Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 21 janvier 2021, n° 18/04047
Chronologie de l’affaire
Sur la décision
Référence : | CA Versailles, 21e ch., 21 janv. 2021, n° 18/04047 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Versailles |
Numéro(s) : | 18/04047 |
Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 5 septembre 2018, N° 17/00380 |
Dispositif : | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée |
Sur les parties
- Président : Thomas LE MONNYER, président
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties :
Texte intégral
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 JANVIER 2021
N° RG 18/04047
AFFAIRE :
A X
C/
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Septembre 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : 17/00380
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la ASSOCIATION VERHEYDEN & COGNARD
le :
Copies certifiées conformes :
Pôle Emploi (dématérialisée)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur A X
né le […] à […]
de nationalité Française
[…]
[…]
Représentant : Me E-rémi COGNARD de l’ASSOCIATION VERHEYDEN & COGNARD, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0109
APPELANT
****************
N° SIRET : 411 60 3 7 72
[…]
92130 ISSY-LES-MOULINEAUX
Représentant : Me Eliane CHATEAUVIEUX de la SELARL ACTANCE, Constitué/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, substitué à l’audience par Maître Romain MICHALCAK, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Novembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Valérie AMAND, Président,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
FAITS ET PROCÉDURE
M. X a été engagé le 11 octobre 1999 par la société Cardmania, devenue Tennis Team
Agency ( la société) en qualité de reporter-photographe, selon contrat d’adaptation à l’emploi.
Le 27 décembre 2000, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée.
L’entreprise a pour activité, notamment, la recherche, l’exploitation et le développement de produits
de presse et de librairie, et l’édition de services techniques administratifs et commerciaux pour le
compte de sociétés d’édition. Elle exploite la revue sportive Tennis Magazine.
Le 29 septembre 2015, la société Cardmania a été reprise par la société Alvaba Medias, représentée
par son président M. C Z.
Le 6 septembre 2016, M. X a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel
licenciement, fixé au 20 septembre 2016, et le 12 octobre 2016, il a été licencié pour motif
économique.
M. X n’a pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.
Le 27 mars 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, pour
obtenir, aux termes de sa requête initiale :
— une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— une indemnité pour absence de consultation des institutions représentatives du personnel, faute
d’organisation des élections.
Il a, au dernier état, formulé les demandes suivantes :
— à titre principal, 108 758 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse,
— à titre subsidiaire, 4 532 euros de dommages et intérêts pour légèreté blâmable, 108 758 euros de
dommages et intérêts pour non-respect de l’ordre des licenciements, 9 064 euros de dommages et
intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement (incompétence de la personne signataire de
la lettre de licenciement),
— en tout état de cause, 4 532 euros de dommages et intérêts pour non-application volontaire de la
convention collective, 4 532 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procedure de
licenciement (absence de consultation d’un délégué du personnel), 2 000 euros de dommages et
intérêts pour absence d’organisation des élections du personnel, 4 532 euros de dommages et intérêts
pour rétrogradation injustifiée, 6 000 euros de dommages et intérêts pour violation de la clause de
confidentialité d’un protocole transactionnel, 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de
procédure civile, l’exécution provisoire et les intérêts légaux.
La société a soulevé l’irrecevabilité de certaines des demandes du salarié, s’est opposée aux
prétentions de celui-ci, et a demandé au conseil de dire et juger que les photographies prises par M.
X durant l’exécution du contrat de travail sont sa propriété exclusive, et de lui allouer une
somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 6 septembre 2018, le conseil (section encadrement) a :
— déclaré irrecevables les demandes suivantes :
dommages et intérêts pour rétrogradation injustifiée
dommages et intérêts pour violation de la clause de confidentialité d’un protocole transactionnel
— dit :
que M. X est titulaire du droit d’auteur de ses 'uvres ainsi que des droits d’exploitation
associés
que la société est titulaire des droits d’exploitation non exclusifs des oeuvres de M. X
durant toute la période de la durée du contrat de travail,
— fixé le salaire mensuel de M. X à la somme mensuelle brute de 4 532 euros,
— condamné la société à verser à M. X les sommes de :
1 000 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective nationale,
1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— ordonné l’exécution provisoire dans le cadre de l’article 515 du code de procédure civile
— mis les dépens de la présente instance à la charge de la partie défenderesse,
— débouté :
M. X du surplus de ses demandes
la société de ses demandes.
Le 27 septembre 2018, M. X a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 21 octobre 2020, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la
clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 novembre 2020.
Par ordonnance du 23 novembre 2020, il a révoqué l’ordonnance susvisée, et ordonné la clôture de
l’instruction.
Par dernières conclusions écrites du 20 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample
exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, M.
