Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 2 décembre 2020, n° 16/03732

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 15e ch., 2 déc. 2020, n° 16/03732
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 16/03732
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye, 11 juillet 2016, N° 15/00155
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 DÉCEMBRE 2020

N° RG 16/03732

N° Portalis DBV3-V-B7A-Q33A

AFFAIRE :

K L F G

C/

Société COLAS ILE DE FRANCE NORMANDIE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juillet 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Saint Germain en Laye

N° RG : 15/00155

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

- M. D X

- Me Mélina PEDROLETTI

- Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant fixé au 18 novembre 2020 puis prorogé au 02 décembre 2020, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Monsieur O L F G

né le […] à […], de nationalité portugaise

[…]

[…]

Comparant, assisté par M. D X, défenseur syndical ouvrier

UL CGT CHATOU

[…]

[…]

non comparante, représentée par M. D X, défenseur syndical ouvrier

APPELANTS

****************

Société COLAS ILE DE FRANCE NORMANDIE

N° SIRET : 329 168 157

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Annick PEROL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0312

INTIMEE

L’UNION DES SYNDICATS ANTI-[…]

[…]

[…]

non comparante, représentée par M. D X, défenseur syndical ouvrier

INTERVENANTE VOLONTAIRE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue le 20 octobre 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Madame Isabelle MONTAGNE, Présidente,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL

FAITS ET PROCÉDURE,

M. O L F G a été engagé à compter du 5 avril 2004 par la société Colas Ile de France Normandie, dite ci-après la société Colas IDFN, en qualité de maçon boiseur, coefficient 210, moyennant un salaire mensuel brut de base qui s’élevait en dernier lieu à 2 267 euros pour 35 heures de travail par semaine.

Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des ouvriers employés dans les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c’est-à-dire occupant plus de 10 salariés) du 8 octobre 1990.

Suite à un dépistage de l’état alcoolique, M. F G a été convoqué par lettre recommandée avec avis d’accusé réception du 23 janvier 2015 à un entretien préalable qui s’est tenu le 9 février 2015, puis licencié pour cause réelle et sérieuse, par lettre recommandée avec avis d’accusé réception du 9 mars 2015. Son contrat de travail a pris fin le 11 mai 2015 à l’expiration du préavis de deux mois qu’il a exécuté et il a perçu une indemnité de licenciement de 6 317,54 euros.

Par requête du 25 mars 2015, M. F G a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye aux fins de contester la rupture de son contrat de travail, d’obtenir sa réintégration et de se voir allouer diverses sommes. L’Union locale CGT de Chatou et l’Union des syndicats anti- précarité (SAP) sont intervenues volontairement à l’instance.

Par jugement du 12 juillet 2016, le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye a :

— dit que le syndicat Union Locale CGT Chatou est légalement constitué et recevable dans la présentation de ses demandes ;

— débouté M. F G de la totalité de ses demandes ;

— débouté l’Union locale CGT de Chatou et le syndicat Anti précarité (SAP) de l’ensemble de leurs demandes ;

— débouté la société Colas IDFN de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné M. F G aux éventuels dépens.

Par déclaration au greffe adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception le 22 juillet 2016, M. X, ès qualités de représentant de l’UL CGT Chatou et de mandataire de M. F G, a interjeté appel de cette décision pour le compte de M. F G et de l’UL CGT de Chatou.

