Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 21 janvier 2021, n° 18/04047

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Chronologie de l’affaire

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www.nomosparis.com · 21 mars 2023

CA Paris, Pôle 5, Ch. 1, 25 janvier 2023, n° 19/15256 La clause de cession de droits d'auteur sur les créations d'un salarié « au fur et à mesure de leur réalisation », contenue au sein de son contrat de travail, n'est pas contraire à la prohibition de cession globale des œuvres futures (article L.131-1 du Code de la propriété intellectuelle) selon la Cour d'appel. Une styliste a conclu un contrat de travail en tant que « styliste-directrice artistique » avec une maison de mode, comprenant une clause de cession à titre exclusif « de l'ensemble de ses droits de propriété intellectuelle …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 21e ch., 21 janv. 2021, n° 18/04047
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/04047
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 5 septembre 2018, N° 17/00380
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 JANVIER 2021

N° RG 18/04047

AFFAIRE :

A X

C/

S.A.S. TENNIS TEAM AGENCY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Septembre 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 17/00380

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la ASSOCIATION VERHEYDEN & COGNARD

Me Catherine LAUSSUCQ

le :

Copies certifiées conformes :

Pôle Emploi (dématérialisée)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur A X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me E-rémi COGNARD de l’ASSOCIATION VERHEYDEN & COGNARD, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0109

APPELANT

****************

S.A.S. TENNIS TEAM AGENCY

N° SIRET : 411 60 3 7 72

[…]

92130 ISSY-LES-MOULINEAUX

Représentant : Me Eliane CHATEAUVIEUX de la SELARL ACTANCE, Constitué/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substitué à l’audience par Maître Romain MICHALCAK, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Novembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,

Madame Valérie AMAND, Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,

FAITS ET PROCÉDURE

M. X a été engagé le 11 octobre 1999 par la société Cardmania, devenue Tennis Team

Agency ( la société) en qualité de reporter-photographe, selon contrat d’adaptation à l’emploi.

Le 27 décembre 2000, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée.

L’entreprise a pour activité, notamment, la recherche, l’exploitation et le développement de produits

de presse et de librairie, et l’édition de services techniques administratifs et commerciaux pour le

compte de sociétés d’édition. Elle exploite la revue sportive Tennis Magazine.

Le 29 septembre 2015, la société Cardmania a été reprise par la société Alvaba Medias, représentée

par son président M. C Z.

Le 6 septembre 2016, M. X a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel

licenciement, fixé au 20 septembre 2016, et le 12 octobre 2016, il a été licencié pour motif

économique.

M. X n’a pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

Le 27 mars 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, pour

obtenir, aux termes de sa requête initiale :

— une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— une indemnité pour absence de consultation des institutions représentatives du personnel, faute

d’organisation des élections.

Il a, au dernier état, formulé les demandes suivantes :

— à titre principal, 108 758 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse,

— à titre subsidiaire, 4 532 euros de dommages et intérêts pour légèreté blâmable, 108 758 euros de

dommages et intérêts pour non-respect de l’ordre des licenciements, 9 064 euros de dommages et

intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement (incompétence de la personne signataire de

la lettre de licenciement),

— en tout état de cause, 4 532 euros de dommages et intérêts pour non-application volontaire de la

convention collective, 4 532 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procedure de

licenciement (absence de consultation d’un délégué du personnel), 2 000 euros de dommages et

intérêts pour absence d’organisation des élections du personnel, 4 532 euros de dommages et intérêts

pour rétrogradation injustifiée, 6 000 euros de dommages et intérêts pour violation de la clause de

confidentialité d’un protocole transactionnel, 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de

procédure civile, l’exécution provisoire et les intérêts légaux.

La société a soulevé l’irrecevabilité de certaines des demandes du salarié, s’est opposée aux

prétentions de celui-ci, et a demandé au conseil de dire et juger que les photographies prises par M.

X durant l’exécution du contrat de travail sont sa propriété exclusive, et de lui allouer une

somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 6 septembre 2018, le conseil (section encadrement) a :

— déclaré irrecevables les demandes suivantes :

dommages et intérêts pour rétrogradation injustifiée

dommages et intérêts pour violation de la clause de confidentialité d’un protocole transactionnel

— dit :

que M. X est titulaire du droit d’auteur de ses 'uvres ainsi que des droits d’exploitation

associés

que la société est titulaire des droits d’exploitation non exclusifs des oeuvres de M. X

durant toute la période de la durée du contrat de travail,

— fixé le salaire mensuel de M. X à la somme mensuelle brute de 4 532 euros,

— condamné la société à verser à M. X les sommes de :

1 000 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective nationale,

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire dans le cadre de l’article 515 du code de procédure civile

— mis les dépens de la présente instance à la charge de la partie défenderesse,

— débouté :

M. X du surplus de ses demandes

la société de ses demandes.

Le 27 septembre 2018, M. X a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 21 octobre 2020, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la

clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 novembre 2020.

Par ordonnance du 23 novembre 2020, il a révoqué l’ordonnance susvisée, et ordonné la clôture de

l’instruction.

Par dernières conclusions écrites du 20 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample

exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M.