X demande à la cour de
— infirmer le jugement déféré en ce qu’il :
a déclaré irrecevable sa demande en réparation de son préjudice subi en raison de sa rétrogradation
injustifiée,
a déclaré irrecevable sa demande en réparation de son préjudice subi en raison de la violation de la
clause de confidentialité d’un protocole d’accord transactionnel par la société Tennis Team Agency,
a jugé que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse,
l’a débouté de sa demande d’indemnisation du préjudice subi en raison de son licenciement sans
cause réelle et sérieuse,
l’a débouté de sa demande d’indemnisation pour légèreté blâmable de la société Tennis Team
Agency,
l’a débouté de sa demande d’indemnisation pour non-respect des critères d’ordre des licenciements,
l’a débouté de sa demande d’indemnisation pour non-respect de la procédure de licenciement et
notamment des dispositions relatives à la compétence de la personne ayant conduit l’entretien
préalable ;
l’a débouté de sa demande d’indemnisation pour non-respect de la procédure de licenciement et
notamment des dispositions relatives à la consultation des délégués du personnel,
l’a débouté de sa demande d’indemnisation en raison de l’absence d’organisation des élections des
délégués du personnel,
a condamné la société Tennis Team Agency à lui payer la somme de 1 000 euros au titre du
non-respect de la convention collective nationale des journalistes,
a condamné la société Tennis Team Agency à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article
700 du code de procédure civile,
— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
fixé son salaire mensuel à hauteur de 4 532 euros,
débouté la société Tennis Team Agency de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,
condamné la société Tennis Team Agency aux entiers dépens de première instance,
Et, statuant à nouveau au fond, de :
À titre principal,
— juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour motif économique,
— en conséquence, condamner la société Tennis Team Agency à lui verser la somme de 108 758
euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— se déclarer incompétente pour connaître de la demande de la société Tennis Team Agency relative
à la propriété des photographies créées dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail,
À titre subsidiaire,
— dire qu’il est titulaire du droit d’auteur de ses 'uvres créées dans le cadre de l’exécution de son
contrat de travail, ainsi que des exploitations associées, la société Tennis Team Agency étant titulaire
non exclusif du droit d’exploitation des photographies pendant la période de la durée du contrat de
travail ;
— condamner la société Tennis Team Agency à lui verser les sommes de :
108 758 euros pour non-respect des dispositions légales relatives aux critères d’ordre des
licenciements ;
4 532 euros pour légèreté blâmable ;
9 064 euros pour non-respect de la procédure de licenciement (incompétence de la personne ayant
conduit l’entretien préalable) ;
En tout état de cause,
— condamner la société Tennis Team Agency à lui verser les sommes de :
4 532 euros en raison du défaut volontaire d’application de la convention collective des journalistes ;
4 532 euros pour non-respect de la procédure de licenciement (absence de consultation d’un délégué
du personnel) ;
2 000 euros en raison de l’absence d’organisation des élections des délégués du personnel ;
4 532 euros en raison de la rétrogradation injustifiée dont il a fait l’objet ;
6 000 euros en raison de la violation de la clause de confidentialité du protocole transactionnel ;
6 000 euros au titre de la première instance et 3 000 euros au titre de l’appel en application de l’article
700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Par dernières conclusions écrites en date du 13 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus
ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile,
la société demande à la cour de :
— ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture du 21 octobre 2020,
— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
déclaré recevable la demande nouvelle présentée au titre du défaut volontaire de la convention
collective des journalistes ;
'dit que M. X est titulaire du condamné la société à des dommages et intérêts pour
irrégularité de la procédure et à un article 700 du code de procédure civile'
condamné la société à des dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective et à
l’article 700 du code de procédure civile ;
— confirmer le jugement déféré pour le surplus ;
Et statuant à nouveau au fond, de :
— juger que les droits d’exploitation afférents aux photographies réalisées par M. X durant
l’exécution de son contrat de travail sont la propriété exclusive de la société Tennis Team Agency
conformément aux dispositions du contrat de travail ;
En tout état de cause de :
— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes ;
— condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de
procédure civile ;
— condamner M. X aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de la clôture :
Cette demande est devenue sans objet, l’ordonnance de clôture du 21 octobre 2020 ayant été
révoquée par ordonnance du 23 novembre 2020.
Sur la recevabilité des demandes de dommages et intérêts pour rétrogradation injustifiée, de
dommages et intérêts pour défaut d’application de la convention collective des journalistes et
de dommages et intérêts pour violation de la lause de confidentialité :
Selon la société, les demandes de dommages et intérêts au titre d’une rétrogradation injustifiée, de
dommages et intérêts pour non application de la convention collective des journalistes et de
dommages et intérêts au titre de la violation d’une clause de confidentialité prévue par un protocole
transactionnel, ajoutées par le salarié en cours de l’instance devant le conseil de prud’hommes, sont
irrecevables, par application de l’article 70 du code de procédure civile, comme ne présentant aucun
lien avec les demandes initiales.
M. X considère que l’ensemble des demandes additionnelles qu’il a présentées en première
instance sont recevables. Il fait valoir que les demandes que le conseil de prud’hommes a jugées
irrecevables ne modifient pas les prétentions antérieurement formées, mais les complètent, que la
demande relative à la rétrogradation injustifiée se rattache manifestement aux prétentions
antérieures, puisqu’elle trouve sa cause dans l’exécution du contrat de travail, et que la violation du
protocole d’accord transactionnel, intervenue pour la première fois pendant la procédure judiciaire,
dans les conclusions communiquées par la défenderesse, puis lors des plaidoiries, ne pouvait en
conséquence être connue de lui au jour de la saisine du conseil de prud’hommes.
Selon l’article 70 du code de procédure civile, les demandes additionnelles ne sont recevables que si
elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Le salarié a sollicité, dès l’introduction de l’instance, qui est postérieure au 1er août 2016 et à la
suppression du principe de l’unicité d’instance, des dommages et intérêts pour absence de
consultation des institutions représentatives du personnel, dans le cadre de son licenciement, faute
d’organisation d’élections de délégués du personnel. Sa demande au titre du défaut d’application de la
convention collective repose, notamment, sur le défaut d’application de l’article 4 de ladite
convention, qui est relatif aux comités d’entreprise et aux délégués du personnel. Cette demande se
rattache donc par un lien suffisant à ses demandes initiales, relatives à la contestation de son
licenciement pour motif économique. C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a
considéré que cette demande devait être examiné au fond.
