plan de progrès" produit par l’employeur (pièce n° 4 de l’employeur) est une version non signée du 28 février 2013 contenant la précision suivante (sa pièce n° 15) : ' Dans ces conditions, la Société a été amenée à signifier à B la non-atteinte de ses objectifs et l’absence d’adéquation entre sa prestation de travail et les éléments requis par ses fonctions ', tandis qu’il produit une version signée (sa pièce n°16) du 7 mars 2013.

Quant à son entretien d’évaluation de performance pour l’année 2013, en date du 30 janvier 2014, M. X précise qu’il n’était plus présent dans l’entreprise, puisque dispensé d’exécuter son préavis depuis le 4 novembre 2013 (pièce n° 6 de l’employeur).

Le salarié réplique qu’il a mené des actions en 2013 dans le but de répondre aux 3 axes d’amélioration du plan de progrès (sa pièce n° 23), qui démontrent selon lui son implication pleine et entière ainsi que sa bonne volonté, tandis que le suivi par sa hiérarchie n’était que formel. Si des réunions de suivi ont bien eu lieu, ses responsables n’ont à aucun moment facilité l’accomplissement des trois axes d’amélioration.

A cet égard, il fait observer qu 'il a souhaité bénéficier d’une formation « LW [LabWater] Sale Basic Training » prévue en juillet 2012 (sa pièce n°13) ; celle ci ne lui étant pas été accordée, il a, à nouveau, demandé cette formation en mars 2013 pour juillet 2013 (ses pièces n°: 21, 23 et 24/11), car la maîtrise du Business LabWater était l’un des axes d’amélioration prévus au plan de progrès, ce qui lui a été accordé pour décembre 2013 (sa pièce n° 24).

La société fait observer que M. X était un collaborateur approchant les 40 ans, comptant plus de 10 ans d’expérience professionnelle, bénéficiant d’une rémunération annuelle de 70 000 euros et faisant lui-même état de ses qualités et de son expérience comme le démontre sa réponse à l’annonce

pour un poste de chef de projet (sa pièce n° 8).

Le niveau d’autonomie et d’initiative exigé pour la classification octroyée à M. X était donc élevé et la qualification de chef de projet senior, ou de chef de projet tout court, comme dans le contrat de travail est strictement sans conséquence, d’autant que M. X ne l’a jamais discutée (sa pièce n° 13/8 : commentaire d’évaluation du manager, 18e ligne, auquel M. X ne réagit pas alors qu’il donne sont avis juste en dessous et sa pièce n° 15: signature le plan de progrès).

L’employeur réplique que les trois axes d’amélioration du travail de M. X définis dans le plan de progrès de début 2013 et portés à la connaissance du salarié selon le plan de progrès signé (sa pièce n° 16) n’ont pas été respectés par le salarié : son manque de leadership, d’ autonomie et d’efficacité ont été à nouveau constaté fin 2013 dans son évaluation du 30 janvier 2014, ce qui a justifié son licenciement.

La société Millipore conteste le fait qu’elle n’ait pas mis M. B X en situation de réussir avec des moyens adaptés. Il a bénéficié d’un plan d’intégration au sein de l’entreprise et d’un suivi et d’un accompagnement de son manager, M. D Y, pour soutenir son collaborateur et essayer de lui faire prendre conscience des attentes liées à sa fonction, au sein du service PMO

('Project Management Office').

La lettre de licenciement qui fait état de grief matériellement vérifiables (compte-rendus incompréhensibles, manque de leadership) est suffisamment précise et motivée.

L’employeur ne peut se prévaloir de l’insuffisance professionnelle ou des erreurs commises par un salarié s’il lui demande d’effectuer des tâches ne relevant pas de sa qualification professionnelle.

En l’espèce, les parties débattent sur la qualification exacte de M. X qui indique qu’il était, selon son contrat de travail, chef de projet et non pas chef de projet senior comme mentionné dans la lettre de licenciement.