Par conclusions soutenues oralement à l’audience, M. F G demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il dit que l’Union locale CGT état légalement constituée et recevable dans la présentation de ses demandes et, statuant à nouveau :

À titre principal, de :

— juger que la procédure de contrôle d’alcoolémie est nulle ainsi que son licenciement subséquent ;

— ordonner sa réintégration à compter du 12 mai 2015, avec remise en l’état du contrat de travail, reconstitution complète de carrière (exempte de toute discrimination) et paiement de la totalité des salaires à compter de la même date, sans aucune déduction autre que les sommes liées strictement à la rupture nulle, le tout sous astreinte journalière de 500 euros, et se réserver le pouvoir de liquider l’astreinte ;

— condamner la société Colas IDFN à lui payer la somme de 170 000 euros net à titre de provision sur salaire pour la période couverte par la nullité de la rupture ;

— condamner la société à lui délivrer ses fiches de salaire depuis le 12 mai 2015, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et se réserver le pouvoir de liquider cette astreinte, sauf à nommer tout expert qu’il plaira à la cour, avec mission de procéder au calcul des salaires dus, et mettre la provision de frais d’expertise à charge de la société ;

— fixer une date de réouverture des débats pour liquider éventuellement les sommes dues au salarié en cas désaccord entre les parties ;

À titre subsidiaire, de condamner la société à lui payer la somme de 75 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L1235- 3 du code du travail ;

En tout état de cause, de condamner la société Colas IDFN à lui payer les sommes suivantes :

—  20 000 euros à titre de dommages- intérêts pour non- respect des garanties de fond et des droits de la défense institués par le règlement intérieur de la société Colas IDFN lors du contrôle d’alcoolémie du 21 janvier 2015 ;

—  50 000 euros à titre de dommages- intérêts pour non- respect de l’obligation de formation- adaptation et discrimination ;

—  2 000 euros à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par les mêmes conclusions, soutenues oralement à l’audience, le syndicat Union locale CGT Chatou et le syndicat Union des syndicats Anti-Précarité, demandent à la cour de condamner la société Colas IDFN à leur verser à chacune les sommes suivantes :

—  2 000 euros à titre de dommages- intérêts au titre de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession pour non-respect des droits de la défense, application d’un règlement intérieur illicite, et discrimination en matière de formation,

—  2 000 euros à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions soutenues oralement à l’audience, la société Colas IDFN demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande visant à voir dire que l’Union locale de Chatou ne pouvait pas légalement et valablement représenter M. F G à l’instance, de le confirmer en ce qu’il a dit bien-fondé le licenciement de M. F G et en ce qu’il a débouté le salarié et les syndicats intervenus à l’instance de l’ensemble de leurs demandes, et, en conséquence de :

— dire que l’Union locale de Chatou ni aucun de ses membres ne peut valablement assister ou

représenter M. F G dans le cadre de la présente instance ;

— débouter M. F G de l’ensemble de ses demandes ;

— dire tant irrecevables que mal fondées les demandes de dommages-intérêts formées par l’Union locale de Chatou et l’Union des Syndicats Anti-Précarité ;

— débouter dès lors l’Union locale de Chatou et l’Union des Syndicats Anti-Précarité de leurs demandes de dommages et intérêts et d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, plus généralement, de l’ensemble de leurs demandes ;

— condamner M. F G, l’Union locale de Chatou et l’Union des syndicats Anti-Précarité à lui verser chacun une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour renvoie pour l’exposé des moyens des parties aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur l’absence de capacité à agir en justice et de pouvoir d’assistance et de représentation en justice de M. F G de l’UL CGT Chatou

La société Colas IDFN soutient que l’UL CGT Chatou n’a ni la capacité d’agir en justice, ni le pouvoir de représenter et d’assister des salariés en justice, pour être dépourvue d’existence juridique, en l’absence de statuts valides. Elle fait valoir qu’alors que selon l’article 4 de ses statuts, l’Union locale de Chatou serait affiliée au syndicat CGT par l’intermédiaire des syndicats confédérés à la CGT qui la composent et des cotisations que ces derniers acquittent aux différentes structures de la CGT et que l’affiliation au syndicat CGT constitue dès lors pour elle une condition de validité et d’existence, celle-ci ne peut se prévaloir d’une appartenance à la CGT. Elle expose que la simple utilisation du sigle CGT ne permet pas d’identifier un syndicat ou une union de syndicats, que l’appartenance au syndicat CGT par une organisation syndicale est subordonnée à l’adhésion de celle-ci aux statuts de la CGT, et que conformément à l’article 14 des statuts de la CGT c’est aux unions départementales qu’il revient de dresser les listes des unions locales affiliées à la CGT, et qu’en l’espèce il ressort de la délibération du 19e congrès de l’Union départementale CGT des Yvelines, que l’Union locale CGT Chatou ne figure pas sur la liste des unions locales dressée à cette occasion, et qu’en tout état de cause, la ville de Chatou relève de l’Union locale de Sartrouville. La société Colas IDFN ajoute que l’Union locale CGT Chatou ne verse aucune cotisation à la confédération CGT conformément à l’article 34 des statuts de la CGT.