La demande de dommages et intérêts pour rétrogradation injustifiée, qui relève de l’exécution du
contrat de travail, ne comporte en revanche pas de lien suffisant avec les demandes initiales, qui
portaient sur la rupture de celui-ci, étant relevé que le salarié n’invoque qu’un préjudice moral, et
précise lui-même que la rétrogradation alléguée n’a pas eu d’effet sur sa rémunération.
Quant à la demande de dommages et intérêts pour violation d’une clause de confidentialité, elle
concerne l’exécution d’un contrat ( la transaction) distinct du contrat de travail liant les parties. La
circonstance que la violation alléguée se soit produite à l’occasion de la présente procédure n’est pas
de nature à créer un lien suffisant entre la demande indemnitaire qui en découle et les prétentions
initiales du salarié.
Le jugement du conseil de prud’hommes est donc confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables les
demandes de dommages et intérêts pour rétrogradation injustifiée et de dommages et intérêts pour
violation de la clause de confidentialité d’un protocole transactionnel, présentées par le salarié. Il y
sera ajouté que la demande au titre du défaut volontaire de la convention collective des journalistes
est recevable.
Sur la propriété intellectuelle des photographies réalisées pendant l’exécution du contrat de
travail :
Selon le salarié, la cour doit se déclarer incompétente au profit du tribunal de grande instance
territorialement compétent pour statuer sur sa demande relative à la propriété intellectuelle des
photographies qu’il a réalisées, et que revendique la société. En effet, compte tenu de la compétence
spéciale du conseil de prud’hommes, cette question qui est sans lien avec le litige relatif à la rupture
du contrat de travail échappe à la compétence de la juridiction prud’homale, qui n’est pas compétente
pour connaître des questions attribuées spécialement à une autre juridiction, ce qui est le cas des
questions de propriété littéraire et artistique qui relèvent spécialement du tribunal de grande instance
en vertu de l’article L.331-1 du code de la propriété intellectuelle. Subsidiairement, le salarié
demande à la cour de confirmer la décision du conseil ayant jugé qu’il était titulaire des droits
d’auteur afférents aux photographies réalisées pendant la durée de son contrat de travail, et que la
société ne détenait plus aucun droit d’exploitation sur ces photographies depuis la cessation de la
relation de travail. Il soutient, en premier lieu, que, par sa généralité et du fait de la prohibition de la
cession des oeuvres futures, la clause de cession des droits d’auteur insérée à son contrat de travail,
dont se prévaut l’employeur, est nulle. Il fait valoir, en second lieu, que l’employeur ne peut
bénéficier des dispositions des articles L.132-37, L. 132-38 et L.132-40 du code de la propriété
intellectuelle, dans la mesure où la société n’a conclu aucun accord d’entreprise, ni accord collectif
définissant les conditions d’utilisation des oeuvres et de rémunération de leur auteur, de sorte que les
stipulations contenues relatives aux droits d’auteur contenues dans le contrat de travail ne sont pas
conformes aux dispositions du code de la propriété intellectuelle.
La société soutient que le conseil de prud’hommes était parfaitement compétent pour statuer sur le
litige relatif aux droits d’exploitation des photographies prises par le salarié durant l’exécution de son
contrat de travail, né à l’occasion de celui-ci, et portant sur l’interprétation d’une de ses clauses. Au
fond, elle objecte qu’il est tout à fait loisible de conclure un contrat de cession des droits
patrimoniaux entre un salarié et son employeur sous réserve de respecter l’interdiction de la cession
globale des oeuvres futures, comme c’est le cas en l’espèce.
Critiquant la motivation des premiers juges et soulignant que les droits d’exploitation ne sont pas
distincts des droits d’auteur, mais en constituent une des deux composantes avec les droits moraux
sur l’oeuvre, elle soutient que le salarié a pu régulièrement céder ses droits d’exploitation afférents
aux photographies réalisées durant l’exécution de son contrat de travail, à l’exclusion de celles qu’il
réaliserait postérieurement à la rupture du contrat de travail.
Quant à la compétence de la cour :
La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a donné compétence exclusive aux tribunaux de grande instance (
désormais des tribunaux judiciaires) pour connaître des demandes relatives à des droits d’auteurs. Le
conseil de prud’hommes, qui en vertu de l’article L.1411-4 du code du travail n’est pas compétent
pour connaître des litiges attribués à une autre juridiction par la loi, n’était donc effectivement pas
compétent pour connaître de la demande de la société. Il n’apparaît pas, toutefois, que le salarié ait
contesté sa compétence en première instance, et la cour observe qu’en cause d’appel, celui-ci a omis
de faire connaître, conformément aux prescriptions de l’article 75 du code de procédure civile, devant
quelle juridiction l’affaire doit être portée.
En tout état de cause, la cour, qui est juridiction d’appel du tribunal de grande instance, désormais
tribunal judiciaire, de Nanterre, compétent en vertu de l’article D.211-6-1 du code de l’organisation
judiciaire, et du tableau VI annexé au dit code, pour connaître des actions en matière de propriété
littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d’indications géographiques pour le
ressort de la cour d’appel de Versailles, est tenue de statuer sur le fond du litige.