X demande à la cour de

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il :

a déclaré irrecevable sa demande en réparation de son préjudice subi en raison de sa rétrogradation

injustifiée,

a déclaré irrecevable sa demande en réparation de son préjudice subi en raison de la violation de la

clause de confidentialité d’un protocole d’accord transactionnel par la société Tennis Team Agency,

a jugé que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse,

l’a débouté de sa demande d’indemnisation du préjudice subi en raison de son licenciement sans

cause réelle et sérieuse,

l’a débouté de sa demande d’indemnisation pour légèreté blâmable de la société Tennis Team

Agency,

l’a débouté de sa demande d’indemnisation pour non-respect des critères d’ordre des licenciements,

l’a débouté de sa demande d’indemnisation pour non-respect de la procédure de licenciement et

notamment des dispositions relatives à la compétence de la personne ayant conduit l’entretien

préalable ;

l’a débouté de sa demande d’indemnisation pour non-respect de la procédure de licenciement et

notamment des dispositions relatives à la consultation des délégués du personnel,

l’a débouté de sa demande d’indemnisation en raison de l’absence d’organisation des élections des

délégués du personnel,

a condamné la société Tennis Team Agency à lui payer la somme de 1 000 euros au titre du

non-respect de la convention collective nationale des journalistes,

a condamné la société Tennis Team Agency à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article

700 du code de procédure civile,

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

fixé son salaire mensuel à hauteur de 4 532 euros,

débouté la société Tennis Team Agency de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

condamné la société Tennis Team Agency aux entiers dépens de première instance,

Et, statuant à nouveau au fond, de :

À titre principal,

— juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour motif économique,

— en conséquence, condamner la société Tennis Team Agency à lui verser la somme de 108 758

euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— se déclarer incompétente pour connaître de la demande de la société Tennis Team Agency relative

à la propriété des photographies créées dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail,

À titre subsidiaire,

— dire qu’il est titulaire du droit d’auteur de ses 'uvres créées dans le cadre de l’exécution de son

contrat de travail, ainsi que des exploitations associées, la société Tennis Team Agency étant titulaire

non exclusif du droit d’exploitation des photographies pendant la période de la durée du contrat de

travail ;

— condamner la société Tennis Team Agency à lui verser les sommes de :

108 758 euros pour non-respect des dispositions légales relatives aux critères d’ordre des

licenciements ;

4 532 euros pour légèreté blâmable ;

9 064 euros pour non-respect de la procédure de licenciement (incompétence de la personne ayant

conduit l’entretien préalable) ;

En tout état de cause,

— condamner la société Tennis Team Agency à lui verser les sommes de :

4 532 euros en raison du défaut volontaire d’application de la convention collective des journalistes ;

4 532 euros pour non-respect de la procédure de licenciement (absence de consultation d’un délégué

du personnel) ;

2 000 euros en raison de l’absence d’organisation des élections des délégués du personnel ;

4 532 euros en raison de la rétrogradation injustifiée dont il a fait l’objet ;

6 000 euros en raison de la violation de la clause de confidentialité du protocole transactionnel ;

6 000 euros au titre de la première instance et 3 000 euros au titre de l’appel en application de l’article

700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

Par dernières conclusions écrites en date du 13 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus

ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile,

la société demande à la cour de :

— ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture du 21 octobre 2020,

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

déclaré recevable la demande nouvelle présentée au titre du défaut volontaire de la convention

collective des journalistes ;

'dit que M. X est titulaire du condamné la société à des dommages et intérêts pour

irrégularité de la procédure et à un article 700 du code de procédure civile'

condamné la société à des dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective et à

l’article 700 du code de procédure civile ;

— confirmer le jugement déféré pour le surplus ;

Et statuant à nouveau au fond, de :

— juger que les droits d’exploitation afférents aux photographies réalisées par M. X durant

l’exécution de son contrat de travail sont la propriété exclusive de la société Tennis Team Agency

conformément aux dispositions du contrat de travail ;

En tout état de cause de :

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes ;

— condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de

procédure civile ;

— condamner M. X aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de révocation de la clôture :

Cette demande est devenue sans objet, l’ordonnance de clôture du 21 octobre 2020 ayant été

révoquée par ordonnance du 23 novembre 2020.

Sur la recevabilité des demandes de dommages et intérêts pour rétrogradation injustifiée, de

dommages et intérêts pour défaut d’application de la convention collective des journalistes et

de dommages et intérêts pour violation de la lause de confidentialité :

Selon la société, les demandes de dommages et intérêts au titre d’une rétrogradation injustifiée, de

dommages et intérêts pour non application de la convention collective des journalistes et de

dommages et intérêts au titre de la violation d’une clause de confidentialité prévue par un protocole

transactionnel, ajoutées par le salarié en cours de l’instance devant le conseil de prud’hommes, sont

irrecevables, par application de l’article 70 du code de procédure civile, comme ne présentant aucun

lien avec les demandes initiales.

M. X considère que l’ensemble des demandes additionnelles qu’il a présentées en première

instance sont recevables. Il fait valoir que les demandes que le conseil de prud’hommes a jugées

irrecevables ne modifient pas les prétentions antérieurement formées, mais les complètent, que la

demande relative à la rétrogradation injustifiée se rattache manifestement aux prétentions

antérieures, puisqu’elle trouve sa cause dans l’exécution du contrat de travail, et que la violation du

protocole d’accord transactionnel, intervenue pour la première fois pendant la procédure judiciaire,

dans les conclusions communiquées par la défenderesse, puis lors des plaidoiries, ne pouvait en

conséquence être connue de lui au jour de la saisine du conseil de prud’hommes.