Pour leur part, Monsieur F G et l’union locale CGT Chatou soutiennent que l’Union locale CGT Chatou ayant déposé ses statuts auprès de la mairie de Chatou le 10 août 2011 remplit toutes les conditions légales lui conférant le statut d’organisation syndicale, qui lui donne la capacité d’agir en justice et le pouvoir d’assister et de représenter les salariés en justice. Ils exposent en outre qu’il ressort l’article 8 des statuts de la CGT, que les syndicats affiliés à la CGT décident librement de la création des unions syndicales, et que les unions locales, qui ne sont pas des émanations des unions départementales, ne se déterminent pas par la présence de celles-ci sur la carte des unions départementales et unions locales. Ils font valoir qu’en tout état de cause, il importe peu que l’Union locale CGT Chatou soit affiliée ou non à la CGT dès lors qu’elle a le statut d’organisation syndicale conformément aux dispositions du code du travail, et que l’article R.1453- 2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, n’exige pas que les mandataires syndicaux soient habilités par une organisation syndicale représentative, ni même par une organisation syndicale stricto sensu, ce dont il résulte que M. X, qui justifie d’un mandat général de représentation devant les juridictions prud’homales de première instance et d’appel signé par M. F G, et d’un mandat et pouvoir permanent de représentation de l’Union locale CGT Chatou, est régulièrement mandaté pour assister

et représenter M. F G.

En vertu de l’article R.1461- 1 du code du travail dans sa version applicable au litige, l’appel doit être formé par déclaration adressée par la partie ou tout mandataire au greffe. S’agissant d’une procédure sans représentation obligatoire, il ressort de l’article 931 du code de procédure civile que les parties peuvent se faire représenter devant la cour selon les mêmes modalités que devant le conseil de prud’hommes. Le salarié peut donc se faire représenter en cause d’appel par un délégué d’une organisation de salariés, lequel doit être membre de l’organisation l’ayant désigné.

L’article L.2131- 1 du code du travail indique les syndicats professionnels doivent avoir pour objet exclusif : « l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant individuels que collectifs des personnes mentionnées dans leurs statuts ».

Par ailleurs, l’article L.2133- 3 du code du travail précise qu’une union de syndicats à laquelle la loi a reconnu la même capacité civile qu’aux syndicats eux-mêmes, peut exercer les droits conférés par ceux-ci.

Dès lors que les formalités déclaratives imposées par les articles L.2132- 1 et L.2133- 2 sont remplies, l’union de syndicat acquiert la personnalité morale. La perte d’une affiliation n’est pas de nature à priver une union syndicale de son existence juridique, et partant, de sa capacité tant à agir en justice qu’à représenter les parties devant les juridictions prud’homales.

L’UL CGT Chatou, dont l’objet, selon ses statuts, est l’étude et la défense des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’ individuels, des syndicats adhérents, des sections syndicales et des salariés qu’elle regroupe, a un objet conforme à celui que l’article L. 2131- 1 assigne à un syndicat. Ayant régulièrement déposé ses statuts à la mairie de Chatou le 11 août 2011, elle est dotée de la personnalité morale et a le pouvoir tant d’agir en justice que de représenter et d’assister les salariés devant les juridictions prud’homales, peu important que son affiliation au syndicat CGT soit remise en cause.