La fonction de M. X était, selon le contrat de travail, 'chef de projet tel que défini par la position suivante Cadre III A de la convention collective ' (pièce n° 1 de l’employeur et pièces n°8 et 19 du salarié : candidature au poste de chef de projet et bulletins de paye).

Selon l’article 21 de la convention collective applicable des ingénieurs et cadres de la métallurgie, (bulletins de salaire, pièces n°:19 et 20 du salarié) la position Cadre III est la suivante:

'Ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en 'uvre non seulement des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances fondamentales et une expérience étendue dans une spécialité.

Ses activités sont généralement définies par son chef qui, dans certaines entreprises, peut être le chef d’entreprise lui-même.

Sa place dans la hiérarchie le situe au-dessus des agents de maîtrise et des ingénieurs et cadres placés éventuellement sous son autorité ou bien comporte dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion, des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d’initiative dans le cadre de ses attributions '.

Il n’est pas contesté que M. X avait pour rôle essentiel d’assurer la logistique des projets de la la société Millipore qui appartient au groupe chimique et pharmaceutique Merck.

Il appartenait à ce titre au service PMO ('Project Management Office'), dont il était "project

manager" (sa pièce n°12), qui est un service transversal, chargé du management des projets.

Il devait gérer des projets d’amélioration de produits déjà fabriqués en usine (PPI) et des projets de développement de nouveaux produits (PDP) au sein du Project Manager Office (PMO).

Que la dénomination ou le libellé de la fonction soit 'chef de projet 'ou ' chef de projet senior ', il ressort de l’organigramme de la société (pièces n°12 et 25 du salarié), de la fiche de poste (pièce n°8 du salarié), des évaluations professionnelles des années 2012 et 2013 de M. X (sa pièce n°13 et la pièce n°6 de l’employeur), du plan individuel de progrès signé par le salarié le 7 mars 2013 (sa pièce n°16) que son poste avait pour caractéristique essentielle un rôle de décideur et de direction de projet, requérant de bonnes capacités relationnelles entre différents partenaires, la capacité de conduire des réunions et de rédiger des comptes-rendus (compte rendu de réunion et agenda d’octobre 2013 : pièces n°26 et 27 du salarié), mais aussi de l’autonomie et de l’initiative.

Les trois griefs résultant de la lettre de licenciement concernent donc bien les compétences professionnelles requises pour le poste de chef de projet attribué au salarié.

La cour examinera successivement ces trois griefs :

— l’absence de relation de travail positive avec les partenaires clés,

— l’absence d’autonomie et d’efficacité,

— l’absence de leadership.

Il convient de vérifier pour chacun de ces griefs si l’incompétence alléguée repose sur des éléments concrets et vérifiables, ce que conteste le salarié, car elle ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur et suppose des faits précis que le juge doit pouvoir contrôler.

— L’absence de relation de travail positive avec les partenaires clés,

Selon la lettre de licenciement, « Concernant le premier axe de travail, et même si celui-ci s’est amélioré, celui-ci visait simplement à vous permettre d’améliorer vos difficultés relationnelles, qui font pourtant partie des basiques de la fonction, et que vous auriez du maitriser, compte tenu de votre expérience dans la fonction. »

L’employeur ne donne pas d’autres précisions dans ses écritures.

En revanche, l’évaluation de l’année 2012 en date du 28 février 2013 (pièce n°13 du salarié en anglais traduite en pièce n°33, page 13) concernant le travail en équipe précise « B a besoin de faire attention à comment il pilote ses équipes, il a besoin d’écouter les autres ».

Le plan d’amélioration, appelé « plan d’action » signé par le salarié le 7 mars 2013 prévoit comme

1er axe de travail « la nécessité d’instaurer une relation constructive avec l’ensemble des partenaires et avec les partenaires clés ».

En revanche, selon la pièce n°4 de l’employeur « suivi des actions », annexée au plan d’action 2013 précité et signée le 14 octobre 2013 par M. X, il est mentionné dans « instauration de relation constructive avec les partenaires » : Conforme aux attentes".