Selon l’article 70 du code de procédure civile, les demandes additionnelles ne sont recevables que si

elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Le salarié a sollicité, dès l’introduction de l’instance, qui est postérieure au 1er août 2016 et à la

suppression du principe de l’unicité d’instance, des dommages et intérêts pour absence de

consultation des institutions représentatives du personnel, dans le cadre de son licenciement, faute

d’organisation d’élections de délégués du personnel. Sa demande au titre du défaut d’application de la

convention collective repose, notamment, sur le défaut d’application de l’article 4 de ladite

convention, qui est relatif aux comités d’entreprise et aux délégués du personnel. Cette demande se

rattache donc par un lien suffisant à ses demandes initiales, relatives à la contestation de son

licenciement pour motif économique. C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a

considéré que cette demande devait être examiné au fond.

La demande de dommages et intérêts pour rétrogradation injustifiée, qui relève de l’exécution du

contrat de travail, ne comporte en revanche pas de lien suffisant avec les demandes initiales, qui

portaient sur la rupture de celui-ci, étant relevé que le salarié n’invoque qu’un préjudice moral, et

précise lui-même que la rétrogradation alléguée n’a pas eu d’effet sur sa rémunération.

Quant à la demande de dommages et intérêts pour violation d’une clause de confidentialité, elle

concerne l’exécution d’un contrat ( la transaction) distinct du contrat de travail liant les parties. La

circonstance que la violation alléguée se soit produite à l’occasion de la présente procédure n’est pas

de nature à créer un lien suffisant entre la demande indemnitaire qui en découle et les prétentions

initiales du salarié.

Le jugement du conseil de prud’hommes est donc confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables les

demandes de dommages et intérêts pour rétrogradation injustifiée et de dommages et intérêts pour

violation de la clause de confidentialité d’un protocole transactionnel, présentées par le salarié. Il y

sera ajouté que la demande au titre du défaut volontaire de la convention collective des journalistes

est recevable.

Sur la propriété intellectuelle des photographies réalisées pendant l’exécution du contrat de

travail :

Selon le salarié, la cour doit se déclarer incompétente au profit du tribunal de grande instance

territorialement compétent pour statuer sur sa demande relative à la propriété intellectuelle des

photographies qu’il a réalisées, et que revendique la société. En effet, compte tenu de la compétence

spéciale du conseil de prud’hommes, cette question qui est sans lien avec le litige relatif à la rupture

du contrat de travail échappe à la compétence de la juridiction prud’homale, qui n’est pas compétente

pour connaître des questions attribuées spécialement à une autre juridiction, ce qui est le cas des

questions de propriété littéraire et artistique qui relèvent spécialement du tribunal de grande instance

en vertu de l’article L.331-1 du code de la propriété intellectuelle. Subsidiairement, le salarié

demande à la cour de confirmer la décision du conseil ayant jugé qu’il était titulaire des droits

d’auteur afférents aux photographies réalisées pendant la durée de son contrat de travail, et que la

société ne détenait plus aucun droit d’exploitation sur ces photographies depuis la cessation de la

relation de travail. Il soutient, en premier lieu, que, par sa généralité et du fait de la prohibition de la

cession des oeuvres futures, la clause de cession des droits d’auteur insérée à son contrat de travail,

dont se prévaut l’employeur, est nulle. Il fait valoir, en second lieu, que l’employeur ne peut

bénéficier des dispositions des articles L.132-37, L. 132-38 et L.132-40 du code de la propriété

intellectuelle, dans la mesure où la société n’a conclu aucun accord d’entreprise, ni accord collectif

définissant les conditions d’utilisation des oeuvres et de rémunération de leur auteur, de sorte que les

stipulations contenues relatives aux droits d’auteur contenues dans le contrat de travail ne sont pas

conformes aux dispositions du code de la propriété intellectuelle.

La société soutient que le conseil de prud’hommes était parfaitement compétent pour statuer sur le

litige relatif aux droits d’exploitation des photographies prises par le salarié durant l’exécution de son

contrat de travail, né à l’occasion de celui-ci, et portant sur l’interprétation d’une de ses clauses. Au

fond, elle objecte qu’il est tout à fait loisible de conclure un contrat de cession des droits

patrimoniaux entre un salarié et son employeur sous réserve de respecter l’interdiction de la cession

globale des oeuvres futures, comme c’est le cas en l’espèce.

Critiquant la motivation des premiers juges et soulignant que les droits d’exploitation ne sont pas

distincts des droits d’auteur, mais en constituent une des deux composantes avec les droits moraux

sur l’oeuvre, elle soutient que le salarié a pu régulièrement céder ses droits d’exploitation afférents

aux photographies réalisées durant l’exécution de son contrat de travail, à l’exclusion de celles qu’il

réaliserait postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Quant à la compétence de la cour :

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a donné compétence exclusive aux tribunaux de grande instance (

désormais des tribunaux judiciaires) pour connaître des demandes relatives à des droits d’auteurs. Le

conseil de prud’hommes, qui en vertu de l’article L.1411-4 du code du travail n’est pas compétent

pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, n’était donc effectivement pas

compétent pour connaître de la demande de la société. Il n’apparaît pas, toutefois, que le salarié ait

contesté sa compétence en première instance, et la cour observe qu’en cause d’appel, celui-ci a omis

de faire connaître, conformément aux prescriptions de l’article 75 du code de procédure civile, devant

quelle juridiction l’affaire doit être portée.