L’article 14 des statuts de l’Union locale CGT Chatou prévoit que les membres du secrétariat ont un mandat permanent de représentation en justice et peuvent signer tout pouvoir ou mandat de représentation en justice confié à tout membre de l’organisation.

M. X, membre du bureau de l’organisation du secrétariat du syndicat Union locale CGT Chatou en qualité de secrétaire du secteur juridique, justifie ainsi d’un mandat général de représentation et justifie en outre d’un mandat spécial de M. F G pour interjeter appel et le représenter devant la cour d’appel, a le pouvoir de représenter et d’assister ce dernier, ce dont il résulte que l’appel interjeté par déclaration au greffe du 22 juillet 2016, est recevable.

M. X, qui disposait également d’un mandat spécial de M. F G devant le conseil de prud’hommes, avait également pouvoir de le représenter devant cette juridiction. C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a retenu qu’il était recevable à présenter des demandes au nom du salarié.

2- Sur le licenciement

La lettre de licenciement notifiée par la société Colas IDFN à M. F G, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

'Lors de notre entretien du 9 février 2015 pour lequel vous avez été convoqué, nous vous avons exposé les faits que nous vous reprochons.

Vous vous êtes présenté assisté de M. A, membre du CHSCT.

Nous vous informons que nous avons à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes justifiant votre licenciement constitué par votre situation d’ébriété constatée le 21 janvier 2015 faisant suite à 2 contrôles non contestés par vos soins.

Nous vous rappelons que ces faits se sont produits le 21 janvier 2015 à 13h30 sur le chantier EFIDIS à Cergy-Pontoise, et sont les suivants :

Lors d’un contrôle d’alcoolémie inopiné le 21 janvier 2015 à 13h30 au moyen d’éthylotest à usage unique homologué vous avez été contrôlé. Ce contrôle s’est avéré positif. Ce dernier s’est réalisé avec la présence de M. H Z, M. I B, et M. Y De Sa Araujo. Suite à ce premier contrôle, il en a été réalisé un deuxième confirmant le premier.

Monsieur Z vous a alors proposé de vous rendre dans un établissement agréé afin de réaliser une prise de sang de vérification dans un laboratoire voisin, ce que vous avez décliné.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’il est formellement interdit de consommer de l’alcool et être en état d’ébriété sur votre lieu de travail, et ce, conformément à la législation et à notre règlement intérieur. Nous ne pouvons en aucun cas tolérer un tel comportement.

De part votre comportement irresponsable vous vous êtes mis en danger et avez également mis en danger vos collègues travaillant sur le même chantier.

Vous avez, lors de notre entretien, reconnu l’ensemble de ces faits en présence de M. A.

Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement.».

Il est établi que M. F J a fait l’objet le 21 janvier 2015 sur le chantier Efidis à Cergy-Pontoise, à 13h30, à l’issue de la pause déjeuner, d’un dépistage de l’état alcoolique par l’utilisation de deux ethylotests successifs.

Le règlement intérieur de la société Colas IDFN, qui a été adressé le 25 mars 2011 à l’inspecteur du travail et déposé le 30 mars 2011 au conseil de prud’hommes de Rambouillet, comporte un article 14 intitulé 'Dispositions relatives à l’alcool et aux substances ou plantes classées comme stupéfiants', rédigé comme suit :

'Compte tenu de la nature particulière des activités inhérentes à un chantier ou une carrière (circulation d’engins, personnes travaillant entre ces engins, utilisation d’outillages divers et variés, présence d’engins dangereux tels que broyeurs ou concasseurs, travaux en hauteur, fouilles…) et de leur interdépendance, l’ensemble des postes sur chantier ou carrière présente des risques potentiels avérés, face auxquels l’entreprise met en oeuvre une politique sécurité dans le cadre de son obligation de résultat.