Enfin, l’évaluation de l’année 2013 en date du 31 janvier 2014, en très petits caractères (pièce n°6 de l’employeur), est entièrement en anglais et n’est pas traduite, ce qui la rend inexploitable.

Outre la mention dans le document signé le 14 octobre 2013 par l’employeur et M. X, selon laquelle il est mentionné que 'l’instauration de relation constructive avec les partenaires« : est 'Conforme aux attentes », l’employeur précise dans ses écritures, à propos des relation de travail positive avec les partenaires clés « une légère amélioration a été constatée en ce qui concerne les relations de travail avec ses partenaires clés (…) »

Ce grief n’est donc pas établi.

— L’absence d’autonomie et d’efficacité,et notamment d’esprit de synthèse

Selon la lettre de licenciement, "Concernant le deuxième axe de travail, il visait un axe critique de votre poste, à savoir la démonstration de votre autonomie et de votre efficacité.

Or, à ce jour, et malgré tout l’accompagnement de votre Manager, cet axe n’est toujours pas satisfaisant. A titre d’illustration, les comptes-rendus produits au cours de diverses réunions ne reflètent pas la teneur des échanges; à tel point que les participants en viennent à ne plus savoir où ils en sont. Pire, si un collaborateur n’a pu assister à la réunion, les synthèses sont tellement complexes et détaiillées qu’il ne lui est pas possible de comprendre ce qui a été discuté et surtout décidé. Ceci a pour conséquence une importante perte de temps, obligeant les collaborateurs à renouveler des discussions afin de s’assurer de leur bonne compréhension. Il est inconcevable, compte tenu de votre expérience, de devoir vous reprendre concernant un élément aussi fondamental que l’esprit de synthèse, nécessaire à la cohésion des acteurs d’un projet.

Dans le même esprit, les présentations business, faites à quelque niveau que ce soit ne sont clairement pas au niveau attendu, et doivent systématiquement être revues par votre Manager. Faute de quoi, les points importants ne sont pas ou peu mis en avant ce qui nuit à la présentation, et au message à destination de la division.

Par ailleurs, et même si la planification des réunions semble en progrès, il y a toujours de sévères lacunes dan le choix des invités.

Or, il n’est pas concevable qu’après deux années passées au sein de la Société, vous ne soyez toujours pas en mesure d’identifier, de façon autonome, les interlocuteurs pertinents au vu des sujets abordés, pour en proposer une liste et non attendre qu’elle vous soit fournie. L’ordre du jour étant transmis en dernière minute, cela ne permet pas à vos partenaires de s’y préparer correctement et les conduit parfois à assister à des réunions, dans lesquelles leur présence n’est pas requise, à l’image de la réunion planifiée le 18 septembre 2013 à propos du projet « ATLANTIS ». Vous aviez convié, par exemple, M E Z, Directeur du Marketing, alors qu’aucun sujet ne requérait sa présence."

L’évaluation de l’année 2012 en date du 28 février 2013 (pièce n°13 du salarié en anglais traduite en pièce n°33) précise (page 10) qu’il doit « prendre du recul pour avoir une vision complète d’un sujet (…) et ne pas se focaliser sur les détails », sans aborder davantage un éventuel manque d’esprit de synthèse du salarié.

Le plan d’amélioration, appelé « plan d’action »signé par le salarié le 7 mars 2013 prévoit notamment comme 2e axe de travail « la rédaction et le compte-rendu des réunions, le nombre et la durée des réunions, la pertinence des ordres du jours et des personnes invitées » (pièce n°16 du salarié).

Cependant, M. X verse aux débats de nombreux comptes rendus de réunions de mars à octobre 2013 (ses pièces n°23 et 26), effectivement très détaillés dans lesquels figurent des appréciations sur les sentiments ou les réactions personnelles de tel participant, mais qui comportent une conclusion en fin de compte-rendus et un agenda des actions.