En tout état de cause, la cour, qui est juridiction d’appel du tribunal de grande instance, désormais

tribunal judiciaire, de Nanterre, compétent en vertu de l’article D.211-6-1 du code de l’organisation

judiciaire, et du tableau VI annexé au dit code, pour connaître des actions en matière de propriété

littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d’indications géographiques pour le

ressort de la cour d’appel de Versailles, est tenue de statuer sur le fond du litige.

Quant à la demande au fond :

La relation de travail et la gestion des droits d’auteur de M. X étaient régies jusqu’au 1er

mai 2008, date d’abrogation de l’article L 761-9 du code du travail, et jusqu’à la promulgation de la

loi n°2009-669 du 12 juin 2009 par les dispositions suivantes :

— l’article L.761-9 du code du travail qui disposait que ' Le droit de faire paraître dans plus d’un

journal ou périodique les articles ou autres oeuvres littéraires ou artistiques dont les personnes

mentionnées à l’article L. 761-2 (dont le reporter-photographe), sont auteurs est obligatoirement

subordonné à une convention expresse précisant les conditions dans lesquelles la reproduction est

autorisée.'

— l’article L 121-8 du code de la propriété intellectuelle qui énonçait que 'L’auteur seul a le droit de

réunir ses articles et ses discours en recueil et de les publier ou d’en autoriser la publication sous

cette forme. Pour toutes les oeuvres publiées ainsi dans un journal ou recueil périodique, l’auteur

conserve, sauf stipulation contraire, le droit de les faire reproduire et de les exploiter, sous quelque

forme que ce soit, pourvu que cette reproduction ou cette exploitation ne soit pas de nature à faire

concurrence à ce journal ou à ce recueil périodique.'

Il résulte de la combinaison de ces textes que le droit de faire paraître dans plus d’un journal ou

périodique les oeuvres d’un reporter photographe était subordonné à l’existence d’une convention

expresse.

Or, le contrat de travail conclu le 27 septembre 2000, stipule une telle convention ainsi libellée :

'Le règlement de votre salaire emporte cession de plein droit au profit de notre société, au fur et à

mesure de leurs créations, de l’ensemble des droits d’exploitation, tant en France qu’à l’étranger, des

contributions que vous réaliserez dans le cadre de votre contrat de travail et qui de ce fait, pourront

être librement reproduites et représentées, traduites et/ou adaptées s’il y a lieu, dans l’ensemble des

éditions françaises et étrangères parues ou à paraître dans Tennis Magazine à travers le monde,

ainsi que les exploitations dérivées, quel qu’en soit le support (papier, vidéo électronique,

audiovisuel), les procédés d’enregistrement (hertzien, câble, satellite), ainsi que tous les supports

destinées à publicité ou à leur promotion. L’ensemble des effets de la cession visée ci-dessus survivra

à la cessation de votre contrat de travail, quelle qu’en soit la cause et ce pour toute la durée des

droits cédés.'

A compter du 14 juin 2009, date de l’entrée en vigueur de la loi n°2009-669 du 12 juin 2009, la

collaboration entre les journalistes et l’entreprise de presse qui les emploie est régie par les

dispositions de l’article L 7111-5-1 du code du travail et par des dispositions nouvelles du code de la

propriété intellectuelle.

L’article L 7111-5-1 du code du travail dispose que 'la collaboration entre une entreprise de presse

et un journaliste professionnel porte sur l’ensemble des supports du titre de presse tel que défini au

premier alinéa de l’article L 132-5 du code de la propriété intellectuelle, sauf stipulation contraire

dans le contrat de travail ou dans toute autre convention de collaboration ponctuelle'.

Les dispositions du code de la propriété intellectuelle sont les suivantes :

— article L.132-5 : 'On entend par titre de presse, au sens de la présente section, l’organe de presse à

l’élaboration duquel le journaliste professionnel a contribué, ainsi que l’ensemble des déclinaisons

du titre, quels qu’en soient le support, les modes de diffusion et de consultation. Sont exclus les

services de communication audiovisuelle au sens de l’ article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre

1986 relative à la liberté de communication.

Est assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par

un service de communication au public en ligne ou par tout autre service, édité par un tiers, dès lors

que cette diffusion est faite sous le contrôle éditorial du directeur de la publication dont le contenu

diffusé est issu ou dès lors qu’elle figure dans un espace dédié au titre de presse dont le contenu

diffusé est extrait. Est également assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout

ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne édité par l’entreprise

de presse ou par le groupe auquel elle appartient ou édité sous leur responsabilité, la mention dudit

titre de presse devant impérativement figurer.'

— article L. 132-36 : 'Par dérogation à l’article L. 131-1 et sous réserve des dispositions de l’article L

121-8, la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens des articles L 7111-3 et

suivants du code du travail, qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l’élaboration d’un titre de presse, et l’employeur emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à

l’employeur des droits d’exploitation des oeuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre,

qu’elles soient ou non publiées'.

— article L. 132-37 : 'L’exploitation de l’oeuvre du journaliste sur différents supports, dans le cadre

du titre de presse défini à l’article L 132-35 du présent code, a pour seule contrepartie le salaire,

pendant une période fixée par un accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif, au

sens des articles L 2222-1 et suivants du code du travail. Cette période est déterminée en prenant

notamment en considération la périodicité du titre de presse et la nature de son contenu.'