Par conséquent, ces postes requièrent de manière constante une attention soutenue, de telle sorte que toute altération du comportement peut gravement compromettre la santé et la sécurité de l’intéressé et/ou celles de son entourage.

14.1 Règles relatives à l’introduction, à la distribution et à la consommation d’alcool.

Il est interdit d’introduire, de distribuer ou de consommer dans les locaux de l’entreprise et sur les lieux de travail des boissons alcoolisées autres que celles limitativement énumérées à l’article R. 4228- 20 du code du travail (vin, bière, cidre et poiré).

*La consommation modérée des boissons alcoolisées énumérées à l’article R. 4228- 20 du code du travail est autorisée exclusivement à l’occasion des repas et lors de certaines manifestations organisées en accord avec la direction.

*Tout état d’ivresse, au sens d’un taux d’alcoolémie supérieur au taux légal en vigueur prévu par le code de la route, est interdit.

Il est interdit d’introduire, de distribuer ou de consommer dans les locaux de l’entreprise et sur les lieux de travail toute substance ou plante classée comme stupéfiants dont la détention ou la consommation est pénalement réprimée.

Compte tenu des considérations visées dans le préambule du présent article, toute personne sur chantier ou carrière qui manipule des produits dangereux, utilise une machine ou conduit un véhicule ou un engin et dont l’état ou le comportement laisse supposer qu’elle est en état d’ivresse, doit se soumettre, à la demande d’un responsable hiérarchique, à un contrôle permettant de détecter le taux d’alcoolémie dans les conditions prévues à l’article 14.2.

14.2 Modalités de contrôle de la consommation d’alcool.

Les différents tests sont réalisés par un responsable hiérarchique habilité par l’employeur et formé à l’utilisation des tests, selon les modalités suivantes :

*Le test d’alcoolémie est réalisé au moyen d’un éthylotest, d’un éthylomètre conforme à un type homologué ou de tout autre produit recommandé ou utilisé par les pouvoirs publics ;

*Le salarié peut se faire assister par un tiers de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;

*En cas de résultat positif à un test d’alcoolémie, le responsable hiérarchique demande au salarié s’il souhaite ou non contester les résultats ; si le salarié entend contester les résultats du test, le responsable hiérarchique organise dans les plus brefs délais une contre-expertise médicale aux frais de l’entreprise auprès du médecin ou du laboratoire désigné par le salarié ;

Le refus de se soumettre aux obligations résultant de ces dispositions, y compris le refus de se soumettre à un contrôle, est consigné par écrit et expose le salarié à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement ».

Est licite le recours à un contrôle d’alcoolémie permettant de constater l’état d’ébriété d’un salarié au travail, dès lors qu’eu égard à la nature des fonctions exercées, un tel état est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger et que les modalités de ce contrôle, prévues au règlement intérieur, en permettent la contestation.

Les résultats du contrôle d’alcoolémie ne peuvent toutefois être utilisés à des fins disciplinaires que si ce contrôle a été opéré conformément aux modalités prévues au règlement intérieur.

M. F G fait valoir que le contrôle de l’état alcoolique dont il a fait l’objet le 21 janvier 2015 constitue un procédé déloyal dès lors, d’une part, que le règlement intérieur qui le prévoit ne lui est pas opposable, à défaut d’avoir été affiché sur les chantiers où il travaillait effectivement, de sorte qu’il n’a pu en avoir connaissance, et, d’autre part, que les garanties prévues par le règlement intérieur concernant les modalités de ce contrôle n’ont pas été respectées par l’employeur, dès lors :

— que l’employeur ne rapporte pas la preuve que le contrôle a été réalisé par des éthylotests homologués et ne démontre pas en quoi M. Z et M. B étaient habilités et formés à effectuer un tel contrôle ;

— que le contrôle n’était pas ciblé, qu’il a été réalisé sur tous les salariés présents sur le chantier, et qu’il a, quant à lui, fait l’objet d’un contrôle alors qu’il ne manipulait pas de produits dangereux,

n’utilisait pas de machine ou ne conduisait pas de véhicule ou engin et qu’il ne présentait aucun signe d’ébriété le permettant ;

— qu’il ne lui a pas été proposé de se faire assister par le tiers de son choix, pas plus qu’il ne lui a été proposé de contester le contrôle par le biais d’une contre expertise-médicale, chez un médecin ou dans un laboratoire de son choix.