Quant à la demande au fond :
La relation de travail et la gestion des droits d’auteur de M. X étaient régies jusqu’au 1er
mai 2008, date d’abrogation de l’article L 761-9 du code du travail, et jusqu’à la promulgation de la
loi n°2009-669 du 12 juin 2009 par les dispositions suivantes :
— l’article L.761-9 du code du travail qui disposait que ' Le droit de faire paraître dans plus d’un
journal ou périodique les articles ou autres oeuvres littéraires ou artistiques dont les personnes
mentionnées à l’article L. 761-2 (dont le reporter-photographe), sont auteurs est obligatoirement
subordonné à une convention expresse précisant les conditions dans lesquelles la reproduction est
autorisée.'
— l’article L 121-8 du code de la propriété intellectuelle qui énonçait que 'L’auteur seul a le droit de
réunir ses articles et ses discours en recueil et de les publier ou d’en autoriser la publication sous
cette forme. Pour toutes les oeuvres publiées ainsi dans un journal ou recueil périodique, l’auteur
conserve, sauf stipulation contraire, le droit de les faire reproduire et de les exploiter, sous quelque
forme que ce soit, pourvu que cette reproduction ou cette exploitation ne soit pas de nature à faire
concurrence à ce journal ou à ce recueil périodique.'
Il résulte de la combinaison de ces textes que le droit de faire paraître dans plus d’un journal ou
périodique les oeuvres d’un reporter photographe était subordonné à l’existence d’une convention
expresse.
Or, le contrat de travail conclu le 27 septembre 2000, stipule une telle convention ainsi libellée :
'Le règlement de votre salaire emporte cession de plein droit au profit de notre société, au fur et à
mesure de leurs créations, de l’ensemble des droits d’exploitation, tant en France qu’à l’étranger, des
contributions que vous réaliserez dans le cadre de votre contrat de travail et qui de ce fait, pourront
être librement reproduites et représentées, traduites et/ou adaptées s’il y a lieu, dans l’ensemble des
éditions françaises et étrangères parues ou à paraître dans Tennis Magazine à travers le monde,
ainsi que les exploitations dérivées, quel qu’en soit le support (papier, vidéo électronique,
audiovisuel), les procédés d’enregistrement (hertzien, câble, satellite), ainsi que tous les supports
destinées à publicité ou à leur promotion. L’ensemble des effets de la cession visée ci-dessus survivra
à la cessation de votre contrat de travail, quelle qu’en soit la cause et ce pour toute la durée des
droits cédés.'
A compter du 14 juin 2009, date de l’entrée en vigueur de la loi n°2009-669 du 12 juin 2009, la
collaboration entre les journalistes et l’entreprise de presse qui les emploie est régie par les
dispositions de l’article L 7111-5-1 du code du travail et par des dispositions nouvelles du code de la
propriété intellectuelle.
L’article L 7111-5-1 du code du travail dispose que 'la collaboration entre une entreprise de presse
et un journaliste professionnel porte sur l’ensemble des supports du titre de presse tel que défini au
premier alinéa de l’article L 132-5 du code de la propriété intellectuelle, sauf stipulation contraire
dans le contrat de travail ou dans toute autre convention de collaboration ponctuelle'.
Les dispositions du code de la propriété intellectuelle sont les suivantes :
— article L.132-5 : 'On entend par titre de presse, au sens de la présente section, l’organe de presse à
l’élaboration duquel le journaliste professionnel a contribué, ainsi que l’ensemble des déclinaisons
du titre, quels qu’en soient le support, les modes de diffusion et de consultation. Sont exclus les
services de communication audiovisuelle au sens de l’ article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre
1986 relative à la liberté de communication.
Est assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout ou partie de son contenu par
un service de communication au public en ligne ou par tout autre service, édité par un tiers, dès lors
que cette diffusion est faite sous le contrôle éditorial du directeur de la publication dont le contenu
diffusé est issu ou dès lors qu’elle figure dans un espace dédié au titre de presse dont le contenu
diffusé est extrait. Est également assimilée à la publication dans le titre de presse la diffusion de tout
ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne édité par l’entreprise
de presse ou par le groupe auquel elle appartient ou édité sous leur responsabilité, la mention dudit
titre de presse devant impérativement figurer.'
— article L. 132-36 : 'Par dérogation à l’article L. 131-1 et sous réserve des dispositions de l’article L
121-8, la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé au sens des articles L 7111-3 et
suivants du code du travail, qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l’élaboration d’un titre de presse, et l’employeur emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à
l’employeur des droits d’exploitation des oeuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre,
qu’elles soient ou non publiées'.
— article L. 132-37 : 'L’exploitation de l’oeuvre du journaliste sur différents supports, dans le cadre
du titre de presse défini à l’article L 132-35 du présent code, a pour seule contrepartie le salaire,
pendant une période fixée par un accord d’entreprise ou, à défaut, par tout autre accord collectif, au
sens des articles L 2222-1 et suivants du code du travail. Cette période est déterminée en prenant
notamment en considération la périodicité du titre de presse et la nature de son contenu.'
Il résulte de l’article L 132-38 de ce code que l’exploitation de l’oeuvre au-delà de la période prévue
donne droit à une rémunération complémentaire et de l’article L 132-39 qu’un accord d’entreprise
peut définir une famille cohérente de presse au sein de laquelle la diffusion de l’oeuvre est possible et
ouvre droit à rémunération complémentaire.