Il résulte de l’article L 132-38 de ce code que l’exploitation de l’oeuvre au-delà de la période prévue

donne droit à une rémunération complémentaire et de l’article L 132-39 qu’un accord d’entreprise

peut définir une famille cohérente de presse au sein de laquelle la diffusion de l’oeuvre est possible et

ouvre droit à rémunération complémentaire.

En dernier lieu, l’article L 132-40 du code de la propriété intellectuelle dispose que 'Toute cession de

l’oeuvre en vue de son exploitation hors du titre de presse initial ou d’une famille cohérente de

presse est soumise à l’accord exprès et préalable de son auteur exprimé à titre individuel ou dans un

accord collectif, sans préjudice, dans ce deuxième cas, de l’exercice de son droit moral par le

journaliste. Ces exploitations donnent lieu à rémunération sous forme de droits d’auteur, dans des

conditions déterminées par l’accord individuel ou collectif.'

Selon l’article 20 – IV de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009, 'Durant les trois ans suivant la

publication de la présente loi, les accords relatifs à l’exploitation sur différents supports des 'uvres

des journalistes signés avant l’entrée en vigueur de la présente loi continuent de s’appliquer jusqu’à

leur date d’échéance, sauf cas de dénonciation par l’une des parties.

Dans les entreprises de presse où de tels accords n’ont pas été conclus à la date d’entrée en vigueur

de la présente loi, les accords mentionnés à l’article L. 132-37 du code de la propriété intellectuelle

fixent notamment le montant des rémunérations dues aux journalistes professionnels en application

des articles L. 132-38 à L. 132-40 du même code, pour la période comprise entre l’entrée en vigueur

de la présente loi et l’entrée en vigueur de ces accords.'

Force est de relever que sous le régime des dispositions antérieures à la loi n° 2009-669 du 12 juin

2009, M. X a valablement consenti à la cession des droits d’exploitation des oeuvres,

prises de la date de son embauche à la date d’entrée en vigueur de la réforme des droits d’auteur, c’est

à dire au 14 juin 2009, au profit de son employeur dans les limites fixées par la stipulation

contractuelle, à savoir dans 'l’ensemble des éditions françaises et étrangères de Tennis Magazine,

ainsi que les exploitations dérivées […] ainsi que dans tous les supports destinés à leur publicité ou

à leur promotion'.

Il ne résulte pas de la stipulation ci-dessus reproduite figurant dans le contrat de travail qu’elle soit

générale, ni qu’elle contrevienne au principe de prohibition de la cession des oeuvres futures, laquelle

ne concerne que les oeuvres non déterminées ou déterminables au jour du contrat.

Sous réserve du respect des limites contractuellement définies par les parties, M. X n’est

pas fondé à reprocher à l’employeur d’exploiter ses oeuvres prises entre la date d’embauche et le 14

juin 2009, au delà de la rupture du contrat de travail. En revanche, force est de constater que les

stipulations contractuelles susvisées n’octroient pas à l’employeur la propriété exclusive des droits

d’exploitation qu’il revendique, rien n’étant dit, dans le contrat de travail, sur les droits que tient le

salarié de l’article L 121-8 du code de la propriété intellectuelle susvisé.

Pour le surplus, si l’exception que constituait le droit d’exploitation des oeuvres des journalistes est

désormais devenue le principe, c’est sous réserve toutefois d’une durée à fixer par accord d’entreprise

ou accord collectif, au delà de laquelle l’exploitation de l’oeuvre donne droit à une rémunération

complémentaire.

Or en l’espèce, il n’est ni invoqué ni établi qu’un accord est intervenu dans l’entreprise, pour régler les

modalités d’exploitation de l’oeuvre des journalistes. Pour autant, cela ne conduit pas à priver

l’employeur des droits qu’il tient des textes visés ci-dessus, et singulièrement de l’article L. 132-36.

La demande de M. X tendant à voir la cour juger qu’il est 'titulaire du droit d’auteur de ses

oeuvres créées dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, ainsi que des exploitations

associées, la société étant titulaire non exclusif du droit d’exploitation des photographies pendant la

période de la durée du contrat de travail’ n’est pas fondée. La demande formée par l’employeur

tendant à juger que 'les droits d’exploitation afférents aux photographies réalisées par M. X

durant l’exécution de son contrat de travail’ sont sa propriété exclusive ne l’est pas davantage.

L’une et l’autre partie sont en conséquence déboutées de leurs prétentions respectives.

Sur le licenciement de M. X :

Quant à l’existence d’une cause réelle et sérieuse :

M. X soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il invoque, à cet

égard :

— l’absence de cause économique, considérant que le licenciement ne repose sur aucune difficulté

économique, et qu’il n’y a pas de nécessité de réorganiser la société en vue de sauvegarder sa

compétitivité,

— la violation du cadre d’appréciation de la cause économique, qui aurait dû être appréciée au niveau

du groupe auquel appartient la société, et non de la seule société,

— l’existence d’un vice de fond ayant affecté l’entretien préalable, qui a été mené par une personne

extérieure à l’entreprise, en la personne de M. D,

— le non respect, par l’employeur, de son obligation de reclassement.

La société considère que le motif économique invoqué à l’appui du licenciement est réel et sérieux.