Si l’employeur reproche précisément au salarié « la réunion planifiée le 18 septembre 2013 à propos du projet »ATLANTIS« . Vous aviez convié, par exemple, M E Z, Directeur du Marketing, alors qu’aucun sujet ne requérait sa présence », aucune pièce n’est produite à ce sujet.

En revanche, selon la pièce n°4 de l’employeur « suivi des actions », annexée au plan d’action 2013 précité et signée le 14 octobre 2013 par M. X, un mois avant son licenciement, le chapitre « autonomie et efficacité de M. X se conclut par »en bonne voie d’acquisition".

Enfin, l’évaluation en anglais et non traduite de début 2014 sur toute l’année 2013, n’est, comme précisé ci dessus, pas exploitable (pièce n°6 de l’employeur).

Ce grief n’est donc pas établi.

— L’absence de leadership,

Selon la lettre de licenciement, « Concernant le troisième axe de travail, celui-ci ne visait pas moins que l’aspect le plus stratégique de votre fonction, à savoir le pilotage de projets particulièrement importants pour l’avenir de la division, tel le projet »ATLANTIS", qui représente 40% de vos objectifs annuels. Or, à ce jour, vous n’avez pas été capable de démontrer vos capacités de prise en charge d’un tel projet, pour lequel vous n’êtes pas reconnu comme un leader. A ce titre, vous n’avez, par exemple, pas su gérer les discussions de façon constructive, ou remettre en question ce qui vous est proposé. Au cours de plusieurs réunions, vous vous êtes illustré davantage comme un administrateur et non un gestionnaire, vous contentant de suivre les discussions sans véritablement les gérer, en suivant un ordre du jour. De façon générale, vous vous contentez de suivre les avis des uns et des autres sans chercher à les questionner, ou à rechercher l’intérêt du business. Le rôle d’un Chef de Projets Senior consiste autant à décider, qu’à proposer ou confronter les idées, et non à laisser les parties prenantes chercher elles-mêmes un compromis.

Ces points ont été mis en lumière de façon marquée, notamment par le passage du Jalon G1 du projet « ATLANTIS ». Il est, par exemple, inadmissible qu’en tant que Chef de Projet Senior, vous vous soyez abstenu de toute intervention lors de la présentation du projet, alors même que cela vous avait été proposé.

Par conséquent, les parties prenantes ne peuvent percevoir une réelle valeur ajoutée ce qui a pour effet de nuire à l’image de l’organisation PMO dans son ensemble. A ce titre il est ainsi révélateur de constater que certaines réunions avec des décideurs sont organisées sans votre présence alors que vous devriez en tant que pilote du projet en être à l’initiative.

Malgré l’accompagnement de votre manager, vous n’avez pas été en mesure de progresser sur ces axes et de démontrer de réelles capacités de leadership malgré votre expérience et votre ancienneté dans la fonction."

M. X réplique qu’il n’a pas été constaté de manque de leadership de sa part sur les projets autres que le projet « ATLANTIS », que son supérieur, M. Y, n’a pas déterminé concrètement le rôle de son service, le PMO (Project Manager Office) dans le projet « ATLANTIS », qu’il lui a expressément été demandé de ne pas intervenir outre mesure et que les directeurs des services R&D et Marketing, Mrs Z et A, étaient présents lors des réunions relatives au projet « ATLANTIS », ceux-ci étant les supérieurs hiérarchiques de l’ensemble des participants, dont M. X, ce qui rendait difficile pour lui de s’imposer.

Il soutient enfin qu’il n’a pas bénéficié de la formation qu’il avait demandée lors de son arrivée, « LW [LabWater] Sale Basic Training » prévue en juillet 2012 (ses pièce n°13 et 11), et demandée à nouveau en mars 2013.

Sur les autres projets que celui nommé « ATLANTIS », il est établi que, le manque de capacité de direction de projet de M. X avait été constaté début 2013 (projet GEPETTO : page 2 de la traduction de l’évaluation de l’année 2012, pièce 33 : commentaires d’évaluation du manager : « Le problème principal est que B n’a pas démontré sa capacité à gérer un tel projet ». Cependant, en octobre 2013, ses capacités étaient reconnues « pour les projets de faible envergure » (annexe au plan d’action 2013 précité, signée le 14 octobre 2013 par M. X).