En dernier lieu, l’article L 132-40 du code de la propriété intellectuelle dispose que 'Toute cession de
l’oeuvre en vue de son exploitation hors du titre de presse initial ou d’une famille cohérente de
presse est soumise à l’accord exprès et préalable de son auteur exprimé à titre individuel ou dans un
accord collectif, sans préjudice, dans ce deuxième cas, de l’exercice de son droit moral par le
journaliste. Ces exploitations donnent lieu à rémunération sous forme de droits d’auteur, dans des
conditions déterminées par l’accord individuel ou collectif.'
Selon l’article 20 – IV de la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009, 'Durant les trois ans suivant la
publication de la présente loi, les accords relatifs à l’exploitation sur différents supports des 'uvres
des journalistes signés avant l’entrée en vigueur de la présente loi continuent de s’appliquer jusqu’à
leur date d’échéance, sauf cas de dénonciation par l’une des parties.
Dans les entreprises de presse où de tels accords n’ont pas été conclus à la date d’entrée en vigueur
de la présente loi, les accords mentionnés à l’article L. 132-37 du code de la propriété intellectuelle
fixent notamment le montant des rémunérations dues aux journalistes professionnels en application
des articles L. 132-38 à L. 132-40 du même code, pour la période comprise entre l’entrée en vigueur
de la présente loi et l’entrée en vigueur de ces accords.'
Force est de relever que sous le régime des dispositions antérieures à la loi n° 2009-669 du 12 juin
2009, M. X a valablement consenti à la cession des droits d’exploitation des oeuvres,
prises de la date de son embauche à la date d’entrée en vigueur de la réforme des droits d’auteur, c’est
à dire au 14 juin 2009, au profit de son employeur dans les limites fixées par la stipulation
contractuelle, à savoir dans 'l’ensemble des éditions françaises et étrangères de Tennis Magazine,
ainsi que les exploitations dérivées […] ainsi que dans tous les supports destinés à leur publicité ou
à leur promotion'.
Il ne résulte pas de la stipulation ci-dessus reproduite figurant dans le contrat de travail qu’elle soit
générale, ni qu’elle contrevienne au principe de prohibition de la cession des oeuvres futures, laquelle
ne concerne que les oeuvres non déterminées ou déterminables au jour du contrat.
Sous réserve du respect des limites contractuellement définies par les parties, M. X n’est
pas fondé à reprocher à l’employeur d’exploiter ses oeuvres prises entre la date d’embauche et le 14
juin 2009, au delà de la rupture du contrat de travail. En revanche, force est de constater que les
stipulations contractuelles susvisées n’octroient pas à l’employeur la propriété exclusive des droits
d’exploitation qu’il revendique, rien n’étant dit, dans le contrat de travail, sur les droits que tient le
salarié de l’article L 121-8 du code de la propriété intellectuelle susvisé.
Pour le surplus, si l’exception que constituait le droit d’exploitation des oeuvres des journalistes est
désormais devenue le principe, c’est sous réserve toutefois d’une durée à fixer par accord d’entreprise
ou accord collectif, au delà de laquelle l’exploitation de l’oeuvre donne droit à une rémunération
complémentaire.
Or en l’espèce, il n’est ni invoqué ni établi qu’un accord est intervenu dans l’entreprise, pour régler les
modalités d’exploitation de l’oeuvre des journalistes. Pour autant, cela ne conduit pas à priver
l’employeur des droits qu’il tient des textes visés ci-dessus, et singulièrement de l’article L. 132-36.
La demande de M. X tendant à voir la cour juger qu’il est 'titulaire du droit d’auteur de ses
oeuvres créées dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, ainsi que des exploitations
associées, la société étant titulaire non exclusif du droit d’exploitation des photographies pendant la
période de la durée du contrat de travail’ n’est pas fondée. La demande formée par l’employeur
tendant à juger que 'les droits d’exploitation afférents aux photographies réalisées par M. X
durant l’exécution de son contrat de travail’ sont sa propriété exclusive ne l’est pas davantage.
L’une et l’autre partie sont en conséquence déboutées de leurs prétentions respectives.
Sur le licenciement de M. X :
Quant à l’existence d’une cause réelle et sérieuse :
M. X soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il invoque, à cet
égard :
— l’absence de cause économique, considérant que le licenciement ne repose sur aucune difficulté
économique, et qu’il n’y a pas de nécessité de réorganiser la société en vue de sauvegarder sa
compétitivité,
— la violation du cadre d’appréciation de la cause économique, qui aurait dû être appréciée au niveau
du groupe auquel appartient la société, et non de la seule société,
— l’existence d’un vice de fond ayant affecté l’entretien préalable, qui a été mené par une personne
extérieure à l’entreprise, en la personne de M. D,
— le non respect, par l’employeur, de son obligation de reclassement.
La société considère que le motif économique invoqué à l’appui du licenciement est réel et sérieux.