Elle soutient que les difficultés économiques qu’elle rencontre, et qui doivent s’apprécier uniquement

au sein de l’entreprise, la société ne faisant pas partie d’un quelconque groupe, sont réelles,

notamment en raison de résultats d’exploitation très déficitaires, ce qui l’a contrainte à supprimer le

service photographie, et donc les postes des deux salariés qui y étaient affectés, dont M. X,

pour avoir recours à des prestataires extérieurs, en fonction des besoins du magazine. Elle conteste

avoir manqué à son obligation de reclassement, dès lors qu’elle justifie qu’elle était dans

l’impossibilité de proposer au salarié un quelconque poste au titre du reclassement, en raison de la

dimension réduite de l’entreprise et de l’absence de poste disponible. Elle considère, par ailleurs, que

la procédure de licenciement est régulière, M. D ayant reçu qualité pour intervenir dans la

procédure de licenciement, et n’étant en aucun cas étranger à la société. A titre subsidiaire, elle

soutient que l’irrégularité invoquée n’est qu’une irrégularité de forme, que le salarié ne produit aucun

élément démontrant un prétendu préjudice, et qu’en conséquence, l’irrégularité invoquée ne saurait

avoir pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En vertu des l’articles L.1233-11 et L.1233-12 du code du travail, l’employeur qui envisage de

licenciement pour motif économique d’un salarié, qu’il soit individuel ou inclus dans un licenciement

collectif de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, doit obligatoirement le

convoquer à un entretien au cours duquel il lui expose les motifs de sa décision et recueille ses

explications.

La finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement

interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour conduire la

procédure de licenciement jusqu’à son terme, et le licenciement intervenu dans ces conditions est

dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il est constant et il résulte des pièces produites par les parties que, en vertu d’un mandat du président

de la société, donné le 20 juillet 2016, pour, à sa place et en son nom, recevoir M. X en

vue d’un éventuel licenciement pour cause économique, l’entretien préalable au licenciement de M.

X a été mené par M. Y D, 'assurant par l’intermédiaire de la Société SRM

Conseil la direction administrative et financière de la Société Cardmania', qui est également le

signataire de la lettre de convocation à l’entretien préalable adressée au salarié.

La société indique elle-même dans ses écritures ( page 31), que M. Y D est le président

de la société SRM Conseil 'auprès de laquelle [elle] a externalisé les services en matière

administrative, financières, juridique et informatique', ce dont il découle, nonobstant ce qu’elle

soutient, que M. D était bien étranger à la société. Le fait que, au sein des pages du

magazine, comme elle le souligne, il soit fait mention de lui en qualité de Directeur Administratif et

Financier est sans incidence, et ne suffit pas prouver que ce prestataire extérieur était

'particulièrement présent dans la société Tennis Team Agency de par la nature de sa mission, et

avait donc un lien très fort avec l’entreprise, de sorte que M. Z pouvait tout à fait lui déléguer la gestion de l’entretien préalable de M. X'. La cour relève, au surplus, qu’en toute

hypothèse, les extraits de pages produits par la société ne comportent pas de date justifiant que la

mention de M. D comme directeur administratif et financier est contemporaine du

licenciement de M. X.

Dès lors que l’entretien préalable prévu par la loi a été mené par une personne étrangère à

l’entreprise, le licenciement de M. X est sans cause réelle et sérieuse, peu important que, in

fine, la lettre de licenciement soit signée du représentant légal de la société comme le fait valoir cette

dernière.

Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a rejeté la

contestation du salarié du bien fondé de son licenciement, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les

autres moyens invoqués à l’appui de celle-ci.

Quant aux conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le salarié sollicite, en l’absence de cause économique justifiant son licenciement, le paiement d’une

indemnité de 108 758 euros, en application de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction

applicable à l’époque du licenciement. Il souligne qu’il bénéficiait toujours des indemnités de Pôle

emploi à la date du 31 mars 2019, à la suite de son licenciement.

La société considère que les dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail doivent trouver à

s’appliquer, et qu’en l’occurrence, le salarié ne rapporte aucunement la preuve de son préjudice, alors

qu’il lui appartient d’en établir la réalité. Elle souligne qu’il a perçu plus de 69 000 euros nets dans le

cadre de son solde de tout compte, et ajoute qu’il a, postérieurement à la notification de son

licenciement, exercé une activité professionnelle au profit d’une société cliente, en violation de son

obligation contractuelle de loyauté. Enfin, elle fait valoir que le salarié n’a pas eu de difficulté pour

accomplir ses projets professionnels, à l’issue de son licenciement, puisqu’il a déposé une marque,

publié un ouvrage, effectué bon nombre de déplacements dans le monde entier pour être présent à

des tournois majeurs de tennis, et qu’enfin, il vend ses photographies sur son site internet et auprès

d’agences photographiques.

Les dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance

n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, sont applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux

ans d’ancienneté, et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de

onze salariés. C’est à l’employeur qu’il appartient de démontrer que la condition d’effectif de

l’entreprise est satisfaite ou non au jour du licenciement du salarié. Or en l’espèce, la société ne

démontre en rien que son effectif était de moins de onze salariés lors de la notification à M.

X de la rupture de son contrat de travail. La cour relève qu’aux termes du courrier qu’elle a

adressé elle-même à la DIRECCTE le 17 octobre 2016 ( sa pièce n°5), la société fait mention d’un

effectif total de 11 salariés.