Il fait valoir en outre que les tests utilisés ne permettaient pas d’obtenir un taux d’alcoolémie précis, de sorte que l’employeur ne rapporte pas la preuve que son taux d’alcoolémie était supérieur au taux légal de 0,5 g/litre de sang auquel se réfère le règlement intérieur.

Il ressort de l’article R.1321- 1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, que le règlement intérieur doit être affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail, ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l’embauche.

Si, comme le soutient l’employeur, le règlement intérieur est opposable au salarié pour avoir été affiché dans les locaux de l’agence Réhabilitation de Chatou où il a été embauché et à laquelle il était rattaché et sur les chantiers de cette agence, ainsi qu’en atteste M. C, chef d’agence, et ce dont témoigne, pour l’agence elle-même, la photographie produite permettant de visualiser partie de la plaque signalétique de l''Agence Réhabilitation’ à droite du tableau d’affichage, il n’est pas établi que les modalités du contrôle de l’état alcoolique qu’il prévoit ait été respectées.

Il n’est pas établi en effet que le contrôle de l’état alcoolique dont M. F G a fait l’objet était justifié par un état ou un comportement laissant supposer qu’il était en état d’ivresse. Il ressort au contraire de l’attestation de M. Z et plus précisément encore de l’attestation de M. B que ce contrôle a été réalisé sur tout le personnel présent sur le chantier, sans distinction.

Il n’est pas justifié non plus que M. Z et M. B ont été formés à l’utilisation des éthylotests.

Il n’est pas non plus justifié que M. F G ait été avisé qu’il pouvait se faire assister lors du contrôle par un tiers de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.

Enfin s’il a été proposé à M. F G, au vu des résultats positifs des éthylotests, d’effectuer, s’il le souhaitait, une prise de sang dans un laboratoire voisin, le salarié n’a pas été avisé que s’il entendait contester les résultats des tests, une contre-expertise médicale serait organisée dans les plus brefs délais aux frais de l’entreprise auprès du médecin ou du laboratoire de son choix par son responsable hiérarchique.

Le dépistage de l’état alcoolique dont le salarié a fait l’objet ne peut donc être utilisé à des fins disciplinaires.

Le fait que M. F G n’ait pas souhaité qu’il soit procédé à un prélèvement sanguin permettant de déterminer son taux précis d’alcoolémie ne peut dès lors lui être opposé.

Le fait que, tout en contestant avoir fait une consommation immodérée d’alcool, il ait déclaré à M. Z qu’il avait bu trois verres de vin, comme celui-ci en atteste, ne permet pas d’établir qu’il présentait effectivement un taux d’alcool supérieur ou égal à 0,25 mg par litre d’air expiré ou supérieur ou égal à 0,5 g d’alcool par litre de sang.

Si l’employeur affirme dans la lettre de licenciement que M. F G a reconnu avoir été en état d’ébriété sur son lieu de travail, aucun élément ne vient corroborer cette allégation.

Il n’est pas établi non plus que M. F G ait consommé de l’alcool sur son lieu de travail en

dehors du repas.

La consommation de vin à l’occasion des repas n’étant pas interdite par le règlement intérieur et l’état d’ébriété reproché au salarié n’étant pas établi, les griefs invoqués par l’employeur à l’appui du licenciement ne sont pas justifiés.

M. F G soutient que son licenciement est nul pour porter atteinte à une liberté fondamentale et avoir été prononcé sur la base d’un procédé déloyal portant atteinte aux droits de la défense.

Le juge ne peut, en l’absence de dispositions le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale, annuler un licenciement.