L’évaluation 2012 en date du 28 février 2013, signée par le salarié (sa pièce n°13 traduite), fait apparaître plusieurs autres remarques de son manager, M. D Y :

Chapitre « IMPLÉMENTATION D’UN SERVEUR DOORS ET … GESTION DES EXIGENCES »: commentaires d’évaluation du manager : « le serveur a été installé et l’outil est totalement opérationnel » (page 7).

Chapitre "GESTION du PORTEFEUILLE des PROJETS : Page 9 : commentaires du manager : « B a pris le pilotage de 3 projets PPI (…) mais B doit porter son attention sur les autres projets« , suivi des commentaires du collaborateur : »Je n’ai pas été capable de m’intéresser aux autres projets".

Chapitre « BONNES PRATIQUES DE GESTION DE PROJET » : commentaires du manager « B a rédigé 2 bonnes pratiques qui sont prêtes pour être partagées au sein de l’organisation (…) » (page 10, pièce n°33 du salarié).

Sur le projet « ATLANTIS », donné en exemple de son absence de leadership dans la lettre de licenciement, en conclusion de son évaluation globale de l’année 2012 , il est noté « un des objectifs principaux pour 2013 sera de démontrer et d’obtenir le leadership du pilotage sur le projet »ATLANTIS« . avant le jalon J1 », ce que confirme l’organigramme en pièce 25, dans lequel M. X figure parmi les responsables du projet « ATLANTIS ».

Le plan d’action 2013, signé par le salarié le 7 mars 2013, prévoit comme 3 ème axe de travail : « B n’a pas démontré sa capacité de leadership, de susciter la motivation de l’équipe et de prendre les décsions qui sont les meilleures pour l’entreprise »(pièce 16 du salarié).

L’annexe au plan d’action 2013 précité, signée le 14 octobre 2013 par M. X, dans le chapitre « DÉMONSTRATION DE SON LEADERSHIP » (pièce n° 4 de l’employeur), détaille sur une page entière les griefs de la lettre de licenciement à ce sujet :« (…) Au cours de cette période B a été évalué dans l’optique de la gestion d’un projet clé pour l’entreprise : »ATLANTIS". Après consultation des principaux partenaires, il s’avère que ce type de projet ne serait pas confié à B(…) Les collaborateurs mettre en clairement en doute ses capacités à prendre en charge un projet aussi important (…) cette question ne se pose pas pour des projets PPI ou PDP de faible envergure….où ses capacités sont reconnues (…).

Le projet « ATLANTIS » est un objectif clé pour 2013 et représente 40 % des objectifs de B (…) actuellement B n’est pas reconnue comme le leader du projet.

Il n’est pas respecté dans son rôle il suit les discussions lors des réunions et prend des notes mais il ne gère pas la discussion, il est à l’écoute mais il ne pilote pas (…) il ne tranche pas certains sujets… les participants le considèrent comme un preneur de note (…)il est perçu et reconnu comme un bon administrateur du projet mais pas comme un leader la prise d’initiative (…) également un point négatif, exemple : lors du 360 effectué sur les acteurs des projets, B a transmis beaucoup de points positifs mais pas de points négatifs; il ne veut pas rentrer en conflit.

Le passage du jalon G 1 du projet « ATLANTIS » a confirmé ces points (…). Il n’est pas du tout intervenu dans la présentation du projet alors que cela lui a été proposé à certains moments (…). Les discussions ont dérivé sur les aspects techniques qui n’était pas l’objet du meeting et cela mettait en danger l’agenda, (…) son rôle de leader n’a pas été montré lors de cette réunion

Une réunion préparatoire avec G H a été réalisée avant le jalon sans la présence de B, ce dernier n’ayant pas été invité (…).

En conclusion : évaluation non conforme aux attentes ".