Le salarié, dont l’ancienneté est supérieure à deux années dans une entreprise employant plus de dix

salariés, est en droit d’obtenir, conformément à l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa

rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, une indemnité qui ne peut

être inférieure aux six derniers mois de salaire, au titre de son licenciement sans cause réelle et

sérieuse.

Compte tenu, notamment, de l’ancienneté de M. X dans l’entreprise, de son âge lors de la

rupture du contrat de travail, de sa situation professionnelle postérieure à la rupture, telle qu’elle

ressort des éléments soumis à la cour, le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et

sérieuse doit être fixé à la somme de 45 000 euros.

La société sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme, et par ailleurs, en

application de l’article L. 1235-4 du code du travail, devra rembourser aux organismes concernés,

parties au litige par l’effet de la loi, les indemnités de chômage qu’ils ont versées au salarié à compter

du jour de son licenciement, jusqu’au jour de l’arrêt prononcé et ce à concurrence de six mois.

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de consultation des délégués du

personnel :

Le salarié sollicite une somme de 4 532 euros, sur le fondement de l’article L.1235-15 du code du

travail. Il fait valoir que l’employeur aurait dû mettre en place des délégués du personnel, dans la

mesure où les conditions de l’article L.2312-1 du code du travail étaient remplies. En effet, la société

comptait au sein de ses effectifs, au jour des licenciements, plus de dix salariés, dépassant ainsi le

seuil fixé par l’article L.2312-1 du code du travail. Cet effectif a en outre été atteint au moins douze

mois au cours des trois dernières années, conformément à l’article L.2312-2 du code du travail,

comme en témoignent les annexes des bilans et des comptes de résultat de la société.

La société souligne que le salarié n’a jamais usé de la faculté dont il disposait de demander à

l’employeur d’organiser des élections. Elle soutient que ce n’est que jusqu’en 2015 que l’effectif de

l’entreprise était supérieur à 11 salariés, et qu’il ne l’était plus à compter de cette date.

A la supposer établie, l’omission d’organiser tous les quatre ans les élections professionnelles au sein

de l’entreprise est imputable à M. E X, précédent président de la société, qui semble

n’avoir pas respecté son obligation légale. Enfin, elle considère que le salarié, dès lors qu’il n’a fait

aucune demande d’organisation des élections, ne saurait valablement se prévaloir d’un quelconque

préjudice en la matière, et qu’il ne produit aucun élément susceptible de démontrer un prétendu

préjudice, alors qu’il lui incombe d’en démontrer l’existence.

Aux termes de l’article L.1235-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, est

irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité

d’entreprise ou les délégués du personnel n’ont pas été mis en place alors qu’elle est assujettie à cette

obligation et qu’aucun procès verbal de carence n’a été établi. Le salarié a droit à une indemnité à la

charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des

indemnités de licenciement et de préavis.

Il est constant qu’il n’existait pas de représentants du personnel dans l’entreprise lors du licenciement

de M. X, et il n’est justifié d’aucun procès-verbal de carence.

En vertu des articles L.2312-1 et L.2312-2 du code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi

n°2012-387 du 22 mars 2012, la mise en place de délégués élus par le personnel est obligatoire dans

tous les établissements d’au moins onze salariés, lorsque l’effectif d’au moins onze salariés est atteint

pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.

Les annexes au compte de résultat de l’année 2016, produites par le salarié, et non utilement

contestées par l’employeur, mentionnent un effectif de 14 salariés au 30 septembre 2009, 13 au 30

septembre 2013, 13 au 30 septembre 2014, 12 au 31 décembre 2015 et 10 au 31 décembre 2016,

étant observé que la société confirme dans ses écritures ( page 3) l’effectif de 12 salariés lors de son

acquisition par la société Alvaba Medias, et que, comme indiqué ci-dessus, elle annonçait un effectif

total de 11 salariés le 17 octobre 2016.

Il découle de ces éléments que l’effectif de la société a bien été d’au moins onze salariés pendant

douze mois, au cours des trois années précédant la période considérée.

L’employeur, qui était de ce fait dans l’obligation d’organiser des élections professionnelles, ne peut

utilement s’exonérer de son obligation en invoquant la carence du précédent dirigeant, ou l’inertie du

salarié.

L’employeur qui met en oeuvre une procédure de licenciement économique, alors qu’il n’a pas

accompli, bien qu’il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions

représentatives du personnel et sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute

qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de

leurs intérêts. Contrairement à ce que soutient la société, le salarié n’a pas à démontrer la réalité d’un

préjudice pour pouvoir prétendre à l’indemnisation prévue par le texte susvisé.

Le jugement du conseil de prud’hommes est donc infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa

demande indemnitaire, et il est alloué à celui-ci une somme de 4 532 euros au titre de l’irrégularité de

la procédure de licenciement résultant de l’absence de consultation des délégués du personnel.

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence d’organisation d’élections

professionnelles :

Le salarié sollicite l’indemnisation du préjudice causé par la carence fautive de l’employeur, tenant à

l’absence d’organisation d’élections professionnelles, à hauteur de 2 000 euros. Il fait valoir que la

présence de délégués du personnel dans l’entreprise aurait pu conduire l’employeur à respecter la

procédure de licenciement, et que ces délégués auraient été consultés sur le projet de licenciement

pour motif économique. Il n’a donc pas pu bénéficier de l’appui technique et moral de délégués du

personnel à l’occasion de son licenciement.

Comme déjà indiqué, l’employeur aurait dû organiser des élections des représentants du personnel,

l’effectif requis par la loi étant atteint.