M. F G ayant été licencié pour avoir consommé de l’alcool et avoir été en état d’ébriété sur son lieu de travail, son licenciement n’est pas fondé sur un motif illicite caractérisant une atteinte à une liberté fondamentale.

Le salarié a été en mesure lors de l’entretien préalable de faire valoir ses moyens de défense.

L’utilisation par l’employeur d’un moyen de preuve déloyal, qu’il appartient au juge d’écarter, n’est pas une cause d’annulation du licenciement.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. F G de sa demande tendant à ce que son licenciement soit déclaré nul et des demandes subséquentes de réintégration et de paiement de salaires de son éviction jusqu’à sa réintégration effective.

Les griefs invoqués par la société Colas IDFN à l’appui du licenciement n’étant pas établis, il convient en revanche de dire le licenciement de M. F G dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’infirmer en conséquence le jugement en ce qu’il a débouté l’intéressé de sa demande de ce chef.

Au moment du licenciement, M. F G avait au moins deux années d’ancienneté et la société Colas IDFN employait habituellement au moins onze salariés. En application de l’article L. 1235- 3 du code du travail, l’intéressé peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant de ses salaires bruts des six derniers mois.

En raison de l’âge du salarié au moment de son licenciement, 51 ans, de son ancienneté de près de 11 ans dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu’il a subi, la somme de 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3- Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des garanties de fond et des droits de la défense

Au soutien de sa demande, M. F G fait valoir que les garanties entourant le contrôle d’alcoolémie, prévues au règlement intérieur n’ont pas été respectées et que l’utilisation d’un procédé de preuve déloyal a porté atteinte aux droits de la défense.

L’intéressé, qui, informé des résultats des éthylotests, a été régulièrement convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et mis en mesure d’assurer sa défense lors de cet entretien, durant lequel il était assisté, ne rapporte pas la preuve qu’il a subi, du fait du non-respect des modalités du contrôle d’alcoolémie prévues au règlement intérieur, un préjudice distinct de celui

résultant de la perte injustifiée de son emploi déjà réparée par l’allocation de la somme de 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sera en conséquence débouté de sa demande de ce chef.

4- Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation

A l’appui de sa demande, M. F G soutient qu’il n’a bénéficié que de 28 heures de formation en onze ans et que la société Colas IDFN ne justifie pas avoir mis en place un plan de formation pour les ouvriers alors que les salariés ayant un statut ETAM ou de cadre bénéficient d’un volume horaire de formation plus important, ce qui constitue une discrimination.

Pour sa part, la société Colas IDFN fait valoir qu’il ressort de la liste des formations qu’elle verse au débat que M. F G, qui a suivi les formations suivantes : montage et démontage des échafaudages en 2005, utilisation des engins de chantier en 2005, montage et démontage échafaudage fixe et roulant et tour d’étaiement en 2009 (21 heures), accident et prévention en 2013 (7 heures), ne justifie pas d’un défaut d’adaptation à l’évolution de son emploi de maçon boiseur, qu’il a exercé normalement ses fonctions pendant dix ans et n’a jamais demandé à changer de poste ou à suivre une formation. Elle fait valoir également que le plan de formation bénéficie à toutes les catégories de salariés et que M. F G ne fournit aucun élément permettant d’établir une discrimination entre les ouvriers et les cadres et ETAM.

M. F G qui n’invoque pas un motif de discrimination prohibé par l’article L. 1132- 1 du code du travail, ne présente pas d’élément de fait susceptible de caractériser l’existence d’une différence de traitement entre salariés de catégories professionnelles différentes.

Selon l’article L. 6321- 1 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a satisfait à cette obligation, qui relève de son initiative. Les moyens opposés par la société Colas IDFN tenant à l’absence de demande du salarié ou à l’absence de justification par le salarié d’un défaut d’adaptation à l’évolution de son emploi de maçon boiseur sont dès lors inopérants.