Elle soutient que les difficultés économiques qu’elle rencontre, et qui doivent s’apprécier uniquement
au sein de l’entreprise, la société ne faisant pas partie d’un quelconque groupe, sont réelles,
notamment en raison de résultats d’exploitation très déficitaires, ce qui l’a contrainte à supprimer le
service photographie, et donc les postes des deux salariés qui y étaient affectés, dont M. X,
pour avoir recours à des prestataires extérieurs, en fonction des besoins du magazine. Elle conteste
avoir manqué à son obligation de reclassement, dès lors qu’elle justifie qu’elle était dans
l’impossibilité de proposer au salarié un quelconque poste au titre du reclassement, en raison de la
dimension réduite de l’entreprise et de l’absence de poste disponible. Elle considère, par ailleurs, que
la procédure de licenciement est régulière, M. D ayant reçu qualité pour intervenir dans la
procédure de licenciement, et n’étant en aucun cas étranger à la société. A titre subsidiaire, elle
soutient que l’irrégularité invoquée n’est qu’une irrégularité de forme, que le salarié ne produit aucun
élément démontrant un prétendu préjudice, et qu’en conséquence, l’irrégularité invoquée ne saurait
avoir pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En vertu des l’articles L.1233-11 et L.1233-12 du code du travail, l’employeur qui envisage de
licenciement pour motif économique d’un salarié, qu’il soit individuel ou inclus dans un licenciement
collectif de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, doit obligatoirement le
convoquer à un entretien au cours duquel il lui expose les motifs de sa décision et recueille ses
explications.
La finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement
interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour conduire la
procédure de licenciement jusqu’à son terme, et le licenciement intervenu dans ces conditions est
dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il est constant et il résulte des pièces produites par les parties que, en vertu d’un mandat du président
de la société, donné le 20 juillet 2016, pour, à sa place et en son nom, recevoir M. X en
vue d’un éventuel licenciement pour cause économique, l’entretien préalable au licenciement de M.
X a été mené par M. Y D, 'assurant par l’intermédiaire de la Société SRM
Conseil la direction administrative et financière de la Société Cardmania', qui est également le
signataire de la lettre de convocation à l’entretien préalable adressée au salarié.
La société indique elle-même dans ses écritures ( page 31), que M. Y D est le président
de la société SRM Conseil 'auprès de laquelle [elle] a externalisé les services en matière
administrative, financières, juridique et informatique', ce dont il découle, nonobstant ce qu’elle
soutient, que M. D était bien étranger à la société. Le fait que, au sein des pages du
magazine, comme elle le souligne, il soit fait mention de lui en qualité de Directeur Administratif et
Financier est sans incidence, et ne suffit pas prouver que ce prestataire extérieur était
'particulièrement présent dans la société Tennis Team Agency de par la nature de sa mission, et
avait donc un lien très fort avec l’entreprise, de sorte que M. Z pouvait tout à fait lui déléguer la gestion de l’entretien préalable de M. X'. La cour relève, au surplus, qu’en toute
hypothèse, les extraits de pages produits par la société ne comportent pas de date justifiant que la
mention de M. D comme directeur administratif et financier est contemporaine du
licenciement de M. X.
Dès lors que l’entretien préalable prévu par la loi a été mené par une personne étrangère à
l’entreprise, le licenciement de M. X est sans cause réelle et sérieuse, peu important que, in
fine, la lettre de licenciement soit signée du représentant légal de la société comme le fait valoir cette
dernière.
Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a rejeté la
contestation du salarié du bien fondé de son licenciement, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les
autres moyens invoqués à l’appui de celle-ci.
Quant aux conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Le salarié sollicite, en l’absence de cause économique justifiant son licenciement, le paiement d’une
indemnité de 108 758 euros, en application de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction
applicable à l’époque du licenciement. Il souligne qu’il bénéficiait toujours des indemnités de Pôle
emploi à la date du 31 mars 2019, à la suite de son licenciement.
La société considère que les dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail doivent trouver à
s’appliquer, et qu’en l’occurrence, le salarié ne rapporte aucunement la preuve de son préjudice, alors
qu’il lui appartient d’en établir la réalité. Elle souligne qu’il a perçu plus de 69 000 euros nets dans le
cadre de son solde de tout compte, et ajoute qu’il a, postérieurement à la notification de son
licenciement, exercé une activité professionnelle au profit d’une société cliente, en violation de son
obligation contractuelle de loyauté. Enfin, elle fait valoir que le salarié n’a pas eu de difficulté pour
accomplir ses projets professionnels, à l’issue de son licenciement, puisqu’il a déposé une marque,
publié un ouvrage, effectué bon nombre de déplacements dans le monde entier pour être présent à
des tournois majeurs de tennis, et qu’enfin, il vend ses photographies sur son site internet et auprès
d’agences photographiques.
Les dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance
n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, sont applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux
ans d’ancienneté, et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de
onze salariés. C’est à l’employeur qu’il appartient de démontrer que la condition d’effectif de
l’entreprise est satisfaite ou non au jour du licenciement du salarié. Or en l’espèce, la société ne
démontre en rien que son effectif était de moins de onze salariés lors de la notification à M.
X de la rupture de son contrat de travail. La cour relève qu’aux termes du courrier qu’elle a
adressé elle-même à la DIRECCTE le 17 octobre 2016 ( sa pièce n°5), la société fait mention d’un
effectif total de 11 salariés.
Le salarié, dont l’ancienneté est supérieure à deux années dans une entreprise employant plus de dix
salariés, est en droit d’obtenir, conformément à l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa
rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, une indemnité qui ne peut
être inférieure aux six derniers mois de salaire, au titre de son licenciement sans cause réelle et
sérieuse.
Compte tenu, notamment, de l’ancienneté de M. X dans l’entreprise, de son âge lors de la
rupture du contrat de travail, de sa situation professionnelle postérieure à la rupture, telle qu’elle
ressort des éléments soumis à la cour, le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et
sérieuse doit être fixé à la somme de 45 000 euros.