Toutefois, le salarié ne justifie pas qu’il a subi un préjudice effectif du fait de cette absence, distinct

de celui déjà réparé sur le fondement de l’article L.1235-15 du code du travail. En conséquence, sa

demande indemnitaire ne peut prospérer, et le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé en

ce qu’il l’en a débouté.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d’application de la convention collective

des journalistes :

Le salarié reproche à son employeur de ne pas avoir appliqué la convention collective des

journalistes, de sorte qu’il n’a pas été en mesure de bénéficier des dispositions de celle-ci.

L’employeur n’a pas appliqué l’article 4 de la convention, dans la mesure où il n’a jamais entendu

respecter son obligation relative à la mise en place des délégués du personnel. En outre, aucun

accord collectif d’entreprise, tel que prévu par les articles L.132-38, L.132-39 et L.132-40 du code de

la propriété intellectuelle n’est venu préciser les contours des différentes rémunérations perçues par

les journalistes professionnels de la société, alors même qu’il s’agissait d’une obligation légale et

d’une obligation conventionnelle pour l’employeur, dès lors que celui-ci emploie des journalistes au

sens des articles L.7111-3 et suivants du code du travail. Il sollicite, à titre de dommages et intérêts,

une somme de 4 532 euros, après infirmation du jugement qui ne lui a alloué qu’une somme de 1 000

euros à ce titre.

La société conclut à l’infirmation du jugement, et au rejet de la demande indemnitaire. Elle considère

que le salarié ne s’explique ni sur le fondement de sa demande ni sur son quantum. Elle soutient que

contrairement à ce qu’il prétend, la convention collective des journalistes s’est appliquée pleinement

aux relations contractuelles.

L’article 4 de la convention collective énonce que :

'Les dispositions relatives aux comités d’entreprise, aux délégués du personnel et aux représentants

syndicaux feront l’objet d’accords particuliers qui tiendront compte de la spécificité du journaliste

dans l’entreprise de presse.

Tant pour les délégués du personnel que pour les membres du comité d’entreprise, la répartition des

sièges fait l’objet d’un accord entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales intéressées.'

Il est établi que l’employeur a manqué à son obligation de mettre en place des institutions

représentatives du personnel. De ce fait, les dispositions de la convention collective relatives à ces

institutions n’ont pas non plus été respectées. Toutefois, le salarié ne rapporte pas la preuve de la

réalité d’un préjudice subi à ce titre, qui n’ait pas déjà été réparé par les dommages et intérêts alloués

ci-dessus.

Par ailleurs, le salarié ne rapporte pas la preuve de la réalité d’un préjudice subi, en lien avec une

omission de l’employeur d’appliquer la convention collective, résultant de l’absence d’accord

d’entreprise ou d’accord collectif concernant la rémunération de l’exploitation de son oeuvre. Il

n’indique pas non plus en quoi consiste le préjudice invoqué.

En l’absence de preuve d’un préjudice, le salarié ne peut prétendre à des dommages et intérêts. Le

jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il lui a alloué une somme à ce titre, et le salarié est

débouté de sa demande indemnitaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dépens sont à la charge de la société, partie condamnée.

La société sera condamnée à régler au salarié une somme totale de 3 000 euros, au titre des frais

irrépétibles qu’il a exposés en première instance et en appel, et sera déboutée de sa propre demande à

ce titre.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 6 septembre 2018 par le conseil de prud’hommes de

Boulogne-Billancourt (section encadrement), sauf en ce qu’il a :

— déclaré irrecevables les demandes de dommages et intérêts de M. X pour rétrogradation

injustifiée et pour violation de la clause de confidentialité d’un protocole transactionnel,

— débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts pour absence d’organisation des

élections des délégués du personnel,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Dit que la demande de dommages et intérêts de M. X au titre de la non-application

volontaire de la convention collective est recevable,

Rejette l’exception d’incompétence de la présente cour pour connaître de la demande de la société

Tennis Team Agency relative à la propriété des photographies créées dans le cadre de l’exécution de

son contrat de travail,

Dit que la rupture du contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Tennis Team Agency à verser à M. X les sommes de :

—  45 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  4 532 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement

résultant de l’absence de consultation des délégués du personnel,

Ordonne à la société Tennis Team Agency de rembourser aux organismes concernés les indemnités

de chômage qu’ils ont versées à M. X à compter du jour de son licenciement, jusqu’au jour

du présent arrêt, et ce à concurrence de six mois,

Déboute M. X de sa demande de dommages et intérêts pour défaut d’application de la

convention collective,

Déboute la société Tennis Team Agency de sa demande tendant à voir juger que les droits

d’exploitation afférents aux photographies réalisées par M. X durant l’exécution de son

contrat de travail sont la propriété exclusive de la société Tennis Team Agency conformément aux

dispositions du contrat de travail ;

Déboute M. X de sa demande tendant à voir dire qu’il est titulaire du droit d’auteur de ses

'uvres créées dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, ainsi que des exploitations

associées, la société Tennis Team Agency étant titulaire non exclusif du droit d’exploitation des

photographies pendant la période de la durée du contrat de travail,

Déboute la société Tennis Team Agency de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure

civile,

Condamne la société Tennis Team Agency aux dépens, et à régler à M. X une somme de 3

000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de

procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier,

auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 21 janvier 2021, n° 18/04047