M. X n’a formulé aucune observation sur cette évaluation qu’il a signée le 14 octobre 2013, juste avant son entretien préalable au licenciement.

Il est donc établi qu’en 2013, le projet « ATLANTIS » était un objectif clé pour M. X, mais que fin 2013, juste avant l’entretien préalable au licenciement, il n’était pas reconnu comme le leader du projet, mais « comme un preneur de note ».

Il est également établi que le service que dirigeait M. X, le PMO, était bien en 2013 un des leader du projet, contrairement à ce qu’affirme le salarié, même si le service R&D et Marketing, dirigé par Messieurs Z et A en était également responsable (pièces 25 et 32 du salarié, dernière page : « TEAM LEADER »).

Le fait que chaque service doive travailler séparément sur le projet en fonction de ses compétences, ce qui résulte d’une réunion du 4 avril 2013 (pièce n° 23, du salarié), n’empêche pas que, comme il est noté dans le calendrier 2012-2013 du projet « ATLANTIS », M. X était le chef de projet comme appartenant au service PMO (« PMO is the natural leader for key projects within LS », sa pièce n°32).

Or, une pièce produite par le salarié lui-même confirme les évaluations négatives de l’employeur sur son manque de capacité à assumer ce rôle (point projet « ATLANTIS » du 9 juillet 2013, pièce n° 31) : (…) « Lors du strate collegue, I J a aussi parlé du rôle d’exécutant du chef de projet ».

Concernant son manque de formation, s’il est établi que M. X a demandé le 13 janvier 2012 2012 à assister à une formation 'LW [LabWater] Sale Basic Training ' prévue en juillet 2012 (sa pièce n°13), son responsable M. Y avait refusé en précisant « pas de training orienté vendeur, trop longue et pas adaptée » (pièce n°24 du salarié).

Il apparaît donc que cette formation ne pouvait pas renforcer les insuffisances de M. X dans la direction de projet.

M. X avait demandé le 27 mars 2013 une autre formation de "basic training R & D« , qui concernait »la connaissance du métier de labWater" (pièce n) 23 du salarié) ; il est établi que sa hiérarchie avait accepté en 2013, mais que la session de formation de juillet 2013 a été reportée fin 2013.

M. X ne peut donc reprocher aucun manquement à son employeur à ce sujet.

En conclusion, le grief d’absence de leadership sur le principal projet dont était chargé M. X en 2013, le projet « ATLANTIS », est établi.

Finalement, deux griefs ne sont pas établis :

— l’absence de relation de travail positive avec les partenaires clés,

— l’absence d’autonomie et d’efficacité.

Le 3e grief, l’absence de leadership sur le principal projet, est établi.

Dans la mesure où la qualification de l’emploi de M. X était « chef de projet » et où ce projet « ATLANTIS » était sa mission essentielle en 2013, son licenciement pour insuffisance professionnelle est justifié par absence de leadership sur ce projet.

Infirmant le jugement, la cour dit que le licenciement de M. X est justifié par une cause réelle et sérieuse et le déboute de sa demande de dommages et intérêts par application de l’article L.1235-5 du code du travail.

SUR LES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Il convient de condamner la société Millipore à verser à M. X la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Millipore à payer à M. X la somme de 1 200 euros de ce chef.

La demande présentée sur le même fondement par la société Millipore, qui succombe partiellement, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Millipore à verser à M. X les sommes suivantes

. 7 900,20 euros au titre des heures supplémentaires 2013,

. 790,02 euros au titre des congés payés afférents,

DIT que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

REJETTE la demande de dommages et intérêts de M. X fondée sur l’article L. 1235-5 du code du travail,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

REJETTE les autres demandes, fins et conclusions,

CONDAMNE la société Millipore à verser à M. X la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE la société Millipore aux dépens de la procédure d’appel et à ceux de la procédure de première instance.

- prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Madame Dorothée MARCINEK, Greffère, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

Dorothée MARCINEK Clotilde MAUGENDRE

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Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 1er juillet 2020, n° 17/02937