La société sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme, et par ailleurs, en
application de l’article L. 1235-4 du code du travail, devra rembourser aux organismes concernés,
parties au litige par l’effet de la loi, les indemnités de chômage qu’ils ont versées au salarié à compter
du jour de son licenciement, jusqu’au jour de l’arrêt prononcé et ce à concurrence de six mois.
Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de consultation des délégués du
personnel :
Le salarié sollicite une somme de 4 532 euros, sur le fondement de l’article L.1235-15 du code du
travail. Il fait valoir que l’employeur aurait dû mettre en place des délégués du personnel, dans la
mesure où les conditions de l’article L.2312-1 du code du travail étaient remplies. En effet, la société
comptait au sein de ses effectifs, au jour des licenciements, plus de dix salariés, dépassant ainsi le
seuil fixé par l’article L.2312-1 du code du travail. Cet effectif a en outre été atteint au moins douze
mois au cours des trois dernières années, conformément à l’article L.2312-2 du code du travail,
comme en témoignent les annexes des bilans et des comptes de résultat de la société.
La société souligne que le salarié n’a jamais usé de la faculté dont il disposait de demander à
l’employeur d’organiser des élections. Elle soutient que ce n’est que jusqu’en 2015 que l’effectif de
l’entreprise était supérieur à 11 salariés, et qu’il ne l’était plus à compter de cette date.
A la supposer établie, l’omission d’organiser tous les quatre ans les élections professionnelles au sein
de l’entreprise est imputable à M. E X, précédent président de la société, qui semble
n’avoir pas respecté son obligation légale. Enfin, elle considère que le salarié, dès lors qu’il n’a fait
aucune demande d’organisation des élections, ne saurait valablement se prévaloir d’un quelconque
préjudice en la matière, et qu’il ne produit aucun élément susceptible de démontrer un prétendu
préjudice, alors qu’il lui incombe d’en démontrer l’existence.
Aux termes de l’article L.1235-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, est
irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité
d’entreprise ou les délégués du personnel n’ont pas été mis en place alors qu’elle est assujettie à cette
obligation et qu’aucun procès verbal de carence n’a été établi. Le salarié a droit à une indemnité à la
charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des
indemnités de licenciement et de préavis.
Il est constant qu’il n’existait pas de représentants du personnel dans l’entreprise lors du licenciement
de M. X, et il n’est justifié d’aucun procès-verbal de carence.
En vertu des articles L.2312-1 et L.2312-2 du code du travail, dans leur rédaction résultant de la loi
n°2012-387 du 22 mars 2012, la mise en place de délégués élus par le personnel est obligatoire dans
tous les établissements d’au moins onze salariés, lorsque l’effectif d’au moins onze salariés est atteint
pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes.
Les annexes au compte de résultat de l’année 2016, produites par le salarié, et non utilement
contestées par l’employeur, mentionnent un effectif de 14 salariés au 30 septembre 2009, 13 au 30
septembre 2013, 13 au 30 septembre 2014, 12 au 31 décembre 2015 et 10 au 31 décembre 2016,
étant observé que la société confirme dans ses écritures ( page 3) l’effectif de 12 salariés lors de son
acquisition par la société Alvaba Medias, et que, comme indiqué ci-dessus, elle annonçait un effectif
total de 11 salariés le 17 octobre 2016.
Il découle de ces éléments que l’effectif de la société a bien été d’au moins onze salariés pendant
douze mois, au cours des trois années précédant la période considérée.
L’employeur, qui était de ce fait dans l’obligation d’organiser des élections professionnelles, ne peut
utilement s’exonérer de son obligation en invoquant la carence du précédent dirigeant, ou l’inertie du
salarié.
L’employeur qui met en oeuvre une procédure de licenciement économique, alors qu’il n’a pas
accompli, bien qu’il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions
représentatives du personnel et sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute
qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de
leurs intérêts. Contrairement à ce que soutient la société, le salarié n’a pas à démontrer la réalité d’un
préjudice pour pouvoir prétendre à l’indemnisation prévue par le texte susvisé.
Le jugement du conseil de prud’hommes est donc infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa
demande indemnitaire, et il est alloué à celui-ci une somme de 4 532 euros au titre de l’irrégularité de
la procédure de licenciement résultant de l’absence de consultation des délégués du personnel.
Sur la demande de dommages et intérêts pour absence d’organisation d’élections
professionnelles :
Le salarié sollicite l’indemnisation du préjudice causé par la carence fautive de l’employeur, tenant à
l’absence d’organisation d’élections professionnelles, à hauteur de 2 000 euros. Il fait valoir que la
présence de délégués du personnel dans l’entreprise aurait pu conduire l’employeur à respecter la
procédure de licenciement, et que ces délégués auraient été consultés sur le projet de licenciement
pour motif économique. Il n’a donc pas pu bénéficier de l’appui technique et moral de délégués du
personnel à l’occasion de son licenciement.
Comme déjà indiqué, l’employeur aurait dû organiser des élections des représentants du personnel,
l’effectif requis par la loi étant atteint.
Toutefois, le salarié ne justifie pas qu’il a subi un préjudice effectif du fait de cette absence, distinct
de celui déjà réparé sur le fondement de l’article L.1235-15 du code du travail. En conséquence, sa
demande indemnitaire ne peut prospérer, et le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé en
ce qu’il l’en a débouté.
Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d’application de la convention collective
des journalistes :
Le salarié reproche à son employeur de ne pas avoir appliqué la convention collective des
journalistes, de sorte qu’il n’a pas été en mesure de bénéficier des dispositions de celle-ci.