Il ressort des éléments produits que durant ses onze années de présence au sein de l’entreprise, M. F G a été inscrit à quatre formations, une formation du 25 au 29 avril 2005 relative à l’utilisation des engins de chantier, une formation du 25 au 26 mai 2005 'montage et démontage des échafaudages', une formation du 8 au 10 juin 2009 'montage et démontage échafaudages fixe et roulant et tour d’étaiement et une formation du 7 au 8 février 2013 'accident et prévention', dont seules les deux dernières, d’une durée respective de 21 heures et de 7 heures, ont été effectivement réalisées.

Ces faits caractérisent un manquement de la société Colas IDFN dans l’exécution du contrat de travail qui, en ne facilitant pas l’accès de M. F G à un nouvel emploi, lui a causé un préjudice distinct de celui résultant de la rupture de son contrat de travail que la cour fixe à 2 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Colas IDFN à payer ladite somme à M. F G à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation.

5- Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi

En application de l’article L. 1235- 4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société Colas IDFN à Pôle emploi, partie au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage

qu’il a versées le cas échéant à M. F G à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois d’indemnités.

6- Sur la demande de dommages-intérêts de l’UL CGT Chatou et de l’Union des syndicats anti-précarité (SAP)

Il a été ci-dessus retenu, pour les motifs exposés, que l’UL CGT Chatou avait la capacité d’agir en justice.

Si la discrimination alléguée n’est pas établie, non plus que l’atteinte aux droits de la défense, et si le manquement avéré de la société Colas IDFN à son obligation de formation envers M. F G ne porte atteinte qu’à un intérêt individuel, l’intervention des syndicats UL CGT Chatou et Union des syndicats anti-précarité, est recevable en ce qu’elle porte sur les conditions dans lesquelles doit s’exercer le contrôle par l’employeur de la consommation de boissons alcoolisées par les salariés au moment où ils prennent leur poste ou pendant le temps de travail, cette action tendant à la défense de l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

Le non-respect par l’employeur des modalités de ce contrôle prévues par le règlement intérieur a causé à l’intérêt collectif de la profession représenté par chacun d’eux un préjudice que la cour fixe à la somme de 1 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Colas IDFN à payer la somme de 1 000 euros à l’UL CGT Chatou et la somme de 1 000 euros à l’Union des syndicats anti-précarité à titre de dommages-intérêts.

7- Sur les dépens et les frais de procédure

La société Colas Ile de France Normandie qui succombe pour l’essentiel dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la débouter de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera condamnée à payer en application de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 2 000 euros à M. F G et la somme de 500 euros à chacun des deux syndicats UL CGT Chatou et Union des syndicats anti-précarité pour l’ensemble des frais irrépétibles qu’ils ont exposés.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

DÉCLARE l’appel principal de M. O L F G et de l’Union locale CGT Chatou recevable,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes en date du 12 juillet 2016 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société Colas Ile de France Normandie à payer à M. O L F G les sommes suivantes :

—  30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’adaptation,

CONDAMNE la société Colas Ile de France Normandie à payer à chacun des deux syndicats, UL CGT Chatou et Union des syndicats anti-précarité (SAP) la somme de 1 000 euros à titre de

dommages-intérêts pour atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession,

ORDONNE le remboursement par la société Colas IDFN à Pôle emploi des indemnités de chômage qu’il a versées à M. O L F G à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois d’indemnités ;

CONFIRME pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

DÉBOUTE M. O L F G de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des garanties de fond et des droits de la défense,

CONDAMNE la société Colas Ile de France Normandie à payer à M. O L F G la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Colas Ile de France Normandie à payer à chacun des deux syndicats, l’UL CGT Chatou et l’Union des syndicats anti-précarité (SAP) la somme de 500 euros à titre d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société Colas Ile de France Normandie de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel,

CONDAMNE la société Colas Ile de France Normandie aux dépens de première instance et d’appel.

— Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Carine DJELLAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 2 décembre 2020, n° 16/03732