L’employeur n’a pas appliqué l’article 4 de la convention, dans la mesure où il n’a jamais entendu
respecter son obligation relative à la mise en place des délégués du personnel. En outre, aucun
accord collectif d’entreprise, tel que prévu par les articles L.132-38, L.132-39 et L.132-40 du code de
la propriété intellectuelle n’est venu préciser les contours des différentes rémunérations perçues par
les journalistes professionnels de la société, alors même qu’il s’agissait d’une obligation légale et
d’une obligation conventionnelle pour l’employeur, dès lors que celui-ci emploie des journalistes au
sens des articles L.7111-3 et suivants du code du travail. Il sollicite, à titre de dommages et intérêts,
une somme de 4 532 euros, après infirmation du jugement qui ne lui a alloué qu’une somme de 1 000
euros à ce titre.
La société conclut à l’infirmation du jugement, et au rejet de la demande indemnitaire. Elle considère
que le salarié ne s’explique ni sur le fondement de sa demande ni sur son quantum. Elle soutient que
contrairement à ce qu’il prétend, la convention collective des journalistes s’est appliquée pleinement
aux relations contractuelles.
L’article 4 de la convention collective énonce que :
'Les dispositions relatives aux comités d’entreprise, aux délégués du personnel et aux représentants
syndicaux feront l’objet d’accords particuliers qui tiendront compte de la spécificité du journaliste
dans l’entreprise de presse.
Tant pour les délégués du personnel que pour les membres du comité d’entreprise, la répartition des
sièges fait l’objet d’un accord entre le chef d’entreprise et les organisations syndicales intéressées.'
Il est établi que l’employeur a manqué à son obligation de mettre en place des institutions
représentatives du personnel. De ce fait, les dispositions de la convention collective relatives à ces
institutions n’ont pas non plus été respectées. Toutefois, le salarié ne rapporte pas la preuve de la
réalité d’un préjudice subi à ce titre, qui n’ait pas déjà été réparé par les dommages et intérêts alloués
ci-dessus.
Par ailleurs, le salarié ne rapporte pas la preuve de la réalité d’un préjudice subi, en lien avec une
omission de l’employeur d’appliquer la convention collective, résultant de l’absence d’accord
d’entreprise ou d’accord collectif concernant la rémunération de l’exploitation de son oeuvre. Il
n’indique pas non plus en quoi consiste le préjudice invoqué.
En l’absence de preuve d’un préjudice, le salarié ne peut prétendre à des dommages et intérêts. Le
jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il lui a alloué une somme à ce titre, et le salarié est
débouté de sa demande indemnitaire.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les dépens sont à la charge de la société, partie condamnée.
La société sera condamnée à régler au salarié une somme totale de 3 000 euros, au titre des frais
irrépétibles qu’il a exposés en première instance et en appel, et sera déboutée de sa propre demande à
ce titre.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 6 septembre 2018 par le conseil de prud’hommes de
Boulogne-Billancourt (section encadrement), sauf en ce qu’il a :
— déclaré irrecevables les demandes de dommages et intérêts de M. X pour rétrogradation
injustifiée et pour violation de la clause de confidentialité d’un protocole transactionnel,
— débouté M. X de sa demande de dommages et intérêts pour absence d’organisation des
élections des délégués du personnel,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
Dit que la demande de dommages et intérêts de M. X au titre de la non-application
volontaire de la convention collective est recevable,
Rejette l’exception d’incompétence de la présente cour pour connaître de la demande de la société
Tennis Team Agency relative à la propriété des photographies créées dans le cadre de l’exécution de
son contrat de travail,
Dit que la rupture du contrat de travail est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Tennis Team Agency à verser à M. X les sommes de :
— 45 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
— 4 532 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement
résultant de l’absence de consultation des délégués du personnel,
Ordonne à la société Tennis Team Agency de rembourser aux organismes concernés les indemnités
de chômage qu’ils ont versées à M. X à compter du jour de son licenciement, jusqu’au jour
du présent arrêt, et ce à concurrence de six mois,
Déboute M. X de sa demande de dommages et intérêts pour défaut d’application de la
Déboute la société Tennis Team Agency de sa demande tendant à voir juger que les droits
d’exploitation afférents aux photographies réalisées par M. X durant l’exécution de son
contrat de travail sont la propriété exclusive de la société Tennis Team Agency conformément aux
dispositions du contrat de travail ;
Déboute M. X de sa demande tendant à voir dire qu’il est titulaire du droit d’auteur de ses
'uvres créées dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, ainsi que des exploitations
associées, la société Tennis Team Agency étant titulaire non exclusif du droit d’exploitation des
photographies pendant la période de la durée du contrat de travail,
Déboute la société Tennis Team Agency de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure
civile,
Condamne la société Tennis Team Agency aux dépens, et à régler à M. X une somme de 3
000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de
procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier,
auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
CA Paris, Pôle 5, Ch. 1, 25 janvier 2023, n° 19/15256 La clause de cession de droits d'auteur sur les créations d'un salarié « au fur et à mesure de leur réalisation », contenue au sein de son contrat de travail, n'est pas contraire à la prohibition de cession globale des œuvres futures (article L.131-1 du Code de la propriété intellectuelle) selon la Cour d'appel. Une styliste a conclu un contrat de travail en tant que « styliste-directrice artistique » avec une maison de mode, comprenant une clause de cession à titre exclusif « de l'ensemble de ses droits de propriété intellectuelle …